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TJ STRASBOURG (réf. com.), 14 mai 2025

Nature : Décision
Titre : TJ STRASBOURG (réf. com.), 14 mai 2025
Pays : France
Juridiction : T. jud. Strasbourg
Demande : 24/02427
Date : 14/05/2025
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 16/10/2024
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23920

TJ STRASBOURG (réf. com.), 14 mai 2025 : RG n° 24/02427 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « D’autre part, la société ZULAV soulève la contrariété des obligations post-contractuelles à l’article 1171 du code civil, sans toutefois caractériser le déséquilibre significatif. En conséquence, l’annexe 7 est applicable et entre dans le champ contractuel établi entre les parties.

Cette annexe institue les obligations ci-avant décrite, et la demande est fondée sur le droit des contrats, et non celui de la concurrence déloyale. Force est de constater que la société ZULAV n’a pas exécuté ses obligations contractuelles, ayant repeint sa station de lavage en blanc et (bleu) turquoise, soit les couleurs qui lui étaient précisément interdites.

En conséquence, cette violation des obligations post-contractuelles caractérise un trouble manifestement illicite auquel il doit être mis fin, la condamnation devant être assortie d’une astreinte pour en assurer l'effectivité. Par courriel du 26 avril 2023, la société ZULAV s’était engagée à appliquer la liste des actions mentionnées à l’annexe 7, de sorte que la défenderesse a bénéficié d’un délai de près de deux ans pour exécuter ses engagements. Il n’y a pas lieu, dans ces conditions, à lui octroyer de délai supplémentaire. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE STRASBPOURG

PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 14 MAI 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 24/02427 - N° Portalis DB2E-W-B7I-NAYC.

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Lors des débats à l'audience publique du 16 avril 2025 :

Président : Konny DEREIN, Première Vice-Présidente,

Greffier : Isabelle JAECK

ORDONNANCE : - mise à disposition au greffe le 14 mai 2025, - contradictoire et en premier ressort, - signée par Konny DEREIN, et par Isabelle JAECK, Greffier lors de la mise à disposition ;

 

DEMANDERESSE :

Société HYPROMAT FRANCE SAS

RCS STRASBOURG B XXX, [Adresse 1], [Localité 5], représentée par Maître Bernard LEVY de l’AARPI ALEXANDRE-LEVY-KAHN-BRAUN & ASSOCIÉS, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant

 

DÉFENDERESSE :

Société ZULAV SA

[Adresse 2], [Localité 3], représentée par Maître Damien WAGNER, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant

 

NOUS, Konny DEREIN, Première Vice-Présidente, statuant en matière de référé, assistée de Isabelle JAECK, Greffier,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par assignation remise au greffe le 16 octobre 2024, la SAS HYPROMAT FRANCE a saisi le Président de la Chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg statuant en référé afin de voir, dans le dernier état de ses écritures :

- condamner la société ZULAV SA à modifier l'aspect extérieur de sa station de lavage sise à [Localité 9] (Belgique) en enlevant immédiatement les couleurs spécifiques de la franchise ELEPHANT BLEU (blanc et bleu) et ce sous astreinte de 3.000 € par jour à compter du 8ème jour qui suivra la signification de l’ordonnance à intervenir ;

- condamner la société ZULAV SA à payer à la société HYPROMAT FRANCE à titre de provision sur indemnité contractuelle la somme de 50.000 € ;

- réserver les droits de la société HYPROMAT FRANCE d’obtenir indemnisation de l'ensemble de son préjudice devant le juge du fond lorsqu’elle sera en mesure de chiffrer celui-ci définitivement, lorsque les infractions auront cessé ;

- condamner la société ZULAV SA à payer à la société HYPROMAT FRANCE la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société ZULAV SA en tous les frais et dépens ;

- constater l’exécution provisoire ;

-  débouter la société ZULAV SA de ses conclusions contraires ou reconventionnelles.

La société HYPROMAT FRANCE expose qu’elle a développé un réseau de centres de lavage rapide en franchise sous l'enseigne ELEPHANT BLEU.

Elle ajoute que le 15 janvier 2017, elle a signé avec la société ZULAV SA un contrat de franchise pour l’exploitation d'une station de lavage à [Localité 8], et que ce contrat a pris fin le 1er mai 2023.

Elle indique que par courrier du 11 mai 2023, la société HYPROMAT FRANCE a rappelé à son ex-franchisé les obligations post-contractuelles s’imposant à lui (enlèvement des marques HYPROMAT et ELEPHANT BLEU, des emblèmes, posters, affiches, drapeaux et autres éléments publicitaires et modification des couleurs spécifiques de la franchise, soit bleu et blanc) et malgré les engagements pris par la société ZULAV SA, ces obligations n’ont pas été respectées.

Elle se fonde sur la force obligatoire des contrats, l’article 14 du contrat et l’annexe 7 pour réclamer l’exécution des obligations post-contractuelles.

Répondant aux moyens qui lui sont opposés, et conteste toute nullité de l'assignation, rappelant que le juge des référés est le gardien du contrat, et qu’il résulte de l’arrêt ARANEA du 25 mai 2014 que la violation du contrat de franchise caractérise un trouble manifestement illicite.

Elle conteste également la nullité de l'annexe 7 du contrat de franchise et affirme que l’article L341-2 du code de commerce ne s’applique pas, une station de lavage automatique n’étant pas un magasin de commerce de détails.

Elle ajoute que la jurisprudence de 2007 dont se prévaut la défenderesse est largement dépassée par les arrêts de la Cour de cassation de 20143 et 2022.

Elle indique que l’absence ou non de risque de confusion n’entre pas dans le débat.

Elle dénie tout déséquilibre significatif à la clause.

Elle indique qu’elle ne sollicite aucune obligation perpétuelle, mais seulement l’exécution d’une obligation post-contractuelle.

Elle rappelle que l’interdiction porte sur les couleurs blanc et bleu sans précision de nuance, de sorte qu’en repeignant sa station de lavage en blanc et en bleu turquoise, la défenderesse n’a toujours pas exécuté ses obligations.

Elle s’oppose à tout délai de paiement compte -tenu du délai dont a déjà bénéficié la société ZULAV en pratique.

[*]

La société ZULAV SA s'oppose à la demande et sollicite du juge des référés, au visa des articles 56 du code de procédure civile, 1103 et suivants du code civil, L. 341-2 du code de commerce, 1171 du code civil, L. 442-1 du code de commerce, 1210 et suivants du code civil, 1353 du code civil, 700 du code de procédure civile, qu'il :

- déclare nulle l’assignation délivrée le 14 octobre 2024 par la société HYPROMAT ;

En conséquence,

- rejette ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- déboute la société HYPROMAT de l’ensemble de ses demandes ;

A titre encore plus subsidiaire,

- donne les plus larges délais à la société ZULAV SA pour se mettre en conformité ;

- déboute la société HYPROMAT de sa demande de mise en conformité sous astreinte et de sa demande d’indemnité ;

A titre infiniment subsidiaire,

- condamne la société ZULAV à une faible indemnité provisionnelle ;

En tout état de cause,

- condamne la société HYPROMAT à la somme de 3.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société ZULAV SA soulève in limine litis la nullité de l'assignation qui ne contient aucun fondement juridique, et affirme que cette nullité lui cause nécessairement un grief en ce qu’elle ne lui permet pas de présenter une défense utile.

A titre subsidiaire, elle expose que seule l’annexe 7 mentionne l’interdiction d’utiliser les couleurs bleu et blanc et soulève la nullité de cette disposition au regard de l’article L 341-2 du code de commerce.

Elle affirme qu’une station de lavage est un commerce de détail au sens de ce texte et se fonde sur un arrêt de cassation du 05 juin 2014.

Elle ajoute que le contrat de franchise prévoit des interdictions post-contractuelles sans limitation dans le temps, et que la clause est nulle de ce fait.

Elle rappelle que le juge des référés est incompétent pour apprécier les conditions d’application et la validité de ces clauses contractuelles et conclut au débouté.

Elle affirme encore qu’il n’existe aucun risque de confusion.

Elle affirme encore que les nombreuses obligations post-contractuelles auxquelles elle est soumise génère un déséquilibre significatif dans les obligations réciproques de s parties.

Elle relève que l’obligation ne comporte aucun terme et constitue en ce sens un engagement perpétuel.

A titre infiniment subsidiaire, elle réclame la réduction de la clause pénale.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Vu les actes de la procédure et les pièces produites aux débats ;

 

Sur l’exception de nullité de l’assignation :

En application des dispositions de l’article 114 du code de procédure civile, il incombe à celui qui se prévaut d’une nullité pour vice de forme de prouver le grief que lui cause l’irrégularité.

En l’espèce, la société ZULAV SA a développé sur plus de huit pages de nombreux moyens pour contester les demandes de la société HYPROMAT, de sorte que l’absence d’indication du fondement juridique ne lui cause à l’évidence aucun grief.

L’exception de nullité doit, en conséquence, être rejetée.

 

Sur la demande fondée sur le premier alinéa de l’article 873 du code de procédure civile :

Aux termes de l'article 14 du contrat de franchise signé entre les parties le 17 juin 2017, à la fin du contrat de franchise pour quelque cause que ce soit, le franchisé s’engage à réaliser des actions listées en annexe 7, de nature à procéder au retrait de tous signes distinctifs d’appartenance au réseau, « le centre devant notamment être repeint dans d’autres couleurs dans un délai de six mois ».

L’annexe 7 reprend et précise l’obligation de repeindre le centre dans les six mois, et indique que la ou les nouvelles couleurs du centre ne devront être ni blanc ni bleu.

La société ZULAV soulève la nullité de l’annexe 7 sur le fondement de l’article L341-2 du code de commerce qui dispose :

I.-Toute clause ayant pour effet, après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1, de restreindre la liberté d'exercice de l’activité commerciale de l'exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite.

II.-Ne sont pas soumises au I du présent article les clauses dont la personne qui s'en prévaut démontre qu'elles remplissent les conditions cumulatives suivantes :

1° Elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux qui font l’objet du contrat mentionné au I ;

2° Elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat mentionné au I ;

3° Elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat mentionné au I ;

4° Leur durée n'excède pas un an après l’échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1.

La société HYPROMAT conteste l’application de cette disposition, rappelant qu’elle ne s’applique qu’aux magasins de commerce de détails, et qu’une station de lavage automatique ne saurait relever de cette catégorie car elle n’emploie ni vendeur ni personnel, le libre-service étant un élément essentiel de la franchise.

La Cour de cassation a, par un arrêt du 5 juin 2024, étendu la notion de commerce de détails aux activité de services auprès des particuliers, rejoignant ce faisant la définition donnée par l’Autorité de la concurrence dans les lignes directrices relatives au contrôle des concentrations du 4 juillet 2013, révisées le 23 juillet 2020 (§ 103 à 105).

Or, il résulte de ces lignes directrices que si « sont traditionnellement assimilés à du commerce de détail, bien que ne constituant pas de la vente de marchandises, un certain nombre de prestations de service à caractère artisanal : pressing, coiffure et esthétique, cordonnerie, photographie, entretien de véhicules et montage de pneus, sont toujours exclues de la notion de commerce de détail les prestations de service à caractère immatériel ou intellectuel (comme les banques, l’assurance, ou les agences de voyage), ainsi que les établissements de service ou de location de matériel (comme les laveries automatiques, les vidéothèques ou les salles de sport), et les restaurants.

Par voie de conséquence, n’entre pas dans les prévisions de l’article L 341-1 un contrat de franchise portant sur un centre de lavage automatique.

D’autre part, la société ZULAV soulève la contrariété des obligations post-contractuelles à l’article 1171 du code civil, sans toutefois caractériser le déséquilibre significatif.

En conséquence, l’annexe 7 est applicable et entre dans le champ contractuel établi entre les parties.

Cette annexe institue les obligations ci-avant décrite, et la demande est fondée sur le droit des contrats, et non celui de la concurrence déloyale.

Force est de constater que la société ZULAV n’a pas exécuté ses obligations contractuelles, ayant repeint sa station de lavage en blanc et (bleu) turquoise, soit les couleurs qui lui étaient précisément interdites.

En conséquence, cette violation des obligations post-contractuelles caractérise un trouble manifestement illicite auquel il doit être mis fin, la condamnation devant être assortie d’une astreinte pour en assurer l'effectivité.

Par courriel du 26 avril 2023, la société ZULAV s’était engagée à appliquer la liste des actions mentionnées à l’annexe 7, de sorte que la défenderesse a bénéficié d’un délai de près de deux ans pour exécuter ses engagements.

Il n’y a pas lieu, dans ces conditions, à lui octroyer de délai supplémentaire.

 

Sur la demande de provision :

En application du deuxième alinéa de l'article 873 du code de procédure civile, dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.

L’article 14 alinéa du contrat de franchise dispose que « dans le cas où le franchisé ne satisferait pas aux obligations de la présente clause, et après rappel de cette obligation faite par le franchiseur par lettre recommandée avec accusé de réception, une indemnité contractuelle de 3.000 € par jour de retard et par infraction sera acquise au franchiseur dans les quinze jours de la réception de la mise en demeure.

Par courrier recommandé du 11 mai 2023, la société HYPROMAT a mis en demeure la société ZULAV d’exécuter ses obligations post-contractuelles, et notamment de repeindre la station dans d’autres couleurs que le bleu et le blanc.

Cette mise en demeure étant restée sans effet, la créance de clause pénale ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

S’agissant de son quantum, elle correspond à 17 jours d’inexécution, étant rappelé que la défenderesse viole ses obligations post-contractuelles depuis près de deux ans.

Par voie de conséquence, il sera fait droit à la demande.

 

Sur les dépens et frais irrépétibles :

Les dépens de l’instance seront supportés par la société ZULAV SA qui succombe et qui participera aux frais irrépétibles exposés par la société HYPROMAT à hauteur de 2.000 €.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement par ordonnance de référé contradictoire et en premier ressort,

Rejetons l’exception de nullité de l’assignation ;

Condamnons la société ZULAV SA à modifier l’aspect extérieur de sa station de lavage sise à [Localité 9] (Belgique) en enlevant immédiatement les couleurs spécifiques de la franchise ELEPHANT BLEU (blanc et bleu) et ce sous astreinte de 3.000 € par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la signification de la présente ordonnance et pour une durée de trois mois ;

Condamnons la société ZULAV SA à payer à la société HYPROMAT FRANCE une provision sur indemnité contractuelle d’un montant de 50.000 € (cinquante mille euros) ;

Condamnons la société ZULAV SA aux dépens ;

Condamnons la société ZULAV SA à payer à la société HYPROMAT FRANCE une indemnité de 2.000 € (deux mille euros) en couverture de ses frais non compris dans les dépens ;

Rejetons toutes les autres demandes ;

Rappelons que cette ordonnance est exécutoire par provision.

Le Greffier,                                       Le Juge des Référés Commerciaux,

Isabelle JAECK                               Konny DEREIN