CA NÎMES (1re ch.), 24 avril 2025
- TJ Nîmes (Jcp), 28 mars 2023 : RG n° 23/00126 ; Dnd - CA Nîmes 14 novembre 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 23814
CA NÎMES (1re ch.), 24 avril 2025 : RG n° 23/01659
Publication : Judilibre
Extrait : « Le juge est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose.
La cour a soulevé d'office la question du caractère abusif de la clause contractuelle rappelée ci-dessus, dans la mesure où la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement.
Néanmoins, cette décision a été rendue dans une affaire relative à un crédit immobilier, où la déchéance du terme ne peut être prononcée qu'au vu d'une clause résolutoire prévue au contrat, en l'absence de disposition légale le permettant.
Au contraire, l'article L. 312-39 du code de la consommation, applicable aux crédits à la consommation, dispose qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés.
Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.
En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil est fixée suivant un barème déterminé par décret.
Dès lors qu'en matière de crédit à la consommation, la loi elle-même prévoit que le prêteur peut exiger un tel remboursement sans délai, la clause contractuelle qui prévoit un délai de 15 jours entre la mise en demeure restée infructueuse et la déchéance du terme, plus favorable que la loi, n'est pas abusive.
Il en résulte qu'en l'absence de régularisation dans le délai imparti, ainsi qu'il ressort de l'historique du compte, la banque a régulièrement pu prononcer la déchéance du terme. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NÎMES
PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 24 AVRIL 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 23/01659. N° Portalis DBVH-V-B7H-I2E3. Décision déférée à la cour : jugement du juge des contentieux de la protection de Nîmes en date du 28 mars 2023, RG n° 23/00126.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Mme Audrey Gentilini, conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, Mme Alexandra Berger, conseillère, Mme Audrey Gentilini, conseillère
GREFFIER : Mme Audrey Bachimont, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS : A l'audience publique du 13 mars 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 avril 2025. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
La Sa CAISSE D'ÉPARGNE Languedoc-Roussillon,
prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité [Adresse 3], [Localité 5], Représentée par Maître Laure Reinhard de la Scp Rd Avocats & Associes, plaidante/postulante, avocat au barreau de Nîmes
INTIMÉ :
M. X.
né le [Date naissance 1] à [Localité 6], [Adresse 2], [Localité 4], Assigné à étude le 8 juin 2023, Sans avocat constitué
ARRÊT : Arrêt rendu par défaut, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 24 avril 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Selon offre acceptée le 6 novembre 2020, la Caisse d'Epargne Languedoc-Roussillon a consenti à M. X. un contrat de prêt aux fins de regroupement de crédits d'un montant de 32.000 euros pour une durée de 96 mois au taux de 3,81%.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 2 mai 2022, elle l'a mis en demeure de régler la somme de 3.061,93 euros correspondant au montant des échéances impayées à cette date.
Par acte du 19 décembre 2022, elle l'a ensuite assigné afin d'obtenir le paiement de la somme de 29.909,95 euros avec intérêts au taux contractuel depuis le 24 mai 2022 devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nîmes qui par jugement réputé contradictoire du 28 mars 2023 :
- a déclaré sa demande recevable,
- a condamné M. X. à lui payer la somme totale de 3.192,56 euros sans intérêts ni indemnités,
- a rejeté le surplus de ses prétentions,
- a condamné M. X. aux entiers dépens de la procédure et à lui payer la somme de 300 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- a rejeté le surplus des demandes,
- a rappelé le caractère exécutoire de sa décision.
La Caisse d'Epargne Languedoc-Roussillon a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 15 mai 2023.
Par arrêt du 14 novembre 2024, la cour d'appel de Nîmes :
- a annulé ce jugement,
Evoquant
- a ordonné la réouverture des débats à l'audience du jeudi 13 mars 2025 à 08h30,
- a invité la Caisse d'Epargne Languedoc-Roussillon à présenter ses observations sur le moyen relevé d'office tiré du caractère abusif de la clause de résiliation de plein droit du contrat en cas de défaut de paiement dans le délai de quinze jours des sommes réclamées,
- a réservé l'ensemble des demandes et des dépens.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS
Au terme de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 4 février 2025, la Caisse d'Epargne Languedoc-Rousillon demande à la cour :
Vu l'arrêt mixe du 14 novembre 2024 ayant annulé le jugement,
Statuant à nouveau
- de juger que la déchéance du terme est acquise,
- de prononcer la résiliation du contrat de prêt,
- de condamner M. X. à lui payer la somme de 29.909,95 euros outre les intérêts au taux conventionnel de 3,81 % depuis le 24 mai 2022, jusqu'à complet paiement,
A titre subsidiaire
- de condamner M. X. à lui payer la somme de 15.962,80 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 3,81 % depuis le 24 mai 2022 jusqu'à complet paiement, et à tout le moins de l'intérêt au taux légal,
En tout état de cause
- de condamner M. X. à lui payer la somme de 1.400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'appelante soutient :
- que la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne en matière de clauses abusives ne concerne que les crédits immobiliers,
- que la clause n'est pas abusive puisque la déchéance du terme n'a été prononcée que plus de 20 jours après la lettre de mise en demeure préalable, laissant ainsi la possibilité au client de régulariser sa situation,
- qu'indépendamment de toute clause contractuelle, le prêteur est fondé à exiger le remboursement immédiat du capital restant en cas de défaillance de l'emprunteur conformément aux dispositions l'article L. 312-39 du code de la consommation applicable en matière de crédit à la consommation,
- subsidiairement, que l'inexécution de l'obligation principale de remboursement justifie que le contrat soit résolu,
- plus subsidiairement, qu'elle n'a commis aucune faute de nature à entraîner la déchéance de son droit aux intérêts.
[*]
La déclaration d'appel a été signifiée à M. X., intimé défaillant, le 8 juin 2023, et les dernières conclusions le 27 février 2025.
[*]
Il est expressément fait renvoi aux dernières écritures de l'appelante pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément aux dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION :
Demande en paiement :
Selon l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Le contrat de prêt prévoit ici en son paragraphe IV-9 « le contrat sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles sans qu'il soit besoin d'autre formalité qu'une simple notification préalable faite à l'emprunteur dans l'un ou l'autre des cas suivants : défaut de paiement des sommes exigibles en capital, intérêts et accessoires, quinze jours après mise en demeure (…) ».
La banque devait dès lors, pour pouvoir se prévaloir de la déchéance du terme du contrat, adresser une mise en demeure à l'emprunteur, ce qu'elle ne conteste pas.
Elle verse aux débats une lettre recommandée (non réclamée) datée du 2 mai 2022, mettant en demeure celui-ci de payer sous huit jours la somme de 3.016,93 euros correspondant aux échéances impayées majorées des indemnités légales précisant « à défaut de règlement, nous serons contraints de transmettre votre dossier à notre service contentieux en vue d'engager une procédure judiciaire à votre encontre pour le recouvrement de l'intégralité du solde de votre crédit, soit à ce jour la somme de 30.035,77 euros, qui sera majorée des indemnités légales, intérêts de retard, et frais de justice ».
Ce courrier ne mentionne pas expressément qu'à défaut de paiement dans ce délai, la déchéance du terme sera prononcée et ne fait qu'indiquer qu'en l'absence de paiement, elle introduira une procédure judiciaire.
Toutefois, en précisant que dans cette hypothèse, elle réclamera l'intégralité du solde du crédit, elle a suffisamment interpellé son débiteur sur la nécessité de régulariser sa situation et les conséquences engendrées par son éventuelle défaillance.
Aux termes de l'article L. 212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Le juge est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose.
La cour a soulevé d'office la question du caractère abusif de la clause contractuelle rappelée ci-dessus, dans la mesure où la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement.
Néanmoins, cette décision a été rendue dans une affaire relative à un crédit immobilier, où la déchéance du terme ne peut être prononcée qu'au vu d'une clause résolutoire prévue au contrat, en l'absence de disposition légale le permettant.
Au contraire, l'article L. 312-39 du code de la consommation, applicable aux crédits à la consommation, dispose qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés.
Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.
En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil est fixée suivant un barème déterminé par décret.
Dès lors qu'en matière de crédit à la consommation, la loi elle-même prévoit que le prêteur peut exiger un tel remboursement sans délai, la clause contractuelle qui prévoit un délai de 15 jours entre la mise en demeure restée infructueuse et la déchéance du terme, plus favorable que la loi, n'est pas abusive.
Il en résulte qu'en l'absence de régularisation dans le délai imparti, ainsi qu'il ressort de l'historique du compte, la banque a régulièrement pu prononcer la déchéance du terme.
Au vu des pièces justificatives produites, savoir le contrat de prêt, le tableau d'amortissement, la mise en demeure et l'historique des règlements, M. X. est condamné au paiement de la somme de 29.909,95 euros arrêtée au 24 mai 2022 avec intérêts au taux contractuel de 3,81% sur la somme de 26 717,39 euros à compter du 24 mai 2022 et au taux légal sur le surplus.
Autres demandes :
L'intimé, qui succombe, est condamné aux dépens de l'entière procédure de première instance et d'appel.
Il est en outre condamné à payer à l'appelante la somme de 1 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Condamne M. X. à payer à la Caisse d'Epargne Languedoc Roussillon la somme de 29.909,95 euros arrêtée au 24 mai 2022 avec intérêts au taux contractuel de 3,81% sur la somme de 26.717,39 euros et au taux légal sur le surplus à compter du 24 mai 2022,
Condamne M. X. aux dépens de la procédure d'appel,
Le condamne à payer à la Caisse d'Epargne Languedoc-Roussillon la somme de 1.400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,