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CA TOULOUSE (1re ch. sect. 1), 28 mai 2025

Nature : Décision
Titre : CA TOULOUSE (1re ch. sect. 1), 28 mai 2025
Pays : France
Juridiction : Toulouse (CA), 1re ch. sect. 1
Demande : 23/03266
Décision : 25/233
Date : 28/05/2025
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 15/09/2023
Décision antérieure : TJ Albi, 27 juillet 2023 : RG n° 22/01308
Numéro de la décision : 233
Décision antérieure :
  • TJ Albi, 27 juillet 2023 : RG n° 22/01308
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23850

CA TOULOUSE (1re ch. sect. 1), 28 mai 2025 : RG n° 23/03266 ; arrêt n° 25/233 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « A titre surabondant, le garagiste invoque une clause limitative de responsabilité.

L'ordre de réparation du 16 mai 2017 contient une clause selon laquelle : « Les marchandises, prestations et modifications présentes sur ce document sont exclusivement réservées à la compétition. LR Performance ne garantit en aucun cas les interventions sur moteur occasion et/ou moteur préparé. LR Performance ne pourra donc être tenu pour responsable si une panne et/ou casse a lieu pendant et après intervention. » L'ordre de réparation ne peut pas être considéré comme un contrat d'adhésion au sens de l'article 1110 du code civil. Il s'agit d'un contrat de gré à gré dont les stipulations sont négociables entre les parties.

En vertu de l'article R. 212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions des premier et quatrième alinéas de l'article L. 212-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : 6° Supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations.

En l'espèce, le moteur était préparé. Le véhicule avait déjà été modifié lorsqu'il a été confié à la société LR Performance. Il était équipé d'un kit AMS depuis 2013, kit spécifique au véhicule de compétition (page 18 rapport d'expertise judiciaire). La société Hm Invest savait lorsqu'elle a confié le véhicule à la société LR Performance le 16 mai 2017 que ce véhicule avait fait l'objet d'une telle modification, car la société [9] Signatures lui avait refusé de s'occuper de sa voiture au motif qu'elle avait été modifiée (facture du 10 novembre 2016 mentionnant « kit moteur non homologué par Porsche »). Le devis du 4 avril 2017 de la société LR Performance mentionnait déjà « véhicule lourdement préparé ayant subi d'importantes modifications mécaniques et électroniques ». Dès lors, la société Hm Invest, qui savait être titulaire d'un véhicule modifié pour concourir en course, doit être considérée comme éclairée en matière automobile, et en mesure de saisir la pleine portée du consentement donnée au contrat, et ne peut donc être considérée comme un consommateur au sens de l'article R. 212-1 du code de la consommation.

Ainsi, en tout état de cause, la clause limitative de responsabilité s'applique. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION 1

ARRÊT DU 28 MAI 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/03266. Arrêt n° 25/233. N° Portalis DBVI-V-B7H-PWJK. Décision déférée du 27 juillet 2023 : TJ D'ALBI – R.G. n° 22/01308.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

[Adresse 1], [Localité 2]

SARL HM INVEST

[Adresse 1], [Localité 2]

Représentés par Maître Emmanuelle DESSART de la SCP SCP DESSART, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant), Représentés par Maître Nadine QUESADA, avocat au barreau de TOULOUSE (plaidant)

 

INTIMÉE :

SAS LR PERFORMANCE

[Adresse 3], [Localité 4], Représentée par Maître Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant), Représentée par Maître Olivier RICHARD de la SELEURL OR AVOCAT, avocat au barreau de TOULOUSE (plaidant)

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 mars 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S. LECLERCQ, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : M. DEFIX, président, S. LECLERCQ, conseillère, N. ASSELAIN, conseillère, qui en ont délibéré.

Greffière : lors des débats M. POZZOBON

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par M. DEFIX, président et par M. POZZOBON, greffière

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :

Selon certificat d'immatriculation du 14 septembre 2015, la société à responsabilité limitée (Sarl) Hm Invest est propriétaire d'un véhicule de marque Porsche immatriculé [Immatriculation 7].

Cette société, qui exerce une activité de holding, a pour gérant M. X.

Les parties s'accordent à dire que ce véhicule, ayant pour date de première immatriculation le 14 avril 2008, aurait été acquis le 14 septembre 2015 par la société Hm Invest à M. Y., au prix de 83.000 euros, alors qu'il avait fait l'objet de modifications, à savoir l'installation par la société Top car 91, le 22 juillet 2013 d'un kit de marque Tech Art, consistant en la modification d'éléments esthétiques extérieurs, et l'installation par la société Digiservices, le 11 décembre 2013 d'un kit de marque AMS, consistant en la modification d'éléments mécaniques.

Suivant facture du 10 novembre 2016, le garage [9] concession Signatures [Localité 11] a procédé au grand entretien, remplacé la durite sortie du turbo gauche et déposé la wastegate cassée du turbo gauche pour mieux fixer la durite d'entrée d'air.

M. X. se plaignant d'un problème de wastegate, le garage [9] considérant que le kit moteur n'était pas homologué Porsche a renvoyé M. X. à saisir un garage spécialisé dans les véhicules ayant fait l'objet d'une préparation.

Suivant ordre de réparation du 23 novembre 2016, le véhicule a été confié à la Société par actions simplifiée (Sas) LR Performance, exploitant un garage, pour diagnostic et recherche de panne à la suite d'un problème de wastegate. Suivant facture du 2 janvier 2017, pour diagnostic et recherche de panne, la société a conclu à la nécessité de remplacer le carter turbo, le support et l'activateur de la wastegate.

Elle a réalisé ces travaux suivant facture du 27 février 2017.

Le véhicule a de nouveau été amené au garage LR Performance par M. X. Un devis a été réalisé le 4 avril 2017 pour le remplacement des deux turbos, après consultation de son sous-traitant la société Bg Turbo, mentionnant « roulement HS turbo 1 », et « turbo 2 nécessitant réfection car signes d'usures prononcées ».

Suivant ordre de réparation et facture du 16 mai 2017, le garage LR Performance ayant diagnostiqué un manque de puissance a procédé au remplacement des deux turbos.

Des éléments de ces deux turbos ont été fournis par la société Bg Turbo, sous-traitant de la société LR Performance, et montés par LR Performance sur le carter de turbo.

Suivant facture du 6 juillet 2017, le garage [9] Signatures a procédé au remplacement du pont avant.

Par courriel du 4 août 2017, M. X. a demandé au garage LR Performance pourquoi le véhicule manquait de puissance lorsqu'il avait roulé plus de 40 minutes. Il a indiqué qu'en se rendant sur [Localité 8] à 230 km/h, la voiture avait du mal à avancer plus.

Le garage LR Performance a refusé d'intervenir à nouveau sur le véhicule.

Une expertise amiable contradictoire a été réalisée à la demande de la Sarl Hm Invest, par M. W. du cabinet Capitole Expertise, le 13 mai 2019, ayant donné lieu à un rapport du 18 octobre 2019.

Par ordonnance du 29 mai 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Albi, saisi par la Sarl Hm Invest, a ordonné une expertise. Suite à ordonnance de remplacement d'expert, elle a été confiée à M. Z.

L'expert judiciaire a rendu son rapport le 24 mars 2022.

Par acte du 7 septembre 2022, M. X. et la Sarl Hm Invest ont fait assigner la Sas LR Performance devant le tribunal judiciaire d'Albi aux fins de réparation de leurs préjudices.

Par un jugement du 27 juillet 2023, le tribunal judiciaire d'Albi a :

- déclaré irrecevables les fins de non-recevoir soulevées par la Sas LR Performance,

- déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir l'action de M. X.,

- rejeté les demandes formées par la Sarl Hm Invest,

- condamné M. X. aux dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire,

- condamné M. X. à payer à la Sas LR Performance la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles,

- rappelé l'exécution provisoire de plein droit du présent jugement.

Pour statuer ainsi, le premier juge a estimé que le juge de la mise en état était seul compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir, dont le défaut de qualité et d'intérêt à agir, et que les demandes formées à ce titre par la Sas LR Performance devaient donc être déclarées irrecevables. En revanche, il a soulevé d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M. X., qui ne démontre pas sa qualité de propriétaire du véhicule litigieux.

Il a considéré que la société LR Performance avait commis un manquement à ses obligations contractuelles, en ce que les travaux de mécanique réalisés n'étaient pas conformes aux règles de l'art. Il a jugé cependant qu'il n'était pas rapporté la preuve d'un préjudice en lien de causalité, puisque la persistance des pertes de puissance alléguées n'avait jamais été constatée ; qu'en outre, le préjudice était illicite, le véhicule litigieux étant utilisé par M. X. sur route ouverte et la vitesse de 230 km/h étant manifestement illégale sur route ouverte.

* * *

Par déclaration du 15 septembre 2023, M. X. et la Sarl Hm Invest ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :

- déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir l'action de M. X.,

- rejeté les demandes formées par la Sarl Hm Invest,

- condamné M. X. aux dépens en ce compris le coût de l'expertise judiciaire,

- condamné M. X. à payer à la Sas Le Performance la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles,

Et par voie de conséquence,

- débouté M. X. et la Sarl Hm Invest des demandes suivantes :

* juger que la Sarl LR Performance a engagé sa responsabilité pour absence de résultat de ses interventions mécaniques sur le véhicule immatriculé [Immatriculation 7],

En conséquence,

* condamner à la prise en charge de l'intégralité des frais de réparation du véhicule ainsi que des frais annexes, savoir,

‘24.315,53 euros au titre des travaux de reprise

‘5.315,99 euros au titre des frais facturés par la Sarl LR Performance

‘6.781,67 euros au titre des frais annexes d'expertise et de diagnostique

‘12.960 euros au titre des frais de gardiennage

‘7.323,84 euros au titre de la prime d'assurance du véhicule

‘1.868,33 euros au titre de l'entretien du véhicule non réalisé pour cause d'immobilisation,

* condamner à verser aux requérants la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance,

* condamner à leur verser la somme de 4.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

 

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 mars 2025, M. X. et la Sarl Hm Invest, appelants, demandent à la cour de :

- réformer le jugement du tribunal judiciaire d'Albi en ce qu'il a :

* déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir l'action de M. X.,

* rejeté les demandes formées par la Sarl Hm Invest,

* condamné M. X. aux dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire,

* condamné M. X. à payer à la Sas LR Performance la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles,

Statuant à nouveau,

- déclarer recevable l'action de M. X.,

- débouter la société LR Performance de l'ensemble de ses conclusions et prétentions contraires,

- condamner la société LR Performance à verser à M. X. et à la société Hm Invest les sommes suivantes :

* 24.315,53 euros au titre des travaux de reprise,

* 5.315,99 euros des frais facturés par la Sarl LR Performance,

* 6.781, 67 euros au titre des frais annexes d'expertise et de diagnostique,

* 12.960 euros au titre de frais de gardiennage,

* 7.323,84 euros au titre de la prime d'assurance du véhicule,

* 1.868,33 euros au titre de l'entretien du véhicule non réalisé pour cause d'immobilisation,

* 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance,

- condamner la société LR Performance aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

- condamner la société LR Performance à verser M. X. et la société Hm Invest la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

M. X. fait valoir qu'il est l'utilisateur du véhicule, en qualité de gérant de la société Hm Invest, et qu'il est donc recevable en son action.

Sur le fond, la société Hm Invest et M. X. soutiennent que la société LR Performance, garagiste, a manqué à son obligation de résultat. Ils font valoir que les travaux de mécanique réalisés ne sont pas conformes aux règles de l'art. Ils ajoutent que le fait que des pièces du véhicule ne soient pas d'origine n'a pas d'influence sur l'obligation de résultat du garagiste. Ils estiment que c'est bien la société LR Performance qui a choisi de procéder au perçage des turbos, par l'entremise de son sous-traitant, la société BG TURBO. Ils ajoutent que la société LR Performance a été missionnée par M. X. au titre d'un poste 'diagnostic et recherche’et qu'elle n'a fait aucun constat de dysfonctionnement électrique ; que si les pertes de puissance étaient liées à une telle cause de dysfonctionnement, la société LR Performance aurait dû identifier la problématique et intervenir en conséquence sur le véhicule.

Ils exposent qu'ils subissent un préjudice certain, consistant en les frais de réparation, frais de gardiennage, remboursement des factures LR Performance, frais annexes et frais d'expertise judiciaire, et que ce préjudice est licite, car si la législation française impose une limitation à 130 km/h, ce n'est pas vrai dans d'autres pays européens ; que le véhicule est homologué pour une utilisation sur la voie publique, et dispose d'un commutateur boost-control permettant de basculer de la configuration moteur prévue pour la circulation sur la voie publique, à une configuration 'sport', pour une utilisation sur circuit ; qu'étant conçu pour la compétition, il est censé pouvoir rouler à des vitesses supérieures à 230 km/h. Ils estiment que la perte de puissance engendre une perte de valeur du véhicule, et que si la société LR Performance ne pouvait remettre aux normes le véhicule, elle aurait dû alerter M. X. sur ce point. Ils font valoir en outre que le véhicule pose des risques graves pour la sécurité de tous les usagers de la route du fait de l'intervention de la société LR Performance avec un risque d'incendie avec la fuite d'huile sur les échappements, le risque de chutes de pièces imposantes sur la chaussée, le risque d'accident.

Ils estiment que ce préjudice est en lien de causalité directe avec la faute, car dès lors que les désordres persistent ou surviennent après l'intervention du garagiste, le lien causal est présumé. Ils font valoir que la société LR Performance savait que le véhicule avait été préparé et qu'il lui était loisible de refuser sa prise en charge ; qu'au contraire, elle est intervenue sur le véhicule.

Enfin, ils contestent l'application de la clause d'exclusion de responsabilité figurant sur l'ordre de réparation, faisant valoir que cette clause est abusive en matière de contrat d'adhésion et au regard du code de la consommation, et qu'ils sont profanes en matière automobile et doivent être considérés comme des consommateurs.

* * *

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 mars 2025, la Sas LR Performance, intimée, demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 27 juillet 2023 par le tribunal judiciaire d'Albi en ce qu'il a :

* déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir l'action de M. X.,

* rejeté les demandes formées par la Sarl Hm Invest,

* condamné M. X. aux dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire,

* condamné M. X. à payer à la Sas LR Performance la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles,

Si par extraordinaire, la cour d'appel venait à juger l'action de M. X. recevable, il sera demandé à la cour de :

- juger que M. X. ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un manquement contractuel de la part de la société LR Performance,

- juger que M. X. ne rapporte pas la preuve de l'imputabilité du dommage à la prétendue inexécution de la société LR Performance,

- juger que M. X. ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un dommage indemnisable,

En conséquence,

- débouter M. X. de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

- sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile, condamner M. X. et la société Hm Invest aux entiers dépens,

- sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, condamner M. X. et la société Hm Invest à payer à la société LR Performance la somme de 6.000 euros.

Elle soutient que l'action de M. X. est irrecevable pour défaut de qualité personnelle à agir.

Elle fait valoir que les corps des turbos ont été adaptés à la transformation du véhicule ; qu'il s'agit plus d'une préparation moteur que d'une recherche de panne sur un véhicule classique ; que l'automobile était parfaitement utilisable avant d'être démontée à l'occasion de l'expertise amiable.

Elle conteste avoir réalisé le perçage des raccords d'huile sur les turbocompresseurs, la modification du turbocompresseur n'apparaissant pas sur ses factures. Elle souligne qu'aucune fuite d'huile n'a été constatée lors de l'expertise judiciaire.

Elle fait valoir que les pertes de puissance et dysfonctionnements du moteur n'ont pas pu être vérifiés. Elle conteste que les pertes de puissance alléguées proviennent de son intervention. Elle conteste s'être engagée sur un résultat en terme de puissance. Elle soutient que le préjudice allégué de manque de puissance est illicite. Elle conteste aussi avoir causé un risque pour la sécurité des usagers de la route.

Elle ajoute que l'ordre de réparation prévoyait que les marchandises, prestations et modifications étaient spécifiquement réservées à la compétition, et qu'elle ne garantissait en aucun cas les interventions sur moteur occasion et/ou moteur préparé ; que la société Hm Invest savait qu'elle avait confié aux différents intervenants une voiture lourdement modifiée avec du matériel non homologué et qu'en signant l'ordre de mission, cette dernière avait accepté le risque inhérent à ce type de préparation automobile.

* * *

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 mars 2025. L'affaire a été examinée à l'audience du 25 mars 2025 à 14h00.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de l'action de M. X. :

Dans l'assignation du 7 septembre 2022, M. X. précise qu'il est gérant de la société Hm Invest. M. X. indiquait avoir acheté le véhicule au travers de la Sarl Hm Invest. Le véhicule appartient donc à la société Hm Invest.

M. X. agit en tant que gérant de la société Hm Invest. Dans ses conclusions, il précise qu'il est l'utilisateur du véhicule, en qualité de gérant de la société Hm Invest.

La société Hm Invest représentée par son gérant est recevable en son action.

En revanche, M. X. à titre personnel est irrecevable à agir. En effet, il ne justifie pas à titre personnel être propriétaire du véhicule, ni avoir l'utilisation du véhicule, ne produisant aucun contrat passé entre lui-même à titre personnel et la société Hm Invest pour l'utilisation du véhicule.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a déclaré M. X. irrecevable en son action à titre personnel.

 

Sur les demandes de la société Hm Invest :

Sur les données de l'expertise judiciaire :

Lorsque l'expert judiciaire a fait ses constatations, le moteur en place était partiellement déshabillé. L'ensemble de l'échappement était déposé. Ainsi, le véhicule n'était pas roulant lors des opérations d'expertise judiciaire.

Les perçages étaient décalés sur les retours d'huile des turbocompresseurs. Des traces de fuites étaient constatées au niveau des joints d'échappement. Une soudure était visible sur la commande de wastegate. Les tuyaux de dépression wastegate étaient en très mauvais état.

Ainsi, l'examen des pièces démontées avant l'expertise permettait de constater plusieurs anomalies notables au niveau des turbocompresseurs. Ces pièces étaient parfaitement identifiées et correspondaient à celles examinées lors de la dernière réunion d'expertise amiable contradictoire. Toutefois, compte tenu de ces démontages, il était matériellement impossible à l'expert judiciaire de vérifier les dysfonctionnements allégués par M. X.

L'expert judiciaire indique : « Les procès-verbaux établis lors des opérations amiables avant démontage en 2017 et avril 2018 mentionnent l'essai de plusieurs passages au banc permettant de constater une puissance d'environ 540 chevaux. Compte tenu des constatations effectuées lors de ces expertises, les pertes ponctuelles de puissance constatées ne semblent pas provenir d'une défaillance des turbos mais plutôt d'un problème de gestion électronique. » (rapport p 14).

Il indique qu'il ressort du rapport de l'expert du cabinet Lang & associés que les défauts ressentis par M. X. seraient plutôt consécutifs à des défauts de gestion électronique totalement modifiée par rapport à la gestion moteur sur un véhicule en configuration d'origine (rapport p 23).

Selon le rapport du cabinet Lang & associés, 'les turbos ne sont pas en cause puisque la puissance est là.

La panne si elle existe est liée :

- soit au système de commande des soupapes de décharge, qui n'est plus géré par le calculateur moteur, comme sur un véhicule de série, mais par un « boîtier additionnel » simpliste monté avant l'intervention de l'assuré ;

- soit au calculateur moteur dont la programmation, qui a été revue par un précédent intervenant, active une sécurité lors de certaines phases de fonctionnement en diminuant la pression des turbos.

L'expert judiciaire estime que les dysfonctionnements ressentis par M. X. (non vérifiés) sont liés à l'électronique du véhicule qui a été profondément modifiée, tant au niveau de la cartographie de gestion du moteur que de la gestion de la régulation de pression des turbocompresseurs.’(rapport p 20).

Il indique : « Le montage des turbos facturé par LR Performance n'est pas conforme mais aucun élément technique concret ne permet d'affirmer que ce montage est à l'origine des pertes ponctuelles de puissance. »

« Il a été parfaitement possible de vérifier certains désordres déjà constatés lors des opérations amiables concernant le montage des turbos et leurs modifications. Même si ces désordres sont avérés, il est impossible en l'état de dire s'ils sont à l'origine des pertes de puissance et dysfonctionnements allégués. » (rapport p. 17)

Il conclut qu'il y a des malfaçons sur les travaux effectués par LR Performance, mais que rien ne permet d'affirmer techniquement qu'elles sont à l'origine des dysfonctionnements allégués par M. X. Selon lui, le véhicule litigieux est équipé d'un kit normalement réservé à la compétition et ne permet pas une utilisation normale de l'automobile comme un véhicule d'origine. Ce type de transformation n'est habituellement jamais garanti par le fabricant et le préparateur. M. X. était parfaitement informé de ces spécificités.

Il indique que la remise en état du véhicule n'est pas envisageable en l'état. La seule solution pour que le fonctionnement du véhicule soit fiabilisé et conforme au niveau de la législation, est de remettre des turbocompresseurs et des éléments mécaniques conformes à l'origine.

Un devis de remise en conformité a été produit par le garage [10], cette intervention a été estimée à 24.315,53 euros TTC.

 

Sur les désordres :

Des désordres ont été constatés sur le véhicule, tant à l'occasion de l'expertise amiable contradictoire qu'à l'occasion de l'expertise judiciaire.

Ainsi, le véhicule présente les désordres suivants :

- perçages inadéquats des raccords d'huile sur les turbocompresseurs ;

- joint de turbo laissant apparaître des traces de fuite ;

- durits de dépression endommagées ;

- tige de commande de wastegate ressoudée.

 

Sur le préjudice en lien de causalité avec ces désordres :

Sur la dangerosité du véhicule pour les autres usagers de la route du fait de la société LR Performance :

Ni l'expert amiable ni l'expert judiciaire ne disent que le véhicule est dangereux pour les autres usagers de la route. Ils ne mentionnent pas de fuite d'huile, ni de pièces pouvant tomber sur la route. L'expert judiciaire mentionne une fuite au niveau des joints de turbo, ce qui concerne des gaz d'échappement. Il n'est donc pas démontré que le véhicule peut faire l'objet d'un incendie ni d'un accident du fait des travaux réalisés par la société LR Performance.

Il ne peut donc être imputé à la société LR Performance une mise en danger des autres usagers de la route.

En tout état de cause, il s'agit d'un véhicule qui était préparé pour la compétition avant même l'intervention de la société LR Performance.

La société Hm Invest justifie que le véhicule est équipé d'un boost control on/off que l'on peut activer selon que le véhicule est utilisé sur route ou sur circuit (pièce 9 ordre de réparation du 16 mai 2017).

Néanmoins, elle ne démontre pas que malgré les préparations qu'il avait subies, le véhicule restait homologué pour circuler sur route.

L'article R. 321-16 du code de la route dispose : « Tout véhicule isolé ou élément de véhicule ayant subi des transformations notables est obligatoirement soumis à une nouvelle réception. Le propriétaire du véhicule ou de l'élément de véhicule doit demander cette nouvelle réception au préfet.

Le ministre chargé des transports définit par arrêté les transformations notables rendant nécessaires une nouvelle réception. »

La facture du 2 janvier 2017 rappelle que la mise en place de certains produits de préparation peut constituer des transformations notables au sens de l'article R 321-16 du code de la route et que le véhicule ainsi équipé devra être soumis à une nouvelle réception destinée à vérifier qu'après ces modifications le véhicule satisfait aux conditions techniques de mise en circulation. Cette nouvelle réception doit être demandée par le propriétaire du véhicule au préfet. Le propriétaire du véhicule devra adresser à la préfecture de son domicile, qui transmettra au service des mines, une demande de réception qui comportera une notice descriptive des modifications apportées au véhicule tel qu'il était lors de la précédente réception. Le propriétaire devra en outre, et ce dans la 15 jours suivant la transformation du véhicule, adresser au préfet du département du lieu d'immatriculation du véhicule une demande de transformation accompagnée de la carte grise aux fins de modification de cette dernière.

Or, la société Hm Invest ne justifie pas que suite aux transformations que le véhicule a subies, notamment l'installation du kit AMS le 11 décembre 2013, une demande de réception après du préfet a été faite ni que le certificat d'immatriculation a été modifié, et qu'ainsi le véhicule circule licitement sur route.

 

Sur les pertes de puissance :

Par courriel du 4 août 2017, M. X. a demandé au garage LR Performance pourquoi le véhicule manquait de puissance lorsqu'il avait roulé plus de 40 minutes. Il a indiqué : « Je suis descendu sur [Localité 8] mardi à 230 la voiture avait du mal à avancer plus, la pression des turbos ne montait pas au-dessus de 0,9 indication sur le compteur de la voiture quand je suis sorti de l'autoroute à chaque accel. Elle ne le faisait pas avant, même avec ces échangeurs !! (vous ne m'avez jamais dit le prix des échangeurs AMS!!!! Quand je décélère on entend régulièrement des pets au niveau des pots (comme des retours d'allumage) ! ».

L'expert judiciaire a indiqué : « Les démontages effectués lors des opérations d'expertise amiable ne nous permettent pas de vérifier les éventuels dysfonctionnements et les pertes de puissance alléguées. »

L'expert judiciaire n'a pas remonté le véhicule.

L'expertise amiable contradictoire mentionne le 4 avril 2018 un passage au banc de puissance chez Evo-Tech Performance à [Localité 6], en présence du cabinet Lang & associés expert mandaté par le Gan : 'valeurs relevées mode normal 534 chevaux / mode sport 540 chevaux ; un nouveau rendez-vous est à prévoir pour diagnostic et recherche de panne.'

Le cabinet Lang & associés, expert mandaté par le Gan indique dans son rapport du 8 janvier 2019 que lors de la réunion du 4 avril 2018 chez Evo-Tech Performance à [Localité 6], le véhicule a été passé sur banc de puissance. Les 3 essais consécutifs de moins de 5 minutes chacun n'ont pas permis de déceler la moindre anomalie de fonctionnement. La puissance max obtenue est de 540 chevaux avec une pression turbo qui n'a pas été relevée.

Il précise : « Compte tenu d'un malentendu lors de la prise de rendez-vous par le tiers, seul un contrôle de puissance a été effectué sur le banc de puissance, et non une recherche de panne qui aurait demandé plus de temps.

Il a été demandé à la société Evo-Tech Performance de continuer les investigations. Le technicien d'Evo Tech doit informer les parties des anomalies découvertes au fur et à mesure de ses investigations. M. W. doit nous tenir informés de la date de rendez-vous pour recherche de panne. A ce jour et malgré nos relances, un an après la première réunion d'expertise, nous sommes sans retour de la partie adverse. »

Le cabinet Lang & associés ajoute que selon M. X., un ami mécanicien aurait réalisé un essai sur une longue durée avec un manomètre de pression turbo embarqué dans le véhicule. Lorsque le véhicule est chaud, en phase d'accélération, la pression du turbo chuterait brutalement de 500 à 800 g environ, expliquant la baisse de puissance ressentie. Le résultat de ce test, bien que non vérifié, conforterait les déclarations de M. X. Cependant, le cabinet Lang & associés estime que les turbos ne sont pas en cause, puisque la puissance est là. Il dit que la panne, si elle existe, est liée à l'électronique du véhicule qui a été profondément modifiée, tant au niveau de la cartographie de gestion du moteur que de la gestion de la régulation de pression des turbocompresseurs.

Le rapport d'expertise amiable contradictoire mentionne le 25 février 2019 : « ordre de réparation signé au garage [10] à [Localité 5] pour contrôles diagnostic moteur et manque de puissance. Un essai routier est réalisé avec le client, manque de puissance constaté. Diagnostic (outil Texa) défaut de pression suralimentation, ratés à l'allumage cylindres 4 et 5. Effacement des codes défaut, nouvel essai routier le désordre réapparaît immédiatement. Contrôle des compressions entre 12,5 et 14 bars. Pression de suralimentation : variation constatée anormale. »

Cependant, ni l'essai routier réalisé par un ami mécanicien de M. X., ni l'essai routier réalisé par le garage [10] le 25 février 2019, n'ont été faits contradictoirement.

Dès lors, les pertes de puissance suite à l'intervention de la société LR Performance n'ont pas été contradictoirement constatées.

En conséquence, ces pertes de puissance ne sont pas démontrées.

Au final, il n'est pas démontré un préjudice en lien de causalité avec l'intervention de la société LR Performance.

A titre surabondant, le garagiste invoque une clause limitative de responsabilité.

L'ordre de réparation du 16 mai 2017 contient une clause selon laquelle : « Les marchandises, prestations et modifications présentes sur ce document sont exclusivement réservées à la compétition. LR Performance ne garantit en aucun cas les interventions sur moteur occasion et/ou moteur préparé. LR Performance ne pourra donc être tenu pour responsable si une panne et/ou casse a lieu pendant et après intervention. »

L'ordre de réparation ne peut pas être considéré comme un contrat d'adhésion au sens de l'article 1110 du code civil. Il s'agit d'un contrat de gré à gré dont les stipulations sont négociables entre les parties.

En vertu de l'article R. 212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions des premier et quatrième alinéas de l'article L. 212-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de :

6° Supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations.

En l'espèce, le moteur était préparé. Le véhicule avait déjà été modifié lorsqu'il a été confié à la société LR Performance. Il était équipé d'un kit AMS depuis 2013, kit spécifique au véhicule de compétition (page 18 rapport d'expertise judiciaire). La société Hm Invest savait lorsqu'elle a confié le véhicule à la société LR Performance le 16 mai 2017 que ce véhicule avait fait l'objet d'une telle modification, car la société [9] Signatures lui avait refusé de s'occuper de sa voiture au motif qu'elle avait été modifiée (facture du 10 novembre 2016 mentionnant « kit moteur non homologué par Porsche »). Le devis du 4 avril 2017 de la société LR Performance mentionnait déjà « véhicule lourdement préparé ayant subi d'importantes modifications mécaniques et électroniques ». Dès lors, la société Hm Invest, qui savait être titulaire d'un véhicule modifié pour concourir en course, doit être considérée comme éclairée en matière automobile, et en mesure de saisir la pleine portée du consentement donnée au contrat, et ne peut donc être considérée comme un consommateur au sens de l'article R. 212-1 du code de la consommation.

Ainsi, en tout état de cause, la clause limitative de responsabilité s'applique.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la Sarl Hm Invest.

 

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement dont appel sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La société Hm Invest et M. X., parties perdantes, seront condamnés aux dépens d'appel.

Ils seront condamnés à payer à la Sas LR Performance la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens.

Ils seront déboutés de leur demande sur le même fondement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire d'Albi du 27 juillet 2023 ;

Y ajoutant,

Condamne la Sarl Hm Invest et M. X., parties perdantes, aux dépens d'appel ;

Les condamne à payer à la Sas LR Performance la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens ;

Les déboute de leur demande sur le même fondement.

La greffière                                       Le président

M. POZZOBON                               M. DEFIX