CA ORLÉANS (ch. com.), 24 avril 2025
- TJ Montargis, 23 mars 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 23818
CA ORLÉANS (ch. com.), 24 avril 2025 : RG n° 23/01140 ; arrêt n° 96-25
Publication : Judilibre
Extrait : « L'article XI de ces conditions générales paraphées et signées par M. et Mme X., intitulé « exigibilité anticipée - défaillance de l'emprunteur - clause pénale », comporte une clause de déchéance du terme rédigée ainsi qu'il suit : « Le contrat de prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement et intégralement exigibles, huit jours après une simple mise en demeure adressée à l'emprunteur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par acte extrajudiciaire mentionnant l'intention du prêteur de se prévaloir de la clause de résiliation dans l'un ou l'autre des cas mentionnés ci-après, l'emprunteur ne pouvant opposer aucune exception, pas même celle du paiement des intérêts échus : 1) De plein droit dans les cas suivants : [les cas envisagés sont tous étrangers au présent litige] 2) Au gré du prêteur ['] dans les cas suivants : - […] - défaut de paiement de tout ou partie des échéances à leur date ou de toute somme avancée par le prêteur [...] ».
Les premiers courriers datés du 31 août 2020, adressés à chacun de M. et Mme X. sous plis recommandés réceptionnés le 2 septembre suivant, les mettaient en demeure de régler dans un délai de quinze jours la somme de 5'238,51 euros présentée comme « le solde débiteur de leurs prêts immobiliers n° 9/7880 et 9/7884 » et leur indiquaient : « à défaut de règlement, nous considérerons l'absence de règlement de votre part comme un refus de paiement et nous nous verrons contraints d'envisager le recouvrement de notre créance par tout moyen de droit approprié et notamment par voie de saisie, tous frais à votre charge, sans autre avis, ni délai ». Ces courriers, qui ne faisaient référence au recouvrement d'aucune autre somme que le solde débiteur des prêts litigieux, ne mentionnaient pas l'intention de la société CIFD de se prévaloir de la clause de résiliation anticipée, au sens de l'article XI des conditions générales précité. Par courrier du 7 octobre 2020, adressé sous pli recommandé réceptionné le 9 octobre suivant, la société CIFD a mis en demeure Mme X. de lui régler, « sous huit jours au plus tard », la somme de 5.921,26 euros « au titre de l'arriéré des échéances des prêts litigieux », en lui indiquant : « à défaut de règlement de celle-ci avant l'expiration de ce délai, vos prêts deviendront alors intégralement exigibles par application du contrat de prêt, sans autre démarche de notre société ».
Même à admettre, en dépit de la stipulation contradictoire du prêt selon laquelle M. et Mme X. ont agi « conjointement et solidairement », que ceux-ci se sont engagés solidairement de sorte que la mise en demeure adressée à Mme X. a produit effet à l'égard de M. X., le délai de seulement huit jours laissé aux emprunteurs par l'article XI précité pour faire obstacle à l'exigibilité anticipée du prêt n'apparaît pas un délai raisonnable au regard de l'aggravation des conditions de remboursement auxquels les emprunteurs se trouvent ainsi soudainement exposés. Outre que cette clause de déchéance du terme insérée aux conditions générales des prêts litigieux répond à la définition des clauses abusives de l'article L. 132-1 du code de la consommation qui, en tant que telles, sont réputées non-écrites, la déchéance du terme est en toute hypothèse irrégulière, au cas particulier, puisqu'il résulte du décompte produit en pièce 7, corroboré par celui figurant en page 3 de la requête à fin d'autorisation d'inscription d'hypothèque judiciaire, communiquée en pièce 10, que la société CIFD a résilié ses concours dès le 7 octobre 2020, sans même respecter le délai de huit jours qu'elle avait indiqué laisser à Mme X.
Il s'en infère que les demandes en paiement du capital de chacun des deux prêts litigieux rendu exigible par anticipation le 7 octobre 2020 ne peuvent qu'être déclarées irrecevables, comme les demandes en paiement de l'indemnité de 7 % prévue en cas d'exigibilité anticipée et que M. et Mme X. ne peuvent être tenus qu'au paiement des mensualités échues et impayées au 7 octobre 2020.
