CA METZ (1re ch. civ.), 11 juin 2024
- TJ Metz, 16 juin 2021 : RG n° 17/02978
CERCLAB - DOCUMENT N° 23954
CA METZ (1re ch. civ.), 11 juin 2024 : RG n° 21/01724 ; arrêt n° 24/00154
Publication : Judilibre
Extrait : « L'article L. 132-1 alinéa 1 du code de la consommation dans sa version en vigueur du 3 juillet 2010 au 1er juillet 2016, applicable au présent litige, dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
En l'espèce, la clause contractuelle contestée par les époux X. : « l'assuré n'est ni entreprise générale ni contractant général » n'apparaît pas abusive, dès lors que la SARL Pierre & Décors était bien assurée pour l'exécution des travaux énumérés dans les conditions particulières des polices d'assurance, l'assureur étant en droit de refuser d'assurer un secteur d'activité professionnelle comme l'entreprise générale ou la maîtrise d'œuvre.
Ce moyen est inopérant et sera donc écarté. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 11 JUIN 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/01724. Arrêt n° 24/00154. N° Portalis DBVS-V-B7F-FRHG. Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 16 Juin 2021, enregistrée sous le R.G. n° 17/02978.
APPELANTS :
Monsieur X.
[Adresse 2], [Localité 5], Luxembourg, Représenté par Maître Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ
Madame Y. épouse X.
[Adresse 2], [Localité 5], Luxembourg, Représentée par Maître Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ
INTIMÉES :
SA MMA IARD
représentée par son représentant légal, [Adresse 1], [Localité 4], Représentée par Maître Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de METZ
SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
représentée par son représentant légal, [Adresse 1], [Localité 4], Représentée par Maître Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 8 février 2024, l'affaire a été mise en délibéré, pour l'arrêt être rendu le 11 juin 2024, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile F23D2CC483AC17020CAB97538F82B395.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme BIRONNEAU, Conseillère, Mme FOURNEL, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire ; Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile F23D2CC483AC17020CAB97538F82B395 ; Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Propriétaires d'un appartement de type F7 au 2e étage d'un immeuble situé [Adresse 3], M. X. et Mme Y. épouse X. ont souhaité entreprendre la rénovation totale de leur appartement et de leurs deux terrasses.
Un premier devis leur a été proposé le 12 avril 2011 par la SARL Pierre et Décors, assurée auprès de la SA Covéa Risks aux droits de laquelle viennent désormais les sociétés anonymes (SA) MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles.
Ce devis comprenait les éléments suivants :
démolition/gros œuvre : 8 645 euros HT
plâtrerie/faux plafond : 12 815 euros HT
électricité : 13 904 euros HT
sanitaire/chauffage : 17 811 euros HT
climatisation/chauffage : 20 716 euros HT
menuiserie bois : 8 090 euros HT
VMC/ventilation : 2 316 euros HT
revêtements sols dur : 20 583 euros HT
peinture : 11 196 euros HT
mobilier agencement : 52 945 euros HT
nettoyage : 485 euros HT
Le lot climatisation/chauffage a été refusé par les maîtres d'ouvrage.
Un acompte de 126 600 euros a été payé par les époux X.
Le planning prévisionnel prévoyait des travaux du 4 juillet au 2 septembre 2011.
Les travaux ont débuté le 3 juillet 2011. Après démolition, la SARL Pierre et Décors a présenté un nouveau devis, pour un montant de 213.337,48 euros TTC, que les époux X. n'ont pas accepté.
Les délais n'ont pas été respectés et les époux X. se sont plaints de diverses non-façons et malfaçons qu'ils ont fait constater par huissier selon procès-verbaux des 10 octobre 2011, 10 janvier 2012 et 16 février 2012, avant de saisir M. A., expert, qui a dressé un rapport amiable contradictoire le 4 avril 2012, exposant de multiples désordres affectant les travaux réalisés.
Par acte d'huissier délivré le 23 juillet 2012, M. et Mme X. ont alors assigné la SARL Pierre et Décors aux fins d'expertise devant le juge des référés, lui demandant en outre de condamner sous astreinte la défenderesse à communiquer ses attestations d'assurance responsabilité civile et décennale et de régulariser une déclaration de sinistre entre les mains de son assureur.
Par ordonnance du 25 septembre 2012, le juge des référés a fait droit à leurs demandes, M. B. étant désigné en qualité d'expert.
La SARL Pierre et Décors a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 29 mai 2013 qui a désigné la SCP F. Nodee Lanzetta, prise en la personne de M. F., en qualité de mandataire liquidateur.
M. et Mme X. ont déclaré leur créance, et, par acte d'huissier délivré le 13 septembre 2013, ont assigné la SA Covéa Risks, assureur responsabilité décennale et responsabilité civile de la SARL Pierre et Décors, ainsi que la SCP F. Nodee Lanzetta, aux fins de leur rendre communes et opposables les opérations d'expertise.
Il a été fait droit à la demande par ordonnance du 26 novembre 2013.
Par ordonnance du 27 février 2015, le juge chargé du contrôle des expertises a étendu l'expertise à d'autres désordres.
M. B. a déposé son rapport définitif le 20 décembre 2015,
Par acte notarié du 24 octobre 2016, M. et Mme X. ont vendu l'appartement en litige.
Par exploits d'huissier délivrés le 10 octobre 2017, Mme Y. épouse X. et M. X. ont constitué avocat et fait assigner la SCP F. Nodee Lanzetta prise en la personne de M. F., ès qualités de liquidateur de la SARL Pierre et Décors, la SA MMA IARD et la SA MMA IARD Assurances Mutuelles, venant aux droits de la SA Covéa Risks, devant le tribunal de grande instance de Metz.
[*]
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 7 novembre 2019, M. et Mme X. ont notamment demandé au tribunal, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil en leur version applicable au présent litige, des articles 1792 et suivants du code civil et L.124-3 du code des assurances, de :
juger que la réception tacite des travaux est intervenue avec réserves en avril 2012 ou subsidiairement, de prononcer la réception judiciaire des travaux avec réserves ;
fixer leur créance dans la procédure de liquidation judiciaire du chef de la SARL Pierre et Décors à la somme de 154 311,10 euros ;
condamner les MMA au paiement de la somme de 154 311,10 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
[*]
Dans leurs dernières conclusions récapitulatives notifiées le 29 avril 2020, la SA MMA IARD et la SA MMA IARD Assurances Mutuelles venant aux droits de Covea Risks ont constitué avocat et ont notamment demandé au tribunal de de débouter M. et Mme X. de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles et à titre subsidiaire, de dire et juger que l'indemnisation de M. et Mme X. ne pourra être supérieure à la somme de 39 092 euros.
[*]
La SCP F. Nodee Lanzetta, prise en la personne de M. F. ès qualités de liquidateur de la SARL Pierre et Décors n'a pas constitué avocat.
[*]
Par jugement réputé contradictoire rendu le 16 juin 2021, le tribunal de grande instance de Metz a :
Rejeté la demande au titre de la réception tacite,
Prononcé la réception judiciaire des travaux confiés à la SARL Pierre et Décors à la date du 04 avril 2012, avec les réserves figurant dans les deux procès-verbaux d'huissier de justice datés des 10 janvier 2012 et 16 février 2012, et dans le rapport d'expertise de M. A. daté du 04 avril 2012, en ce comprenant les problèmes de parquet,
Fixé la créance de M. et Mme X. à la procédure de liquidation judiciaire ouverte du chef de la SARL Pierre et Décors, sous réserve d'une déclaration de créance conforme, à la somme de 154 311,10 euros, sans intérêts,
Débouté M. et Mme X. de leurs demandes à l'égard des SA MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles,
Fixé la créance de M. et Mme X. à la procédure de liquidation judiciaire ouverte du chef de la SARL Pierre et Décors, aux dépens de la présente procédure, en ce compris les frais des procédures de référé n°1.410/12 et 1.445/13 et les frais d'expertise et à la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Sur l'absence de réception tacite, le tribunal a retenu que si M. et Mme X. justifient avoir ré-emménagé dans leur appartement le 13 septembre 2011, cette prise de possession correspond en fait à la fin de la période de location du logement qu'ils avaient loué durant le temps prévisible des travaux et non à une volonté quelconque de recevoir l'ouvrage à cette date, que les nombreux mails ensuite échangés entre les parties entre septembre et décembre 2011 montrent que les travaux n'étaient pas seulement atteints de malfaçons mais également non terminés et que les maîtres d'ouvrage n'ont payé qu'un acompte de 126 600 euros sur un devis de 169 508 euros TTC.
Le tribunal a considéré que la réception judiciaire pouvait être fixée au 4 avril 2012, date du rapport de M. A..
Il a ensuite précisé quels désordres relevaient de la garantie décennale ou de la simple responsabilité contractuelle, en ajoutant que dans les deux hypothèses la responsabilité de la SARL Pierre et Décors pouvait être engagée, de plein droit pour les désordres à caractère décennal concernant les radiateurs et la platine du miroir décrochée dans la salle de bains et, compte tenu des fautes d'exécution relevées par M. B., pour les désordres de nature contractuelle.
Sur les garanties dues par la société MMA, le tribunal a relevé que la SARL Pierre et Décors était titulaire d'une police d'assurance responsabilité civile avant/après achèvement et d'une police d'assurance décennale couvrant aussi les garanties facultatives après réception, dont les dommages immatériels.
Le premier juge a rappelé que la garantie de l'assureur est limitée au risque déclaré et ne s'applique donc qu'à l'activité déclarée par l'assuré, que l'absence de déclaration d'un secteur d'activité aboutit non pas à une exclusion mais à une non-assurance, qui est opposable au maître d'ouvrage.
Le tribunal a observé que le devis qui couvre en fait toute la rénovation intérieure de l'appartement des époux X. et donc plusieurs des activités déclarées aux MMA (gros oeuvre, plâtrerie faux plafonds, électricité, sanitaire chauffage, menuiserie, ventilation, revêtements de sols, peinture) stipule que les travaux comprennent: l'établissement de l'ensemble des plans nécessaires au chantier, le suivi et la coordination des intervenants, les réunions de chantier, les plans de recollement en fin de chantier.
Or, le tribunal a aussi relevé que les conditions particulières des deux contrats précisent au titre de l'activité que " l'assuré n'est ni entreprise générale ni contractant général ".
Le tribunal a retenu que le fait d'assurer une entreprise pour chacune des activités déclarées, pour un chantier direct ou en sous-traitance, n'est pas la même chose, pour l'assureur, qu'assurer une entreprise pour une activité intégrant non seulement une spécialité technique mais également l'ensemble de la responsabilité de la rénovation complète comprenant la maîtrise d'oeuvre, le choix d'entreprises sous-traitantes et la coordination et le suivi des travaux, qu'il ne s'agit pas d'une simple accumulation d'activités sous le contrôle d'un maitre d'ouvrage, maître d'oeuvre ou d'une entreprise générale mais d'une activité plus ample d'entreprise générale voire de maître d'oeuvre, assumant une mission et une responsabilité différentes et plus importantes que celles résultant de la seule réalisation d'un ou plusieurs lots d'un chantier général, et un risque plus ample.
Il en a déduit que la SARL Pierre et Décors n'était pas assurée pour le marché conclu et que les époux X. devaient être déboutés de leurs prétentions à l'égard des sociétés MMA.
S'agissant du chiffrage des désordres, le tribunal a considéré que l'expertise judiciaire était trop lacunaire et il a retenu le chiffrage précis de M. [L], à hauteur de 191 898,86 euros TTC, outre 2 170,24 euros de frais engagés et 3 150 euros de préjudice de jouissance proposé par M. B. et accepté par les époux X., soit un total de 197 219,10 euros dont à déduire le solde de facture due de 42 908 euros.
Par déclaration du 6 juillet 2021, enregistrée au greffe de la cour d'appel de Metz le 12 juillet 2021, les consorts X. ont interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement infirmation du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Metz le 16 juin 2021 en ce qu'il les a déboutés de leur demande tendant à la condamnation des SA MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles venant au droit de la SA Covéa Risks à leur payer la somme de 154 311,10 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et celle de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens en ce compris les frais des procédures de référé n°1410/12 et 1445/13 et les frais d'expertise.
Par conclusions d'incident du 07 décembre 2021, les sociétés MMA ont sollicité auprès du conseiller de la mise en état qu'il constate l'irrecevabilité des consorts X. pour défaut de qualité à agir.
Les SA MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles se sont par la suite désistés de leur incident.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par conclusions déposées le 3 novembre 2023, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, les consorts X. demandent à la cour d'appel de :
- déclarer les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles irrecevables en leurs demandes tendant à voir déclarer irrecevables M. et Mme X. en leurs demandes dirigées contre elles ;
Subsidiairement,
- débouter les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles de leurs demandes ;
En conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a nécessairement reçu M. et Mme X. en leurs demandes ;
En tant que de besoin,
- déclarer les époux X. recevables en leurs actions ;
- Infirmer pour le surplus le jugement entrepris en ce qu'il a nécessairement reçu M. et Mme X. en leurs demandes ;
- L'infirmer pour le surplus en ce qu'il a débouté les époux X. de leur demande tendant à la condamnation des SA MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles venant aux droits de la SA Covéa Risks à leur payer la somme de 154.311,10 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et celle de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens ;
Et, statuant à nouveau de ces chefs,
- juger que les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles venant aux droits de la SA Covéa Risks sont tenues à garantie et les condamner solidairement et subsidiairement in solidum au paiement de la somme de 154.311,10 euros, et subsidiairement de la somme de 44.412,24 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
- Subsidiairement juger que la carence de l'assureur dans le cadre de sa rédaction de l'assurance de responsabilité décennale conduit à l'inopposabilité des limites de l'assurance et en conséquence, condamner solidairement et subsidiairement in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, venant aux droits de la SA Covéa Risks, au paiement de la somme de 154 311,10 euros, et subsidiairement de la somme de 44.412,24 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
- Plus subsidiairement encore juger que les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, venant aux droits de la SA Covéa Risks, ont commis une faute résultant de l'imprécision de l'attestation d'assurance et engagé leur responsabilité délictuelle à l'égard des époux X. ;
- En conséquence condamner solidairement et subsidiairement in solidum les Sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, venant aux droits de la SA Covéa Risks, au paiement de la somme de 154 311,10 euros, et subsidiairement de la somme de 44 412,24 euros à titre de dommages et intérêts ;
- A titre infiniment subsidiaire et si par impossible la cour jugeait les demandes de M. et Mme X. irrecevables, condamner solidairement la SA MMA IARD et la SA MMA IARD Assurances Mutuelles, qui se sont abstenues de soulever la fin de non-recevoir en première instance, à payer à M. et Mme X. la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 123 du code de procédure civile ;
- En tout état de cause condamner solidairement et subsidiairement in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, venant aux droits de la SA Covéa Risks au paiement d'une somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de 1ère instance et d'appel, en ce compris les frais de procédure de référé N° 1410/12 et 1445/13 et les frais d'expertise.
Les consorts X. exposent que les sociétés MMA sont irrecevables à se prévaloir, pour la première fois à hauteur d'appel, de la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir, ce et d'autant plus qu'elles n'ont pas présenté cette fin de non-recevoir dans leurs premières conclusions d'appel contrairement aux prescriptions de l'article 910-4 du code de procédure civile.
Subsidiairement, les consorts X. soutiennent que si l'action en garantie décennale du propriétaire d'un immeuble, comme celle fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun, se transmet aux acquéreurs successifs du bien comme étant l'accessoire de la chose en application de l'article 1615 du code civil, il est porté exception à ce principe lorsque le vendeur a sollicité l'indemnisation d'un préjudice personnel qu'il a eu à subir avant la cession du bien ou que l'acte de vente contient une clause particulière à ce sujet.
Exposant avoir financé eux-mêmes les travaux de reprise antérieurement à la vente, les consorts X. affirment avoir un intérêt direct et certain à agir, et en tout état de cause, que l'acte de vente contenait une clause selon laquelle les vendeurs poursuivraient l'action en justice engagée pour leur compte et à leur bénéfice. Les consorts X. relèvent que si cette clause souffre d'imprécision et de manque de clarté, elle ne peut être interprétée que dans le sens où les parties ont voulu laisser aux vendeurs la possibilité de poursuivre leur action sans qu'elle ne soit transmise à l'acquéreur.
Sur le fond et plus précisément sur l'étendue des garanties dues par la société Covéa Risks, assureur de la SARL Pierre et Décors, les consorts X. exposent que si la garantie de l'assureur est limitée aux risques déclarés et ne s'appliquent donc qu'à l'activité déclarée par l'assuré, la production d'une attestation d'assurance délivrée par l'assureur constitue une présomption d'assurance en faveur de l'assuré.
Ils ajoutent que les clauses d'exclusion de garantie doivent être limitées et donc ne pas vider la garantie de sa substance. Selon les consorts X., les activités listées dans les attestations d'assurance regroupaient toutes les fonctions nécessaires à la réalisation d'un projet de construction, la SARL Pierre et Décors était bien assurée pour l'ensemble des lots qui lui avaient été confiés et les attestations d'assurance ne comportaient aucune contre-indication à ce que la même entreprise réalise l'ensemble des lots correspondant aux activités déclarées. Selon eux, considérer que l'entreprise ne pourrait pas intervenir en tant qu'entreprise générale reviendrait à totalement dénaturer le contrat et le vider de sa substance.
Les consorts X. précisent que l'obligation essentielle du contrat était pour la SARL Pierre et Décors de réaliser l'ensemble des travaux qu'ils lui avaient commandés et de les délivrer dans les temps, mais ne comprenait pas d'activité de maîtrise d''uvre.
Les consorts X. font aussi valoir le fait que la clause des conditions particulières des deux contrats, qui précise au titre de l'activité que l'assuré n'est ni entreprise générale ni contractant général, est une clause abusive privant le contrat d'assurance de ses effets et doit donc être réputée non écrite.
Les consorts X. évoquent ensuite une jurisprudence de la Cour de Cassation selon laquelle est inapplicable au tiers bénéficiaire l'exception de garantie liée à la non-déclaration d'une activité dès lors que l'attestation d'assurance ne permet pas au maitre de l'ouvrage de connaitre les limites exactes du champ d'application de l'assurance en question. Ils soutiennent que cela était précisément le cas en l'espèce et que par conséquent l'assureur décennal ne peut leur opposer l'exception qu'il pouvait opposer, en revanche, à son assuré. Ils ajoutent avoir subi un préjudice, à raison de la non-garantie résultant du fait que l'activité ayant conduit aux dommages n'entrait pas dans le champ d'application de la police, dû à l'attitude de l'assureur qui, en remettant une attestation imprécise, ne leur a pas permis de connaitre avec exactitude l'assurance dont bénéficiait l'entrepreneur.
Selon les consorts X., l'assureur a commis une faute résultant de l'imprécision de son attestation d'assurance les ayant ainsi induits en erreur sur la nature et l'étendue de la garantie dont bénéficiait la SARL Pierre et Décors. Ils soutiennent que le préjudice résulte du rejet par le tribunal de leur demande de condamnation des sociétés MMA, venant aux droits de la SA Covéa Risks à leur payer la somme de 154 311,10 euros à titre de dommages et intérêts et ils rappellent le principe de la réparation intégrale du préjudice.
Les consorts X. soutiennent ensuite que les désordres affectant le parquet relèvent de la garantie décennale. Ils contestent la motivation du tribunal retenant qu'il s'agit d'un désordre apparent et affirment qu'au contraire, ce désordre est apparu avec le temps et donc postérieurement aux premières réserves effectuées. Ils ajoutent que ce n'est qu'à l'issue du sondage réalisé par la société Menuiserie Capdouze, en cours d'expertise, que l'origine du décollement généralisé du parquet a été identifiée.
Ils estiment cependant que ce débat est inopportun puisque c'est sur le terrain de la responsabilité civile de droit commun de la SARL Pierre et Décors qu'ils réclament réparation auprès des sociétés MMA et non sur celui de la garantie décennale.
[*]
Par conclusions déposées le 26 octobre 2023, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, les sociétés MMA demandent à la cour d'appel de :
- Dire et juger que M. et Mme X. sont irrecevables à agir à l'encontre de la SA MMA IARD et SA MMA IARD Assurances Mutuelles ;
- Les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- Dire et juger l'appel de M. X. et Mme Y. épouse X. mal fondé ;
- Le rejeter ;
- Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ayant statué au bénéfice des SA MMA IARD et SA MMA IARD Assurances Mutuelles, au besoin par substitution et complément de motifs ;
- Condamner M. X. et Mme Y. épouse X. aux entiers frais et dépens d'appel, outre paiement d'une indemnité de 5 000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs prétentions, les sociétés MMA allèguent être bien fondées à soulever pour la première fois à hauteur d'appel la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir des consorts X. Les sociétés MMA arguent d'une part que cette prétention n'a pas été soulevée devant le tribunal, de sorte que ce dernier n'a pas statué sur un tel chef et qu'il n'y a donc pas matière à former appel incident. D'autre part, les sociétés MMA affirment qu'une fin de non-recevoir peut être invoquée à tout moment sans que celui qui l'invoque n'ait à justifier d'un quelconque grief. Enfin les sociétés MMA affirment qu'une fin de non-recevoir n'est pas une nouvelle prétention mais un nouveau moyen, de sorte qu'il importe peu qu'elle n'ait pas été présentée dès les premières conclusions justificatives d'appel.
Les sociétés MMA exposent ensuite que l'article 1615 du code civil régit la transmission des actions en justice et que, sauf clause contraire, les acquéreurs successifs d'un immeuble ont seuls qualité à agir même pour les dommages nés antérieurement à la vente, et ce nonobstant l'action en réparation intentée par le vendeur avant cette vente contre les constructeurs sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun qui accompagne l'immeuble en tant qu'accessoire. Les sociétés MMA développent le même argument s'agissant de la garantie décennale. Sur ce, les sociétés MMA soutiennent qu'il est constant que le bien a été vendu et que les consorts X. ne justifient d'aucune clause formelle et expresse contraire aux principes précédemment évoqués et ils en déduisent que les vendeurs n'ont pas qualité à agir.
Sur la demande de dommages et intérêts des consorts X., les sociétés MMA se défendent d'un quelconque abus ou volonté dilatoire en arguant être en droit de faire valoir à hauteur d'appel des moyens de droit nouveaux.
Subsidiairement, sur les garanties souscrites, les sociétés MMA affirment en premier lieu que les garanties souscrites par la SARL Pierre et Décors auprès de la société Covéa Risks recevaient application à condition que l'assuré ne soit ni entreprise générale, ni contractant général. Prenant en compte l'étendue des missions comprises dans le contrat du 25 juillet 2011 conclu entre les consorts X. et l'entreprise Pierre et Décors ainsi que les activités de cette dernière, les sociétés MMA exposent que celle-ci devrait être reconnue comme entreprise générale et ainsi exclue de la garantie souscrite. Elles précisent que l'absence de déclaration d'un secteur d'activité, en l'occurrence celle d'entreprise générale, constitue un cas de non-assurance, opposable tant au maître d'ouvrage qu'au tiers.
En second lieu, les sociétés MMA soutiennent qu'il résulte des conditions générales que les engagements de l'assureur sont basés sur la sincérité des déclarations faites par le souscripteur, sous peine de sanctions stipulées auxdites conditions. Au visa de l'article L. 113-8 du code des assurances, les sociétés MMA s'estiment fondées à solliciter, outre la non-assurance, la nullité du contrat d'assurance en raison de la fausse déclaration de la SARL Pierre et Décors, celle-ci ayant omis de déclarer son activité d'entreprise générale.
Les sociétés MMA se défendent également de toute clause abusive et arguent pour le justifier que cette clause est limitée puisqu'elle a pour conséquence de voir écarter la garantie de l'assureur ou le contrat mis à néant dans l'hypothèse où l'assurée agirait en qualité d'entrepreneur général.
Sur l'attestation d'assurance, les sociétés MMA soutiennent que ce document ne constitue qu'une présomption simple d'assurance et n'a pas à reproduire toutes les clauses du contrat. Elles ajoutent que l'attestation d'assurance comporte les références précises aux conditions générales et particulières du contrat souscrit de sorte que l'assureur peut s'en prévaloir vis-à-vis de son assuré mais aussi des tiers.
A titre plus subsidiaire encore, les sociétés MMA affirment que les désordres litigieux ne sont pas de nature décennale et que par conséquent les garanties prévues au contrat d'assurance ne sont pas susceptibles d'être mobilisées. Les sociétés MMA avancent que les travaux réalisés par la SARL Pierre et Décors n'ont jamais été achevés ni réceptionnés selon les dispositions de l'article 1792-6 du code civil.
Sur les sommes réclamées par les consorts X., les sociétés MMA affirment que dans l'hypothèse d'une mobilisation des garanties dans le cadre de la responsabilité décennale, seuls les dommages concernant les radiateurs et la patine du miroir seraient susceptibles d'entrer dans le cadre de la garantie et que les consorts X. ne justifient pas de leurs prétentions à cet égard.
De manière générale, les sociétés MMA contestent le montant des demandes des consorts X. estimant qu'il n'est pas cohérent avec les conclusions du rapport d'expertise.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
I - Sur la réception des travaux, l'imputabilité des désordres à la SARL Pierre et Décors et sur la fixation de la créance :
A titre liminaire, il sera rappelé que les consorts X. ont interjeté appel du jugement entrepris seulement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes à l'égard des SA MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles.
La décision de première instance est définitive en ce qu'elle a rejeté la demande au titre de la réception tacite, prononcé la réception judiciaire des travaux confiés à la SARL Pierre et Décors à la date du 4 avril 2012, avec les réserves figurant dans les deux procès-verbaux d'huissier de justice datés des 10 janvier 2012 et 16 février 2012, et dans le rapport d'expertise de M. A. daté du 4 avril 2012, en ce comprenant les problèmes de parquet, fixé la créance de M. et Mme X. à la procédure de liquidation judiciaire ouverte du chef de la SARL Pierre et Décors, sous réserve d'une déclaration de créance conforme, à la somme de 154.311,10 euros, sans intérêts, fixé la créance de M. et Mme X. à la procédure de liquidation judiciaire ouverte du chef de la SARL Pierre et Décors, aux dépens de la présente procédure, en ce compris les frais des procédures de référé n°1.410/12 et 1.445/13 et les frais d'expertise et à la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
II - Sur la demande de nullité des polices d'assurance :
L'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Dans le corps de leurs écritures (page 9), les sociétés MMA demandent subsidiairement la nullité du contrat, c'est-à-dire des deux polices d'assurance en litige.
Néanmoins, cette prétention n'est pas reprise dans le dispositif de leurs conclusions.
La cour ne statuera donc pas sur ce point.
III - Sur la recevabilité de la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir des époux X. :
L'article 32 du code de procédure civile dispose qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article 123 du même code précise que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause.
Il s'en déduit qu'elles peuvent être invoquées pour la première fois à hauteur de cour.
En revanche devant la cour, les fins de non-recevoir, qui constituent une prétention, doivent être présentées dès les premières conclusions déposées conformément aux articles 908 et 910 du code de procédure civile (sur ce point voir par exemple Cass. 1re civ., 30 mars 2022, pourvoi n° 20-20.658).
Il est exact que dans leurs premières conclusions du 7 décembre 2021, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles demandaient la confirmation du jugement, sans solliciter de la cour qu'elle déclare irrecevables les prétentions de M. et Mme X. pour défaut de droit d'agir.
Ce n'est que dans leurs conclusions déposées le 4 juillet 2022 que les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles ont demandé que les prétentions de M. et Mme X. soient déclarées irrecevables.
Dès lors, il y a lieu de déclarer irrecevable la fin de non-recevoir pour défaut de qualité à agir présentée par les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à l'égard de M. et Mme X.
IV - Sur la mise en œuvre des polices d'assurance souscrites auprès de la société Covea Risks :
Si le contrat d'assurance de responsabilité obligatoire que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter des clauses et exclusions autres que celles prévues par l'annexe I à l'article A. 243-1 du code des assurances, la garantie de l'assureur ne concerne que le secteur d'activité professionnelle déclaré par le constructeur.
L'absence de déclaration d'un secteur d'activité aboutit non pas à une exclusion mais à une non-assurance, qui est opposable au maître d'ouvrage (sur ce point voir par exemple Cass. 3e civ., 2 mars 2022, pourvoi n° 21-12.096).
La SARL Pierre et Décors était titulaire auprès de la société Covea Risks d'une police d'assurance responsabilité civile n°118265959 avant/après achèvement et d'une police d'assurance décennale n°118265959 couvrant aussi les garanties facultatives après réception dont les dommages immatériels.
Dans les conditions particulières signées le 6 février 2009 et applicables aux deux polices d'assurance, il est indiqué, au titre des activités déclarées par l'assurée la SARL Pierre & Décors : « Travaux de bâtiment que vous exécutez ou donnez en sous-traitance : gros œuvre, enduit, plâtrerie -cloisons sèches, revêtements de murs et sols, menuiseries métalliques, serrurerie -ferronnerie, chauffage, conditionnement d'air - climatisation, ventilation, isolation thermique intérieure ' acoustique, peinture intérieure et extérieure, papiers peints, vitrerie -miroiterie, aménagement de magasins, cuisines, revêtements souples de sols et murs, distribution d'électricité basse tension ». Cette énumération est reprise dans les deux attestations d'assurance datées du 7 juin 2011 avec mention des exclusions concernant les ouvrages et les procédés non couverts.
Les conditions particulières précisent également dans l'article 1 que « l'assuré n'est ni entreprise générale ni contractant général ».
Seule titulaire d'un marché conclu avec le maître d'ouvrage, l'entreprise générale a, en principe, les moyens de réaliser elle-même les travaux de tous les corps d'état concernés par ce marché, y compris l'élaboration des plans et la coordination des travaux, même si elle peut sous-traiter une partie de ces travaux. Le maître d'ouvrage n'a de relation contractuelle qu'avec elle et elle est responsable, envers lui, de la parfaite exécution de l'ensemble des lots.
La validité de cette clause écartant la couverture par l'assureur de l'activité d'entreprise générale est discutée par les époux X.
Sur l'existence d'une clause vidant la garantie de sa substance et sur l'inopposabilité de cette clause :
L'article L.113-1 alinéa 1 du code des assurances dispose que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.
Une clause d'exclusion n'est pas limitée, au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, lorsqu'elle vide la garantie de sa substance en ce qu'après son application, elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.
En l'espèce, la clause contractuelle contestée par les époux X. : « l'assuré n'est ni entreprise générale ni contractant général » ne constitue pas une clause d'exclusion en tant que telle puisqu'elle ne fait pas mention d'un ouvrage ou d'un procédé excluant la mise en œuvre de la garantie, mais elle précise simplement un secteur d'activité professionnelle qui n'est pas couvert par cette police d'assurance.
Par ailleurs, une entreprise générale du bâtiment est susceptible de prendre en charge l'intégralité du projet de construction, y compris dans sa phase conception et dans sa phase exécution, en coordonnant les travaux et en assurant la réception de l'immeuble. Même si elle est aussi en capacité de réaliser les travaux relevant de plusieurs corps de métiers, son rôle est plus important que celui d'un simple entrepreneur, qui se contente d'exécuter son lot conformément aux règles de l'art.
L'énumération des activités de la SARL Pierre & Décors couverte par les deux polices d'assurance «gros œuvre, enduit, plâtrerie -cloisons sèches, revêtements de murs et sols, menuiseries métalliques, serrurerie-ferronnerie, chauffage, conditionnement d'air -climatisation, ventilation, isolation thermique intérieure ' acoustique, peinture intérieure et extérieure, papiers peints, vitrerie -miroiterie, aménagement de magasins, cuisines, revêtements souples de sols et murs, distribution d'électricité basse tension », combinée à l'article 1 qui écarte la qualité d'entreprise générale ou de contractant général, signifie que la SARL Pierre & Décors est bien assurée pour l'exécution des lots ainsi énumérés.
Dès lors la garantie n'est pas vidée de sa substance et ce moyen est inopérant.
Sur l'existence d'une clause abusive :
L'article L. 132-1 alinéa 1 du code de la consommation dans sa version en vigueur du 3 juillet 2010 au 1er juillet 2016, applicable au présent litige, dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
En l'espèce, la clause contractuelle contestée par les époux X. : « l'assuré n'est ni entreprise générale ni contractant général » n'apparaît pas abusive, dès lors que la SARL Pierre & Décors était bien assurée pour l'exécution des travaux énumérés dans les conditions particulières des polices d'assurance, l'assureur étant en droit de refuser d'assurer un secteur d'activité professionnelle comme l'entreprise générale ou la maîtrise d'œuvre.
Ce moyen est inopérant et sera donc écarté.
Sur l'application des garanties souscrites
Le devis en litige couvre toute la rénovation intérieure de l'appartement des époux X. et donc plusieurs des activités déclarées aux MMA (gros œuvre, plâtrerie faux plafonds, électricité, sanitaire chauffage, menuiserie, ventilation, revêtements de sols, peinture).
Il stipule également que les travaux comprennent : « l'établissement de l'ensemble des plans nécessaires au chantier, le suivi et la coordination des intervenants, les réunions de chantier, les plans de recollement en fin de chantier ».
Plusieurs des lots ont par ailleurs été sous-traités par la SARL Pierre et Décors et deux bons de commande versés aux débats établissent que la SARL Pierre et Décors a commandé et payé directement ces travaux en se présentant en qualité d'entreprise TCE « tous corps d'état ».
Ce devis et ces bons de commande établissent que la SARL Pierre et Décors a agi à l'égard de M. et Mme X. en qualité d'entreprise générale ou de contractant général, activité qui n'avait pas été déclarée à la société Covea Risks.
Dans un précédent paragraphe, il a déjà été indiqué que la qualité d'entreprise générale ou de contractant général diverge de celle d'un simple entrepreneur même capable d'exécuter plusieurs corps de métiers, car l'entreprise générale ou le contractant général est susceptible de prendre en charge l'intégralité du projet de construction, y compris dans sa phase conception (études) et dans sa phase exécution (coordination des travaux).
Dans ces conditions, il ne peut pas être considéré que le fait d'assurer une entreprise au titre de plusieurs secteurs d'activité, pour un chantier direct ou en sous-traitance, constitue un risque identique à celui d'assurer une entreprise générale.
Ainsi, les sociétés MMA sont fondées à opposer à M. et Mme X. une non-garantie concernant l'activité exercée par la SARL Pierre & Décors, à savoir celle d'entreprise générale ou de contractant général.
La cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux X. de leurs prétentions à l'égard des sociétés MMA en leur qualité d'assureurs de la SARL Pierre et Décors.
V - Sur la responsabilité délictuelle de l'assureur :
Dès lors que l'assurance obligatoire, dont l'existence peut influer sur le choix d'un constructeur, est imposée dans l'intérêt des maîtres d'ouvrage, il appartient à l'assureur, tenu d'une obligation de renseignement à l'égard de son assuré à qui il délivre une attestation nécessairement destinée à l'information des éventuels bénéficiaires de cette garantie, de fournir dans ce document les informations précises sur le secteur d'activité professionnelle déclaré, sous peine d'engager sa responsabilité délictuelle (sur ce point voir par exemple Cass, 3e Civ., 11 mai 2006, pourvoi n° 04-20.250).
Pour autant, une attestation d'assurance est relativement sommaire, elle n'a pas à reproduire toutes les clauses de la police d'assurance.
Les époux X. font grief aux attestations du 7 juin 2011 de la société Covea Risks d'être imprécises.
Néanmoins ce grief apparaît infondé, car l'assureur a fait expressément figurer dans les attestations les activités déclarées par l'assuré et garanties par la police d'assurance, avec mention des ouvrages et procédés éventuellement exclus de la garantie.
Le simple fait qu'une activité non garantie (contractant général ou entreprise générale) ne soit pas mentionnée dans les attestations ne permet pas de considérer que ces documents manquent de la précision requise.
En tout état de cause, il sera rappelé que dans l'assignation du 23 juillet 2012, M. et Mme X. avaient demandé au juge des référés de condamner sous astreinte la SARL Pierre et Décors à communiquer ses attestations d'assurance responsabilité civile et décennale, ce dont il se déduit que les attestations litigieuses versées aux débats ne leur ont pas été remises lors des négociations contractuelles, mais après la constatation des désordres et le début des procédures contentieuses.
Dans ces conditions, les époux X. ne peuvent pas soutenir qu'ils ont été amenés à contracter avec la SARL Pierre et Décors en considération de ces attestations et le préjudice qu'ils invoquent, à savoir les frais engagés pour reprendre les malfaçons et non-façons, est sans lien avec la faute alléguée de l'assureur.
Les conditions de l'engagement de la responsabilité délictuelle de l'assureur ne sont donc pas réunies.
Y ajoutant, la cour rejette les prétentions des époux X. à l'égard des sociétés MMA au titre de la responsabilité délictuelle de l'assureur.
VI - Sur la demande des époux X. en paiement de la somme de 20 000 euros à l'encontre des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à titre de dommages et intérêts :
L'article 123 du code de procédure civile dispose que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
Il n'y a plus lieu de statuer sur ce point dans la mesure où cette prétention était seulement présentée à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour aurait fait droit à la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés MMA.
VII - Sur les dépens et frais irrépétibles :
Il n'y a pas lieu de statuer sur le sort des dépens de première instance, dès lors qu'ils ont été fixés au passif de la procédure collective de la SARL Pierre et Décors et que le liquidateur de cette société n'a pas été intimé.
La cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande des époux X. à l'égard des sociétés MMA au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. et Mme X. qui succombent seront condamnés aux dépens de l'appel.
Pour des considérations d'équité, ils devront aussi payer aux sociétés MMA la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Déclare irrecevable la fin de non-recevoir pour défaut de qualité à agir présentée par les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles ;
Confirme le jugement du 16 juin 2021 du tribunal judiciaire de Metz en toutes ses dispositions déférées à la cour ;
Y ajoutant,
Rejette les prétentions de M. X. et de Mme Y. épouse X. à l'égard des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles au titre de la responsabilité délictuelle de l'assureur ;
Rejette la demande de dommages et intérêts présentée par M. X. et Mme Y. épouse X. sur le fondement de l'article 123 du code de procédure civile ;
Condamne M. X. et Mme Y. épouse X. aux dépens de l'appel ;
Condamne M. X. et Mme Y. épouse X. à payer aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
La Greffière La Présidente de chambre