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CA ROUEN (ch. proxim.), 5 juin 2025

Nature : Décision
Titre : CA ROUEN (ch. proxim.), 5 juin 2025
Pays : France
Juridiction : Rouen (CA), ch. proxim.
Demande : 24/04129
Date : 5/06/2025
Nature de la décision : Annulation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 6/12/2024
Décision antérieure : TJ Évreux (Jex), 7 octobre 2024 : RG n° 18/00050
Décision antérieure :
  • TJ Évreux (Jex), 7 octobre 2024 : RG n° 18/00050
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23932

CA ROUEN (ch. proxim.), 5 juin 2025 : RG n° 24/04129

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « En l'espèce, dans le cadre de l'exposé du litige, le premier juge a mentionné que le créancier poursuivant, représenté par son conseil, s'en est rapporté à ses conclusions en procédant au dépôt de son dossier, que les défendeurs n'ont pas comparu, leur conseil ayant indiqué ne plus avoir été contacté par ces derniers. Il ne résulte pas de cet exposé que les débiteurs saisis aient invoqué des moyens en défense, notamment aux termes de leurs conclusions du 3 juin 2019. Dès lors que le premier juge a soulevé d'office, sur le fondement des dispositions précitées, le caractère abusif de la clause « exigibilité immédiate » stipulée à l'article 11 du contrat de prêt, il avait l'obligation de rouvrir les débats pour permettre notamment au créancier poursuivant de formuler ses observations. A défaut, le jugement déféré est entaché de nullité pour cause de violation du principe du contradictoire. La cour saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel statuera sur le fond et en particulier sur les demandes inhérentes à la poursuite de la procédure de saisie immobilière. »

2/ « Pour déterminer le caractère exigible de la créance résultant du prêt immobilier, le juge doit vérifier que la déchéance du terme est bien acquise à la suite des impayés et qu'elle a été prononcée selon les prévisions du titre.

L'article 11 des conditions générales du prêt énonce : « A la discrétion du prêteur, le prêt pourra être résilié et les sommes empruntées, en principal, intérêts et accessoires, deviendront immédiatement et intégralement exigibles de plein droit, sans autre formalité qu'une lettre recommandée avec accusé de réception, dans l'un des cas suivants : (...) - défaut de paiement à bonne date de tout ou partie des échéances, d’une fraction du capital venant à échéance ou de toutes sommes avancées par le prêteur, tant sur le présent prêt qu'au titre de l'un quelconque des prêts finançant le bien objet de la présente offre. » Il résulte par ailleurs des décomptes versés aux débats qu'à la date de la mise en demeure adressée le 27 septembre 2017 à M. Y. et Mme X. d'avoir à régulariser les impayés dans un délai de 30 jours, ceux-ci se fixaient respectivement aux sommes de 604,03 euros et de 8794,62 euros au titre des prêts n°1054793 et n°1054794.

En application des dispositions du contrat, la déchéance du terme a été prononcée par le prêteur le 6 novembre 2017, notifiée par lettres recommandées le 7 novembre 2017, après envoi préalable d'une mise en demeure. La déchéance du terme ayant pour effet de rendre exigible l'ensemble des sommes dues a été prononcée par la SA Crédit foncier de France conformément aux dispositions du contrat sans qu'il y ait lieu de vérifier d'office le contenu de la mise en demeure préalable à la déchéance du terme, le défaut de mention de la sanction encourue en l'absence de régularisation des impayés ne relevant pas des dispositions d'ordre public susceptibles d'être relevées d'office par le juge de l'exécution et la cour à sa suite.

Le comportement des débiteurs qui n'ont effectué que quelques versements ponctuels jusqu'en novembre 2018 au titre du prêt n°1054794 et qui n'ont pas tenté de se rapprocher de l'établissement financier présente le caractère de gravité suffisant pour justifier la résiliation unilatérale des contrats. »

 

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ

ARRÊT DU 5 JUIN 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° RG 24/04129 - N° Portalis DBV2-V-B7I-J2KJ. DÉCISION DÉFÉRÉE : Jugement du Juge de l'exécution d'Evreux du 7 octobre 2024 : RG n° 18/00050.

 

APPELANTE :

SA CRÉDIT FONCIER

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de PARIS sous le N°B XXX, [Adresse 1], [Adresse 1], représentée par Maître Emmanuelle MENOU de la SCP RSD AVOCATS, avocat au barreau de l'EURE substituée par Maître Laurence MICHAUD, avocat au barreau de l'EURE

 

INTIMÉS :

Madame X.

[Adresse 2], [Adresse 2], n'ayant pas constitué avocat, bien qu'assigné par acte d'un commissaire de justice en date du 15/01/2025

Monsieur Y.

[Adresse 6], [Adresse 6], n'ayant pas constitué avocat, bien qu'assigné par acte d'un commissaire de justice en date du 15/01/2025

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 10 mars 2025 sans opposition des avocats devant Madame ALVARADE, Présidente, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de : Monsieur TAMION, Président, Madame ALVARADE, Présidente, Monsieur LABADIE, Conseiller.

DÉBATS : Madame DUPONT greffière

ARRÊT : Rendu par défaut, Prononcé publiquement le 5 juin 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signé par Monsieur TAMION, président et par Madame DUPONT, greffière lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La société anonyme (SA) Crédit Foncier de France a entrepris une procédure de saisie immobilière à l'encontre de M. Y. et Mme X., sur le fondement de la copie exécutoire d'un acte reçu le 31 juillet 2010 par M. Z., notaire, contenant prêts d'un montant de 49.650 euros d'une durée de 300 mois au taux de 0 % et d'un montant de 160.000 euros d'une durée de 360 mois au taux d'intérêt fixe de 4,20%% l'an, d'inscriptions de privilège de prêteur de deniers et d'une inscription d'hypothèque conventionnelle, régulièrement publiées et enregistrées à la Conservation des hypothèques de [Localité 5] le 27 septembre 2010, volume 2010 n° 1187 et n°1188.

Suivant commandement, délivré à M. Y. et Mme X. par actes d'huissier des 4 et 12 décembre 2017 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, la SA Crédit Foncier de France a diligenté une procédure de saisie immobilière d'un bien leur appartenant sis à [Adresse 6], cadastré sections [Cadastre 3] et [Cadastre 4] d'une contenance de 8 ares et 21 centiares. Le 30 janvier 2018, ledit commandement a fait l'objet d'une publication au service de la publicité foncière de [Localité 5] sous les références volume 2018 S n°4 et n°5, l'assignation aux fins d'orientation ayant été délivrée les 29 et 31 mars 2018.

M. Y. et Mme X. ont déposé un dossier de surendettement auprès de la commission de surendettement des particuliers de l'Eure qui a été déclaré recevable le 30 juillet 2019, leur dossier ayant été orienté vers un réaménagement de leurs dettes.

Suivant jugement contradictoire du 2 décembre 2019, publié au service de la publicité foncière le 6 décembre 2019, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Evreux a prolongé les effets de la publication du commandement pour une durée de deux ans à compter de la publication du jugement.

Suivant ordonnance du 6 juillet 2020, publiée au service de la publicité foncière le 14 août 2020 en marge de la formalité publiée le 30 janvier 2018 sous les références 2704P04 Vol. 2018 S n°4, le juge de l'exécution a ordonné la suspension de la procédure de saisie immobilière pour une durée ne pouvant excéder deux ans à compter de la décision de recevabilité du dossier de surendettement des débiteurs et rappelé la suspension subséquente du délai de péremption du commandement.

Par jugement en date du 5 décembre 2022, publié le 26 décembre 2022, le juge de l'exécution a de nouveau prolongé les effets de la publication du commandement pour une durée de 5 ans conformément aux dispositions de l'article R 321-20 du code des procédures civiles d'exécution, modifié par décret du 27 novembre 2020 applicable au 1er janvier 2021.

Suivant jugement du 7 octobre 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Évreux a :

- constaté le caractère non écrit de la clause « Cas d'exigibilité anticipée - Déchéance du terme '‘de l'article 11 des conditions générales des prêts n°1054793 et n°1054794 consentis par le Crédit Foncier de France à M. Y. et Mme X. et constatés par acte reçu par Me Z. le 31 juillet 2010,

- débouté la SA Crédit foncier de France de l'intégralité de ses demandes,

- condamné la SA Crédit foncier de France aux dépens.