Dès lors que les articles L. 311-8 et suivants du code de la consommation en vertu desquels le premier juge a déchu la société CIFD de son droit aux intérêts ne s'appliquent qu'aux crédits à la consommation, et non aux prêts immobiliers de la nature de ceux souscrits par M. et Mme X., il n'y a pas lieu, en l'espèce, de priver l'appelante des intérêts, étant si besoin rappelé que, comme son nom l'indique, le prêt n° 900000000007884 « à taux zéro » est un prêt exempt d'intérêts conventionnels auquel ne s'appliquent pas, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le taux des intérêts prévu au prêt n° 900000000007880. Au vu du dernier décompte produit en pièce 7, arrêté au 12 avril 2021, les échéances restées impayées au 7 octobre 2020 s'élèvent à 461,48'euros sur le prêt à taux zéro n° 900000000007884 et à 5'459,78'euros sur le prêt n° 900000000007880.
Il en résulte que, par infirmation du jugement déféré, M. et Mme X., qui ne justifient d'aucun paiement ni d'aucun fait libératoires au sens du 2e alinéa de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, seront solidairement condamnés à payer à la société CIFD les sommes sus-énoncées de 461,48 et 5.459,78 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 octobre 2020 sur la première de ces sommes et au taux conventionnel révisé de 1,35'% l'an à compter du 8 octobre 2020 sur la seconde.
Dès lors que l'article L. 312-23 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, prévoit qu'aucune indemnité ni aucun autre coût que ceux qui sont mentionnés à l'article L. 312-22 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur en cas de défaillance de sa part, hormis les frais taxables justifiés, la demande de capitalisation des intérêts, qui n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 312-22, ne peut qu'être rejetée, par confirmation du jugement entrepris. »
COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
ARRÊT DU 24 AVRIL 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/01140. Arrêt n° 96-25. N° Portalis DBVN-V-B7H-GY7W.
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 8] en date du 23 mars 2023.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: XXX
La SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT
Représentée par son représentant légal en exercice domicilié audit siège social en cette qualité de droit, [Adresse 3], [Localité 6], Ayant pour avocat postulant Maître Cécile BOURGON membre de la SELARL INTER BARREAUX LAVILLAT-BOURGON, avocat au barreau de MONTARGIS et ayant pour avocat plaidant Maître Mathieu ROQUEL membre de la SCP AXIOJURIS LEXIENS, avocat au barreau de LYON, D'UNE PART
INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°: -/-
Monsieur X.
né le [Date naissance 2] à [Localité 7] (pays), [Adresse 4], [Localité 5], Défaillant
Madame Y. épouse X.
née le [Date naissance 1] à [Localité 7] (pays), [Adresse 4], [Localité 5], Défaillante
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 24 avril 2023
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 16 janvier 2025
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du JEUDI 06 FEVRIER 2025, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 805 du code de procédure civile.
Lors du délibéré : Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller.
Greffier : Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats, Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt de défaut le JEUDI 24 AVRIL 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon offres préalables acceptées le 29 novembre 2010, la société Crédit immobilier de France Centre Ouest a consenti à M. X. et Mme Y., son épouse, deux prêts immobiliers destinés à financer l'acquisition de leur résidence principale :
- un prêt n° 900000000007880 dit « prêt rendez-vous » d'un montant de 134'800'euros, remboursable en 360 mois avec intérêts initialement fixés au taux nominal fixe de 3,20'% l'an, révisable selon diverses options à l'issue d'une période de cinq ans
- un prêt n° 900000000007884 dit « nouveau prêt à taux 0 % non éligible » d'un montant de 15.200 euros, remboursable en 204 mois sans intérêt.
Des échéances de ces deux prêts étant restées impayées, la société Crédit immobilier de France développement (CIDF), venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Centre Ouest, a mis en demeure M. et Mme X., le 2 septembre 2020, de lui régler la somme de 5'238,51 euros sous quinzaine, à peine de « recouvrement de sa créance par tout moyen approprié et notamment par voie de saisie, tous frais à [leur] charge, sans autre avis, ni délai ».
Par courrier du 7 octobre 2020 adressé sous pli recommandé présenté le 9 octobre suivant, la société CIFD a mis en demeure Mme X. de lui régler la somme de 5.921,26 euros sous huit jours, en lui indiquant qu'à défaut les deux prêts deviendraient exigibles et qu'elle serait alors débitrice d'une somme totale de 114.761,48 euros selon décompte arrêté au 7 octobre 2020.
La société CIFD a provoqué la déchéance du terme de ses deux concours dès le 7 octobre 2020 puis, autorisée à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur l'immeuble de M. et Mme X. par une ordonnance du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Montargis en date du 25 juin 2021, a fait assigner M. et Mme X. en paiement devant le tribunal judiciaire du même lieu par actes du 15 juin 2021.
Par jugement contradictoire du 23 mars 2023, en retenant que la société CIFD ne justifiait ni avoir consulté le FICP, ni avoir procédé à une étude de solvabilité des emprunteurs en préalable à l'octroi des prêts, le tribunal a :
- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. X. et Mme Y. épouse X. ;
- prononcé la déchéance du droit de la société « Crédit immobilier de France Ile-de-France » aux intérêts ;
- condamné solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société Crédit immobilier de France « Ile-de-France » la somme de 77'312,08 euros avec intérêts de retard au taux de 3,20 % à compter du 7 octobre 2020 et jusqu'à règlement définitif ;
- condamné solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société Crédit immobilier de France « Ile-de-France » la somme de un euro au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
- accordé à M. X. et Mme Y. épouse X. la faculté d'apurer leur dette au plus tard le 10 de chaque mois, à compter du 10 avril 2023, en 23 mensualités équivalentes d'un montant de 3'400 euros, et une dernière mensualité correspondant au solde de la somme due ;
- dit que le défaut de paiement d'un seul règlement à l'échéance prescrite entraînera la déchéance du terme et que la totalité du solde restant dû deviendra immédiatement exigible ;
- rappelé que l'application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier et que les majorations d'intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d'être dues pendant les délais accordés ;
- rejeté la demande de capitalisation des intérêts présentée par société Crédit immobilier de France « Ile-de-France » ;
- débouté la société Crédit immobilier de France « Ile-de-France » de sa demande de dommages et intérêts ;
- débouté M. X. et Mme Y. épouse X. de leur demande de dommages et intérêts ;
- débouté la société Crédit immobilier de France « Ile-de-France » de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- laissé aux parties la charge de leurs propres dépens de l'instance ;
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
La société CIFD a relevé appel de cette décision par déclaration du 24 avril 2023, en critiquant expressément toutes ses dispositions.
[*]
Dans ses dernières conclusions notifiées le 24 juillet 2023, signifiées le 18 août suivant à M. et Mme X., la société CIFD demande à la cour de :
Vu les articles 1103 et suivants du code civil,
- infirmer le jugement entrepris en date du 23 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Montargis en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
- déclarer recevable et bien fondée la société Crédit immobilier de France développement en l'ensemble de ses demandes,
- condamner M. et Mme X. à payer au Crédit immobilier de France développement :
* la somme de 104'634,46 euros outre intérêts au taux conventionnel de 1,35 % à compter du 08/10/2020 au titre du prêt n° 900000000007880'
* la somme de 10'763,96 euros au titre du prêt n° 900000000007884'
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- débouter M. et Mme X. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à intervenir,
En tout état de cause et au surplus,
- condamner M. et Mme X. à payer au Crédit immobilier de France développement la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux entiers dépens, en ce compris les coûts de 1'inscription de l'hypothèque judiciaire provisoire régularisée le 2 juin 2021 devant le service de la publicité foncière d'[Localité 9] sous les références n° 2021 V 4508 et de l'hypothèque judiciaire définitive à intervenir.
[*]
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens de l'appelante, il convient de se reporter à ses dernières conclusions récapitulatives.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 16 janvier 2025, pour l'affaire être plaidée le 6 février suivant sans que M. et Mme X., tous les deux assignés en l'étude du commissaire de justice instrumentaire, aient constitué avocat.
A l'audience, la cour a observé que si la première page du jugement déféré présente bien la demanderesse comme étant la société Crédit immobilier de France développement, le premier juge a commis une erreur en statuant, dans ses motifs comme dans son dispositif, à l'égard d'une société qu'il a dénommée Crédit immobilier de France « Ile-de-France » et a en conséquence autorisé l'appelante à formuler ses observations, au moyen d'une note en délibéré à transmettre sous quinzaine, sur le caractère purement matériel de cette erreur qu'elle envisage de rectifier.
