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CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 7 mai 2025

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 7 mai 2025
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 4e ch. civ.
Demande : 23/04194
Date : 7/05/2025
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 10/08/2023
Décision antérieure : TJ Perpignan, 6 juillet 2023 : RG n° 19/01632
Décision antérieure :
  • TJ Perpignan, 6 juillet 2023 : RG n° 19/01632
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23810

CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 7 mai 2025 : RG n° 23/04194 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « 12. Le visa de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans le dispositif des écritures de Mme Y. résulte manifestement d'une erreur matérielle, l'article applicable étant le L. 332-1 du code de la consommation. »

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 7 MAI 1985

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/04194. N° Portalis DBVK-V-B7H-P5WA. Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 juillet 2023, Tribunal judiciaire de Perpignan - N° RG 19/01632.

 

APPELANTE :

La Société Anonyme Coopérative de Banque Populaire à capital variable Banque Populaire du Sud

immatriculée au RCS de PERPIGNAN sous le n° XXX, et pour elle son représentant légal en exercice, dont le siège social est [Adresse 3], [Localité 4], Représentée sur l'audience par Maître Marjorie AGIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituant Maître Harald KNOEPFFLER de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

 

INTIMÉE :

Madame X. épouse Y.

née le [Date naissance 1] à [Localité 7], de nationalité Française, [Adresse 2], [Localité 5], Représentée par Maître Cécile PARAYRE-ARPAILLANGE, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 mars 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, M. Philippe BRUEY, Conseiller, Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT

ARRÊT : - contradictoire ; - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; - signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

1. Par acte du 16 septembre 2016, la Banque Populaire du Sud (ci-après la banque) a consenti à la SAS Z., dont M. Y. est le président, un prêt d'un montant de 133.000 euros destiné à l'acquisition d'un fonds de commerce avec la caution solidaire de chacun des époux Y. à hauteur de 172 900 euros.

2. A la suite de la liquidation judiciaire de la société Z., la banque a déclaré sa créance le 23 octobre 2018 et a mis en demeure Mme Y. de régler les sommes dues en sa qualité de caution.

3. C'est dans ce contexte que par acte du 29 avril 2019, la banque a assigné M. Y. à comparaître devant le tribunal de commerce de Perpignan afin de le voir condamner à lui régler la somme de 108 274,51 euros.

4. Par acte du même jour, la banque a assigné Mme Y. devant le tribunal judiciaire de Perpignan pour obtenir sa condamnation au paiement des mêmes sommes.

5. Par jugement du 9 juin 2020, le tribunal de commerce a déclaré l'engagement de caution de M. Y. disproportionné et a débouté la banque de ses demandes ; décision qui a été confirmée par l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier le, 13 septembre 2022.

6. Par jugement du 6 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Perpignan a :

- Dit que l'engagement de caution personnelle de Mme Y. est disproportionné,

En conséquence a,

- Débouté la banque de l'ensemble de ses demandes,

- Condamné la banque à payer à Mme Y. la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejeté la demande de la banque sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la banque aux entiers dépens.

7. La Banque a relevé appel de ce jugement le 10 août 2023.

 

PRÉTENTIONS :

8. Par dernières conclusions remises par voie électronique le 15 avril 2024, la banque demande en substance à la cour, au visa des articles 1134,1147, 1905 et suivants, 2288 et suivants du code civil, de :

- Infirmer et réformer le jugement du 6 juillet 2023 en toutes ses dispositions,

- Débouter Mme Y. de l'intégralité de ses demandes,

- Condamner Mme Y. à lui verser :

- 108 274,51 euros, outre intérêts au taux contractuel de 3,65% à compter du 12 avril 2019 au titre du prêt 08695874 du 15 septembre 2016 en vertu de son engagement de caution solidaire du 16 septembre 2016 et dans la limité de 172 900 euros,

- 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Mme Y. aux entiers dépens de première instance et d'appel.

9. Par dernières conclusions remises par voie électronique le 15 janvier 2025, Mme Y. demande en substance à la cour, au visa de l'article L132-1 du code de la consommation, de :

* Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Juger que l'engagement de caution de Mme Y. était disproportionné,

* Ce faisant confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la banque de l'intégralité de ses demandes,

En conséquence,

* Débouter la banque de sa demande de condamnation à son encontre au paiement de la somme de 108 274,51 euros outre intérêts au taux contractuel de 3,65% à compter du 12 avril 2019 au titre du prêt 08695874 du 15 septembre 2016 en vertu de son engagement de caution solidaire du 16 septembre 2016 et dans la limité de 172 900 euros,

* Débouter la banque de sa demande de condamnation à son encontre au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* Condamner la banque aux entiers dépens de première instance et d'appel.

10. Vu l'ordonnance de clôture du 10 février 2025.

11. Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

12. Le visa de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans le dispositif des écritures de Mme Y. résulte manifestement d'une erreur matérielle, l'article applicable étant le L. 332-1 du code de la consommation.

Aux termes de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L.343-4, du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement qu'il incombe à la caution de rapporter, s'apprécie au regard de l'ensemble des engagements souscrits par cette dernière d'une part, de ses biens et revenus d'autre part, sans tenir compte des revenus escomptés de l'opération garantie, mais en fonction de tous les éléments du patrimoine et pas seulement de ses revenus.

13. Il appartient à la caution, qui l'invoque, de démontrer l'existence de la disproportion manifeste de son engagement, au moment de la conclusion de celui-ci.

14. Il convient tout d'abord de rappeler que la banque n'a pas d'obligation d'exiger une fiche de renseignement patrimonial et que la banque, tenue de s'enquérir de la situation patrimoniale de la caution, est en droit de se fier aux informations que celle-ci lui fournit en l'absence d'anomalie apparente et elle n'a pas à vérifier l'exactitude de ces déclarations.

15. Dans ce cas, la caution ne sera alors pas admise à établir, devant le juge, que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle avait déclarée à la banque.

16. En revanche, en présence d'anomalie apparente, ou lorsque la caution n'a déclaré aucun élément sur sa situation patrimoniale à la banque lors de son engagement, notamment parce que cette dernière ne lui a rien demandé, la caution est libre de démontrer, devant le juge, quelle était sa situation financière réelle lors de son engagement. Elle peut aussi opposer à la banque les éléments non déclarés dont celle-ci avait connaissance.

17. Le caractère manifestement disproportionné s'apprécie en prenant en considération tous les éléments du patrimoine et pas uniquement les revenus de la caution. Il s'agit d'analyser l'endettement global de la caution au moment où cet engagement est consenti.

18. En l'espèce, les époux Y. étaient mariés sous le régime de la séparation des biens. Dès lors, l'évaluation de la disproportion de l'engagement d'une caution mariée s'apprécie au regard de ses revenus et biens personnels, comprenant sa quote-part dans les biens indivis.

19. La banque soutient que Mme Y. demeure silencieuse quant à la composition de son patrimoine immobilier, mobilier et financier notamment en ce qui concerne le bien situé à [Localité 6], déclaré par son époux. Toutefois, l'intimée produit deux attestations notariées (pièces 10 et 11) attestant que M. Y. était l'unique acquéreur et vendeur de cet immeuble. De plus, elle verse aux débats un tableau d'amortissement du prêt (pièce 12), sur lequel seul le nom de M. Y. apparaît.

20. Par ailleurs, Mme Y. communique une déclaration de situation patrimoniale précisant ses revenus mensuels, composés de 1 181,64 euros de salaire et 710,60 euros versés par la Caisse d'allocation familiales (CAF), tout en confirmant l'absence de tout bien immobilier en sa possession.

21. Concernant la cession du fonds de commerce, le document de cession produit mentionne un apport global de 32 787 euros, sans préciser la part apportée individuellement par chacun des époux. En conséquence, il convient de retenir une contribution par moitié. En outre, le résultat d'exploitation arrêtée au 30 septembre 2015 s'élève à 2 684 euros, ce qui témoigne d'une valeur négligeable des actions détenues. Ainsi, au vu de ces éléments, Mme Y. ne disposait pas d'actions d'une valeur suffisante pour lui permettre de faire face à son engagement en tant que caution. En effet, Mme Y. s'est engagée à hauteur de 172 900 euros sur une période de couverture de 108 mois, ce qui représente un taux d'endettement largement supérieur à 33% au regard de ses revenus et de son patrimoine.

22. Il doit en conséquence être considéré que l'engagement de caution de Mme Y. était manifestement disproportionné au jour de son engagement, ne pouvant faire face avec ses revenus disponibles au montant de son engagement de caution, étant rappelé qu'elle ne disposait d'aucun patrimoine.

23. La banque ne démontre pas, qu'au jour où elle a appelé la caution, Mme Y. était en mesure d'honorer son engagement. Si celle-ci a acquis, le 28 février 2017, un bien immobilier en indivision avec M. Y. pour un montant de 125.000 euros, l'argument avancé par la banque quant à la revalorisation de ce bien ne saurait être retenu en l'absence d'éléments probants, précis et certains.

24. S'agissant de la valeur des actions, la société Z. a fait l'objet d'une liquidation judiciaire en 2018, soit seulement deux ans après l'acquisition du fond de commerce, ce qui traduit ses difficultés financières et conforte l'idée d'une valeur résiduelle minime desdites actions.

25. Enfin, l'avis d'imposition de Mme Y., établi en 2020 sur les revenus de 2019, année au cours de laquelle elle a été appelée en garantie, fait apparaître un revenu annuel de 10 270 euros, soit 855 euros par mois.

26. En conséquence, la banque ne peut se prévaloir de l'engagement de la caution du 16 septembre 2016 et sa demande de paiement sera rejetée.

27- Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la banque supportera les dépens d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant contradictoirement,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la Banque Populaire du Sud de l'ensemble de ses demandes,

Condamne la banque Populaire du Sud aux dépens d'appel,

Condamne la Banque Populaire du Sud à payer à Mme Y. la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT