CA PARIS (pôle 4 ch. 8), 4 juin 2025
- TJ Meaux, 15 mars 2022 : RG n° 19/04234
CERCLAB - DOCUMENT N° 23926
CA PARIS (pôle 4 ch. 8), 4 juin 2025 : RG n° 22/07590
Publication : Judilibre
Extrait (arguments de l’intimé) : « - sur la date de prise d'effet de l'avenant, il résulte de l'article 3 § 2 des conditions générales du contrat que le contrat prend effet « à la date indiquée sur le certificat d'adhésion et au plus tôt à la date de réception par l'organisme assureur du bulletin d'adhésion complété et signé ». ; en l'espèce l'avenant intitulé « bulletin d'adhésion 2018 » a été signé par voie électronique par les deux parties le 26 janvier 2018, donc complété et reçu par l'AGMF à cette même date, laquelle marque sa prise d'effet ; la prise d'effet du contrat ne saurait en effet résulter de la seule décision discrétionnaire de l'assureur : les clauses reportant la date de prise d'effet du contrat en laissant à la discrétion de l'assureur la notification de l'acceptation de l'adhésion et l'envoi de l'appel au paiement de la première cotisation ont un caractère abusif ; conformément à la position de la Commission des clauses abusives, l'assureur ne peut donc pas soumettre la prise d'effet du contrat qu'il a signé ni à l'émission d'un bulletin d'adhésion, ni au paiement de la première cotisation ; en tout état de cause, l'appel de cotisation du 1er février 2018 relatif à cet avenant fait état d'une cotisation mentionnée comme soldée, ce dont il résulte que le contrat a pris effet le 1er janvier 2018, comme indiqué dans le courrier de l'AGMF du 1er février 2018, et au plus tard à la date de sa signature le 26 janvier 2018 ; ne figure ni dans ce courrier, ni parmi les conditions applicables, une clause subordonnant la prise d'effet du contrat à la réception par l'assureur des pièces médicales, ce dont il s'infère que l'avenant était applicable à l'arrêt maladie du 15 mai 2018 transmis par M. X. ».
Extrait (motifs) : « En l'espèce, l'avenant intitulé « bulletin d'adhésion 2018 » a été signé par voie électronique par les deux parties le 26 janvier 2018, donc complété et reçu par l'AGMF à cette même date. Le contrat pouvait donc prendre effet à cette date sous réserve du paiement de la première cotisation.
Le tribunal a relevé à juste titre que bien que la notice produite permet à l'AGMF PREVOYANCE de demander un examen médical pour se prononcer sur l'adhésion, il ressort du courrier du 1er février 2018, que l'AGMF a confirmé l'acceptation de l'adhésion de M. X., a appelé la première cotisation tenant compte des modifications apportées au contrat initial et a indiqué la prise d'effet du contrat. Aucune clause du contrat ne mentionne d'ailleurs le délai dans lequel le questionnaire médical ou les pièces médicales doivent être adressés par l'assuré. Pas plus en cause d'appel qu'en première instance, la mutuelle ne démontre que ce premier appel de cotisations serait en réalité relatif à un autre contrat (celui de son épouse Mme K. X. également chirurgien-dentiste). En effet, l'appel de cotisation du 1er février 2018 relatif à cet avenant du 26 janvier 2018 fait état d'une cotisation de 486,63 euros mentionnée comme soldée et d'un paiement par prélèvement sur le compte de M. X. alors que son épouse Mme K. X. avait communiqué son propre relevé d'identité bancaire LCL (communiqué aux débats par AGMF).
Conformément aux termes de l'avenant, M. X. a signé, dès le 26 janvier 2018, une déclaration sur l'honneur valant justificatif de ses revenus. Cette déclaration ne contient aucune clause lui demandant de produire sa déclaration 2035 pour que le contrat prenne effet.
Il en résulte que la confirmation de l'acceptation de l'assureur est intervenue, sans réserve, avant la réception des pièces médicales de sorte qu'ayant consenti au contrat, les parties se sont obligées à son exécution.
Le § 4 de l'article 3 de la notice mentionne un délai de carence de 3 mois à compter de la prise d'effet de l'adhésion reportant la prise d'effet au 1er mai 2018, soit antérieurement au sinistre.
La cour considère en conséquence avec le tribunal que M. X. revendique à raison l'application des termes de l'avenant, sans qu'il ne soit nécessaire d'entrer plus avant dans le détail des arguments proposés par les parties. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 4 CHAMBRE 8
ARRÊT DU 4 JUIN 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/07590 (9 pages). N° Portalis 35L7-V-B7G-CFU4A. Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 mars 2022 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MEAUX - RG n° 19/04234.
APPELANTE :
Mutuelle AGMF PREVOYANCE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 2], [Localité 4], Représentée par Maître Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B515, ayant pour avocat plaidant Maître Hubert CARGILL, avocat au barreau de PARIS, toque : D32
INTIMÉ :
Monsieur X.
né le [Date naissance 1] à [Localité 6], [Adresse 3], [Localité 5], Représenté par Maître Régina LOPEZ RAMIREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : 257
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 mars 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre, Madame FAIVRE, Présidente de chambre, Monsieur SENEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame CHANUT
ARRÉT : - Contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Madame CHANUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par bulletin d'adhésion du 9 janvier 2017, M. X., exerçant à titre libéral la profession de chirurgien-dentiste, a souscrit auprès de l'AGMF Prévoyance-Groupe Pasteur Mutualité, mutuelle régie par le code de la mutualité, diverses garanties :
- indemnités journalières de longue durée : 289 euros/jour,
- indemnités journalières frais professionnels : 383 euros/jour,
- rente d'invalidité professionnelle annuelle : 140 000 euros,
- garantie décès : 140 000 euros.
M. X. souhaitant modifier les garanties souscrites antérieurement, a signé un nouveau bulletin d'adhésion le 26 janvier 2018 précisant que les indemnités journalières de longue durée sont portées à 590 euros/jour, les indemnités journalières - frais professionnels sont minorées à 329 euros/jour, la rente d'invalidité professionnelle annuelle est minorée à 100 000 euros.
Début mai 2018, il a été diagnostiqué à M. X. une hernie discale cervicale volumineuse à l'étage C6-C7 droite résistante aux différents traitements.
Le 15 mai 2018, il a été mis en arrêt de travail et a sollicité le bénéfice des nouvelles garanties souscrites le 26 janvier 2018.
Par correspondance du 16 juillet 2018, l'assureur a indiqué que la prise d'effet des conditions d'assurance prévues par les dispositions de l'avenant n'était susceptible d'intervenir que passé le délai de 3 mois à compter du 7 mai 2018, date de réception des diverses pièces médicales. En conséquence, l'indemnisation servie à M. X. n'a pas tenu compte de l'augmentation des garanties.
Par acte d'huissier en date du 30 octobre 2019, M. X. a assigné la mutuelle AGMF PREVOYANCE devant le tribunal judiciaire de Meaux aux fins d'obtenir la condamnation de l'assureur à lui payer diverses sommes.
Par jugement du 15 mars 2022, le tribunal judiciaire de Meaux a :
- condamné la mutuelle AGMF PREVOYANCE à payer à M. X. une somme de 59 357 euros au titre de la garantie maintien de revenus et protection décès souscrite le 26 janvier 2018 ;
- débouté M. X. de ses demandes de dommages et intérêts ;
- condamné la mutuelle AGMF PREVOYANCE aux dépens distraits au profit de Maître Régina LOPEZ-RAMIREZ par application de l'article 699 du code de procédure civile ainsi qu'à payer à M. X. une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties de toutes autres demandes.
Par déclaration électronique du 13 avril 2022, enregistrée au greffe le 2 mai 2022, la mutuelle AGMF PREVOYANCE a interjeté appel, intimant M. X., en précisant que l'appel tendait à obtenir l'annulation et, à défaut, l'infirmation des chefs de jugement reproduits dans ladite déclaration.
[*]
Par conclusions n°2 notifiées par voie électronique le 29 novembre 2022, AGMF PREVOYANCE demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants du code civil, de :
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné l'AGMF PREVOYANCE d'avoir à payer à M. X. la somme de 59 357 euros au titre de la garantie maintien de revenus et protection décès souscrite le 26 janvier 2018 ;
- CONFIRMER ce jugement en ce qu'il a débouté M. X. de ses demandes de dommages et intérêts ;
- débouter M. X. de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;
- condamner M. X. en tous dépens de première instance et d'appel conformément aux termes de l'article 699 du code de procédure civile ;
- condamner M. X. à payer à l'AGMF Prévoyance la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code civil.
[*]
Par conclusions d'intimé et d'appel incident notifiées par voie électronique le 19 septembre 2022, M. X. demande à la cour, au visa notamment de l'article L. 221-6 du code de la Mutualité, de l'article L. 111-1 du code de la consommation et des articles 1103, 1194, 1221 et 1231-1 et suivants du code civil, de :
«- CONFIRMER le jugement en ce qu'il :
‘condamne la mutuelle AGMF PREVOYANCE à lui payer une somme de 59 357 euros au titre de la garantie maintien de revenus et protection décès souscrite le 26 janvier 2018 ;
‘déboute l'AGMF de toutes autres demandes ;
‘condamne la mutuelle AGMF PREVOYANCE aux dépens distraits au profit de Maître Régina LOPEZ-RAMIREZ par application de l'article 699 du code de procédure civil ainsi qu'à payer à X. une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Et RÉFORMANT le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :
‘condamner l'AGMF au paiement de la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par M. X. contraint de reprendre le travail en dépit de ses souffrances et de l'anxiété causée par le risque d'aggraver son état de santé ;
‘juger recevable et bien fondée l'action en responsabilité contractuelle engagée par M. X. à l'encontre de l'AGMF ;
‘condamner l'AGMF au paiement de la somme de 500 000 euros, au bénéfice de M. X. au titre de la perte de chance de souscrire une assurance adaptée à ses besoins ;
‘condamner l'AGMF au paiement de la somme de 15 000 euros au bénéfice de M. X. à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
‘débouter l'AGMF de ses demandes ;
‘condamner l'AGMF au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
‘condamner l'AGMF aux dépens dont distraction au profit de Maître Régina LOPEZ RAMIREZ conformément à l'article 699 du code de procédure civile. »
[*]
Pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter aux conclusions ci-dessus visées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 octobre 2024.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'appelante (AGMF PREVOYANCE) sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. X. la somme de 59 357 euros au titre de la garantie « maintien de revenus et protection décès », mais sa confirmation en ce qu'il a débouté ce dernier de ses demandes de dommages et intérêts, faisant notamment valoir que :
- sur l'indemnisation au titre de la garantie 'maintien de revenus et protection décès', l'intimé à signé un bulletin d'adhésion le 26 janvier 2018 par lequel il a fait modifier les garanties antérieurement souscrites et déclaré avoir pris connaissance, entre autres, de la notice d'information Maintien de revenus AGMF/GMP qui lui avait été remise par L'AGMF ; toutefois, bien que l'article 4 des conditions générales lui fasse obligation « de répondre exactement aux questions posées, notamment dans le bulletin d'adhésion ou dans la demande d'avenant, et dans le questionnaire médical » lors « de l'adhésion ou de la demande de modification des garanties », M. X. n'a transmis l'ensemble des pièces médicales sollicitées par l'assureur qu'avec retard le 7 mai 2018 ; or, ce n'est qu'après avoir été destinataire de l'ensemble des éléments nécessaires à l'appréciation du risque à assurer que l'AGMF peut se prononcer sur la demande de modification des garanties ; par ailleurs, conformément à l'article 3§4 de la notice d'information, l'AGMF devait appliquer aux nouvelles garanties un délai de stage de 3 mois à compter de la réception des éléments médicaux ; ce n'est donc qu'à partir du 7 mai 2018, date de prise d'effet du contrat, que ce délai a pu courir ; contrairement à ce que soutient M. X. sur la base d'une attestation de complaisance illisible, le mandataire de l'AGMF atteste n'avoir jamais dit à l'assuré que les garanties prenaient effet immédiatement à la signature de l'avenant mais l'avoir informé de ce délai de stage et de ce que, durant cette période, il restait sur les anciennes bases de garanties ; ainsi, M. X. ayant fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 15 mai 2018, son indemnisation devait bien survenir en considération des garanties souscrites en 2017 et non sur le fondement des nouvelles garanties ; les clauses prévoyant un tel délai de carence ne constituent pas des clauses d'exclusion ou de déchéance, de sorte que le formalisme ad validitatem attaché à ces stipulations ne leur est pas applicable ; il s'agit de conditions de garantie dont la preuve incombe à l'assuré ; de plus, il résulte de l'article 9§1 de la notice d'information qu'une demande d'augmentation importante de l'indemnité journalière de longue durée, comme en l'espèce, doit être évaluée au regard des revenus de l'adhérent en considération du principe indemnitaire, tel que rappelé par l'article 29 de la Notice d'information ; à cette fin la justification des revenus de l'adhérent est appréciée au regard de la déclaration 2035 selon l'article 35 de la notice d'information ; or, M. X. n'a pas établi la variation de ses revenus justifiant de ses demandes de modification des garanties souscrites ; enfin, l'intimé a trompé le tribunal en prétendant que l'AGMF avait confirmé l'acceptation de son adhésion et appelé la première cotisation tenant compte des modifications apportées au contrat initial, par lettre du 1er février 2018 ; en réalité, ce courrier ne concernait pas les garanties objet de cette procédure ; il faisait référence au retrait de l'épouse de M. X. d'une autre garantie, totalement distincte, à la suite duquel le document intitulé « Appel à cotisation » fait mention d'un remboursement adressé à l'assuré, et non du versement d'une prime ;
- sur la demande de dommages et intérêts, M. X. prétend que l'AGMF a manqué à son devoir de conseil en se prévalant d'une contradiction entre la position de l'assureur et les dires de son représentant lors de la souscription des nouvelles garanties ; or, le représentant de l'AGMF a averti l'assuré, notamment quant au délai de stage s'appliquant aux nouvelles garanties souscrites ; en outre, M. X. a attesté avoir reçu la notice d'information et avoir pris connaissance de ces documents ; il ne peut donc prétendre avoir ignoré ces informations ; aussi, l'assureur doit effectivement vérifier que les caractéristiques des garanties proposées sont en adéquation avec la situation personnelle des adhérents, mais pour ce faire toute société d'assurance aurait demandé les mêmes éléments que ceux sollicités par l'AGMF dans le cadre de la demande de nouvelles garanties et aurait appliqué un stage avant la prise d'effet de ces garanties ; l'appelante n'a donc pas manqué à son devoir de conseil et d'information et l'intimé ne peut prétendre qu'il a été dans l'incapacité de souscrire une nouvelle assurance pour couvrir sa pathologie ;
- sur la demande de réparation du préjudice moral, l'assureur a respecté les conditions générales que l'assuré a déclaré connaître et ce dernier a tardé à communiquer les éléments demandés par l'AGMF, générant ainsi la situation dont il se dit victime.
L'intimé (M. X.) sollicite la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de dommages et intérêts et de toutes autres demandes que celles au titre de la garantie, des dépens et des frais irrépétibles, répliquant notamment que :
- l'AGMF prétend à tort que l'avenant du 26 janvier 2018 ne serait pas applicable faute de réception des pièces médicales en temps utile en application de la notice d'information ; or, non seulement M. X. a répondu à toutes les questions posées notamment sur l'avenant, a rempli le questionnaire médical et a produit les pièces médicales qui ont bien été réceptionnées par l'AGMF, mais en outre aucune clause du contrat ne mentionne le délai dans lequel le questionnaire médical ou les pièces médicales doivent être adressés par l'assuré ; l'AGMF ne pouvait dès lors refuser d'exécuter le contrat conclu sous prétexte d'une réception tardive de pièces pour la transmission desquelles aucun délai n'est fixé au contrat ; à supposer même que la transmission de ces pièces puisse être considérée comme une condition suspensive, elle n'était pas de nature à remettre en cause la force obligatoire du contrat ; elle aurait seulement suspendu le contrat jusqu'à ce qu'elle soit remplie, de sorte que l'AGMF restait tenue par les termes du contrat et ne pouvait refuser de l'exécuter ; en tout état de cause, par lettre en date du 1er février 2018, l'AGMF a confirmé l'acceptation de l'adhésion de M. X., a appelé la première cotisation tenant compte des modifications apportées au contrat initial et a indiqué la prise d'effet du contrat ; la confirmation de l'acceptation de l'assureur est donc intervenue, sans réserve, avant la réception des pièces médicales de sorte qu'ayant consenti au contrat les parties se sont obligées à son exécution ;
- sur la prétendue absence de justification des revenus opposée par l'assureur, l'AGMF a clairement affirmé que le refus de prise en charge résultait de la production tardive des pièces médicales et non de l'absence de production de justificatifs de revenus ; aussi, conformément aux termes de l'avenant, M. X. a signé, dès le 26 janvier 2018, une déclaration sur l'honneur valant justificatif de ses revenus et ne contenant aucune clause lui demandant de produire sa déclaration 2035 pour que le contrat prenne effet ; par ailleurs, les articles 9, 29 et 35 des conditions générales ne sont nullement de nature à remettre en cause la formation ni la prise d'effet des nouvelles garanties souscrites ; en tout état de cause, les revenus de M. X. ont augmenté entre 2017 et 2018 et étaient largement supérieurs aux garanties souscrites, ce qui l'avait conduit à actualiser son contrat ;
- sur la date de prise d'effet de l'avenant, il résulte de l'article 3 § 2 des conditions générales du contrat que le contrat prend effet « à la date indiquée sur le certificat d'adhésion et au plus tôt à la date de réception par l'organisme assureur du bulletin d'adhésion complété et signé ». ; en l'espèce l'avenant intitulé « bulletin d'adhésion 2018 » a été signé par voie électronique par les deux parties le 26 janvier 2018, donc complété et reçu par l'AGMF à cette même date, laquelle marque sa prise d'effet ; la prise d'effet du contrat ne saurait en effet résulter de la seule décision discrétionnaire de l'assureur : les clauses reportant la date de prise d'effet du contrat en laissant à la discrétion de l'assureur la notification de l'acceptation de l'adhésion et l'envoi de l'appel au paiement de la première cotisation ont un caractère abusif ; conformément à la position de la Commission des clauses abusives, l'assureur ne peut donc pas soumettre la prise d'effet du contrat qu'il a signé ni à l'émission d'un bulletin d'adhésion, ni au paiement de la première cotisation ; en tout état de cause, l'appel de cotisation du 1er février 2018 relatif à cet avenant fait état d'une cotisation mentionnée comme soldée, ce dont il résulte que le contrat a pris effet le 1er janvier 2018, comme indiqué dans le courrier de l'AGMF du 1er février 2018, et au plus tard à la date de sa signature le 26 janvier 2018 ; ne figure ni dans ce courrier, ni parmi les conditions applicables, une clause subordonnant la prise d'effet du contrat à la réception par l'assureur des pièces médicales, ce dont il s'infère que l'avenant était applicable à l'arrêt maladie du 15 mai 2018 transmis par M. X. ;
- sur le délai de carence de trois mois, en application de l'article 3 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, la Commission des clauses abusives a estimé que les clauses prévoyant un délai dit de carence ou de stage étaient abusives dès lors que la liste des maladies concernées n'était pas spécifiée au contrat ; en l'espèce, à supposer que le délai de carence prévu par l'article 3 § 4 des conditions générales du contrat soit applicable, il commençait à courir à compter de la date de prise d'effet du contrat ; or, le contrat ayant pris effet au plus tard à sa signature, le 26 janvier 2018, le délai de carence expirait le 26 avril 2018 de sorte que l'AGMF ne pouvait refuser à son assuré les garanties souscrites le 26 janvier 2018 pour l'arrêt de travail du 15 mai 2018 ; en tout état de cause, la clause relative au délai de carence est de portée générale en ce qu'elle n'identifie pas les maladies, affections ou accidents exclus mais vise toutes incapacités de travail « résultant d'une maladie » ; elle est abusive et, partant, réputée non écrite ;
- sur l'application de l'avenant, M. X. sollicite le bénéfice de l'indemnité journalière lui revenant au taux de 590 euros/jour et par conséquent la condamnation de l'AGMF à lui régler la somme de 59 357 euros ; ce décompte est établi selon la différence entre les indemnités perçues en vertu du contrat du 9 janvier 2017 et celles que M. X. aurait dû percevoir en application de l'avenant du 26 janvier 2018 ;
- M. X. a par ailleurs dû reprendre son activité professionnelle alors que son état de santé commandait la prolongation de son arrêt de travail et sollicite la somme de 100 000 euros en réparation des souffrances endurées et de l'anxiété suscitée par le risque d'aggravation de son état de santé ;
- sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et de la perte de chance de souscription, M. X. sollicite 500 000 euros ; la pathologie dont il est atteint est invalidante pour l'exercice de son métier, au point qu'elle l'a contraint à l'arrêter ; au vu du différentiel d'indemnisation versé au titre de son ITT du fait de l'application du contrat initial, il est fondé à faire valoir une perte de chance d'être couvert par une garantie adaptée à ses besoins ; son préjudice est d'autant plus important qu'il ne faisait que débuter sa carrière et en retirait un revenu annuel largement supérieur à celui correspondant au montant des indemnités journalières qu'il croyait souscrire ;
- sur les dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, il les évalue à 15 000 euros en ce qu'il estime avoir été trahi dans sa confiance par l'assureur qui a témoigné d'une mauvaise foi caractérisée dans la gestion de son dossier, le contraignant à poursuivre le travail malgré son état de santé défaillant, lui causant une grande anxiété.
Sur ce,
Sur l'indemnisation au titre de la modification de la garantie « maintien de revenus et protection décès » :
Le tribunal a considéré que M. X. revendique à raison l'application des termes de l'avenant signé le 26 janvier 2018 et a condamné la mutuelle à lui payer la somme de 59 357 euros représentant la différence entre les indemnités perçues en vertu du contrat du 9 janvier 2017 et celles qu'il aurait dû percevoir en application dudit avenant du 26 janvier 2018.
Par application de l'article 1103 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, du régime général et de la preuve des obligations, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Selon l'article 1104 du même code les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.
Conformément à l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, l'article 1353 du code civil disposant, qu'en matière contractuelle, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, et que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Par application de l'article L. 221-6 du code de la mutualité, dans le cadre des opérations collectives, la mutuelle ou l'union établit une notice qui définit les garanties prévues par les opérations collectives et leurs modalités d'entrée en vigueur ainsi que les formalités à accomplir en cas de réalisation du risque. Elle précise également le contenu des clauses édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ou limitations de garantie ainsi que les délais de prescription. Ces clauses ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.
Le second alinéa de ce texte énonce que l'employeur ou la personne morale est tenu de remettre cette notice et les statuts de la mutuelle ou de l'union à chaque membre participant. Lorsque des modifications sont apportées aux droits et obligations des membres participants par avenant au contrat collectif signé dans les conditions prévues au II de l'article L. 221-5, l'employeur ou la personne morale souscriptrice est également tenu d'informer chaque membre participant en lui remettant une notice établie à cet effet par la mutuelle ou par l'union, trois mois au minimum avant la date prévue de leur entrée en vigueur. Cette information est fournie dès que possible en cas de variation significative des provisions techniques des engagements de retraite. Pour les opérations collectives facultatives, tout membre participant peut, dans un délai d'un mois à compter de la remise de la notice, dénoncer son affiliation en raison de ces modifications.
Il ressort des termes de l'avenant du 26 janvier 2018 que M. X. a attesté avoir pris connaissance de la notice d'information qui lui a été remise, aux côtés des statuts de la mutuelle AGMF PREVOYANCE. Les dispositions de cette notice d'information, prise conformément aux dispositions de l'article L. 221-6 du code de la mutualité, sont opposables aux parties. Cette notice énonce notamment au §2 de l'article 3 que l'adhésion produit ses effets à la date indiquée sur le certificat d'adhésion et au plus tôt à la date d'acceptation des conditions particulières par le membre participant (en cas de surprime, exclusion'), sous réserve du paiement de la première cotisation ou fraction convenue de celle-ci.
En l'espèce, l'avenant intitulé « bulletin d'adhésion 2018 » a été signé par voie électronique par les deux parties le 26 janvier 2018, donc complété et reçu par l'AGMF à cette même date. Le contrat pouvait donc prendre effet à cette date sous réserve du paiement de la première cotisation.
Le tribunal a relevé à juste titre que bien que la notice produite permet à l'AGMF PREVOYANCE de demander un examen médical pour se prononcer sur l'adhésion, il ressort du courrier du 1er février 2018, que l'AGMF a confirmé l'acceptation de l'adhésion de M. X., a appelé la première cotisation tenant compte des modifications apportées au contrat initial et a indiqué la prise d'effet du contrat. Aucune clause du contrat ne mentionne d'ailleurs le délai dans lequel le questionnaire médical ou les pièces médicales doivent être adressés par l'assuré.
Pas plus en cause d'appel qu'en première instance, la mutuelle ne démontre que ce premier appel de cotisations serait en réalité relatif à un autre contrat (celui de son épouse Mme K. X. également chirurgien-dentiste).
En effet, l'appel de cotisation du 1er février 2018 relatif à cet avenant du 26 janvier 2018 fait état d'une cotisation de 486,63 euros mentionnée comme soldée et d'un paiement par prélèvement sur le compte de M. X. alors que son épouse Mme K. X. avait communiqué son propre relevé d'identité bancaire LCL (communiqué aux débats par AGMF).
Conformément aux termes de l'avenant, M. X. a signé, dès le 26 janvier 2018, une déclaration sur l'honneur valant justificatif de ses revenus. Cette déclaration ne contient aucune clause lui demandant de produire sa déclaration 2035 pour que le contrat prenne effet.
Il en résulte que la confirmation de l'acceptation de l'assureur est intervenue, sans réserve, avant la réception des pièces médicales de sorte qu'ayant consenti au contrat, les parties se sont obligées à son exécution.
Le § 4 de l'article 3 de la notice mentionne un délai de carence de 3 mois à compter de la prise d'effet de l'adhésion reportant la prise d'effet au 1er mai 2018, soit antérieurement au sinistre.
La cour considère en conséquence avec le tribunal que M. X. revendique à raison l'application des termes de l'avenant, sans qu'il ne soit nécessaire d'entrer plus avant dans le détail des arguments proposés par les parties.
M. X. produit un décompte indiquant que la différence entre les indemnités perçues en vertu du contrat du 9 janvier 2017 et celles qu'il aurait dû percevoir en application de l'avenant du 26 janvier 2018 s'élève à la somme de 59 357 euros correspondant à une indemnité journalière lui revenant au taux de 590 euros/jour. Ce quantum n'étant pas plus contesté par l'assureur en cause d'appel, le jugement sera confirmé.
Sur les demandes de dommages et intérêts formées par M. X. :
Le tribunal a débouté M. X. de ses demandes de dommages-intérêts.
Celui-ci a formé appel incident de ces chefs.
Sur la violation de l'obligation de conseil :
M. X. fait valoir que l'assureur a violé son obligation de conseil en ce que le produit souscrit ne permet que de garantir un revenu annuel de 134 520 euros alors que son revenu 2017 s'établissait à 438 931 euros, 539 184 euros pour 2018. Il sollicite donc l'indemnisation d'un préjudice qu'il évalue à la somme de 500 000 euros au titre de la perte de chance de souscrire une assurance adaptée à ses besoins.
Le tribunal a considéré à juste titre s'agissant du premier poste de préjudice, qu'outre qu'il ne repose sur aucune évaluation, M. X. est également défaillant dans l'administration de la preuve de la faute de l'assureur. En effet, M. X. se contente d'alléguer qu'il avait demandé un produit assurantiel couvrant des revenus de l'ordre d'un demi-million d'euro annuel, sans produire aux débats aucun élément en ce sens. Il sera débouté de sa demande et le jugement confirmé sur ce point.
Sur le préjudice de souffrance et d'anxiété :
M. X. sollicite une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des souffrances et de l'anxiété suscitées par le risque d'aggravation de son état de santé. Le jugement sera confirmé de ce chef, dès lors que la demande ne repose sur aucune pièce et que l'assureur ne saurait être tenu pour responsable de l'aggravation de l'état de santé de M. X.
Sur le préjudice moral :
M. X. sollicite une somme de 15 000 euros au titre de son préjudice moral. Cependant, il est également défaillant dans l'administration de la preuve de son préjudice moral évalué, sans explication, à la somme de 15 000 euros.
Il sera débouté de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts et le jugement sera confirmé.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné AGMF PREVOYANCE aux dépens distraits au profit de Maître Régina LOPEZ-RAMIREZ par application de l'article 699 du code de procédure civile ainsi qu'à payer à M. X. une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, la mutuelle AGMF PREVOYANCE sera condamnée aux entiers dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
La mutuelle AGMF PREVOYANCE, qui succombe sera condamnée à payer à M. X. une indemnité de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR
Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne la mutuelle AGMF PREVOYANCE aux entiers dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la mutuelle AGMF PREVOYANCE à payer à M. X. une indemnité de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE