CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA REIMS (ch. civ. com.), 20 mai 2025

Nature : Décision
Titre : CA REIMS (ch. civ. com.), 20 mai 2025
Pays : France
Juridiction : Reims (CA)
Demande : 24/00330
Date : 20/05/2025
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 1/03/2024
Décision antérieure : TJ Reims, 22 janvier 2024
Décision antérieure :
  • TJ Reims, 22 janvier 2024
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 23828

CA REIMS (ch. civ. com.), 20 mai 2025 : RG n° 24/00330 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « La caution qui a payé le créancier dispose contre le débiteur principal d'un recours personnel, prévu par l'article 2305 du code civil en vigueur avant le 1er janvier 2022 et d'un recours subrogatoire, prévu par l'article 2306 ancien du même code. La caution peut librement choisir d'exercer l'un ou l'autre recours. M. et Mme Y. ne peuvent donc valablement invoquer une erreur de la part de la société Crédit Logement sur le fondement de son recours, celle-ci ayant tout loisir de fonder son action sur l'article 2305 du code civil, quand bien même elle ne sollicite pas de dommages intérêts. De même, l'établissement d'une quittance par le Crédit Agricole à son profit et la production de cette quittance sont sans incidence sur le choix de la caution d'exercer son recours personnel, dès lors qu'une telle quittance permet de justifier de la réalité du paiement. M. et Mme Y. seront donc déboutés de leur moyen pris d'une irrecevabilité du recours de la société Crédit Logement en raison d'une erreur sur le fondement juridique de son action à leur encontre.

La société Crédit Logement exerçant son recours personnel, M. et Mme Y. ne peuvent pas lui opposer les exceptions qu'ils auraient pu opposer au créancier. Néanmoins, le débiteur peut invoquer la perte du recours de la caution lorsque celle-ci a payé la dette sans en avertir le débiteur et que ce dernier avait des moyens de faire déclarer cette dette éteinte. Il peut en outre invoquer le caractère non exigible de la dette. L'article 2308 du code civil en vigueur avant le 1er janvier 2022 dispose : « La caution qui a payé une première fois n'a point de recours contre le débiteur principal qui a payé une seconde fois, lorsqu'elle ne l'a point averti du paiement par elle fait ; sauf son action en répétition contre le créancier. Lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier ».

Outre le fait que la société Crédit Logement ne justifie pas avoir payé alors qu'elle était poursuivie par le créancier, les avis de réception des lettres qu'elle a adressées à M. et Mme Y. afin de les informer de ce qu'elle était amenée à rembourser en leur lieu et place l'intégralité du solde de la créance du prêteur, ont été signés le 25 janvier 2018, soit à une date à laquelle ceux-ci ne pouvaient plus utilement faire valoir de moyens pour faire déclarer la dette éteinte, puisque le paiement au profit du créancier principal avait déjà eu lieu, ainsi que cela résulte des termes de la quittance du 18 janvier 2018.

Or, M. et Mme Y. soutiennent que la créance était prescrite. L'article L. 218-2 du code de la consommation et, avant le 1er juillet 2016, l'article L. 137-2 du même code, disposent que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. Il résulte de la quittance établie par le Crédit Agricole que la somme réglée par la société Crédit Logement inclut des échéances impayées au 10 novembre 2014 pour la somme de 22.742.77 euros. Cette somme était atteinte par la prescription biennale lors du paiement par la caution le 18 janvier 2018. Les autres sommes étaient toutes échues depuis moins de deux ans à cette date et donc non prescrites. M. et Mme Y. disposaient donc d'un moyen pour faire déclarer la dette éteinte à hauteur de 22 742.77 euros. »

2/ « Selon article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. La clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement.

Le contrat de prêt contient une clause de déchéance du terme, qui stipule que le prêteur pourra se prévaloir de l'exigibilité immédiate de la totalité de sa créance par lettre recommandée adressée à l'emprunteur et que le prêt deviendra alors de plein droit exigible, si bon semble à la banque, en capital, intérêts, frais et accessoires, en cas de non-paiement des sommes exigibles, concernant quelque dette que ce soit de l'emprunteur vis-à-vis du prêteur. Il est en outre prévu qu'en cas de déchéance du terme, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés, que jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produiront un intérêt de retard à un taux égal à celui du prêt et qu'une indemnité égale à 7% des sommes dues, en capital et en intérêts échus, sera demandée par le prêteur à l'emprunteur. Cette clause de déchéance du terme, qui ne prévoit pas même la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet pour que la déchéance du terme puisse être déclarée acquise au créancier, créée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement. Elle doit donc être réputée non écrite, de sorte que la déchéance du terme du prêt litigieux n'a pas été valablement prononcée.

La créance de la Banque populaire n'était donc pas exigible en totalité lorsque la caution a été actionnée, mais uniquement à hauteur du montant total des échéances échues impayées soit la somme de 33 772.41 euros, déduction faite du montant des échéances exigibles au 10 novembre 2014, pour le paiement desquelles il a été précédemment dit que la caution était déchue de son recours. En l'absence de déchéance du terme valablement prononcée, le Crédit Agricole ne pouvait en outre exiger le paiement des pénalités de retard visées dans la quittance pour la somme de 8 280.91 euros. »

 

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 20 MAI 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 24/00330 - N° Portalis DBVQ-V-B7I-FORX.

 

APPELANTS :

d'un jugement rendu le 22 janvier 2024 par le tribunal judiciaire de REIMS

Madame X. épouse Y.

née le [Date naissance 1] à [Localité 8] (La Réunion), demeurant [Adresse 3] à [Localité 7], Représentée par Maître Jacques LEGAY, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

Monsieur Y.

né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 6], demeurant [Adresse 3] à [Localité 7], Représenté par Maître Jacques LEGAY, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

 

INTIMÉE :

La société CRÉDIT LOGEMENT

société anonyme immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le n° XXX dont le siège social est sis [Adresse 4] - [Localité 5], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Raphaël CROON de la SCP SAMMUT-CROON-JOURNE-LEAU, avocat au barreau de REIMS

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre, Madame Sandrine PILON, conseillère, Madame Anne POZZO DI BORGO, conseillère

GREFFIER : Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors des débats et de la mise à disposition

DÉBATS : A l'audience publique du 1er avril 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 20 mai 2025,

ARRÊT : Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025 et signé par Madame Sandrine PILON, conseillère en remplacement de la présidente de chambre régulièrement empêchée, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Suivant acte sous seing privé du 7 août 2003, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuelle du Nord Est (le Crédit Agricole) a consenti à M. Y. et Mme Y. née X., coemprunteurs solidaires, un prêt d'un montant en capital de 309 600 euros destiné à l'acquisition d'un immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 7].

La société Crédit Logement s'est portée caution des engagements ainsi souscrits.

Par acte du 23 août 2018, la SA Crédit Logement a fait assigner M. et Mme Y. devant le tribunal de grande instance de Reims afin de les entendre condamner à la rembourser de la somme de 181 819.34 euros qu'elle a versée au Crédit Agricole en exécution de son engagement de caution.

Ces derniers ont fait assigner le Crédit Agricole aux fins de garantie par acte du 23 août 2019.

Par jugement du 22 janvier 2024, le tribunal judiciaire de Reims a :

- Déclaré la société Crédit Logement recevable en son action,

- Condamné solidairement M. et Mme Y. à payer au Crédit Logement la somme de 181 819.34 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2018 jusqu'à parfait paiement,

- Ordonné la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière,

- Débouté M. et Mme Y. de leurs demandes à l'encontre de la société Crédit Logement,

- Dit que la demande de remboursement des frais, commissions et intérêts débiteurs afférents au compte bancaire de M. Y. est devenue sans objet,

- Débouté M. et Mme Y. de leurs demandes à l'encontre de la CRCAM du Nord Est,

- Condamné solidairement M. et Mme Y. à payer à la SA Crédit Logement la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles,

- Condamné solidairement M. et Mme Y. à payer à la CRACAM du Nord Est la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles,

- Condamné solidairement M. et Mme Y. aux entiers dépens, avec distraction au profit de la SCP Sammut-Croon-Journé Léau,

- Rappelé l'exécution provisoire de droit de la décision.

M. et Mme Y. ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 1er mars 2024, en intimant la SA Le Crédit Logement uniquement.

[*]

Par conclusions notifiées le 10 mars 2025, M. et Mme Y. demandent à la cour de :

- Constater l'erreur juridique sur le fondement du recours initié par le Crédit Logement à leur encontre,

- Constater que le Crédit Agricole du Nord Est a prononcé la déchéance du terme de mauvaise foi et de manière illicite,

- Constater la prescription d'échéances mensuelles à leur date d'exigibilité et en conséquence l'irrégularité de la déchéance du terme prononcée par le Crédit Agricole du Nord Est,

- Constater le manquement à l'obligation de mise en garde du Crédit Agricole du Nord Est à leur égard, obligation qu'il ne démontre pas avoir accomplie,

- Constater le taux annuel effectif global (TAEG) de 4.71% du prêt de 309 600 euros insincère les privant de la chance de ne pas avoir conclu ce prêt en recourant à un autre prêteur mieux disant quant au coût réel de l'emprunt proposé,

- Constater la responsabilité du Crédit Agricole du Nord Est dans le cadre du maintien du compte courant, des fichages bancaires, dans le décompte de sommes prétendument dues et dans l'échec de la médiation et d'un règlement amiable,

- Constater en particulier que le Crédit Agricole du Nord Est n'apporte aucun justificatif à l'écart constaté entre le montant de la déchéance du terme (et quittance subrogative) et le montant à rembourser dans ses écritures de février 2015,

- Constater que les agissements illicites du Crédit Agricole du Nord Est à leur encontre quant aux fichages irréguliers au FICP, au refus de clôture du compte et de communication de documents nécessaires, aux omissions délibérées dans la tenue des relevés de compte, à la poursuite de prélèvements mensuels de cotisations d'assurance relatives à un prêt déchu, objet du présent contentieux et enfin au montant prétendument exigible de la déchéance du terme,

En conséquence,

- Annuler les condamnations prononcées à leur encontre par le tribunal judiciaire de Reims,

- Dire et juger irrecevables le recours personnel et la demande en paiement présentés par la SA Crédit Logement à leur encontre,

- Dire et juger que le Crédit Agricole du Nord Est a prononcé de mauvaise foi et irrégulièrement la déchéance du terme du contrat de prêt immobilier litigieux et qu'en conséquence, la quittance subrogative d'un montant de 181 819.34 euros au bénéfice du Crédit Logement est nulle et non avenu,

- Débouter le Crédit Agricole du Nord Est et le Crédit Logement de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Condamner le Crédit Agricole du Nord Est à indemniser M. et Mme Y. à hauteur de la condamnation qui serait prononcée le cas échéant à leur encontre au bénéfice du Crédit Logement,

- Condamner le Crédit Agricole du Nord-Est au titre de ces diverses infractions dommageables à leur payer la somme de 181 819.34 euros,

- Condamner le Crédit Agricole du Nord Est qui a fautivement manqué à son obligation de mise en garde à les indemniser à hauteur du montant de la dette qui leur est réclamée,

- Condamner le Crédit Agricole du Nord Est au remboursement des intérêts perçus du fait du taux annuel effectif global (TAEG) inférieur au taux nominal du prêt souscrit,

- Ordonner au Crédit Agricole du Nord Est et au Crédit Logement sous astreinte de 100 euros par jour à compter du jugement à intervenir, la levée de leurs inscriptions aux différents fichiers bancaires d'incidents, notamment le Fichier National des Incidents de Remboursements des Crédits des Particuliers et la production de la preuve de ces annulations,

- Ordonner au Crédit Agricole du Nord Est sous astreinte de 100 euros par jour à compter du jugement à intervenir de procéder à la clôture du copte courant de M. Y. à hauteur de 20.000 euros en réparation des préjudices tant moraux que matériels (pertes de chances) subis du fait de ces fichages illicites, des manquements et omissions de gestion dans la tenue des comptes au détriment de ses clients,

- Condamner le Crédit Logement à leur payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages intérêts, en indemnisation de leur perte de chance de ne pas s'engager en qualité de caution et de l'absence de vérification de la régularité de la dette présentée par la Caisse Régionale de Crédit Agricole du Nord Est,

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- Condamner le Crédit Agricole du Nord Est à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner le Crédit Logement Est à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

Par conclusions notifiées le 29 août 2024, la SA Crédit Logement demande à la cour de :

- Débouter M. et Mme Y. de l'ensemble de leurs moyens, fins et prétentions,

- Confirmer en son entier le jugement en ce qu'il a :

* Condamné M. et Mme Y. à lui verser la somme de 181 819.34 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2018 jusqu'à parfait paiement,

* Ordonné la capitalisation des intérêts par années entières,

* Condamné solidairement M. et Mme Y. à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,

* Condamné solidairement M. et Mme Y. aux entiers dépens avec distraction au profit de la SCP Sammut-Croon-Journé Léau,

Y ajoutant,

- Condamner M. et Mme Y. à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle rappelle les termes de l'article 2305 du code civil et s'estime parfaitement fondée à agir au titre du recours personnel de la caution. Elle en conclut que les exceptions personnelles et propres aux relations ayant existé entre l'établissement prêteur et les débiteurs garantis sont indifférentes.

Elle relève que M. et Mme Y. n'ont pas attrait le Crédit Agricole à hauteur d'appel et estime que ceux-ci ne peuvent dès lors émettre quelque reproche que ce soit contre l'établissement prêteur.

[*]

Par message électronique du 2 avril 2025, la cour a invité les parties à présenter leurs observations éventuelles sur la recevabilité des demandes dirigées contre le Crédit Agricole, partie non intimée.

Par message du 7 avril 2025, le Crédit Logement a indiqué qu'il n'avait pas particulièrement à se prononcer sur ce point et qu'il laissait le soin aux parties appelantes de transmettre à la cour leurs observations circonstanciées.

Par courrier du 16 avril 2025, M. et Mme Y. exposent que le Crédit Agricole n'a pas été attrait à la procédure d'appel par suite d'une erreur, favorisée par la dualité des parties, le même avocat intervenant au soutien des intérêts de celle-ci et de la SA Crédit Logement, juridiquement contradictoires dans le processus de la déchéance du terme et de l'extinction de la dette.

S'agissant de la recevabilité des demandes dirigées contre le Crédit Agricole, ils entendent faire observer que le premier juge a statué sur certaines de celles-ci en particulier sur le manquement à l'obligation de mise en garde et sur la prescription de la déchéance.

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mars 2025, l'affaire étant renvoyée pour être plaidée le 1er avril 2025.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Au terme du dispositif de leurs conclusions, M. et Mme Y. demandent à la cour de prononcer l'annulation des condamnations.

Ce faisant, ils ne concluent pas à l'annulation du jugement.

Au demeurant, aucune cause de nullité n'est caractérisée au regard de la motivation retenue par le tribunal, ni à raison des irrégularités formelles invoquées.

 

Sur la recevabilité des demandes présentées contre le Crédit Agricole :

L'article 14 du code de procédure civile dispose que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.

M. et Mme Y., appelants, n'ont pas intimé le Crédit Agricole devant cette cour.

Leurs demandes dirigées contre celui-ci doivent donc être déclarées irrecevables.

 

Sur le recours de la SA Crédit Logement :

La caution qui a payé le créancier dispose contre le débiteur principal d'un recours personnel, prévu par l'article 2305 du code civil en vigueur avant le 1er janvier 2022 et d'un recours subrogatoire, prévu par l'article 2306 ancien du même code.

La caution peut librement choisir d'exercer l'un ou l'autre recours. M. et Mme Y. ne peuvent donc valablement invoquer une erreur de la part de la société Crédit Logement sur le fondement de son recours, celle-ci ayant tout loisir de fonder son action sur l'article 2305 du code civil, quand bien même elle ne sollicite pas de dommages intérêts.

De même, l'établissement d'une quittance par le Crédit Agricole à son profit et la production de cette quittance sont sans incidence sur le choix de la caution d'exercer son recours personnel, dès lors qu'une telle quittance permet de justifier de la réalité du paiement.

M. et Mme Y. seront donc déboutés de leur moyen pris d'une irrecevabilité du recours de la société Crédit Logement en raison d'une erreur sur le fondement juridique de son action à leur encontre.

La société Crédit Logement exerçant son recours personnel, M. et Mme Y. ne peuvent pas lui opposer les exceptions qu'ils auraient pu opposer au créancier.

Néanmoins, le débiteur peut invoquer la perte du recours de la caution lorsque celle-ci a payé la dette sans en avertir le débiteur et que ce dernier avait des moyens de faire déclarer cette dette éteinte. Il peut en outre invoquer le caractère non exigible de la dette.

L'article 2308 du code civil en vigueur avant le 1er janvier 2022 dispose : « La caution qui a payé une première fois n'a point de recours contre le débiteur principal qui a payé une seconde fois, lorsqu'elle ne l'a point averti du paiement par elle fait ; sauf son action en répétition contre le créancier.

Lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier ».

Outre le fait que la société Crédit Logement ne justifie pas avoir payé alors qu'elle était poursuivie par le créancier, les avis de réception des lettres qu'elle a adressées à M. et Mme Y. afin de les informer de ce qu'elle était amenée à rembourser en leur lieu et place l'intégralité du solde de la créance du prêteur, ont été signés le 25 janvier 2018, soit à une date à laquelle ceux-ci ne pouvaient plus utilement faire valoir de moyens pour faire déclarer la dette éteinte, puisque le paiement au profit du créancier principal avait déjà eu lieu, ainsi que cela résulte des termes de la quittance du 18 janvier 2018.

Or, M. et Mme Y. soutiennent que la créance était prescrite.

L'article L. 218-2 du code de la consommation et, avant le 1er juillet 2016, l'article L. 137-2 du même code, disposent que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

Il résulte de la quittance établie par le Crédit Agricole que la somme réglée par la société Crédit Logement inclut des échéances impayées au 10 novembre 2014 pour la somme de 22.742.77 euros. Cette somme était atteinte par la prescription biennale lors du paiement par la caution le 18 janvier 2018. Les autres sommes étaient toutes échues depuis moins de deux ans à cette date et donc non prescrites.

M. et Mme Y. disposaient donc d'un moyen pour faire déclarer la dette éteinte à hauteur de 22 742.77 euros.

Les autres moyens développés par ces derniers, pris d'un manquement du Crédit Agricole à son devoir de mise en garde et à l'allocation de dommages intérêts venant en compensation avec les sommes réclamées, ainsi que de l'irrégularité de la déchéance du terme, ne tendent pas à faire déclarer la dette éteinte.

En conséquence, la société Crédit Logement ne sera déchue de son recours qu'à concurrence de la somme précitée de 22.742.77 euros.

Le Crédit Agricole a prononcé la déchéance du terme du prêt litigieux par courriers recommandés avec demande d'avis de réception du 25 octobre 2017.

M. et Mme Y. invoquent les dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives et le fait que la déchéance du terme n'a été précédée d'aucune demande de régularisation des sommes dues accompagnée d'un décompte précis arrêté à la date de la demande. Ils concluent au caractère incontestablement abusif de la déchéance du terme, du fait du déséquilibre significatif créé à leur détriment.

Selon article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

La clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement.

Le contrat de prêt contient une clause de déchéance du terme, qui stipule que le prêteur pourra se prévaloir de l'exigibilité immédiate de la totalité de sa créance par lettre recommandée adressée à l'emprunteur et que le prêt deviendra alors de plein droit exigible, si bon semble à la banque, en capital, intérêts, frais et accessoires, en cas de non-paiement des sommes exigibles, concernant quelque dette que ce soit de l'emprunteur vis-à-vis du prêteur.

Il est en outre prévu qu'en cas de déchéance du terme, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés, que jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produiront un intérêt de retard à un taux égal à celui du prêt et qu'une indemnité égale à 7% des sommes dues, en capital et en intérêts échus, sera demandée par le prêteur à l'emprunteur.

Cette clause de déchéance du terme, qui ne prévoit pas même la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet pour que la déchéance du terme puisse être déclarée acquise au créancier, créée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement.

Elle doit donc être réputée non écrite, de sorte que la déchéance du terme du prêt litigieux n'a pas été valablement prononcée.

La créance de la Banque populaire n'était donc pas exigible en totalité lorsque la caution a été actionnée, mais uniquement à hauteur du montant total des échéances échues impayées soit la somme de 33 772.41 euros, déduction faite du montant des échéances exigibles au 10 novembre 2014, pour le paiement desquelles il a été précédemment dit que la caution était déchue de son recours.

En l'absence de déchéance du terme valablement prononcée, le Crédit Agricole ne pouvait en outre exiger le paiement des pénalités de retard visées dans la quittance pour la somme de 8 280.91 euros.

En conséquence, M. et Mme Y. seront condamnés solidairement à payer à la société Crédit Logement la somme de 33 772.41 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 janvier 2018. Le jugement sera infirmé à raison du seul montant de la somme due et du point de départ des intérêts produits par ladite somme

La société Crédit Logement le demandant, les intérêts échus le 25 janvier 2019 seront capitalisés, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

 

Sur la demande de M. et Mme Y. en paiement de dommages intérêts :

M. et Mme Y. invoquent d'une part leur perte de chance de ne pas s'engager en qualité de caution.

Cependant, ils n'ont pas cette qualité, mais celle de débiteurs principaux.

Le préjudice invoqué de ce chef n'est donc pas caractérisé.

Ils invoquent, d'autre part, l'absence de vérification de la régularité de la dette présentée par le Crédit Agricole, sans préciser le préjudice qui en résulterait pour eux.

Leur demande en paiement de dommages intérêts doit donc être rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

 

Sur les dépens et frais irrépétibles :

M. et Mme Y., qui succombent, doivent supporter les dépens d'appel et leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile doit être rejetée, le jugement étant confirmé s'agissant des dépens de première instance et des frais de procédure.

L'équité ne commande pas de faire droit à la demande de la société Crédit Logement en paiement d'une indemnité pour ses frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant contradictoirement,

Déclare irrecevables les demandes présentées par M. Y. et Mme Y. née X.contre la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuelle du Nord Est,

Confirme le jugement déféré sauf quant au quantum de la condamnation prononcée contre M. Y. et Mme Y. née X.au profit de la SA Crédit Logement et au point de départ des intérêts produits par ladite somme,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne M. Y. et Mme Y. née X.solidairement à payer à la SA Crédit Logement la somme de 33 772.41 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2018,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'article de l'article 1343-2 du code civil,

Déboute M. Y. et Mme Y. née X.de leur demande tendant à la condamnation de la SA Crédit Logement à leur payer des dommages intérêts,

Condamne in solidum M. Y. et Mme Y. née X.aux dépens d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier                                         La conseillère