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CA TOULOUSE (2e ch.), 29 avril 2025

Nature : Décision
Titre : CA TOULOUSE (2e ch.), 29 avril 2025
Pays : France
Juridiction : Toulouse (CA), 2e ch.
Demande : 24/01315
Décision : 25/158
Date : 29/04/2025
Nature de la décision : Sursis à statuer
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 17/04/2024
Décision antérieure : TJ Toulouse, 12 avril 2024 : RG n° 23/04674
Numéro de la décision : 159
Décision antérieure :
  • TJ Toulouse, 12 avril 2024 : RG n° 23/04674
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23848

CA TOULOUSE (2e ch.), 29 avril 2025 : RG n° 24/01315 ; arrêt n° 25/159 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Sur ce fondement, il est désormais constant que crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la clause stipulant la résiliation de plein droit du contrat de prêt, huit jours après une simple mise en demeure adressée à l'emprunteur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire, en cas de défaut de paiement de tout ou partie des échéances à leur date ou de toute somme avancée par le prêteur.

La clause de déchéance du terme figurant au contrat de prêt, qui laisse à l'emprunteur un délai de huit jours pour régulariser, est donc susceptible d'être qualifiée de clause abusive, et ce bien que la banque ait laissé à l'emprunteur un délai plus important que celui prévu contractuellement, aux termes de sa mise en demeure.

Le juge est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose.

Afin de respecter le principe du contradictoire, la Cour relevant d'office cette difficulté, la réouverture des débats sera ordonnée, afin de laisser la possibilité à la banque de présenter ses observations sur ce point, et le cas échéant d'adapter ses conclusions en sollicitant le paiement de chaque échéance impayée, dans la limite de la prescription. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 29 AVRIL 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 24/01315. Arrêt n° 25/159. N° Portalis DBVI-V-B7I-QFGZ. Décision déférée du 12 avril 2024, TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE : RG n° 23/04674.

 

APPELANTE :

SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DÉVELOPPEMENT (CIFD)

venant aux droits de la société CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE SUD OUEST en vertu d'un acte de fusion publié le 27/05/2016 [Adresse 2], [Localité 5], Représentée par Maître Jacques MONFERRAN de la SCP MONFERRAN - ESPAGNO - SALVADOR, avocat postulant au barreau de TOULOUSE, Représentée par Maître Mathieu ROQUEL de la SCP AXIOJURIS LEXIENS, avocat plaidant au barreau de LYON

 

INTIMÉ :

Monsieur X. 

[Adresse 4], [Localité 1], Non représenté

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 février 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant V. SALMERON, présidente et S. MOULAYES, conseillère, chargée du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : V. SALMERON, présidente, S. MOULAYES, conseillère, I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère.

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRÊT : - Défaut - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

Selon offre de prêt émise le 30 juillet 2010, acceptée le 12 août 2010, le Crédit Immobilier de France Sud Ouest a octroyé à Monsieur X. un prêt immobilier d'un capital initial de 143.819 euros avec intérêts au taux nominal initial de 3,50 % remboursable en 360 mensualités.

Monsieur X. a été défaillant dans le remboursement de ce prêt.

Le 9 mai 2023, le Crédit Immobilier de France Développement lui a adressé une mise en demeure de payer les sommes dues et l'a averti également de ce qu'elle vaudrait déchéance du terme à défaut de règlement sous trente jours.

Cette mise en demeure est revenue avec la mention « pli avisé et non réclamé ».

Par acte de commissaire de justice en date du 14 novembre 2023, la Sa Crédit Immobilier de France Développement a fait assigner Monsieur X. devant le tribunal judiciaire de Toulouse en paiement de la somme de 130.421,86 euros outre intérêts au taux conventionnel à compter du 31 juillet 2023 au titre du prêt, et de la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de résistance abusive.

Par jugement du 12 avril 2024, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- débouté la Sa Crédit Immobilier de France Développement de sa demande de condamnation formée à l'encontre de Monsieur X. au titre du prêt immobilier souscrit par ce dernier,

- débouté la Sa Crédit Immobilier de France Développement de sa demande de condamnation de Monsieur X. au titre de la résistance abusive

- débouté la Sa Crédit Immobilier de France Développement de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sa Crédit Immobilier de France Développement aux entiers dépens de la présente instance.

Par déclaration en date du 17 avril 2024, la Sa Crédit Immobilier de France Développement a relevé appel du jugement. La portée de l'appel est la réformation de l'ensemble des chefs du jugement, que la déclaration d'appel critique tous expressément.

La clôture est intervenue pour le 6 janvier 2025, et l'affaire a été appelée à l'audience du 4 février 2025.

 

Prétentions et moyens :

Vu les conclusions d'appelant n°1 notifiées le 11 juillet 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sa Crédit Immobilier de France Développement demandant, au visa des articles 1103 et suivants du code civil, de :

- réformer le jugement rendu le 12 avril 2024 en ce qu'il a débouté la Société Crédit Immobilier de France Développement de sa demande de condamnation formée à l'encontre de Monsieur X. au titre de son prêt immobilier ainsi qu'au titre de la résistance abusive dont ce dernier à fait preuve, en ce qu'il a également débouté la Société Crédit Immobilier de France Développement de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a condamné la Société Crédit Immobilier de France Développement aux dépens,

En conséquence,

- condamner Monsieur X. à payer au Crédit Immobilier de France Développement :

- la somme de 130.421,86 euros outre intérêts au taux conventionnel de 3,30% l'an à compter du 1er août 2023 au titre du prêt n°[Numéro identifiant 3],

- la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de résistance abusive,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner Monsieur X. à payer au Crédit Immobilier de France Développement la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur X. aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les coûts de l'inscription de l'hypothèque judiciaire provisoire et de l'hypothèque judiciaire définitive à intervenir, distraits au profit de Maître Jacques Monferran avocat sur son affirmation de droit.

La banque affirme justifier de sa créance, et produit en cause d'appel le tableau d'amortissement qui faisait défaut en première instance.

[*]

Monsieur X., à qui la déclaration d'appel ainsi que les conclusions des appelantes ont été signifiées le 17 juin 2024 et le 12 juillet 2024 par signification à étude, n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

En application de l'article 472 du Code de procédure civile, en appel, si l'intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés. Lorsque la partie intimée ne constitue pas avocat, ou si ses conclusions ont été déclarées irrecevables, la cour doit examiner, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'est déterminé.

 

Sur la demande en paiement :

Il ressort de la combinaison des articles 1134 et 1135 du code civil, dans leurs versions antérieures à l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; elles obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature.

En l'espèce, par courrier du 9 mai 2023, la banque a mis en demeure l'emprunteur de régler les échéances impayées, sous peine de prononcer la déchéance du terme à défaut de règlement dans un délai de 30 jours.

Elle fonde ainsi sa demande en paiement sur l'article XI des conditions générales du contrat de prêt, qui dispose notamment qu'en cas de défaut de paiement de tout ou partie des échéances à leur date « le contrat de prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles huit jours après une simple mise en demeure adressée à l'emprunteur par lettre recommandée avec avis de réception ou par acte extrajudiciaire mentionnant l'intention du prêteur de se prévaloir de la clause de résiliation […], l'emprunteur ne pouvant opposer aucune exception, pas même celle du paiement des intérêts échus ».

Il convient de rappeler qu'en application des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Les clauses abusives sont réputées non écrites.

Ces dispositions sont d'ordre public.

Par arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l'article 3, § 1 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs devait être interprété en ce sens que s'agissant de l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombait à cette juridiction d'examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépendait de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présentait un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté était prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêtait un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté dérogeait aux règles de droit commun applicables en la matière en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoyait des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l'application d'une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt.

Par arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21), elle a dit pour droit que l'arrêt précité devait être interprété en ce sens que les critères qu'il dégageait pour l'appréciation du caractère abusif d'une clause contractuelle, notamment du déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat que cette clause créait au détriment du consommateur, ne pouvaient être compris ni comme étant cumulatifs ni comme étant alternatifs, mais devaient être compris comme faisant partie de l'ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné, que le juge national devait examiner afin d'apprécier le caractère abusif d'une clause contractuelle.

Sur ce fondement, il est désormais constant que crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la clause stipulant la résiliation de plein droit du contrat de prêt, huit jours après une simple mise en demeure adressée à l'emprunteur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire, en cas de défaut de paiement de tout ou partie des échéances à leur date ou de toute somme avancée par le prêteur.

La clause de déchéance du terme figurant au contrat de prêt, qui laisse à l'emprunteur un délai de huit jours pour régulariser, est donc susceptible d'être qualifiée de clause abusive, et ce bien que la banque ait laissé à l'emprunteur un délai plus important que celui prévu contractuellement, aux termes de sa mise en demeure.

Le juge est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose.

Afin de respecter le principe du contradictoire, la Cour relevant d'office cette difficulté, la réouverture des débats sera ordonnée, afin de laisser la possibilité à la banque de présenter ses observations sur ce point, et le cas échéant d'adapter ses conclusions en sollicitant le paiement de chaque échéance impayée, dans la limite de la prescription.

 

Sur les autres demandes :

Les autres demandes, concernant les dommages et intérêts pour résistance abusive, les frais irrépétibles et les dépens, seront réservées.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant avant dire droit,

Ordonne la réouverture des débats, afin de permettre à la Sa Crédit Immobilier de France Développement de présenter ses observations sur la question du caractère abusif de la clause de déchéance du terme, et le cas échéant d'adapter ses conclusions en sollicitant le paiement de chaque échéance impayée, dans la limite de la prescription ;

Renvoie la présente affaire à l'audience de plaidoirie du 25 juin 2025 à 14 heures ;

Le greffier                                         La présidente