La cour a par ailleurs observé que l'offre de prêt immobilier dit « Prêt rendez-vous » produite aux débats ne comporte aucune clause de déchéance du terme et que l'offre de prêt dit « nouveau prêt à taux 0'% non éligible » comporte quant à elle une clause d'exigibilité anticipée qui renvoie à la clause de déchéance du terme qui ne figure pas à l'offre du prêt principal et a en conséquence invité la société CIFD à présenter ses observations, au moyen d'une note en délibéré à transmettre sous quinzaine, sur l'absence de clause de déchéance du terme dans le contrat de prêt principal et l'ineffectivité de la clause de déchéance du terme du prêt à taux zéro en l'absence de la clause à laquelle il est renvoyé.
Pour le cas où l'absence de clause de déchéance du terme résulterait d'une communication incomplète de l'offre du prêt principal, la cour a par ailleurs invité la société CIFD à présenter ses observations, selon les mêmes modalités, sur la régularité de la déchéance du terme qu'elle a prononcée le 7 octobre 2020 sans avoir préalablement mis en demeure M. X. de régler les échéances impayées en lui indiquant le délai dont il disposait pour ce faire, et sans non plus respecter le délai de 8 jours qu'elle avait indiqué laisser à Mme X. et qui n'apparaît de toute façon pas pouvoir être tenu pour un délai raisonnable au regard de l'aggravation des conditions de remboursement auxquels se trouvaient ainsi soudainement exposés les emprunteurs.
La société CIFD n'a transmis aucune observation dans le délai imparti ; elle s'est bornée à adresser le 21 février 2025 par voie électronique deux pièces numérotées 16 et 18 « à l'appui », selon ses termes, « de ses conclusions suite aux moyens soulevés d'office »‘[sic].
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Observations liminaires :
Dès lors que la société CIFD a relevé appel de toutes les dispositions du jugement entrepris, en critiquant expressément dans sa déclaration d'appel et en demandant dans ses dernières écritures l'infirmation de tous les chefs du dispositif du jugement en cause, y compris le chef ayant rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. et Mme X., qui se trouve en conséquence dévolu, la cour ne peut que confirmer ce chef du jugement déféré qui ne fait pas grief à l'appelante, en l'absence d'appel incident des intimés, sauf à préciser pour éviter toute difficulté de compréhension que M. et Mme X. n'avaient soulevé aucune fin de non-recevoir devant le premier juge, mais seulement excipé de la nullité des contrats de prêt, ce qui constituait une défense au fond de sorte qu'il n'y avait lieu à statuer sur aucune fin de non-recevoir.
Aux termes de l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs et omissions qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.
Le juge est saisi par simple requête de l'une des parties, ou par requête commune ; il peut aussi se saisir d'office.
Au cas particulier, alors qu'il avait été saisi par une assignation délivrée par la société Crédit immobilier de France développement, qui vient aux droits de la société Crédit immobilier de France Centre-Ouest, le premier juge a statué, dans ses motifs comme dans son dispositif, à l'égard d'une société qu'il a dénommée Crédit immobilier de France Ile-de-France qui, si elle existe, est étrangère au présent litige.
L'erreur commise étant purement matérielle, il convient de la rectifier d'office, en application des articles 462 et 561 du code de procédure civile, en disant que, dans les motifs comme dans le dispositif [partie finale] du jugement déféré, au lieu de « Crédit immobilier de France Ile-de-France », il convient de lire « Crédit immobilier de France développement ».
Il résulte de l'article 472 du code de procédure civile que si, en appel, l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et que la cour ne fait droit aux prétentions de l'appelant que dans la mesure où elle les estime régulières, recevables et bien fondées, étant précisé que la cour doit statuer sur les prétentions de première instance de l'intimé lorsque celles-ci ont été accueillies par le premier juge, puisqu'elle en est saisie par l'effet dévolutif de l'appel.
Sur les demandes en paiement du prêteur :
Au cas particulier, la société CIFD n'a cru utile de faire aucune observation sur la régularité de la déchéance du terme qu'elle a prononcée le 7 octobre 2020, en dépit de l'invitation qui lui avait été adressée à cet effet, mais a produit en cours de délibéré, ainsi qu'elle y avait été autorisée, les conditions générales des prêts immobiliers dont elle n'avait communiquées spontanément, en pièces 1 et 2, que les conditions particulières.
L'article XI de ces conditions générales paraphées et signées par M. et Mme X., intitulé « exigibilité anticipée - défaillance de l'emprunteur - clause pénale », comporte une clause de déchéance du terme rédigée ainsi qu'il suit :
« Le contrat de prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement et intégralement exigibles, huit jours après une simple mise en demeure adressée à l'emprunteur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par acte extrajudiciaire mentionnant l'intention du prêteur de se prévaloir de la clause de résiliation dans l'un ou l'autre des cas mentionnés ci-après, l'emprunteur ne pouvant opposer aucune exception, pas même celle du paiement des intérêts échus :
1) De plein droit dans les cas suivants : [les cas envisagés sont tous étrangers au présent litige]
2) Au gré du prêteur ['] dans les cas suivants : - […]
- défaut de paiement de tout ou partie des échéances à leur date ou de toute somme avancée par le prêteur [...] ».
Les premiers courriers datés du 31 août 2020, adressés à chacun de M. et Mme X. sous plis recommandés réceptionnés le 2 septembre suivant, les mettaient en demeure de régler dans un délai de quinze jours la somme de 5'238,51 euros présentée comme « le solde débiteur de leurs prêts immobiliers n° 9/7880 et 9/7884 » et leur indiquaient : « à défaut de règlement, nous considérerons l'absence de règlement de votre part comme un refus de paiement et nous nous verrons contraints d'envisager le recouvrement de notre créance par tout moyen de droit approprié et notamment par voie de saisie, tous frais à votre charge, sans autre avis, ni délai ».
Ces courriers, qui ne faisaient référence au recouvrement d'aucune autre somme que le solde débiteur des prêts litigieux, ne mentionnaient pas l'intention de la société CIFD de se prévaloir de la clause de résiliation anticipée, au sens de l'article XI des conditions générales précité.
Par courrier du 7 octobre 2020, adressé sous pli recommandé réceptionné le 9 octobre suivant, la société CIFD a mis en demeure Mme X. de lui régler, « sous huit jours au plus tard », la somme de 5'921,26 euros « au titre de l'arriéré des échéances des prêts litigieux », en lui indiquant :'« à défaut de règlement de celle-ci avant l'expiration de ce délai, vos prêts deviendront alors intégralement exigibles par application du contrat de prêt, sans autre démarche de notre société ».
Même à admettre, en dépit de la stipulation contradictoire du prêt selon laquelle M. et Mme X. ont agi « conjointement et solidairement », que ceux-ci se sont engagés solidairement de sorte que la mise en demeure adressée à Mme X. a produit effet à l'égard de M. X., le délai de seulement huit jours laissé aux emprunteurs par l'article XI précité pour faire obstacle à l'exigibilité anticipée du prêt n'apparaît pas un délai raisonnable au regard de l'aggravation des conditions de remboursement auxquels les emprunteurs se trouvent ainsi soudainement exposés.
Outre que cette clause de déchéance du terme insérée aux conditions générales des prêts litigieux répond à la définition des clauses abusives de l'article L. 132-1 du code de la consommation qui, en tant que telles, sont réputées non-écrites, la déchéance du terme est en toute hypothèse irrégulière, au cas particulier, puisqu'il résulte du décompte produit en pièce 7, corroboré par celui figurant en page 3 de la requête à fin d'autorisation d'inscription d'hypothèque judiciaire, communiquée en pièce 10, que la société CIFD a résilié ses concours dès le 7 octobre 2020, sans même respecter le délai de huit jours qu'elle avait indiqué laisser à Mme X.
Il s'en infère que les demandes en paiement du capital de chacun des deux prêts litigieux rendu exigible par anticipation le 7 octobre 2020 ne peuvent qu'être déclarées irrecevables, comme les demandes en paiement de l'indemnité de 7 % prévue en cas d'exigibilité anticipée et que M. et Mme X. ne peuvent être tenus qu'au paiement des mensualités échues et impayées au 7 octobre 2020.
Dès lors que les articles L. 311-8 et suivants du code de la consommation en vertu desquels le premier juge a déchu la société CIFD de son droit aux intérêts ne s'appliquent qu'aux crédits à la consommation, et non aux prêts immobiliers de la nature de ceux souscrits par M. et Mme X., il n'y a pas lieu, en l'espèce, de priver l'appelante des intérêts, étant si besoin rappelé que, comme son nom l'indique, le prêt n° 900000000007884 « à taux zéro » est un prêt exempt d'intérêts conventionnels auquel ne s'appliquent pas, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le taux des intérêts prévu au prêt n° 900000000007880.
Au vu du dernier décompte produit en pièce 7, arrêté au 12 avril 2021, les échéances restées impayées au 7 octobre 2020 s'élèvent à 461,48'euros sur le prêt à taux zéro n° 900000000007884 et à 5'459,78'euros sur le prêt n° 900000000007880.
Il en résulte que, par infirmation du jugement déféré, M. et Mme X., qui ne justifient d'aucun paiement ni d'aucun fait libératoires au sens du 2e alinéa de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, seront solidairement condamnés à payer à la société CIFD les sommes sus-énoncées de 461,48 et 5.459,78 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 octobre 2020 sur la première de ces sommes et au taux conventionnel révisé de 1,35'% l'an à compter du 8 octobre 2020 sur la seconde.
Dès lors que l'article L. 312-23 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, prévoit qu'aucune indemnité ni aucun autre coût que ceux qui sont mentionnés à l'article L. 312-22 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur en cas de défaillance de sa part, hormis les frais taxables justifiés, la demande de capitalisation des intérêts, qui n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 312-22, ne peut qu'être rejetée, par confirmation du jugement entrepris.
Sur la demande de délais de paiement des emprunteurs :
En application de l'article 1244-1 devenu 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a accordé à M. et Mme X. un délai de deux ans pour se libérer de leur dette.
Le jugement déféré sera dès lors confirmé sur ce chef, sauf à ramener à 257 euros le montant des 23 mensualités dues par M. et Mme X.
Sur les demandes accessoires :
Sans qu'il y ait lieu de revenir sur le sort des dépens et des frais irrépétibles de première instance, sur le sort desquels il a été justement statué, la société CIFD, qui succombe à hauteur d'appel au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l'instance d'appel et sera en conséquence déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Réparant l'erreur purement matérielle affectant la décision entreprise,
Dit que, dans les motifs comme dans le dispositif [partie finale] du jugement déféré, au lieu de « Crédit immobilier de France Ile-de-France », il convient de lire « Crédit immobilier de France développement »,
Infirme la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Crédit immobilier de France développement et en ce qu'elle a condamné solidairement M. et Mme X. à payer à ladite société la somme de 77.312,08 euros avec intérêts au taux de retard de 3,20'% à compter du 7 octobre 2020, outre 1 euro au titre de la clause pénale,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
Déclare la société Crédit immobilier de France développement irrecevable en ses demandes en paiement du capital de chacun des prêts n° 900000000007880 et 900000000007884 irrégulièrement rendu exigible le 7 octobre 2020,
Déclare la société Crédit immobilier de France développement irrecevable en ses demandes en paiement des indemnités conventionnelles d'exigibilité anticipée des deux prêts litigieux,
Condamne solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société Crédit immobilier de France développement, au titre des échéances impayées du prêt n° 900000000007880 exigibles au 7 octobre 2020, la somme de 5.459,78 euros majorée des intérêts au taux de 1,35 % l'an à compter du 8 octobre 2020,
Condamne solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société Crédit immobilier de France développement, au titre des échéances impayées du prêt n° 900000000007884 exigibles au 7 octobre 2020, la somme de 461,48 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2020,
Confirme la décision entreprise pour le surplus de ses chefs critiqués, sauf à ramener à 257 euros le montant des 23 mensualités par lesquelles M. et Mme X. ont été autorisés à se libérer de leur dette avec une 24e mensualité devant la solder en principal et intérêts,
Y ajoutant,
Rejette la demande de la société Crédit immobilier de France développement formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Crédit immobilier de France développement aux dépens,
Rappelle qu'à la diligence du greffe du tribunal judiciaire de Montargis, cette décision rectificative devra être mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement rectifié conformément aux dispositions de l'article 462 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT