CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 19 septembre 2024
- TGI Nice, 16 novembre 2023 : RG n° 22/00136
CERCLAB - DOCUMENT N° 23938
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 19 septembre 2024 : RG n° 24/00873 ; arrêt n° 2024/472
Publication : Judilibre
Extrait : « L'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution dispose : « A peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'acte. »
La rédaction de ce texte induit que la contestation ou la demande émane des parties elles-mêmes mais quoiqu'il en soit, elle ne peut faire obstacle au regard de l'évolution jurisprudentielle, à l'examen du caractère abusif d'une clause contractuelle, soulevé en appel par le débiteur, dès lors ainsi que rappelé par arrêt de la Cour de cassation du 14 octobre 2021 - n° 19-11.758 que « le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. Lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon, C-243/08). » Cet examen n'ayant pas été fait d'office par le premier juge, M. X. et madame Y. sont recevables à demander à la cour de s'y livrer outre le fait que la cour a mis cette difficulté aux débats, en invitant les parties à une note en délibéré, ce qui entre pleinement en ses pouvoirs.
En l'espèce les clauses stipulées au contrat de prêt, dressé en la forme authentique le 21 mars 2019, indiquent que le prêt d'un montant de 395.000 euros est remboursable en 24 échéances de 681.78 euros puis 216 échéances de 2 192.29 euros au taux fixe hors assurance de 2.10 % l'an, la première échéance étant fixée au plus tard au 5 mai 2019, la dernière au 5 avril 2039. Les conditions particulières prévoient une exigibilité immédiate des sommes prêtées en cas d'impayés non régularisés dans les 15 jours suivant la mise en demeure.
La Cour de cassation a jugé que crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, une clause d'un contrat de prêt immobilier qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable. Elle a considéré qu'un délai de quinze jours pour régulariser les échéances impayées n'était pas constitutif d'un délai raisonnable de sorte que la clause de déchéance du terme devait être qualifiée d'abusive (Civ. 1ère, 29 mai 2024, n° 23-12.904) et dès lors réputée non écrite. Le fait que le professionnel n'ait pas appliqué une clause abusive n'exempte pas le juge national de son obligation de tirer toutes les conséquences du caractère abusif de cette clause (CJUE 26 janvier 2017, affaire C 421/14, Banco Primus SA).
Il résulte de ce qui précède que la déchéance du terme prononcée par la banque par lettre recommandée du 1er février 2022 après mise en demeure du 8 décembre 2021 est rétroactivement privée de fondement juridique et que les sommes réclamées au commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 12 juillet 2022, au titre du capital restant dû au 5 janvier 2022 et de l'indemnité conventionnelle de « retard » de 6 % prévue au contrat, ne sont pas exigibles ; le caractère non écrit de la clause abusive, seule sanction prévue par le texte, n'a pas pour effet d'invalider le commandement de payer valant saisie immobilière comme le réclament les appelants, alors qu'en vertu du dernier alinéa de l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution, la nullité de cet acte n'est pas encourue au motif que les sommes réclamées sont supérieures à celles qui sont dues au créancier ;
Seule doit être admise comme exigible la somme correspondant aux échéances mensuelles échues impayées à la date de l'audience d'orientation tenue le 21 septembre 2023, soit celles des mois de juillet 2021 à septembre 2023, d'un montant chacune de 2.214.99 € ainsi qu'il ressort du tableau d'amortissement, soit un total exigible de 104.104.53 euros susceptible d'exécution forcée outre les intérêts à 5.10 % l'an sur les mensualités impayées au fur et à mesure de leur exigibilité. C'est à ce montant que sera mentionnée la créance du poursuivant, le jugement étant infirmé de ce chef. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-9
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Rôle N° RG 24/00873. Arrêt n° 2024/ 472. N° Portalis DBVB-V-B7I-BMOZJ. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 16 novembre 2023 enregistré au répertoire général sous le RG n° 22/00136.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [Date naissance 3] à [Localité 12] ([pays]), de nationalité Italienne, demeurant [Adresse 6]
Madame Y. épouse X.
née le [Date naissance 4] à [Localité 10] (([pays]), de nationalité Portugaise, demeurant [Adresse 6]
Tous deux représentés et assisté par Maître Philippe RIBEIRO DE CARVALHO de la SELARL PRC AVOCAT, avocat au barreau de NICE
INTIMÉS :
Monsieur Z.
né le [Date naissance 1] à [Localité 13] (Suisse), demeurant [Adresse 7], représenté et assisté par Me Cécile JACQUEMET, avocat au barreau de NICE
SA CAIXA GERAL DE DEPOSITOS
siège social : [Adresse 8] ([pays]), prise en sa succursale en France, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° XXX, elle-même prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 5], représentée par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocat au barreau de NICE, plaidant par Maître Sébastien MENDES GIL, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 19 Juin 2024 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile 67BA63CADA2912FDAAAF1683C89BC94F, Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de : Madame Evelyne THOMASSIN, Président, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024, Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits, procédure et prétentions des parties :
La société Caixa Bank a entrepris à l'encontre de monsieur et madame X., la vente sur saisie immobilière de biens leur appartenant situés à [Localité 11] au [Adresse 2] pour avoir paiement d'une somme de 432.829.32 euros, se fondant sur un acte de prêt du 21 mars 2019 reçu par maître Z., notaire à [Localité 9] pour un montant de 495.000 €, selon commandement de payer délivré le 12 juillet 2022 et publié au service de la publicité foncière le 8 septembre 2022.
Le juge de l'exécution de Nice, par une décision prononcée le 16 novembre 2023 a :
- rejeté une fin de non-recevoir soulevée par la société Caixa Bank,
- rejeté la nullité du commandement de payer,
- validé la procédure de saisie immobilière,
- refusé une autorisation de vente amiable,
- ordonné la vente forcée du bien en organisant les modalités de publicité, de visite du bien et d'établissement des diagnostics immobiliers.
La signification de la décision a été transmise par acte du 12 janvier 2024 à monsieur le procureur général de la principauté de Monaco pour être remise aux époux X.
Les époux X. ont fait appel de la décision par déclaration du 23 janvier 2024 et ont été autorisés à assigner à jour fixe par ordonnance du 29 janvier 2024.
[*]
Leurs moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 6 juin 2024 auxquelles il est ici renvoyé, les époux X. demandent à la cour de :
Vu l'article 21 du décret du 10 août 2005,
Vu l'article 1370 du Code civil,
Vu l'article 1231-5 du Code civil,
- Réformer et infirmer le jugement rendu le 16 novembre 2023 par le tribunal judiciaire de Nice en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- dire que la clause de déchéance du terme prévue dans le contrat de prêt est abusive,
En conséquence,
- prononcer la nullité du commandement de payer signifié par la Caixa Geral de Depositos le 12 juillet 2022,
- ordonner la radiation de sa publication intervenue au bureau des hypothèques,
- sur les dispositions de l'article 21 du décret du 10 août 2005,
- constater que l'acte de prêt du 21 mars 2019 reçu par maître Z., notaire à [Localité 9] ne porte pas mention de l'annexion de la procuration de la Caixa Geral de Depositos,
- prononcer la nullité du commandement signifié le 12 juillet 2022,
- ordonner la radiation de sa publication intervenir au bureau des hypothèques,
- réformer le jugement de première instance en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du commandement pour défaut de preuve de la déchéance du terme,
- constater l'absence de preuve du déchéance du terme,
En conséquence,
- prononcer la nullité du commandement signifié par la Caixa Geral de Depositos le 12 juillet 2022,
- ordonner la radiation de sa publication intervenue au bureau des hypothèques,
Subsidiairement,
- dire que le montant dû par les concluants au titre des pénalités de retard stipulées dans l'acte de prêt mentionné dans le commandement est excessif,
- modérer le montant dû au titre de ladite clause à la somme de 0 euro,
Très subsidiairement,
- autoriser les concluants à procéder à la vente amiable des biens et droits immobiliers objets de la présente procédure de saisie-immobilière moyennant un prix de 390.000 euros dont 15.000€ de frais de commission ;
- condamner la Caixa Geral de Depositos à leur payer la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Ils soulèvent un moyen d'ordre public qu'ils n'avaient pas soulevé en première instance, à savoir le caractère abusif de la clause de déchéance du terme, sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation, le juge devant s'assurer qu'un délai raisonnable a été laissé au débiteur pour s'exécuter. Se référant aux stipulations contractuelles ils soutiennent qu'un délai de 15 jours n'est pas suffisant, ce d'autant que les mises en demeure, en l'espèce, n'ont pas touché leurs destinataires.
Sur le fondement d'arrêts de la Cour de cassation du 7 juin 2012, ils soutiennent que l'acte notarié perd son caractère authentique lorsque les procurations ne sont ni annexées, ni déposées au rang des minutes, ce qui est le cas pour la société Caixa concernant la procuration consentie par monsieur A., le 29 octobre 2018, qui n'est pas annexée à l'acte.
De plus, il n'est pas justifié de la déchéance du terme dans le commandement de payer, qui n'y fait pas référence ou dans l'assignation. La clause pénale de 23 366.08 euros est manifestement excessive, il convient de la réduire au-delà de 100 €, à 0 euros. Ils ont signé une vente amiable le 31 mai 2024 pour le prix de 390.000 €, sauf à prendre en compte les honoraires de négociation de 15.000 €, il convient donc de l'autoriser laquelle est valable jusqu'au 23 octobre 2024.
[*]
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 20 mars 2024, auxquelles il est renvoyé, la société Caixa Geral de Depositos demande à la cour de :
Vu les articles 73 et 74 du Code de procédure civile,
Vu, notamment, les dispositions des articles L. 311-2 et L. 311-6 du Code des procédures civiles d'exécution,
Vu les dispositions des articles R. 322-4 et suivants du Code des procédures civiles d'exécution,
Vu l'article L 322-6 du Code des procédures civiles d'exécution,
- le confirmer pour l'essentiel de ses dispositions sauf en ce qu'il a validé la procédure pour un montant de 418.138.97 euros arrêté au 13 juin 2023,
Statuant à nouveau,
- rejeter les contestations soulevées afférentes au montant de la créance et pénalités, ainsi que toutes autres contestations et demandes ;
- déclarer irrecevable le moyen tiré du caractère abusif de la clause de déchéance du terme ; A défaut,
- le rejeter comme infondé ;
- fixer le montant de la créance à la somme de 441.405,04 € arrêtée au 13 juin 2023,
En cas d'orientation de la procédure vers une vente amiable :
- fixer le montant du prix en deçà duquel l'immeuble ne peut être vendu eu égard aux conditions économiques du marché ainsi que, le cas échéant, les conditions particulières de la vente, étant précisé que ce prix ne saurait être inférieur à 340.000 €,
- taxer les frais de poursuite,
- rappeler que les frais de saisie immobilière et l'émolument revenant à l'avocat poursuivant (alinéa 10 de l'article A. 444-102) sont à la charge de l'acquéreur en sus du prix de vente ;
- ordonner la consignation du prix de vente entre les mains de la Caisse des Dépôts et Consignations ;
- fixer la date de l'audience à laquelle l'affaire sera rappelée dans un délai qui ne peut excéder quatre mois ;
En tout état de cause :
- dire qu'en cas de règlement de la totalité de la créance par le débiteur avant la vente, les frais de poursuites et de radiation du commandement valant saisie seront à la charge du débiteur ;
- débouter monsieur X. et madame X. née Y. de toutes autres demandes ;
- condamner les mêmes solidairement à lui payer la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles ;
- dire que les dépens seront pris en frais privilégiés de vente, qui comprendront notamment le coût des visites et des divers diagnostics immobiliers et de leur réactualisation, dont distraction au profit de maître Jérôme Lacrouts, avocat aux offres de droit.
Sur le fondement de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, l'établissement financier invoque le caractère irrecevable de la contestation tenant au caractère abusif de la déchéance du terme. A défaut, sur le fondement des articles L. 132-1 du Code de la consommation ainsi que sur l'arrêt rendu le 26/01/2017 (Banco Primus, C-421/14,EU:C:2017:60), il affirme que le remboursement est une obligation essentielle du contrat de prêt, suffisamment grave et que la déchéance du terme 15 jours après une lettre de mise en demeure est conforme, il ne s'agit nullement d'une déchéance immédiate. Sur le fondement de l'article 1226 du code civil, il plaide, certes à ses risques et périls, la faculté de résilier le contrat de manière unilatérale, même sans clause résolutoire, après l'envoi d'une mise en demeure en laissant un délai raisonnable au débiteur pour régulariser. De plus, il a dans le cas d'espèce attendu largement plus de 15 jours la régularisation, puisque la déchéance du terme n'a été prononcée que le 1er février 2022 pour des mises en demeure du 8 décembre 2021.
La non annexion d'une procuration ne prive pas l'acte de son caractère authentique (Cass. mixte 21 déc. 2012, n°12-15063 et 3 juillet 2023 n°11-22432) et sur la nullité de l'acte, le moyen ne peut être invoqué que par la personne ayant donné pouvoir, donc la banque. La clause pénale ne peut être réduite que si elle est manifestement abusive et jamais en deçà du préjudice subi par le prêteur du fait de sa défaillance. Elle communique aux débats les lettres de mise en demeure et de déchéance du terme dont la régularité est donc acquise.
[*]
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 17 avril 2024 auxquelles il est ici renvoyé, monsieur Z. demande à la cour de :
- statuer ce que de droit sur le mérite et le bien-fondé de l'appel principal des époux X. et l'appel incident de la Caixa Geral de Depositos,
- condamner tout succombant au paiement d'une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner tout succombant aux entiers dépens avec pour ceux d'appel recouvrement au profit de maître Cécile Jacquemet, avocat au visa de l'article 699 du Code de procédure civile.
Il explique qu'il est un créancier inscrit, qui avait prêté une somme de 120.000 euros afin de financer l'achat de bijoux. N'étant pas remboursé, il a agi en justice et obtenu un jugement de condamnation du tribunal de première instance de Monaco le 20 janvier 2022 pour un montant de 145 549.98 euros portant intérêt à 10 % l'an sur la somme de 120.000 euros à compter du jugement et 3.000 euros de dommages et intérêts. Cette décision bénéficie de l'exéquatur depuis le 6 septembre 2023, par décision du tribunal de Nice. Une hypothèque judiciaire définitive existe à son profit, publiée depuis le 2 novembre 2023 et il a déclaré sa créance le 3 janvier 2023 dans le cadre de la saisie immobilière.
[*]
Lors des débats, la cour a invité les parties à une note en délibéré pour justifier de la date de signification du jugement d'orientation, et sur l'existence d'une clause abusive au contrat de prêt, question mise d'office aux débats par la cour d'appel.
Par note en délibéré du 19 juillet 2024, la société Caixa General de depositos oppose à nouveau l'irrecevabilité du moyen tiré de la clause abusive au regard de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, sans qu'il n'y ait lieu de distinguer avec un moyen soulevé d'office par le juge lui-même et s'explique sur la validité de la clause de déchéance du terme qui n'est selon elle, pas abusive.