Pour se déterminer ainsi, après avoir relevé qu'il lui incombait en application des articles R 322 ‘15 et L. 311 ‘2,4 et 6 du code des procédures civiles d'exécution de vérifier d'office que le créancier qui poursuit la vente forcée d'un bien immobilier agit sur le fondement d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, le juge de l'exécution a retenu :

- relativement à la clause de déchéance du terme des prêts, qu'en ce qu'elle autorise l'organisme prêteur à exiger immédiatement la totalité des sommes dues au titre des prêts en cas de défaut de paiement à bonne date de tout ou partie des échéances, d'une fraction du capital ou de toutes sommes avancées par le prêteur, sans autre formalité qu'une lettre recommandée avec accusé de réception revêt un caractère abusif, elle doit être réputée non écrite,

qu'en l'absence de clause résolutoire et de dispositions particulières du code de la consommation encadrant la mise en 'uvre de la déchéance du terme d'un prêt immobilier, il convient de se reporter aux dispositions générales encadrant la résiliation unilatérale des contrats, et en particulier par référence à la jurisprudence développée sur le fondement de l'ancien article 1184 du code civil alors applicable,

que la mise en 'uvre unilatérale d'une résiliation contractuelle ne pouvait être sanctionnée que s'il était justifié de manquements suffisamment graves du cocontractant dans l'exécution de ses obligations et d'une mise en demeure préalable,

qu'il est produit les lettres recommandées adressées le 27 septembre 2017 à chacun des débiteurs d'avoir à régulariser les impayés dans un délai de trente jours sous peine de poursuites judiciaires,

qu'en l'absence de lettre notifiant la déchéance du terme, il ne peut être considéré que celle-ci est régulièrement intervenue,

- sur l'exigibilité des créances invoquées, que l'action du créancier poursuivant n'est pas prescrite, dès lors que les premiers impayés se fixent au mois de janvier 2017 et que le commandement aux fins de saisie a été délivré par acte des 4 et 12 décembre 2017 et l'assignation à comparaître délivrée par actes des 29 et 31 mars 2018, l'interruption de la prescription continuant à produire ses effets (article 2241 et 2242 du code civil et articles L. 218-2 du code de la consommation),

qu'aux fins de justifier du caractère certain de ses créances, la SA Crédit foncier de France produit deux décomptes arrêtés au 6 et au 15 novembre 2017, mentionnant un solde débiteur à hauteur de 604,03 euros au titre du prêt n°1054793 et un solde débiteur de 8794,62 euros au titre du prêt n°1054794, un dernier décompte établi au 27 mai 2024, mentionnant toutefois une somme de 6813,49 euros, de sorte que pour ce dernier prêt le caractère certain n'est pas établi,

que nonobstant, les caractères certain, liquide et exigible du solde débiteur du prêt n°1054793, le principe de proportionnalité prévu à l'article L 111-7 du code des procédures civiles d'exécution est incompatible avec la poursuite de la procédure de saisie immobilière.

La SA Crédit foncier de France a interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 6 décembre 2024.

Après avoir été autorisée à assigner à jour fixe par ordonnance du président de chambre délégué par le premier président du 23 décembre 2024 sur la requête présentée le 11 décembre 2024, par acte en date du 15 janvier 2025, la SA Crédit foncier de France a fait assigner M. Y. et Mme X. pour le jour fixé.

 

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de sa requête déposée au greffe le 11 décembre 2024, contenant ses moyens et pièces, moyens réitérés par assignation du 15 janvier 2025, la SA Crédit foncier de France demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 15 et 16 du code de procédure civile,

déclarer nul le jugement rendu le 7 octobre 2024 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Evreux,

Vu le caractère limité de l'effet dévolutif de l'appel et les dispositions de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution,

réformer le jugement dont appel et statuant à nouveau,

Vu les dispositions de la loi et notamment celles des articles L. 311-2 L. 311-4 et L. 311- 6 du code des procédures civiles d'exécution et des articles R. 322-15 à R.322-19 du même code,

constater que le créancier poursuivant dispose d'un titre exécutoire et constater en conséquence la validité de la procédure de saisie immobilière.

En conséquence,

- fixer la créance du créancier poursuivant :

S'agissant du prêt taux zéro, à la somme de 47 518,64 euros, compte arrêté au 20 novembre 2024, outre les cotisations d'assurance d'un montant mensuel de 17,38 euros à compter de décembre 2024 au jour du règlement,

S'agissant du prêt PAS, à la somme de 202 717,69 euros compte arrêté au 20 novembre 2024, outre les intérêts au taux contractuel de 4,20 % l'an du 20/11/2024 au jour du règlement, outre les cotisations d'assurance d'un montant mensuel de 86,26 euros à compter de juin 2024 au jour du règlement.

En cas de vente amiable,

- Fixer, en application de l'article R 322-21 du code des procédures civiles d'exécution, le montant du prix en deçà duquel l'immeuble ne peut être vendu, hors frais et hors droits,

- Taxer les frais de poursuite outre le 1/2 droit proportionnel à calculer sur le montant du prix de vente définitif,

- Rappeler que le débiteur doit accomplir les diligences nécessaires à la conclusion de la vente amiable et rendre compte au créancier poursuivant, si celui-ci en fait la demande, des diligences accomplies à cette fin,

- Dire que le notaire chargé de la rédaction de l'acte authentique devra aviser l'avocat du créancier poursuivant de la date de réalisation effective de la vente,

- Rappeler que l'acte notarié de vente n'est établi que sur consignation du prix et des frais de vente auprès de la Caisse des Dépôts et consignations et justification du paiement des frais taxés,

- Rappeler que la vente ne pourra être constatée que si l'acte de vente est conforme aux conditions fixées dans le jugement d'orientation et le prix consigné,

- Dire et juger que la somme consignée sera transférée au séquestre désigné dans le cahier des conditions de la vente dès le prononcé du jugement qui constatera que les conditions de la vente amiable fixées par le juge ont été respectées,

- Rappeler que la distribution ultérieure du prix de vente doit être réalisée conformément aux dispositions des articles L 331-1, L 331-2, L 334-1, R 331-1 à R 334-3 du code des procédures civiles d'exécution,

En cas de vente forcée,

- Fixer la date d'adjudication de l'immeuble,

- Désigner la SCP Rault & Le Roy, commissaires de Justice à Evreux, pour procéder à la visite du bien lequel pourra se faire assister d'un serrurier et de la force publique si besoin est,

- Dire que les frais seront compris dans les frais taxés de vente,

Y ajoutant,

- Condamner M. Y. et Mme X. au paiement d'une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Emmanuelle Menou, membre de la SCP RSD Avocats.

Elle oppose la nullité du jugement déféré sur le fondement de la violation du principe du contradictoire au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile au motif que le premier juge s'est saisi d'office du caractère abusif de la clause de déchéance du terme de plein droit sans solliciter les observations des parties au moyen d'une réouverture des débats.

Elle ajoute qu'au regard du caractère limité de l'appel en matière de saisie immobilière conformément aux dispositions de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, le juge d'appel ne peut examiner le moyen retenu d'office par le juge sans que les parties n'en ait débattu devant lui et fait valoir qu'en tout état de cause, sur le fond, sa demande en paiement est fondée.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

En application de l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparait pas, le juge ne fait droit aux demandes que s'il les estime régulières, recevables et bien fondées.

 

1 - Sur la nullité du jugement :

L'appelante poursuit la nullité du jugement déféré au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile. Elle reproche au jugement d'avoir déclaré abusive la clause de déchéance du terme, d'avoir fait application de l'article L. 132-1 du code de la consommation et constaté le caractère non écrit de la clause contractuelle « cas d'exigibilité anticipée - déchéance du terme » relevant l'absence de notification de la déchéance du terme, alors que les débiteurs qui ont constitué avocat et ont signifié des conclusions le 3 juin 2019, n'ont jamais contesté la validité de la mise en demeure qui leur avait été préalablement adressée.

Selon les dispositions de l'article 562 du code de procédure civile, applicable au 1er septembre 2024, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs du dispositif de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. Toutefois, la dévolution opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement.

Aux termes de l'article 16 du code précité « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. »

En l'espèce, dans le cadre de l'exposé du litige, le premier juge a mentionné que le créancier poursuivant, représenté par son conseil, s'en est rapporté à ses conclusions en procédant au dépôt de son dossier, que les défendeurs n'ont pas comparu, leur conseil ayant indiqué ne plus avoir été contacté par ces derniers.

Il ne résulte pas de cet exposé que les débiteurs saisis aient invoqué des moyens en défense, notamment aux termes de leurs conclusions du 3 juin 2019.

Dès lors que le premier juge a soulevé d'office, sur le fondement des dispositions précitées, le caractère abusif de la clause « exigibilité immédiate » stipulée à l'article 11 du contrat de prêt, il avait l'obligation de rouvrir les débats pour permettre notamment au créancier poursuivant de formuler ses observations. A défaut, le jugement déféré est entaché de nullité pour cause de violation du principe du contradictoire.

La cour saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel statuera sur le fond et en particulier sur les demandes inhérentes à la poursuite de la procédure de saisie immobilière.

 

2 - Sur la régularité de la procédure de saisie immobilière :

Le premier juge a estimé que la mise en demeure adressée aux débiteurs le 27 septembre 2017 d'avoir à régulariser les impayés au titre des prêts consentis dans un délai de 30 jours était insuffisante à valoir notification de la déchéance du terme et justifier la résiliation unilatérale des contrats de prêts.

L'appelante oppose les termes de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, qui dispose qu'à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci (...). et soutient que dès lors que le moyen relatif à la régularité de la déchéance du terme n'a pas été soumis au premier juge par les débiteurs, il ne peut être invoqué par eux dans le cadre du débat devant la cour en raison du caractère limité de l'effet dévolutif de l'appel en matière de saisie immobilière, que la cour saisie du litige ne pourra donc que recevoir ses demandes en fixation de ses créances et en vente forcée du bien saisi.

Elle ajoute que son action est fondée en ce qu'elle démontre avoir notifié la déchéance du terme aux débiteurs par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le 7 novembre 2017, alors qu'il n'incombe pas au juge de relever le défaut de mention de la sanction encourue en l'absence de régularisation des impayés.

Il résulte de l'article L.311-2 du code des procédures civiles d'exécution que pour procéder à une saisie immobilière le créancier doit être muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

Aux termes de l'article R.322-15 du code précité "A l'audience d'orientation, le juge de l'exécution, après avoir entendu les parties présentes ou représentées, vérifie que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 sont réunies, statue sur les éventuelles contestations et demandes incidentes et détermine les modalités de poursuite de la procédure, en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée.

Lorsqu'il autorise la vente amiable, le juge s'assure qu'elle peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et des diligences éventuelles du débiteur."

En application de ces dispositions, le juge de l'exécution est tenu de vérifier d'office que le créancier poursuivant dispose d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, ce même en l'absence de contestation élevée par le débiteur défaillant.

La cour, statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution, doit ainsi s'assurer que les conditions de la saisie immobilière sont réunies et que le créancier dispose non seulement d'un titre mais d'une créance liquide et exigible.

Par ailleurs, il convient de rappeler les termes de l'article R. 321-3 3° du code des procédures civiles d'exécution disposant qu'outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, le commandement de payer valant saisie comporte : le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts moratoires, étant précisé que l'erreur contenue au décompte ne constitue pas une cause de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière.

L'article R. 322-18 du code précité énonce en outre que le jugement d'orientation mentionne le montant retenu pour la créance du poursuivant en principal, frais, intérêts et autres accessoires.

En l'espèce, le créancier poursuivant justifie d'un titre exécutoire au sens de l'article L. 111-3 par la production de l'acte notarié de vente contenant prêts, régularisé le 31 juillet 2010, revêtu de la formule exécutoire.

Pour déterminer le caractère exigible de la créance résultant du prêt immobilier, le juge doit vérifier que la déchéance du terme est bien acquise à la suite des impayés et qu'elle a été prononcée selon les prévisions du titre.

L'article 11 des conditions générales du prêt énonce :

« A la discrétion du prêteur, le prêt pourra être résilié et les sommes empruntées, en principal, intérêts et accessoires, deviendront immédiatement et intégralement exigibles de plein droit, sans autre formalité qu'une lettre recommandée avec accusé de réception, dans l'un des cas suivants : (...)

- défaut de paiement à bonne date de tout ou partie des échéances, d’une fraction du capital venant à échéance ou de toutes sommes avancées par le prêteur, tant sur le présent prêt qu'au titre de l'un quelconque des prêts finançant le bien objet de la présente offre. »

Il résulte par ailleurs des décomptes versés aux débats qu'à la date de la mise en demeure adressée le 27 septembre 2017 à M. Y. et Mme X. d'avoir à régulariser les impayés dans un délai de 30 jours, ceux-ci se fixaient respectivement aux sommes de 604,03 euros et de 8794,62 euros au titre des prêts n°1054793 et n°1054794.

En application des dispositions du contrat, la déchéance du terme a été prononcée par le prêteur le 6 novembre 2017, notifiée par lettres recommandées le 7 novembre 2017, après envoi préalable d'une mise en demeure.

La déchéance du terme ayant pour effet de rendre exigible l'ensemble des sommes dues a été prononcée par la SA Crédit foncier de France conformément aux dispositions du contrat sans qu'il y ait lieu de vérifier d'office le contenu de la mise en demeure préalable à la déchéance du terme, le défaut de mention de la sanction encourue en l'absence de régularisation des impayés ne relevant pas des dispositions d'ordre public susceptibles d'être relevées d'office par le juge de l'exécution et la cour à sa suite.

Le comportement des débiteurs qui n'ont effectué que quelques versements ponctuels jusqu'en novembre 2018 au titre du prêt n°1054794 et qui n'ont pas tenté de se rapprocher de l'établissement financier présente le caractère de gravité suffisant pour justifier la résiliation unilatérale des contrats.

Au vu des pièces produites et en particulier des décomptes actualisés et rectifiés au 20 novembre 2024, les échéances impayées y figurant à hauteur de 604,03 euros et 8794,62 euros au 6 novembre 2017 au titre des prêts n°1054793 et n°1054794, les créances de la SA Crédit foncier de France seront mentionnées pour les sommes de 47 518,64 euros s'agissant du prêt taux zéro, outre les cotisations d'assurance d'un montant mensuel de 17,38 euros à compter de décembre 2024 et de 202.717,69 euros au titre du prêt PAS, assortis des intérêts au taux contractuel de 4,20 % l'an à compter du 20 novembre 2024, outre les cotisations d'assurance à hauteur de 86,26 euros par mois à compter de décembre 2024.

En l'absence de demande de vente amiable, il convient d'ordonner la vente forcée du bien visé par le commandement valant saisie et de renvoyer les parties devant le juge de l'exécution afin de voir déterminer les modalités pratiques de la vente.

 

3- Sur les frais et dépens :

Les dépens de première instance et d'appel seront compris dans les frais taxés de vente.

Il serait inéquitable de laisser à la charge du Crédit foncier de France les frais irrépétibles exposés à l'occasion de l'instance d'appel.

M. Y. et Mme X. seront en conséquence condamnés à lui verser la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Annule le jugement rendu le 7 octobre 2024 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Evreux ;

Constate que la SA Crédit foncier de France, créancier poursuivant, est conformément aux exigences édictées par l'article L311-2 du code des procédures civiles d'exécution muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible ;

Mentionne les créances de la SA Crédit foncier de France aux sommes de 47.518,64 euros pour le prêt au taux zéro, outre les cotisations d'assurance de 17,38 euros par mois à compter de décembre 2024 et de 202.717,69 euros au titre du prêt PAS, avec intérêts au taux contractuel de 4,20 % à compter du 20 novembre 2024, outre les cotisations d'assurance à hauteur de 86,26 euros par mois à compter de décembre 2024 ;

Ordonne la vente forcée du bien visé par le commandement valant saisie immobilière ;

Renvoie les parties devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Evreux aux fins de poursuite de la procédure ;

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront compris dans les frais taxés de la vente ;

Condamne M. Y. et Mme X. à verser à la SA Crédit foncier de France la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière                                       Le président