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CA DOUAI (3e ch.), 27 février 2025

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (3e ch.), 27 février 2025
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 3e ch.
Demande : 24/05132
Décision : 25/61
Date : 27/02/2025
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 24/03/2023, 24/10/2024
Décision antérieure : CA Douai (3e ch. Jme), 10 octobre 2024 ; RG n° 23/1455 ; Dnd, - TJ Béthune, 10 mai 2022
Numéro de la décision : 61
Décision antérieure :
  • CA Douai (3e ch. Jme), 10 octobre 2024 ; RG n° 23/1455 ; Dnd, - TJ Béthune, 10 mai 2022
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23950

CA DOUAI (3e ch.), 27 février 2025 : RG n° 24/05132 ; arrêt n° 25/61

Publication : Judilibre

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 24/05132. Arrêt n° 25/61. N° Portalis DBVT-V-B7I-V3AR. Ordonnance (n° 23/1455) rendue le 10 octobre 2024 par le Conseiller de la mise en état de la troisième chambre civile de la Cour d'appel de Douai.

 

DEMANDERESSE AU DÉFÉRÉ :

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 2], [Localité 5], Représentée par Maître Didier Darras, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué

 

DÉFENDERESSE AU DÉFÉRÉ :

Madame X.

née le [Date naissance 1] à [Localité 6], de nationalité Française, [Adresse 4], [Localité 3], Représentée par Maître Jean-François Pambo, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué

 

DÉBATS à l'audience publique du 22 janvier 2025 tenue par Stéfanie Joubert magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Yamina Belkaid faisant fonction de président de chambre, Céline Tahon, conseiller, Stéfanie Joubert, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 mars 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yasmina Belkaid, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 7 août 2012, Mme X. a adhéré à une assurance de groupe souscrite par la Caisse d'épargne Nord France Europe auprès d'un pool d'assureurs, comprenant notamment la SA Cnp assurances (la Cnp), en couverture du remboursement d'un prêt immobilier, et garantissant notamment l'incapacité totale de travail (ITT).

Le 4 janvier 2014, elle a également adhéré à un tel contrat, en couverture d'un prêt à la consommation, comportant la même garantie ITT.

Le 9 juillet 2014, elle a sollicité la prise en charge des échéances de ses deux prêts au titre de la garantie ITT, en raison d'un arrêt de travail, reposant sur un syndrome anxio-dépressif. La Cnp a opposé un refus de garantie, invoquant une déclaration inexacte sur son état de santé au titre du prêt à la consommation et une exclusion de garantie au titre du prêt immobilier.

À compter du 1er octobre 2017, Mme X. a été placée en invalidité de seconde catégorie par la Cpam de l'Artois.

Le 11 mai 2017, elle a à nouveau invoqué la garantie ITT au titre d'un arrêt de travail pour cause de fibromyalgie à compter du 25 janvier 2017.

Le 23 décembre 2020, elle a déclaré un arrêt de travail à compter du 25 janvier 2017 pour cause de polyarthrite rhumatoïde.

Face au refus de garantie de la Cnp, Mme X. a fait assigner cet assureur devant le tribunal judiciaire de Béthune aux fins de prise en charge des échéances du prêt à la consommation.

Par jugement du 10 mai 2022, le tribunal judiciaire a :

1 - déclaré opposable à Mme X. la clause portant limitation de la couverture de garantie résultant d'un cumul de prestations servies au titre des différents contrats d'assurance appliquée au montant de la perte de revenus de Mme X. (article 16.3.3) ;

2 - condamné la Cnp à accorder à Mme X. le bénéfice de la couverture d'assurance souscrite le 4 janvier 2014 dans les termes et limites contractuels à compter du 31 décembre 2017 et par conséquent, condamné la Cnp à verser à Mme X. les prestations dues et non prises en charge entre le 1er janvier 2018 et le 5 août 2020 au titre du contrat signé le 4 janvier 2014 ;

3 - condamné la Cnp au paiement de la somme de 900 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

4 - débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

5 - condamné la Cnp aux dépens ;

6 - ordonné l'exécution provisoire du jugement à hauteur de 50 % des condamnations prononcées en ce compris les dépens et les frais irrépétibles.

Par déclaration du 24 mars 2023, Mme X. a formé appel en limitant sa critique aux chefs du dispositif numérotés 1 et 2 ci -dessus.

Par conclusions d'incident notifiées le 3 mai 2024, la Cnp demandait au conseiller de la mise en état d'ordonner, aux frais avancés de Mme X., une expertise médicale, destinée à retracer les antécédents médicaux et traitements suivis par Mme X., et à déterminer la nature de ou des pathologie(s) à l'origine de l'arrêt de travail et si l'ITT était exclusivement en lien avec l'accident survenu le 25 janvier 2017, outre la condamnation de Mme X. aux dépens et à lui payer 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme X. n'a pas conclu sur l'incident.

Par ordonnance du 10 octobre 2024, le conseiller de la mise en état a débouté la SA Cnp assurances de sa demande d'expertise médicale, l'a condamnée aux dépens de l'incident et l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par requête du 24 octobre 2024, cette ordonnance a été déférée à la cour par la Cnp.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 janvier 2025, la Cnp assurances demande à la cour, de :

In limine litis, au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile,

- rejeter les conclusions de Mme X. signifiées le 20 janvier 2025 ;

A titre principal ;

- infirmer l'ordonnance rendue le 10 octobre 2024 ;

- déclarer recevable sa demande d'expertise sollicitée par voie d'incident ;

- débouter Mme X. de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

- le juge peut ordonner une mesure d'instruction de manière à permettre à une partie qui a invoqué des faits propres à fonder ses prétentions de pouvoir apporter les éléments de preuve nécessaires au succès de celle-ci ;

- une expertise judiciaire permettrait de vérifier, notamment, la situation médicale de Mme X. au regard du contrat d'assurance et de la garantie dont elle demande l'application, alors que pèse sur l'assurée la charge de rapporter la preuve de ce qu'elle se trouve dans les conditions d'application de la garantie ITT. Elle permettrait de se faire une appréciation exacte de l'état de santé effectif de Mme X. et d'apprécier, si possible, l'origine des pathologies avancées pour bénéficier de l'incapacité dont la possible préexistence, cachée, n'a pas permis d'apprécier précisément les risques couverts. I1 y a donc un intérêt commun à voir ordonner une expertise médicale dont les conclusions sont de nature à conforter une demande de débouté total des prétentions de Mme X. et une réformation de la décision déférée.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 janvier 2025, Mme X. demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil, L. 212-1 du code de la consommation et L. 241-1 du code de la consommation, L. 112-2 et suivants, L. 521-4 du code des assurances, de  confirmer l'ordonnance du 10 octobre 2024 et de condamner la Cnp assurance à lui payer la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens de la procédure de déféré.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir qu'aucune demande d'expertise n'a été formulée durant la première instance introduite par assignation du 13 septembre 2019, et que cette demande est injustifiée et tardive.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande visant à voir écarter des débats les conclusions de Mme X. ;

Selon l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

L'article 16 du même code prévoit que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

En l'espèce, les conclusions notifiées par Mme X. le 20 janvier 2025 ne font que solliciter la confirmation de l'ordonnance du conseiller de la mise en état et reprendre l'argumentation développée devant lui, tandis que la Cnp ne démontre pas ne pas avoir disposé d'un délai suffisant pour y répondre, et a d'ailleurs conclu en réponse le 21 janvier 2025.

Dès lors, il n'y a pas lieu d'écarter les dernières conclusions notifiées par Mme X.

 

Sur la demande d'expertise :

A titre liminaire, il sera relevé que, contrairement à ce que soutient Mme X., la Cnp avait déjà formulé à titre subsidiaire une demande d'expertise en première instance et notamment dans ses conclusions du 15 novembre 2021.

La Cnp a formé un appel incident du jugement du 10 mai 2022.

A titre principal, elle demande de dire que Mme X. a fait intentionnellement des déclarations inexactes de nature à réduire la garantie ITT à la seule couverture de nature accidentelle, revendiquant l'application d'une clause figurant sur la déclaration d'état de santé complétée et signée le 4 janvier 2014 pour le contrat de prêt à la consommation selon laquelle « toute déclaration inexacte entrainera la réduction de la garantie ITT à la couverture de nature accidentelle ». Selon elle, cette fausse déclaration a diminué l'opinion qu'elle pouvait avoir du risque.

Elle soutient que Mme X. a omis intentionnellement de déclarer ses antécédents médicaux.

A titre subsidiaire, elle demande d'« ordonner que toute condamnation éventuelle à prise en charge ne pourra être faite qu'au bénéfice de l'établissement bancaire dans les termes et limites contractuels. »

Elle indique que la défaillance de Mme X. dans l'administration de la preuve de son état de santé aurait dû conduire les premiers juges à débouter celle-ci de l'ensemble de ses demandes et qu'il est nécessaire qu'une expertise soit ordonnée « pour vérifier notamment la situation médicale de Mme X. au regard du contrat d'assurance et de la garantie dont elle demande l'application, et (…) apprécier, si possible, l'origine des pathologies avancées pour bénéficier de l'incapacité dont la possible préexistence, cachée, n'a pas permis d'apprécier précisément les risques couverts ».

Pour autant, le débat porte sur l'inexactitude des déclarations effectuées par Mme X. lors de son adhésion au contrat et sur le caractère intentionnel de ces déclarations, de nature à exclure la garantie pour une ITT trouvant son origine dans une maladie.

La Cnp n'établit pas en quoi les pièces versées aux débats sont insuffisantes pour trancher ces questions, ni la nécessité d'une expertise, alors qu'ainsi qu'elle le rappelle elle-même, il incombe à l'assuré de prouver que les conditions contractuelles de la garantie sont réunies et il n'appartient pas à l'assureur de se substituer à la carence probatoire de son assuré.

La requête en déféré à l'encontre de l'ordonnance rendue le 10 octobre 2024 par le magistrat chargé de la mise en état est donc rejetée.

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer l'ordonnance attaquée sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Au titre du présent déféré, il convient de condamner la Cnp aux dépens et à payer à Mme X. la somme de 800 euros au titre de ses frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Dit n'y avoir lieu à écarter des débats les conclusions notifiées par Mme X. le 20 janvier 2025 ;

Rejette la requête en déféré à l'encontre de l'ordonnance rendue le 10 octobre 2024 par le magistrat chargé de la mise en état ;

Condamne la Cnp assurances aux dépens du présent déféré ;

Condamne la Cnp assurances à payer à Mme X. la somme de 800 euros d'indemnité de procédure en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Renvoie l'affaire devant le magistrat chargé de la mise en état à l'audience du 28 avril 2025.

Le greffier                                         Le président

Fabienne DUFOSSÉ                        Yasmina BELKAID