CA ROUEN (ch. proxim.), 15 mai 2025
- TJ Evreux (Jex), 4 novembre 2024 : RG n° 23/00016
CERCLAB - DOCUMENT N° 23844
CA ROUEN (ch. proxim.), 15 mai 2025 : RG n° 24/04023
Publication : Judilibre
Extrait : « Pour débouter la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE à l'issue de l'audience d'orientation qui s'est tenue le 9 septembre 2024, le premier juge a pu justement considérer que l'article 11 des conditions générales des prêts annexées à l'acte notarié constituait une clause abusive réputée non écrite, par application des dispositions de l'article L 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur, dans la mesure où il autorisait l'organisme prêteur à exiger immédiatement la totalité des sommes dues en cas de défaut de paiement d'une échéance, sans mise en demeure préalable, quand bien même l'appelante fait valoir qu'elle a procédé à l'envoi d'une mise en demeure et a laissé s'écouler un délai de vingt-sept jours avant de prononcer la déchéance du terme.
Ainsi, en raison du caractère abusif de la clause de déchéance du terme prévue à l'article 11 des conditions générales régissant les prêts, conduisant à la déclarer non écrite selon la sanction prévue, il en résulte que la déchéance du terme prononcée par la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE par courriers du 13 août 2019 est rétroactivement privée de tout effet juridique.
En revanche, les échéances des prêts impayées par M. Y. et Mme X., à hauteur de la somme de 10 339,68 euros (arrêtée au 21 novembre 2024 pour le prêt n° 4893766 ‘pièce n° 15 historique de compte) et de celle de 51 822,42 euros (arrêtée au 21 novembre 2024 pour le prêt n° 4893767 ‘pièce n° 16 historique de compte) correspondent à des créances liquides et exigibles détenues par l'appelante.
Dans ces conditions il y a lieu de considérer que la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE est fondée à poursuivre la procédure de saisie-immobilière et la vente forcée en raison des échéances impayées, dont le montant total s'élève à 62 222,10 euros, qui n'apparaît pas contraire au principe de proportionnalité prévu à l'article L 111-7 du code des procédures civiles d'exécution. »
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ
ARRÊT DU 15 MAI 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 24/04023. N° Portalis DBV2-V-B7I-J2B3. DÉCISION DÉFÉRÉE : Jugement du Juge de l'exécution d'Evreux du 4 novembre 2024, RG n° 23/00016.
APPELANTE :
SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE
immatriculée au RCS de Paris sous le n° XXX agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège, [Adresse 1], [Localité 7], représentée et assistée par Maître Éric CHEVALIER, avocat au barreau de l'EURE postulant de Maître Thomas DROUINEAU, de la SELARL 1927 AVOCAT, avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉS :
Madame X.
née le [Date naissance 3] à [Localité 12] (Pays), [Adresse 9], [Localité 4], n'ayant pas constitué avocat, assigné par acte d'huissier de justice en date du 30 décembre 2024
Monsieur Y.
né le [Date naissance 2] à [Localité 11] (Pays), [Adresse 9], [Localité 4], n'ayant pas constitué avocat, assigné par acte d'huissier de justice en date du 30 décembre 2024
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 27 février 2025 sans opposition des avocats devant Monsieur TAMION, Président, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de : Monsieur TAMION, Président, Madame ALVARADE, Présidente, Madame DE MASCUREAU, Conseillère.
DÉBATS : Madame DUPONT greffière
ARRÊT : Défaut Prononcé publiquement le 15 mai 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signé par Monsieur Tamion, président et par Madame Dupont, greffière lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Par acte authentique du 11 février 2011, conclu par l'intermédiaire de maître S., notaire [Localité 8] (27), concernant une vente immobilière, la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE a consenti à M. Y. et Mme X. (ci-après les consorts Y.-X.) deux prêts, l'un d'un montant de 40350 euros (nouveau prêt à 0 % d'intérêt, n° 4893766), l'autre d'un montant de 120 350 euros (prêt Pas Liberté à 4,05 % d'intérêt l'an, n° 4893767), le bien immobilier à bâtir acquis au prix de 47 000 euros, étant situé [Adresse 6] à [Localité 4] (27), cadastré section ZC n° [Cadastre 5] et d'une superficie de 1 175 m².
Ces créances de la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE sont garanties par une inscription de privilège de prêteur de deniers et une inscription d'hypothèque conventionnelle prises le 31 mars 2011.
