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CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 19 septembre 2024

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 19 septembre 2024
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), ch. 1 - 9
Demande : 23/07577
Décision : 2024/475
Date : 19/09/2024
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 7/06/2024
Décision antérieure : TJ Marseille (Jex), 25 mai 2023 : RG n° 22/10355
Numéro de la décision : 475
Décision antérieure :
  • TJ Marseille (Jex), 25 mai 2023 : RG n° 22/10355
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23940

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 19 septembre 2024 : RG n° 23/07577 ; arrêt n° 2024/475 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « L'article R. 132-2 dans sa rédaction issue du décret 2009-302 du 18 mars 2009 dispose que dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions des premier et second alinéa de l'article L 132-1, sauf à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet notamment de reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable.

Le droit positif communautaire considère que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, 4 juin 2009, C-243/08). Vu l'arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14) de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui dit pour droit que […] ; Vu l'arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21) de la CJUE qui dit pour droit que l'arrêt précité devait être interprété en ce sens que […] ;

Le droit positif interne considère que crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, une clause d'un contrat de prêt immobilier qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable. Une telle clause est abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation. (Civ. 1ère, 22 mars 2023, n° 21-16.044). En l'absence de précision, dans l'arrêt précité, sur l'application dans le temps du droit prétorien nouveau, il s'applique aux procédures en cours et aux contrats souscrits antérieurement à la date de son prononcé.

Dans l'hypothèse où une clause de déchéance du terme est déclarée abusive, le prêteur dispose de la faculté de procéder au recouvrement forcé des échéances impayées ou de saisir le juge pour solliciter la résolution du contrat de prêt pour manquement grave des emprunteurs à leur obligation de remboursement des sommes prêtées et leur condamnation au paiement des échéances impayées non régularisées, du capital restant du, des intérêts moratoires, et de l'indemnité de résiliation.

En l'espèce, l'article 7 du cahier des charges et des conditions générales des prêts immobiliers stipule : « le contrat de prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles sans qu'il soit besoin d'autre formalité qu'une simple notification faite à l'EMPRUNTEUR par lettre recommandée avec avis de réception, l'EMPRUNTEUR ne pouvant opposer aucune exception : c/ au gré du PRETEUR quelque soit le type de prêt dans l'un des cas suivants : A défaut de paiement de tout ou partie des mensualités à leur échéance et de toutes sommes avancées par le PRETEUR » Il s'en déduit que la clause précitée a pour effet la déchéance de « plein droit » du terme en cas de non-paiement de tout ou partie des mensualités à leur échéance et de toutes sommes avancées par le prêteur, que les sommes dues sont « immédiatement exigibles » et que la seule obligation du prêteur est d'en avertir l'emprunteur par un écrit. En l'état d'une déchéance de plein droit du terme sans délai raisonnable laissé à l'emprunteur pour tenter de régulariser les impayés, et de l'absence d'un autre mécanisme conventionnel de régularisation des retards de paiement, la clause précitée créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au préjudice de Mme Y. Par conséquent, la clause de l'article 7 du contrat de prêt du 26 juin 2002 est réputée non écrite.

Il convient dès lors de s'intéresser aux effets du caractère abusif de cette clause sur les caractères liquide et exigible de la créance et la validité du commandement. La déchéance du terme a deux sources, légale ou conventionnelle selon les principe et modalités convenues par les parties. Dès lors que les modalités de mise en œuvre de la déchéance du terme sont stipulées exclusivement par l'article 7 précité réputé non écrit, la faculté pour le prêteur de prononcer la déchéance du terme n'existe plus. Il n'est fondé à procéder au recouvrement forcé que des seules échéances impayées et doit saisir le juge aux fins de résolution du contrat de prêt et de paiement des autres sommes restant dues. La déchéance du terme prononcée par le CIFD, par lettre recommandée du 12 mai 2022, suite aux mises en demeure de régulariser les échéances impayées, résulte de son initiative unilatérale et ne résulte pas de l'exécution de dispositions conventionnelles. Le défaut de validité de la déchéance du terme n'induit pas de plein droit, comme Mme Y. semble le considérer, la nullité du commandement de payer valant saisie vente du 30 septembre 2022. En effet, ce dernier produit effet pour le montant des échéances impayées par Mme Y. jusqu'à la date de sa délivrance.

Mme Y. étant déboutée de ses demandes en contestations du commandement aux fins de saisie vente, elle sera également déboutée de sa demande de dommages-intérêts, laquelle étant, en tout état de cause, une demande nouvelle en cause d'appel. Le jugement dont appel sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-9

ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/07577. Arrêt n° 2024/475. N° Portalis DBVB-V-B7H-BLNEM. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution de MARSEILLE en date du 25 mai 2023 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 22/10355.

 

APPELANTE :

Madame X. épouse Y.

née le [Date naissance 1] à [Localité 5], de nationalité Française, demeurant [Adresse 4], représentée par Maître Nicole GASIOR, avocat au barreau de MARSEILLE, substituée par Maître Marie-Monique CASTELNAU, avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE

 

INTIMÉE :

SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DÉVELOPPEMENT

Société anonyme à Conseil d'Administration au capital de XXX Euros, immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le n° B YYY ayant son siège social [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de son Directeur Général en exercice audit siège,

Venant aux droits de la SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE MÉDITERRANÉE (anciennement dénommée CIF SUD), société anonyme à Conseil d'Administration au capital de ZZZ EUR, immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le n° B WWW ayant son siège social [Adresse 2], en vertu de la fusion par voie de l'absorption à effet du 1er décembre 2015 attestée suivant déclaration de régularité et de conformité du 1er décembre 2015 enregistrée au SIE de [Localité 7] (8ème EUROPE-ROME) le 2 décembre 2015 bordereau n° 201 5/4 013 case n° 51,

Etant précisé que la SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE MÉDITERRANÉE (anciennement dénommée CIF SUD), venait elle-même aux droits du CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE MÉDITÉRRANEE, Société Anonyme au capital de VVV euros, inscrite au RCS de MARSEILLE sous le N° B UUU, par suite de la fusion absorption approuvée suivant procès-verbal d'Assemblée Générale extraordinaire du 15 décembre 2009.

représentée par Maître Lise TRUPHEME de l'AARPI CTC AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 20 Juin 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile 67BA63CADA2912FDAAAF1683C89BC94F, Cécile YOUL-PAILHES, Présidente de Chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de : Mme Cécile YOUL-PAILHES, Président, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024, Signé par Mme Cécile YOUL-PAILHES, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon acte reçu le 26 juin 2002 par maître A., notaire à [Localité 6], Mme X. épouse Y. a acquis un ensemble immobilier sis à [Localité 6], pour partie financé par un prêt consenti par le Crédit immobilier de France Méditerranée pour la somme de 152.449 euros, et remboursable au taux de 4,80% sur une durée de 25 ans.

Le 14 juin 2018, Mme Y. a été déclarée recevable au bénéfice d'une procédure de traitement de sa situation de surendettement. Par décision du 11mars 2019, la commission de surendettement des particuliers des Bouches du Rhône imposait, à compter du 30 avril 2019, un ré-aménagement de sa dette envers le Crédit Immobilier de France Développement (ci-après : le CIFD), venant aux droits du Crédit immobilier de France Méditerranée, d'un montant de 56.228,14 euros au titre du prêt précité, prévoyant le versement de 113 mensualités de 65 euros, puis de 219 mensualités de 241,26 euros au taux de 0.86 %.

Le 30 septembre 2022, le CIFD a signifié à Mme Y. un commandement aux fins de saisie vente pour avoir paiement de la somme de 61 281,72 euros en vertu de la copie exécutoire de l'acte notarié du 26 juin 2002.

Par acte de commissaire de justice en daté du 10 octobre 2022, Mme Y. a assigné le CIFD à comparaître devant le juge de l'exécution aux fins de contester ce commandement.

Par jugement en date du 25 mai 2023, le juge de l'exécution de Marseille a :

- rejeté l'exception de nullité du commandement litigieux,

- condamné Mme Y. à payer au CIFD la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Vu la déclaration d'appel de Mme Y. en date du 7 juin 2024,

[*]

Au vu de ses conclusions en date du 6 mai 2024, Mme Y. demande à la cour d'appel d'infirmer le jugement dont appel et de :

* A titre principal :

- constater que l'action du CIFD est prescrite

- prononcer la nullité du commandement aux fins de saisie vente en date du 30 septembre 2022

- dire et juger que la clause d'exigibilité du contrat de prêt consenti en cas de non-paiement d'une échéance est abusive

- dire et juger que la clause d'exigibilité du contrat de prêt est réputée non écrite

- dire et juger que le commandement de payer aux fins de saisie vente reposant sur une clause abusive et réputée non écrite est invalide

* à titre subsidiaire :

- constater que le CIFD a exécuté la décision rendue par la commission de surendettement des Particuliers en date du 11 mars 2019 de façon déloyale.

- constater que le CIFD a prononcé de façon irrégulière l'exigibilité anticipée du crédit l'assortissant d'intérêts et de pénalités indues

- débouter le CIFD de sa demande de valider le commandement de payer litigieux,

- prononcer la nullité de ce commandement,

- condamner le CIFD à lui payer la somme de 60.927,67 euros, à titre de dommages et intérêts pour la faute commise dans le cadre de la procédure d'exécution,

En tout état de cause, condamner le CIFD au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens de la procédure en ceux y compris les frais d'huissier, rédacteurs des procès-verbaux.

En premier lieu, Mme Y. soutient que le commandement délivré le 30 septembre 2022 est prescrit en l'état d'un impayé en date du mois de mai 2019.

Elle fait ensuite valoir que le commandement litigieux est nul. En effet, elle rappelle que le plan de la commission de surendettement prenait effet le 30 avril 2019 et que le montant des échéances pendant les 113 premiers mois était de 65 euros, puis, à compter du 114ème mois, de 241,26 euros. Elle soutient ainsi que le CIFD a procédé en mai 2019 à un prélèvement de 54,63 euros puis, à compter de juin 2019, a effectué des prélèvements de 119,63 euros. Or, le plan de surendettement prévoyait des échéances d'un montant de 65 euros, hors prime d'assurance qu'il appartenait à l'assureur de se faire payer.

En troisième lieu, elle prétend tirer argument de l'absence de titre exécutoire, du fait que le commissaire de justice a déclaré agir en vertu de la copie exécutoire de l'acte de vente et de prêt reçu par notaire, sans toutefois qu'il soit justifié de la date de délivrance de cette copie exécutoire.

Enfin, elle argue que le CIFD a lui-même généré la situation d'impayé en ne prélevant pas les sommes telles que prévues par le plan de surendettement. Elle affirme ainsi que les prélèvements ont été honorés à hauteur de 119,63 euros à compter de juin 2019 et jusqu'en octobre 2020, date à laquelle le CIFD a présenté un ordre de prélèvement de 928,16 euros qui a été rejeté. La déchéance du terme a donc été prononcée dans des conditions déloyales, créées par le CIFD lui-même, qui ne saurait arguer de la caducité du plan compte tenu des règlements qui sont intervenus.

[*]

Aux termes de ses conclusions notifiées le 21 mai 2024, le CIFD demande à la cour d'appel de :

- Juger que Mme Y. a de facto bénéficié d'un délai raisonnable pour régulariser les impayés,

- Juger que la déchéance du terme a été régulièrement prononcée,

- Juger que la créance est intégralement exigible,

- Juger que la clause de déchéance du terme n'est pas abusive,

- Débouter Mme Y. de l'intégralité de ses demandes,

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 25 mai 2023 du Juge de l'exécution du Tribunal Judiciaire de Marseille,

- Juger que la demande de Mme Y. de condamnation du CIFD à lui verser des dommages et intérêts est irrecevable pour avoir été soulevée pour la première fois en cause d'appel, et subsidiairement, la débouter de cette demande,

- Condamner à Mme Y. à verser au CIFD une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel.

[*]

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du Code de Procédure Civile.

Vu l'arrêt en date du 18 avril 2024 de réouverture des débats demandant aux parties de conclure sur la question du caractère abusif de la clause d'exigibilité du contrat de prêt,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 22 mai 2024,

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la prescription :

Vu l'article 2240 du code civil,

La dette dont il s'agit en l'espèce est une dette payable par termes successifs pour laquelle la jurisprudence constante de la Cour de cassation considère que la prescription commence à courir au terme de chaque mensualité non payée et non régularisée à sa date d'échéance mais que l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité.

La Cour de cassation a également jugé que les paiements, même partiels, des intérêts ou de certaines échéances viennent interrompre le délai de la prescription biennale pour la totalité de la créance et impliquent une reconnaissance de la dette, tant pour les échéances impayées que pour le capital restant dû.

En l'espèce, Mme Y. a bénéficié d'un plan de surendettement qui précise expressément :

« La Commission invite la débitrice à contacter l'assureur des crédits à la consommation et/ou immobiliers ou directement chaque créancier pour maintenir ou reprendre les garanties. Les primes d'assurance seront à régler en plus des présentes mesures. »

La mensualité à payer au CIFD pour le premier palier de 113 mois était de 65 euros. La somme due au titre de la garantie d'assurance de 54,63 euros se trouvait hors plan.

Comme la commission de surendettement le lui a expliqué dans son courrier en date du 11 mars 2019, il appartenait à Mme Y. de prendre contact avec ses créanciers mais également avec l'assureur, afin de définir avec eux les modalités pratique des paiements à intervenir. Elle ne justifie d'aucune démarche en ce sens, laissant au CIFD de prendre à sa place les dispositions utiles ; ce qu'elle ne saurait désormais lui reprocher.

Ainsi, il y a lieu de constater que seule une partie de l'échéance du mois de mai 2019 a été payée. La totalité de ladite échéance n'a jamais été régularisée.

En l'état, le CIFD a adressé à Mme Y. une mise en demeure en date du 19 août 2020, dont elle a été avisée le 25 août 2020, l'invitant à régulariser sa situation sous quinzaine, sous peine de déchéance du terme. Les paiements se sont poursuivis sans que le CIFD obtienne son paiement pour les sommes réclamées et a donc fait signifier le commandement aux fins de saisie vente litigieux le 30 septembre 2022.

Les paiements effectués par Mme Y. jusqu'en novembre 2020 sont venus interrompre la prescription si bien que le commandement délivré le 30 septembre 2022 n'est pas prescrit.

Le jugement dont appel sera ainsi confirmé sur ce point.

 

Sur la nullité du commandement :

- S'agissant de l'exécution déloyale du plan de surendettement, Mme Y. soutient qu'il appartenait au CIFD d'adapter le montant des prélèvements au vu du plan décidé par la commission de surendettement. Elle constate que le CIFD a, à tort, maintenu pour le mois de mai 2019 un prélèvement à 54,63 euros puis a effectué à compter de juin 2019 des prélèvements à 119,63 euros, pour finalement présenter un ordre de virement de 928,16 euros. Elle considère que le fait pour le CIFD d'avoir exigé le paiement du principal et de l'assurance est une exécution déloyale du plan de surendettement et qu'il appartenait à l'assureur de recouvrer ses primes d'assurance.

L'exécution du plan est du ressort du surendetté et non de celui de ses créanciers. C'est bien dans ce sens que la commission de surendettement a adressé à Mme Y., tant dans sa lettre d'accompagnement que dans sa motivation des mesures imposés, un avertissement lui indiquant qu'il lui appartenait de prendre contact avec ses créanciers.

Il apparaît ainsi que faute de directive de sa part, Mme Y. a été prélevée de la somme de 54,63 euros au titre de l'assurance, prime que le CIFD, dés le début du contrat, a toujours prélevé pour le compte de l'assureur.

Le moyen est donc en voie de rejet.

 

- S'agissant de l'absence de titre exécutoire, Mme Y. prétend qu'il n'est pas démontré que le commissaire de justice disposait d'un acte notarié justifiant d'une créance au profit du CIFD et qu'il n'est pas justifié de la date de délivrance de la copie exécutoire à laquelle il est fait référence dans le commandement contesté.

La cour d'appel constate que l'acte notarié en date du 26 juin 2002, constituant le titre exécutoire, fait état d'un prêt d'un montant de 152.449 euros consenti par le Crédit immobilier de France Méditerranée à Mme Y.

Le CIFD justifie de la radiation du Crédit immobilier de France Méditerranée, immatriculée au RCS de Marseille sous le numéro B ZZZ, faisant suite à la fusion absorption le 15 décembre 2009 par une société du même nom immatriculée au RCS de Marseille sous le numéro WWW, également radiée par suite de fusion absorption par le CIFD le 1er décembre 2015.

Le CIFD a donc démontré que la créance lui avait donc valablement été cédée et qu'il avait qualité à agir pour obtenir paiement en vertu de l'acte notarié comportant vente et prêt en date du 26 juin 2002, qui constitue un acte exécutoire.

Le moyen sera rejeté.

 

- S'agissant de la question de la validité de la déchéance du terme :

Vu l'arrêt en date du 18 avril 2024 rouvrant les débats et demandant aux parties de conclure sur la question de la validité de la clause d'exigibilité prévue au contrat,

Vu les conclusions en date du 6 mai 2024, aux termes desquelles Mme Y. demande à la cour d'appel de déclarer abusive la clause litigieuse, la déchéance du terme étant, au vu du contrat, acquise sans aucune exception, sans préavis et sans autre formalité que l'envoi d'une lettre recommandée à l'emprunteur. En l'espèce, elle soutient que le prêteur ne lui a pas permis de procéder à la régularisation de sa situation dans un délai raisonnable en se prévalant d'échéances supérieures à celles fixées par la commission de surendettement dont il savait qu'elle n'était pas en mesure d'honorer,

Vu les conclusions en date du 21 mai 2024 du CIFD qui demande à la cour d'appel, au principal, de faire une appréciation in concreto de l'existence ou non d'un délai raisonnable accordé à Mme Y. pour régulariser sa situation, en rappelant, au vu de la chronologie des faits, qu'il a laissé un délai de 7 mois à Mme Y. pour procéder à la régularisation des sommes dues et, au subsidiaire, de considérer, même si la clause était déclarée abusive, qu'il garde la faculté de procéder au recouvrement forcé des sommes qui lui sont dues au titre des échéances impayées antérieurement à la déchéance du terme,

L'article R. 132-2 dans sa rédaction issue du décret 2009-302 du 18 mars 2009 dispose que dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions des premier et second alinéa de l'article L 132-1, sauf à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet notamment de reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable.

Le droit positif communautaire considère que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, 4 juin 2009, C-243/08).

Vu l'arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14) de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui dit pour droit que l'article 3, paragraphe 1 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que s'agissant de l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombe à cette juridiction d'examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépendait de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté est prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêt un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté déroge aux règles de droit commun applicables en la matière en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoyait des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l'application d'une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt,

Vu l'arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21) de la CJUE qui dit pour droit que l'arrêt précité devait être interprété en ce sens que les critères qu'il dégage pour l'appréciation du caractère abusif d'une clause contractuelle, notamment du déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat que cette clause créé au détriment du consommateur, ne pouvaient être compris ni comme étant cumulatifs ni comme étant alternatifs, mais devaient être compris comme faisant partie de l'ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné, que le juge national doit examiner afin d'apprécier le caractère abusif d'une clause contractuelle,

Le droit positif interne considère que crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, une clause d'un contrat de prêt immobilier qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d'une durée raisonnable. Une telle clause est abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation. (Civ. 1ère, 22 mars 2023, n° 21-16.044).

En l'absence de précision, dans l'arrêt précité, sur l'application dans le temps du droit prétorien nouveau, il s'applique aux procédures en cours et aux contrats souscrits antérieurement à la date de son prononcé.

Dans l'hypothèse où une clause de déchéance du terme est déclarée abusive, le prêteur dispose de la faculté de procéder au recouvrement forcé des échéances impayées ou de saisir le juge pour solliciter la résolution du contrat de prêt pour manquement grave des emprunteurs à leur obligation de remboursement des sommes prêtées et leur condamnation au paiement des échéances impayées non régularisées, du capital restant du, des intérêts moratoires, et de l'indemnité de résiliation.

En l'espèce, l'article 7 du cahier des charges et des conditions générales des prêts immobiliers stipule :

« le contrat de prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles sans qu'il soit besoin d'autre formalité qu'une simple notification faite à l'EMPRUNTEUR par lettre recommandée avec avis de réception, l'EMPRUNTEUR ne pouvant opposer aucune exception : c/ au gré du PRETEUR quelque soit le type de prêt dans l'un des cas suivants : A défaut de paiement de tout ou partie des mensualités à leur échéance et de toutes sommes avancées par le PRETEUR »

Il s'en déduit que la clause précitée a pour effet la déchéance de « plein droit » du terme en cas de non-paiement de tout ou partie des mensualités à leur échéance et de toutes sommes avancées par le prêteur, que les sommes dues sont « immédiatement exigibles » et que la seule obligation du prêteur est d'en avertir l'emprunteur par un écrit.

En l'état d'une déchéance de plein droit du terme sans délai raisonnable laissé à l'emprunteur pour tenter de régulariser les impayés, et de l'absence d'un autre mécanisme conventionnel de régularisation des retards de paiement, la clause précitée créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au préjudice de Mme Y.

Par conséquent, la clause de l'article 7 du contrat de prêt du 26 juin 2002 est réputée non écrite.

Il convient dès lors de s'intéresser aux effets du caractère abusif de cette clause sur les caractères liquide et exigible de la créance et la validité du commandement.

La déchéance du terme a deux sources, légale ou conventionnelle selon les principe et modalités convenues par les parties. Dès lors que les modalités de mise en œuvre de la déchéance du terme sont stipulées exclusivement par l'article 7 précité réputé non écrit, la faculté pour le prêteur de prononcer la déchéance du terme n'existe plus. Il n'est fondé à procéder au recouvrement forcé que des seules échéances impayées et doit saisir le juge aux fins de résolution du contrat de prêt et de paiement des autres sommes restant dues.

La déchéance du terme prononcée par le CIFD, par lettre recommandée du 12 mai 2022, suite aux mises en demeure de régulariser les échéances impayées, résulte de son initiative unilatérale et ne résulte pas de l'exécution de dispositions conventionnelles.

Le défaut de validité de la déchéance du terme n'induit pas de plein droit, comme Mme Y. semble le considérer, la nullité du commandement de payer valant saisie vente du 30 septembre 2022. En effet, ce dernier produit effet pour le montant des échéances impayées par Mme Y. jusqu'à la date de sa délivrance.

Mme Y. étant déboutée de ses demandes en contestations du commandement aux fins de saisie vente, elle sera également déboutée de sa demande de dommages-intérêts, laquelle étant, en tout état de cause, une demande nouvelle en cause d'appel.

Le jugement dont appel sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions.

 

Sur les demandes accessoires :

Succombant à l'action, en application de l'article 696 du code de procédure civile, Mme Y. sera condamnée aux entiers dépens d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,     

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme X. épouse Y. aux entiers dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE                 LA PRÉSIDENTE