CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

TA STRASBOURG (4e ch.), 30 mai 2025

Nature : Décision
Titre : TA STRASBOURG (4e ch.), 30 mai 2025
Pays : France
Juridiction : Strasbourg (TA)
Demande : 2402028
Date : 30/05/2025
Mode de publication : ArianeWeb
Date de la demande : 15/03/2024
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 23916

TA STRASBOURG (4e ch.), 30 mai 2025 : RG n° 2402028 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « 2. Si, eu égard aux rapports de droit privé nés du contrat qui lie le service public industriel et commercial de distribution d'eau potable à ses usagers, les litiges relatifs aux rapports entre ce service et ses usagers relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, il n'en va autrement que pour les litiges relatifs à celles de ses activités qui, telles que la réglementation, la police ou le contrôle, se rattachent, par leur nature, à des prérogatives de puissance publique. En l'espèce, l'article 20.1 du règlement du services des eaux, intitulé « fuite sur raccordement avant compteur », et qui limite la prise en charge par le syndicat des eaux de Basse-Vigneulles et Faulquemont des travaux réalisés sur le domaine privé de ses abonnés, présente un caractère règlementaire. Par suite, contrairement à ce que soutient M. X, il n'appartient qu'au juge administratif d'apprécier la légalité des dispositions de cet article. »

2/ « 3. En vertu des principes généraux relatifs à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, il n'appartient pas à la juridiction administrative, lorsqu'elle est saisie d'une question préjudicielle en appréciation de validité d'un acte administratif, de se prononcer sur sa pertinence. Par suite, M. X. ne peut utilement soutenir que la question préjudicielle transmise par le tribunal judiciaire de Metz ne présenterait aucun caractère sérieux. »

3/ « 5. Les clauses réglementaires d'un contrat d'abonnement d'eau sont soumises à la législation des clauses abusives telle qu'elle résulte de l'article L. 212-1 du code de la consommation. Le caractère abusif d'une clause s'apprécie non seulement au regard de cette clause elle-même mais aussi compte tenu de l'ensemble des stipulations du contrat et, lorsque celui-ci a pour objet l'exécution d'un service public, des caractéristiques particulières de ce service.

6. Au sein de l'article 20 « Conditions d'intervention sur raccordements existants » du règlement du service de distribution d'eau potable du syndicat des eaux de Basse-Vigneulles et Faulquemont adopté le 13 décembre 2018, la clause 20.1, intitulée « Fuite sur raccordement avant compteur », dispose que : « Le syndicat des eaux de Basse-Vigneulles et Faulquemont procèdera à ses frais à la rénovation du raccordement jusqu'au compteur et au déplacement du compteur à l'extérieur comme pour les raccordements neufs en cas de nécessité. / Le syndicat des eaux de Basse-Vigneulles et Faulquemont ne prend pas en charge les travaux en domaine privé, de remise en état d'aménagements postérieurs à l'établissement du raccordement initial (pavés, carrelages, gazon, maçonnerie). Le syndicat des eaux de Basse-Vigneulles et Faulquemont s'efforcera de réaliser les travaux en réduisant au minimum les dommages aux biens. / Lors de la rénovation d'un raccordement individuel, le syndicat des eaux de Basse-Vigneulles et Faulquemont s'engage à maintenir le service initial en place (pression et débit) dans la mesure du possible ».

7. D'une part, cette clause prévoit qu'en cas de fuite sur raccordement avant compteur, le syndicat des eaux procède à ses frais à la rénovation du raccordement jusqu'au compteur. D'autre part, si la clause en litige précise que le syndicat ne prend pas à sa charge la remise en état des aménagements réalisés sur la propriété privée postérieurement à l'établissement du raccordement initial, elle indique cependant que le syndicat « s'efforcera de réaliser les travaux en réduisant au minimum les dommages aux biens ». Il en résulte que cette exclusion de prise en charge doit être regardée comme étant limitée aux dommages inévitables résultant des travaux indispensables à la résorption des fuites, et ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité du syndicat des eaux puisse être recherchée pour des dommages qui seraient causés auxdits aménagements lors des travaux de réparation et qui seraient disproportionnés par rapport à ce qu'exigent de tels travaux réalisés dans les règles de l'art. Dans ces conditions, la clause en litige ne créé pas de déséquilibre significatif dans les relations contractuelles. Elle ne présente donc pas de caractère abusif et n'est, dès lors, pas illégale. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE STRASBOURG

QUATRIÈME CHAMBRE

JUGEMENT DU 30 MAI 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro de requête : 2402028. Numéro de rôle : 64096

 

PARTIES AU LITIGE JUDICIAIRE : Syndicat des eaux de Basse-Vigneulles et Faulquemont – Monsieur X.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu la procédure suivante :

Par un jugement du 29 novembre 2023, réceptionné au greffe du tribunal administratif de Strasbourg le 15 mars 2024, le tribunal judiciaire de Metz a sursis à statuer sur le litige opposant M. X. au syndicat des eaux de Basse-Vigneulles et Faulquemont jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la question préjudicielle de la qualification du caractère abusif ou non de l'article 20.1 du règlement du service de distribution d'eau potable de ce syndicat.

[*]

Par deux mémoires enregistrés les 6 mai et 6 juin 2024, le syndicat des eaux de Basse-Vigneulles et Faulquemont, représentés par Maitre Davidson, demande au tribunal de déclarer que l'article précité ne présente pas de caractère abusif et de laisser les éventuels frais et dépens à la charge de l'Etat.

Il soutient que :

- il appartient au tribunal administratif d'apprécier la compétence de la juridiction administrative ;

- l'article 20.1 du règlement du service de distribution d'eau potable n'a pas pour effet d'exclure de façon générale et absolue la responsabilité du syndicat des eaux de Basse-Vigneulles et Faulquemont mais fixe seulement les conditions et limites de son intervention à des fins de réparation sur le terrain privé de l'usager ;

- il limite seulement les conditions de remise en état du terrain privé, le syndicat intervenant seulement, à ses propres frais, pour réparer la fuite jusqu'au compteur de l'usager et remettre en état le terrain, à l'exclusion de tout autre aménagement qui demeure à la charge du propriétaire privé ;

- il ne crée pas de déséquilibre significatif au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation.

[*]

Par un mémoire enregistré le 7 mai 2024, M. X, représenté par Maître Wassermann, demande au tribunal de juger qu'il appartient à la juridiction judiciaire de constater le caractère abusif de la clause, ou, à titre subsidiaire, de constater l'illégalité de la clause ou, à titre infiniment subsidiaire, de constater le caractère abusif de la clause.

Il soutient que :

- la question préjudicielle est irrecevable dès lors que la question ne soulevait aucune difficulté sérieuse ;

- la juridiction judiciaire est compétente pour constater le caractère abusif de la clause et l'écarter du litige ;

- la clause présente un caractère abusif au sens des dispositions de l'article L. 212-1 du code de la consommation en ce qu'elle conduit à écarter la responsabilité du syndicat s'agissant de la remise en état de la propriété privée à la suite de l'intervention ;

- la clause s'insère, pour un service assuré en monopole, dans un contrat d'adhésion et n'est aucunement justifiée par les caractéristiques particulières du service public de distribution de l'eau ;

- dès lors que la clause doit être réputée non écrite, il est fondé à solliciter devant la juridiction judiciaire l'indemnisation de son préjudice matériel, pour un montant de 4 118,40 euros, et de son préjudice moral, pour un montant de 2 000 euros.

[*]

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la consommation ;

- le code de procédure civile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. X.outot, rapporteur ;

- les conclusions de M. Therre, rapporteur public.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 49 du code de procédure civile : « (…) Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle. ». Selon l'article R. 771-2-1 du code de justice administrative : « Lorsque la juridiction administrative compétente est saisie d'une question préjudicielle soulevée par une juridiction judiciaire, l'affaire est instruite et jugée comme une affaire urgente. / Les délais les plus brefs sont donnés aux parties pour produire leurs observations. A défaut de production dans le délai imparti, il est passé outre sans mise en demeure ».

 

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Si, eu égard aux rapports de droit privé nés du contrat qui lie le service public industriel et commercial de distribution d'eau potable à ses usagers, les litiges relatifs aux rapports entre ce service et ses usagers relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, il n'en va autrement que pour les litiges relatifs à celles de ses activités qui, telles que la réglementation, la police ou le contrôle, se rattachent, par leur nature, à des prérogatives de puissance publique. En l'espèce, l'article 20.1 du règlement du services des eaux, intitulé « fuite sur raccordement avant compteur », et qui limite la prise en charge par le syndicat des eaux de Basse-Vigneulles et Faulquemont des travaux réalisés sur le domaine privé de ses abonnés, présente un caractère règlementaire. Par suite, contrairement à ce que soutient M. X., il n'appartient qu'au juge administratif d'apprécier la légalité des dispositions de cet article.

 

Sur le caractère sérieux de la question préjudicielle :

3. En vertu des principes généraux relatifs à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, il n'appartient pas à la juridiction administrative, lorsqu'elle est saisie d'une question préjudicielle en appréciation de validité d'un acte administratif, de se prononcer sur sa pertinence. Par suite, M. X. ne peut utilement soutenir que la question préjudicielle transmise par le tribunal judiciaire de Metz ne présenterait aucun caractère sérieux.

 

Sur le caractère abusif de la clause en litige :

4. Aux termes de l'article L. 212-1 du code de la consommation : « Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat (…) ». L'article L. 241-1 du même code dispose que : « Les clauses abusives sont réputées non écrites. Le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans ces clauses. Les dispositions du présent article sont d'ordre public ». Enfin, aux termes de l'article R. 212-1 du même code : « Dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions des premier et quatrième alinéas de l'article L. 212-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : (…) 6° Supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations ».

5. Les clauses réglementaires d'un contrat d'abonnement d'eau sont soumises à la législation des clauses abusives telle qu'elle résulte de l'article L. 212-1 du code de la consommation. Le caractère abusif d'une clause s'apprécie non seulement au regard de cette clause elle-même mais aussi compte tenu de l'ensemble des stipulations du contrat et, lorsque celui-ci a pour objet l'exécution d'un service public, des caractéristiques particulières de ce service.

6. Au sein de l'article 20 « Conditions d'intervention sur raccordements existants » du règlement du service de distribution d'eau potable du syndicat des eaux de Basse-Vigneulles et Faulquemont adopté le 13 décembre 2018, la clause 20.1, intitulée « Fuite sur raccordement avant compteur », dispose que : « Le syndicat des eaux de Basse-Vigneulles et Faulquemont procèdera à ses frais à la rénovation du raccordement jusqu'au compteur et au déplacement du compteur à l'extérieur comme pour les raccordements neufs en cas de nécessité. / Le syndicat des eaux de Basse-Vigneulles et Faulquemont ne prend pas en charge les travaux en domaine privé, de remise en état d'aménagements postérieurs à l'établissement du raccordement initial (pavés, carrelages, gazon, maçonnerie). Le syndicat des eaux de Basse-Vigneulles et Faulquemont s'efforcera de réaliser les travaux en réduisant au minimum les dommages aux biens. / Lors de la rénovation d'un raccordement individuel, le syndicat des eaux de Basse-Vigneulles et Faulquemont s'engage à maintenir le service initial en place (pression et débit) dans la mesure du possible ».

7. D'une part, cette clause prévoit qu'en cas de fuite sur raccordement avant compteur, le syndicat des eaux procède à ses frais à la rénovation du raccordement jusqu'au compteur. D'autre part, si la clause en litige précise que le syndicat ne prend pas à sa charge la remise en état des aménagements réalisés sur la propriété privée postérieurement à l'établissement du raccordement initial, elle indique cependant que le syndicat « s'efforcera de réaliser les travaux en réduisant au minimum les dommages aux biens ». Il en résulte que cette exclusion de prise en charge doit être regardée comme étant limitée aux dommages inévitables résultant des travaux indispensables à la résorption des fuites, et ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité du syndicat des eaux puisse être recherchée pour des dommages qui seraient causés auxdits aménagements lors des travaux de réparation et qui seraient disproportionnés par rapport à ce qu'exigent de tels travaux réalisés dans les règles de l'art. Dans ces conditions, la clause en litige ne créé pas de déséquilibre significatif dans les relations contractuelles. Elle ne présente donc pas de caractère abusif et n'est, dès lors, pas illégale.

 

Sur les frais d'instance :

8. Les conclusions du syndicat des eaux de Basse-Vigneulles et Faulquemont tendant à ce que les dépens de l'instance soient laissés à la charge de l'Etat ne peuvent qu'être rejetées, le syndicat ne justifiant pas avoir exposé de tels dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCIDE :

Article 1 : Il est déclaré que la clause 20.1 du règlement du service de distribution d'eau potable du syndicat des eaux de Basse-Vigneulles et Faulquemont ne présente pas de caractère abusif et n'est, par suite, pas illégale, sous réserve de ce qui est dit au point 7 du présent jugement.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié au tribunal judiciaire de Metz, à M. A B, au syndicat des eaux de Basse-Vigneulles et Faulquemont.

Délibéré après l'audience du 24 avril 2025, à laquelle siégeaient : M. Dhers, président, M. X.outot, premier conseiller, Mme Stéphanie Jordan-Selva, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2025.

Le rapporteur,

L. Boutot

Le président,

S. Dhers

La greffière,

D. Hirschner