A la suite de difficultés de remboursement, la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE a adressé aux consorts Y.-X., par courriers daté du 17 juillet 2019 expédiés par lettres recommandées avec accusés de réception, une mise en demeure de régulariser les échéances impayées (prêt n° 4893766 pour 2 108,79 euros et prêt n° 4893767 pour 6 803,07 euros), sous peine de déchéance du terme.
Par courriers datés du 13 août 2019, notifiés par lettres recommandées avec accusé de réception, la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE a prononcé la déchéance du terme des prêts consentis aux consorts Y.-X.
Par acte d'huissier du 14 septembre 2021 la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE a fait délivrer à M. Y. (acte remis à domicile) et à Mme X. (acte remis à personne) un commandement aux fins de saisie-vente concernant l'immeuble précité.
Suivant commandement de payer valant saisie immobilière, délivré à personne et à domicile le 15 novembre 2022 et publié le 28 novembre 2022 au service de publicité foncière d'Évreux, la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE a fait saisir le bien immobilier ci-dessus identifié.
Par actes d'huissiers délivrés le 24 janvier 2023 à personne et à domicile, la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE a fait assigner les consorts Y.-X. devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Évreux, au visa de l'article R 322-4 du code des procédures civiles d'exécution, aux fins notamment de mentionner le montant de sa créance et de fixer la date d'adjudication du bien.
Par jugement réputé contradictoire du 4 novembre 2024, faisant suite à l'audience du 9 septembre 2024, qui avait été précédée d'un jugement avant-dire droit pour permettre à la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE «'de formuler toutes observations utiles et de produire toutes pièces complémentaires sur les constatations issues du relevé d'office des dispositions du code de la consommation tant s'agissant de la régularité de la déchéance du terme que s'agissant de la prescription de son action au titre de l'arriéré du prêt n° 48993766 ainsi que de la signification régulière de ses conclusions'», le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Évreux a :
- constaté le caractère non écrit de la clause «'cas d'exigibilité anticipée ‘déchéance du terme'» de l'article 11 des conditions générales des prêts n° 4893766 et n° 4893767 consentis par le CRÉDIT FONCIER DE FRANCE à M. Y. et à Mme X. et constatés par acte reçu par maître S. le 11 février 2011 ;
- débouté le CRÉDIT FONCIER DE FRANCE de l'intégralité de ses demandes ;
- condamné le CRÉDIT FONCIER DE FRANCE aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration du 22 novembre 2024 la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance du 10 décembre 2024 la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE a été autorisée à faire assigner à jour fixe M. Y. et Mme X.
Par acte de commissaire de justice du 30 décembre 2024 la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE a fait assigner à jour fixe pour l'audience du 27 février 2025 à 14 heures 15, M. Y. et Mme X. (actes remis à l'étude), avec sa déclaration d'appel, la copie de la requête et l'ordonnance du 10 décembre 2024, ainsi que ses conclusions intégrant le bordereau de pièces communiquées.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS :
Dans son assignation à jour fixe devant la cour d'appel délivrée le 30 décembre 2024, à laquelle il est renvoyé pour un exposé des moyens, la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a : constaté le caractère non écrit de la clause « cas d'exigibilité anticipée « déchéance du terme » de l'article 11 des conditions générales des prêts n° 4893766 et n° 4893767 consentis par le CRÉDIT FONCIER DE FRANCE à M. Y. et à Mme X. et constatés par acte reçu par maître S. le 11 février 2011 ; débouté le CRÉDIT FONCIER DE FRANCE de l'intégralité de ses demandes ; condamné le CRÉDIT FONCIER DE FRANCE aux entiers dépens de l'instance.
Statuant à nouveau,
- mentionner la créance de la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE à la somme de 159 106,96 euros sauf mémoire (compte arrêté au 26 octobre 2022), montant de la créance totale due en principal, intérêts et accessoires ou subsidiairement à la somme de 62 222,10 euros (compte arrêté au 21 novembre 2024) au titre des échéances impayées ;
- ordonner la vente forcée du bien situé [Adresse 9] à [Localité 4] ;
- ordonner le renvoi du dossier devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Évreux aux fins de voir conformément à l'article R 322-26 du code des procédures civiles d'exécution, fixer la date d'adjudication et la date de visite des biens et droits immobiliers saisis avec le concours de la SELARL [R] [M], commissaire de justice à [Localité 10] (27), ou de tel autre commissaire de justice qu'il plaira à Mme le juge de l'exécution de désigner, lequel pourra se faire assister si besoin de deux témoins, d'un serrurier et de la force publique ;
- dire que les dépens seront pris en frais privilégiés de vente ;
- taxer les frais de poursuites conformément à la loi.
[*]
Les consorts Y.-X., intimés, n'ont pas constitué avocat.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'exigibilité des créances, leur montant et la vente forcée :
En droit l'article L 311-2 du code des procédures civiles d'exécution dispose que : « Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière dans les conditions fixées par le présent livre et par les dispositions qui ne lui sont pas contraires du livre Ier. »
La SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE justifie d'un titre exécutoire concernant ses deux créances de prêt, à savoir un acte notarié authentique établi le 11 février 2011 (pièce n° 2).
Pour débouter la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE à l'issue de l'audience d'orientation qui s'est tenue le 9 septembre 2024, le premier juge a pu justement considérer que l'article 11 des conditions générales des prêts annexées à l'acte notarié constituait une clause abusive réputée non écrite, par application des dispositions de l'article L 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur, dans la mesure où il autorisait l'organisme prêteur à exiger immédiatement la totalité des sommes dues en cas de défaut de paiement d'une échéance, sans mise en demeure préalable, quand bien même l'appelante fait valoir qu'elle a procédé à l'envoi d'une mise en demeure et a laissé s'écouler un délai de vingt-sept jours avant de prononcer la déchéance du terme.
Ainsi, en raison du caractère abusif de la clause de déchéance du terme prévue à l'article 11 des conditions générales régissant les prêts, conduisant à la déclarer non écrite selon la sanction prévue, il en résulte que la déchéance du terme prononcée par la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE par courriers du 13 août 2019 est rétroactivement privée de tout effet juridique.
En revanche, les échéances des prêts impayées par M. Y. et Mme X., à hauteur de la somme de 10 339,68 euros (arrêtée au 21 novembre 2024 pour le prêt n° 4893766 ‘pièce n° 15 historique de compte) et de celle de 51 822,42 euros (arrêtée au 21 novembre 2024 pour le prêt n° 4893767 ‘pièce n° 16 historique de compte) correspondent à des créances liquides et exigibles détenues par l'appelante.
Dans ces conditions il y a lieu de considérer que la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE est fondée à poursuivre la procédure de saisie-immobilière et la vente forcée en raison des échéances impayées, dont le montant total s'élève à 62 222,10 euros, qui n'apparaît pas contraire au principe de proportionnalité prévu à l'article L 111-7 du code des procédures civiles d'exécution.
En conséquence de ce qui précède, il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le CRÉDIT FONCIER DE FRANCE de l'intégralité de ses demandes, d'ordonner la vente forcée en renvoyant la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE à saisir le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Évreux pour assurer sa mise en œuvre dans les conditions détaillées au dispositif, étant rappelé qu'en application de l'article L 322-6 du code des procédures civiles d'exécution le montant de la mise à prix figure dans le cahier des conditions de vente qui a été déposé à son greffe le 25 janvier 2023, selon ce que précise le jugement.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les consorts Y.-X., parties succombantes, seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel qui seront compris dans les frais taxés de la vente.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement rendu le 4 novembre 2024 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Évreux en ce qu'il a débouté la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE de l'intégralité de ses demandes et condamné la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE aux entiers dépens de l'instance ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Ordonne la vente forcée de l'immeuble visé dans le commandement de payer valant saisie vente signifié le 15 novembre 2022, situé [Adresse 6] à [Localité 4] cadastré section ZC n° [Cadastre 5] ;
Retient la créance totale de la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE fondant la poursuite pour le montant de 62 222,10 euros arrêté au 21 novembre 2024 en principal, intérêts et accessoires ;
Renvoie la SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE à poursuivre la procédure de saisie-immobilière devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Évreux qui en déterminera les modalités en particulier le montant de la mise, la date de l'audience d'adjudication, ainsi que les modalités de visite, de publicité et de vente de l'immeuble situé [Adresse 6] à [Localité 4] (27) cadastré section ZC n° [Cadastre 5] ;
Dit que les dépens, y compris ceux de première instance, seront compris dans les frais taxés de la vente.
La greffière Le président