Par note du 2 août 2024, les appelants soutiennent que la note du créancier poursuivant est contraire au principe du contradictoire et doit être écartée des débats.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
* Sur la recevabilité de la note en délibéré :
C'est à la demande expresse de la cour que la société Caixa General de depositos a communiqué une note en délibéré, ce dans les limites des interrogations formulées par la juridiction. Il n'y a pas là atteinte au principe du contradictoire.
* Sur la validité du titre exécutoire au regard de la procuration :
Comme le conclut le créancier poursuivant, le défaut d'annexion des procurations à la minute d'un acte notarié ne lui fait pas perdre son caractère authentique et exécutoire alors au demeurant que cette difficulté ne peut être invoquée que par la partie concernée par la procuration.
C'est en ce sens que s'est prononcée la Cour de cassation en particulier dans un arrêt du 22 mars 2012 de la 1ère chambre civile qui énonce :
« Attendu que pour annuler, à défaut de titre exécutoire, le commandement de payer valant saisie, l'arrêt attaqué constate, d'une part, que les procurations sous seing privé établies pour permettre la représentation du créancier n'étaient pas annexées à l'acte, lequel ne mentionnait pas que ces procurations avaient été déposées au rang des minutes de l'étude et énonce, d'autre part, que cette irrégularité, si elle n'est pas sanctionnée par la nullité de l'acte, est cependant substantielle, puisqu'elle affecte la validité des signatures des parties et porte ainsi atteinte à la force exécutoire de l'acte ; qu'en statuant ainsi, alors que l'obligation, pour le notaire, de faire figurer les procurations en annexe de l'acte authentique ou de les déposer au rang de ses minutes n'est pas sanctionnée par la nullité de l'acte en tant que titre exécutoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés... »
Il n'y a donc pas lieu d'invalider le titre exécutoire en l'espèce.
* Sur la mise en œuvre de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution :
L'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution dispose : « A peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'acte. »
La rédaction de ce texte induit que la contestation ou la demande émane des parties elles-mêmes mais quoiqu'il en soit, elle ne peut faire obstacle au regard de l'évolution jurisprudentielle, à l'examen du caractère abusif d'une clause contractuelle, soulevé en appel par le débiteur, dès lors ainsi que rappelé par arrêt de la Cour de cassation du 14 octobre 2021 - n° 19-11.758 que « le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. Lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon, C-243/08). » Cet examen n'ayant pas été fait d'office par le premier juge, M. X. et madame Y. sont recevables à demander à la cour de s'y livrer outre le fait que la cour a mis cette difficulté aux débats, en invitant les parties à une note en délibéré, ce qui entre pleinement en ses pouvoirs.
En l'espèce les clauses stipulées au contrat de prêt, dressé en la forme authentique le 21 mars 2019, indiquent que le prêt d'un montant de 395.000 euros est remboursable en 24 échéances de 681.78 euros puis 216 échéances de 2 192.29 euros au taux fixe hors assurance de 2.10 % l'an, la première échéance étant fixée au plus tard au 5 mai 2019, la dernière au 5 avril 2039. Les conditions particulières prévoient une exigibilité immédiate des sommes prêtées en cas d'impayés non régularisés dans les 15 jours suivant la mise en demeure.
La Cour de cassation a jugé que crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, une clause d'un contrat de prêt immobilier qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable. Elle a considéré qu'un délai de quinze jours pour régulariser les échéances impayées n'était pas constitutif d'un délai raisonnable de sorte que la clause de déchéance du terme devait être qualifiée d'abusive (Civ. 1ère, 29 mai 2024, n° 23-12.904) et dès lors réputée non écrite. Le fait que le professionnel n'ait pas appliqué une clause abusive n'exempte pas le juge national de son obligation de tirer toutes les conséquences du caractère abusif de cette clause (CJUE 26 janvier 2017, affaire C 421/14, Banco Primus SA).
Il résulte de ce qui précède que la déchéance du terme prononcée par la banque par lettre recommandée du 1er février 2022 après mise en demeure du 8 décembre 2021 est rétroactivement privée de fondement juridique et que les sommes réclamées au commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 12 juillet 2022, au titre du capital restant dû au 5 janvier 2022 et de l'indemnité conventionnelle de « retard » de 6 % prévue au contrat, ne sont pas exigibles ; le caractère non écrit de la clause abusive, seule sanction prévue par le texte, n'a pas pour effet d'invalider le commandement de payer valant saisie immobilière comme le réclament les appelants, alors qu'en vertu du dernier alinéa de l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution, la nullité de cet acte n'est pas encourue au motif que les sommes réclamées sont supérieures à celles qui sont dues au créancier ;
Seule doit être admise comme exigible la somme correspondant aux échéances mensuelles échues impayées à la date de l'audience d'orientation tenue le 21 septembre 2023, soit celles des mois de juillet 2021 à septembre 2023, d'un montant chacune de 2.214.99 € ainsi qu'il ressort du tableau d'amortissement, soit un total exigible de 104.104.53 euros susceptible d'exécution forcée outre les intérêts à 5.10 % l'an sur les mensualités impayées au fur et à mesure de leur exigibilité. C'est à ce montant que sera mentionnée la créance du poursuivant, le jugement étant infirmé de ce chef.
* Sur la demande de vente amiable :
Selon l'article R. 322-21 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution qui autorise la vente amiable fixe le montant du prix en deçà duquel l'immeuble ne peut être vendu eu égard aux conditions économiques du marché ainsi que, le cas échéant, les conditions particulières de la vente. Le juge taxe les frais de poursuite à la demande du créancier poursuivant. Il fixe la date de l'audience à laquelle l'affaire sera rappelée dans un délai qui ne peut excéder quatre mois. A cette audience, le juge ne peut accorder un délai supplémentaire que si le demandeur justifie d'un engagement écrit d'acquisition et qu'à fin de permettre la rédaction et la conclusion de l'acte authentique de vente. Ce délai ne peut excéder trois mois.
En l'espèce, les appelants justifient avoir signé, le 31 mai 2024, devant notaire, une promesse de vente des biens saisis au profit de la société Moderna Invest pour un prix de 390.000 euros comprenant 15.000 euros d'honoraires d'intermédiaire. Ils démontrent ainsi leurs diligences et un prix adapté aux circonstances de l'espèce et aux conditions du marché, tandis que le créancier poursuivant dans ses écritures admettait à ce titre un prix plancher de 340.000 €.
La vente amiable sera donc autorisée avec renvoi des parties devant le premier juge pour taxation des frais et rappel du dossier pour vérification de la bonne exécution de la vente.
* Sur les autres demandes :
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles engagés dans l'instance, il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,
INFIRME partiellement la décision déférée,
Statuant à nouveau sur les chefs soumis à la cour,
INVALIDE la déchéance du terme en raison d'une clause abusive, réputée non écrite,
DIT n'y avoir lieu à annuler le commandement de payer valant saisie immobilière,
VALIDE la procédure de saisie immobilière pour la somme de 104 104.53 euros arrêtée au mois de septembre 2023 outre les intérêts à 5.10 % l'an sur les mensualités impayées au fur et à mesure de leur exigibilité mentionnés pour mémoire, frais et accessoires,
AUTORISE monsieur X. et madame Y. à procéder dans les 4 mois, à la vente amiable des biens saisis, pour le prix leur revenant de 375.000 euros outre 15.000 euros d'honoraires, soit 390.000 euros au total,
RENVOIE les parties devant le juge de l'exécution de Nice pour la poursuite de l'instance,
DIT n'y avoir lieu à frais irrépétibles,
DIT que les dépens seront traités en frais privilégiés de vente, dont distraction au profit de maître Jérôme Lacrouts et maître Cécile Jacquemet, avocats.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE