CA ROUEN (1re ch. civ.), 26 février 2025
- TJ Rouen (pdt), 25 juillet 2023 : RG n° 23/00477
CERCLAB - DOCUMENT N° 23974
CA ROUEN (1re ch. civ.), 26 février 2025 : RG n° 23/03097
Publication : Judilibre
Extrait (appelant) : « Par conclusions notifiées le 14 décembre 2023, l'Association de chasse de la forêt de [Localité 5] demande à la cour de : […] Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par l'Office national des forêts au soutien de son appel n'est de nature à justifier la réformation de l'ordonnance entreprise, en ce qu'elle reconnaît que le sérieux de ses moyens justifie la suspension de la mesure de résiliation du bail de chasse, en attendant que le tribunal, saisi au fond, se prononce sur cette mesure. Contrairement à ce qu'affirme l'Office national des forêts, qui se prévaut de la résiliation du contrat puisque pendant deux saisons de chasse consécutives les objectifs de prélèvement n'ont pas été atteints, elle prétend que cela reviendrait à méconnaître que tout contrat doit être exécuté de bonne foi, et que selon l'ancien article 1170 du code civil, applicable au litige, est potestative la condition qui fait dépendre l'exécution de la convention qu'il est au pouvoir de l'une ou de l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher.
Elle ajoute que le cahier des clauses générales de la chasse en forêt domaniale constitue un contrat d'adhésion, et dans de tels contrats, toute clause non négociable, fixée par avance par l'une des parties, est réputée non écrite dès lors qu'elle crée un déséquilibre significatif au préjudice de celui qui n'a pas pu en négocier les termes.
Elle rappelle que la seule chose qui compte est que ces objectifs soient fixés de bonne foi, et selon des critères concrets et vérifiables, ce qui relève de l'appréciation du tribunal, désormais saisi au fond.
Alors que l'Office national des forêts fait référence à un taux d'accroissement des populations de sangliers de 100 à 150 %, elle considère qu'un tel chiffre n'est pas crédible, car cette augmentation ne résulte d'aucun élément. Elle précise que même en prenant à partir de ce dernier chiffre, le taux maximum d'accroissement de 150 % nouvellement invoqué par l'appelant, le nombre d'animaux à prélever aurait dû être de 261 et non de 320. […]
Elle rappelle qu'en application de l'article 1171 du code civil, l'article 30 du cahier des clauses générales, en ce qu'il déroge à la règle du contrat selon laquelle les prélèvements à effectuer au cours de chaque saison de chasse, sont définis conjointement entre les parties, après avoir respecté un processus de concertation, est une clause qui doit être reconnue comme non écrite, de sorte que l'Office national des forêts n'est pas en mesure de s'en prévaloir pour justifier la résiliation présentement contestée.
En tout état de cause, elle considère que l'article 30 n'est pas applicable, et que son application au cas d'espèce procède d'une application du contrat relevant de la mauvaise foi, au sens de l'article 1104 du code civil, dès lors que sa mise en œuvre résulte de la seule volonté d'une des parties au contrat, alors que les dispositions de l'article 17 prévoient que les prélèvements annuels sont déterminés par rapport à des données documentées, et donc objectives. »
Extraits (motifs) : « Comme le soulève l'Office national des forêts, les textes applicables sont les dispositions contemporaines de la signature du bail le 27 octobre 2015 et par référence expresse, les termes du cahier des clauses générales du 25 septembre 2014 sur la mise en œuvre de la résiliation. Deux notifications ont été adressées à l'association pour confirmer un bilan insuffisant de la période de chasse au regard des objectifs à atteindre et rappeler le risque de résiliation du bail au visa de ce cahier. […]
Pour contester l'application des dispositions de l'article 30 du cahier des clauses générales, l'Association invoque les dispositions de l'article 1171 du code civil selon lequel dans sa version actuelle dispose que dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
A la date de la signature du contrat le 27 octobre 2015, l'article 1171 du code civil précisait uniquement que la condition mixte est celle qui dépend tout à la fois de la volonté d'une des parties contractantes, et de la volonté d'un tiers. »
COUR D’APPEL DE ROUEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 26 FÉVRIER 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/03097. N° Portalis DBV2-V-B7H-JOVR. DÉCISION DÉFÉRÉE : Président du tribunal judiciaire de Rouen du 25 juillet 2023 : RG n° 23/00477.
APPELANTE :
EPIC OFFICE NATIONAL DES FORÊTS
RCS de Créteil XXX, [Adresse 1], [Localité 4], représentée par Maître Simon MOSQUET-LEVENEUR de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen et assistée de Maître Caroline VARLET-ANGOVE, avocat au barreau de Paris
INTIMÉE :
ASSOCIATION DE CHASSE DE LA FORÊT DE [Localité 5]
[Adresse 2], [Localité 3], représentée par Maître Michel BARON de la SCP BARON COSSE ANDRE, avocat au barreau de l'Eure et assistée de Maître Arnaud ROUSSEL, avocat au barreau de Rouen
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 18 décembre 2024 sans opposition des avocats devant Mme Edwige WITTRANT, présidente,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de : Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre, Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, présidente de chambre, Mme Magali DEGUETTE, conseillère
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Catherine CHEVALIER
DÉBATS : A l'audience publique du 18 décembre 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 février 2025
ARRÊT : CONTRADICTOIRE, Prononcé publiquement le 26 février 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
L'Association de chasse de la forêt de [Localité 5] est titulaire d'un bail de chasse consenti par l'Office national des forêts sur le lot n°3 dans la forêt de [Localité 5].
Le bail actuel du 27 octobre 2015 stipule une période d'effet du 1er avril 2016 au 31 mars 2028.
Pour mettre fin aux dégâts qu'engendre une population importante de sangliers, l'Office national des forêts a fixé un cahier des clauses générales prévoyant le principe d'un plan de régulation des forêts.
Par courrier du 5 avril 2023, l'Office national des forêts a avisé l'Association qu'elle ne respectait pas le plan de régulation et a rappelé les sanctions attachées à ce non-respect.
Par courrier du 5 mai 2023, l'Office national des forêts a notifié à l'Association sa décision de prononcer la résiliation du bail de chasse puisque l'Association n'avait pas respecté ses obligations résultant du plan de régulation, lui imposant un nombre minimum de sangliers à prélever.
L'Association, dûment autorisée par ordonnance du président du tribunal judiciaire de Rouen du 12 juin 2023, a assigné l'Office national des forêts en référé d'heure à heure par acte du 13 juin 2023.
Par ordonnance de référé du 25 juillet 2023, le président du tribunal judiciaire a :
- au principal renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront,
- enjoint aux parties d'assister à une réunion d'information sur la médiation organisée par le Centre de Médiation du barreau de Rouen, en rappelant les modalités de la réunion,
- rejeté l'exception de nullité élevée à l'encontre de l'assignation,
- et à titre provisoire, vu l'urgence, ordonné la suspension des effets de la résiliation prononcée le 5 mai 2023 à l'initiative du bailleur du bail de chasse du 27 octobre 2015 entre l'association de chasse de la forêt de [Localité 5] et l'Office national des forêts, pour une durée de trois mois à compter de la signification du jugement,
- dit que ce délai serait prorogé de plein droit si, dans ce délai, l'Association de chasse de la forêt de Roumare saisissait le tribunal judiciaire d'une instance au fond tendant à voir annuler la résiliation prononcée le 5 mai 2023 jusqu'au prononcé du jugement ou que l'instance était radiée ou qu'il en soit autrement décidé par le juge de la mise en état,
- condamné l'Office national des forêts aux entiers dépens,
- condamné l'Office national des forêts à payer à l'Association de chasse de la forêt de [Localité 5] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe le 13 septembre 2023, l'Office national des forêts a formé appel de l'ordonnance.
Un calendrier de procédure a été notifié à l'appelante le 16 octobre 2023 en application des articles 905 et suivants du code de procédure civile.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par dernières conclusions notifiées le 8 octobre 2024, l'Epic l'Office national des forêts demande à la cour, au visa des articles 117 et 835 du code de procédure civile, de :
- infirmer l'ordonnance rendue le 25 juillet 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Rouen en ce qu'elle a :
* ordonné la suspension des effets de la résiliation prononcée le 5 mai 2023 à l'initiative du bailleur du bail de chasse du 27 octobre 2015 entre l'Association de chasse de la forêt de [Localité 5] et l'Office national des forêts, pour une durée de trois mois à compter de la signification de la présente décision,
* dit que ce délai sera prorogé de plein droit si, dans ce délai, l'Association de chasse de la forêt de Roumare saisit le tribunal judiciaire d'une instance au fond tendant à voir annuler la résiliation prononcée le 5 mai 2023 jusqu'au prononcé du jugement ou que l'instance soit radiée ou qu'il en soit autrement décidé par le juge de la mise en état,
* condamné l'Office national des forêts aux entiers dépens,
* condamné l'Office national des forêts à payer à l'association de chasse de la forêt de [Localité 5] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
- constater l'absence de trouble manifestement illicite et d'urgence,
en conséquence,
- rejeter l'ensemble des demandes de l'Association de chasse de la forêt de [Localité 5],
- condamner l'Association de chasse de la forêt de [Localité 5] à payer à l'Office national des forêts la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'Association de chasse de la forêt de [Localité 5] aux entiers dépens.
Sur les manquements justifiant la résiliation, alors que l'Association soutient que le défaut d'atteinte des objectifs du plan de régulation ne serait pas constitué sur une saison de chasse entière et qu'en conséquence le motif de résiliation prévu à l'article 49-1 du cahier des clauses générales de la chasse en forêt domaniale ne serait pas constitué, l'Office national des forêts allègue qu'il ressort de cette disposition que le plan de chasse peut être modifié en cours de saison, ce qui ne serait pas de nature à empêcher la résiliation du bail si le plan de chasse n'est pas respecté.
En réplique à l'argumentaire de l'Association qui prétend que les objectifs de régulation n'étaient pas réalistes, l'Office national des forêts fait valoir que la répartition des objectifs entre les différents lots de chasse de la forêt de [Localité 5] repose sur des critères objectifs :
- le taux d'accroissement d'une population de sangliers étant de 100 à 150 %, il est nécessaire que la moitié de la population présente en début de saison soit prélevée,
- la répartition des objectifs entre les lots est justifiée principalement par le nombre de zones refuges de chacun, la fréquentation du public, et les prélèvements des années précédentes.
Il souligne que les objectifs ne peuvent être simplement fixés au prorata des surfaces de chacun des lots, le lot 3 constituant à cet égard une zone refuge importante pour les sangliers en raison notamment de pentes supérieures à 10 %, situé en bordures sud et est du massif, plus abritées des pluies et du vent du nord et d'importantes surface en régénération non protégée de pins propices au remisage des sangliers.
Il précise que l'Association était libre d'organiser des journées de chasses collectives supplémentaires à hauteur d'une journée par semaine sur la période du 15 août au 31 mars, en sus des chasses individuelles qui sont également permises, ce qu'elle n'a pas fait, et ajoute que si les particularités topographiques du lot 3 expliquent les difficultés à obtenir des données précises sur le nombre de sangliers, elles n'empêchent pas pour autant les chasseurs adhérents de prélever le gibier.
Si le plan de régulation a été abandonné à l'issue de la saison 2022/2023, l'Office national des forêts précise que c'est en raison de la résiliation du bail consenti à l'Association de sorte qu'il ne lui a pas semblé nécessaire d'imposer aux titulaires des baux de chasse sur les trois autres lots du massif un plan de régulation supplémentaire.
S'agissant du compte-rendu de la réunion du 18 janvier 2022, lors de laquelle le directeur de l'Office national des forêts avait indiqué que les sanctions consécutives à la non-atteinte des objectifs du plan de régulation ne seraient pas appliquées si l'objectif global pour l'ensemble de la forêt de [Localité 5] était atteinte, il explique que l'objectif global n'a pas été atteint pour la saison 2021/2022, pas plus que pour la saison 2022/2023.
Sur la mise en demeure, il affirme que l'article 1226 du code civil invoqué par l'Association est issu de l'ordonnance du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, et n'est applicable qu'aux contrats conclus après cette date, et non au bail litigieux, conclu avant le 1er octobre 2016.
En tout état de cause, il explique avoir signalé à deux reprises, par lettres des 27 juillet 2022 et 5 avril 2023, que le défaut d'atteinte par l'Association des minima de prélèvements du plan de régulation des sangliers était de nature à entraîner la résiliation des baux, sanction reconnue par l'intimée aux termes d'un courrier du 28 avril 2023.
Sur le respect des modalités de résiliation, reprenant les dispositions de l'article 48.2 du cahier des clauses générales de la chasse en forêt domaniale, l'Office national des forêts estime avoir respecté le délai de préavis d'un mois, et considère que l'Association a été mise en mesure de présenter ses observations, le 7 juin 2023.
Sur l'application de l'article 30 du cahier des clauses générales de la chasse en forêt domaniale, il rappelle qu'il stipule expressément que la résiliation est encourue par le locataire ne réalisant pas ses plans de chasse, indépendamment de l'éventuelle intervention de l'Office national des forêts, qui n'a aucune conséquence sur la résiliation du bail.
Sur le caractère non écrit et inapplicable de l'article 30 du cahier des clauses générales de la chasse en forêt domaniale allégué, tel qu'invoqué par l'Association au visa de l'article 1104 du code civil, l'Office national des forêts souligne que l'article 1104 issu de l'ordonnance du 10 février 2016 n'est pas applicable au contrat litigieux, et ajoute qu'il a pour mission la recherche d'un équilibre sylvo-cynégétique permettant la régénération naturelle aussi bien qu'artificielle des peuplements forestiers, la mise en œuvre du plan de régulation s'inscrivant dans le cadre de cette mission.
Enfin, alors que l'Association prétend que l'article 30 contreviendrait aux articles 15 et 17.1, qui prévoyaient avant une rencontre préalable entre l'Office national des forêts et l'Association ainsi qu'une concertation avant l'ouverture de la chasse, l'Epic rappelle qu'avant chaque notification d'un nouveau plan de régulation des sangliers des échanges sont intervenus entre les parties, et que des réunions de mi-saison ont eu lieu, permettant de recueillir les observations de l'Association sur l'application du plan de chasse et du plan de régulation.
[*]
Par conclusions notifiées le 14 décembre 2023, l'Association de chasse de la forêt de [Localité 5] demande à la cour de :
- déclarer l'Office national des forêts mal fondé en son appel contre l'ordonnance de référé rendu le 25 juillet 2023 par le président du tribunal judiciaire de Rouen,
- en conséquence, de confirmer cette ordonnance en toutes ses dispositions,
- condamner l'Office national des forêts à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles engagés en appel,
- condamner l'Office national des forêts aux dépens de première instance et d'appel.
Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par l'Office national des forêts au soutien de son appel n'est de nature à justifier la réformation de l'ordonnance entreprise, en ce qu'elle reconnaît que le sérieux de ses moyens justifie la suspension de la mesure de résiliation du bail de chasse, en attendant que le tribunal, saisi au fond, se prononce sur cette mesure.
Contrairement à ce qu'affirme l'Office national des forêts, qui se prévaut de la résiliation du contrat puisque pendant deux saisons de chasse consécutives les objectifs de prélèvement n'ont pas été atteints, elle prétend que cela reviendrait à méconnaître que tout contrat doit être exécuté de bonne foi, et que selon l'ancien article 1170 du code civil, applicable au litige, est potestative la condition qui fait dépendre l'exécution de la convention qu'il est au pouvoir de l'une ou de l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher.
Elle ajoute que le cahier des clauses générales de la chasse en forêt domaniale constitue un contrat d'adhésion, et dans de tels contrats, toute clause non négociable, fixée par avance par l'une des parties, est réputée non écrite dès lors qu'elle crée un déséquilibre significatif au préjudice de celui qui n'a pas pu en négocier les termes.
Elle rappelle que la seule chose qui compte est que ces objectifs soient fixés de bonne foi, et selon des critères concrets et vérifiables, ce qui relève de l'appréciation du tribunal, désormais saisi au fond.
Alors que l'Office national des forêts fait référence à un taux d'accroissement des populations de sangliers de 100 à 150 %, elle considère qu'un tel chiffre n'est pas crédible, car cette augmentation ne résulte d'aucun élément. Elle précise que même en prenant à partir de ce dernier chiffre, le taux maximum d'accroissement de 150 % nouvellement invoqué par l'appelant, le nombre d'animaux à prélever aurait dû être de 261 et non de 320.
Elle expose que contrairement à d'autres espèces de gibiers, il n'y a pas, et il ne peut pas y avoir, de comptages avant le début de la saison de chasse concernant les sangliers.
Elle estime qu'il est contradictoire pour l'Office national des forêts de faire valoir dans ses conclusions que la répartition entre les quatre lots des objectifs de prélèvement serait justifiée par divers éléments tels que la présence de zones de refuge dans certains d'entre eux, et de soutenir en même temps que le lot 3 est celui qui en comporte le plus ; précisément parce que d'importantes superficies du lot 3, notamment à flanc de falaise, sont inaccessibles aux chasseurs, alors qu'ils constituent des zones de refuge pour les sangliers, et qu'il faut en tenir compte pour adapter en conséquence les prélèvements possibles. Elle considère alors qu'il est anormal d'invoquer l'existence de ces zones de refuge pour justifier la présence de sangliers en nombre plus important que dans les autres lots, et donc, la détermination d'objectifs de prélèvement plus élevés.
Elle fait valoir que la dénonciation du bail est illicite, faute d'avoir été précédée d'une mise en demeure régulière et non équivoque, accompagnant l'annonce des objectifs de prélèvements à réaliser, et rappelle que la non-réalisation de ces objectifs peut entraîner la résiliation du bail. Elle précise que l'interpellation de l'Office national des forêts n'a pas été respectée puisqu'il a dispersé ses menaces de résiliation dans différents courriers, ce qui les rend inefficaces, d'autant plus qu'aucun d'eux ne respecte le formalisme des articles 1225 et 1226 du code civil.
Elle rapporte que les courriers de l'Office national des forêts du 29 octobre 2021, du 27 juillet 2022 et du 11 janvier 2023, ne visent pas l'article 49.1 du cahier des clauses générales de la chasse en forêt domaniale, et n'évoquent pas la menace d'une résiliation, puisqu'ils indiquent seulement que la non-réalisation de cet objectif constitue une infraction pénale. Elle indique que seul le courrier du 5 avril 2023 mentionne que l'objectif de prélèvement pour la saison de chasse 2022/2023 a été notifié le 22 juillet 2022, et qu'il n'a pas été atteint, mais fait valoir qu'il évoque seulement la possibilité d'une résiliation du bail de chasse. Elle précise qu'à cette date la saison de chasse étant terminée, elle n'était plus en mesure d'atteindre les objectifs assignés, de sorte qu'il est impératif, avant le début de la saison, d'indiquer simultanément au titulaire du bail qu'il doit impérativement atteindre les prélèvements exigés, sans quoi la résiliation sera prononcée.
Se fondant sur l'article 48.2 du cahier des clauses générales, qui prévoit que la résiliation est prononcée avec un préavis d'un mois, pendant lequel le locataire peut faire valoir ses observations, elle se prévaut du fait que l'Office national des forêts aurait dû commencer par lui notifier son intention de résilier le bail de chasse, attendre de recevoir ses observations, avant, le cas échéant, de prononcer cette sanction.
Conformément à l'article 30 du cahier des clauses générales, qui stipule que si l'Office national des forêts estime qu'il existe des animaux en trop grand nombre sur le territoire, il peut procéder lui-même à des opérations de régulations, en s'adjoignant les auxiliaires de son choix, elle prétend que pour la saison 2021/2022, l'appelant n'a organisé aucune battue, et que c'est seulement fin janvier 2023 qu'il a organisé trois battues consécutives, au cours desquelles 18 sangliers ont été prélevés, soit la moitié des prélèvements effectués à chaque chasse par l'association, de sorte que faute pour ce dernier d'avoir mis en œuvre les moyens prévus à sa charge dans le cahier des clauses générales pour limiter le nombre de sangliers, il ne peut pas invoquer la non-réalisation des plans de régulation imposés à sa locataire.
Alors que l'article 49.1 du cahier des clauses générales évoque deux saisons successives, elle prétend avoir bien été informée par l'Office national des forêts du nombre de sangliers à prélever avant le début de la saison de chasse 2022/2023, par un courrier du 27 juillet 2023, mais que tel n'est pas le cas pour la saison 2021/2022.
Elle expose en effet que le plan de régulation n'a été annoncé par l'appelant que par courrier du 29 octobre 2021, envoyé le 18 novembre suivant, reçu le 19 novembre 2021, alors que trois chasses avaient déjà eu lieu, de sorte qu'il n'est pas en mesure de reprocher à l'association requérante la non-réalisation d'objectifs qui lui ont été imposés au cours de deux saisons successives, puisque pour l'une d'elles, le manquement reproché ne concerne pas une année entière.
Elle rappelle qu'en application de l'article 1171 du code civil, l'article 30 du cahier des clauses générales, en ce qu'il déroge à la règle du contrat selon laquelle les prélèvements à effectuer au cours de chaque saison de chasse, sont définis conjointement entre les parties, après avoir respecté un processus de concertation, est une clause qui doit être reconnue comme non écrite, de sorte que l'Office national des forêts n'est pas en mesure de s'en prévaloir pour justifier la résiliation présentement contestée.
En tout état de cause, elle considère que l'article 30 n'est pas applicable, et que son application au cas d'espèce procède d'une application du contrat relevant de la mauvaise foi, au sens de l'article 1104 du code civil, dès lors que sa mise en œuvre résulte de la seule volonté d'une des parties au contrat, alors que les dispositions de l'article 17 prévoient que les prélèvements annuels sont déterminés par rapport à des données documentées, et donc objectives.
Elle allègue que faute pour l'Office national des forêts de démontrer que les conditions prévues pour la mise en œuvre de l'article 30 sont objectivement réunies, il ne peut pas se prévaloir du non-respect des plans de régulation qu'il a imposés sans concertation ni justification pour procéder à la résiliation du bail de chasse.
Elle explique être la seule à subir la décision de résiliation de son bail, alors que pour les deux saisons de chasse 2021/2022 et 2022/2023, elle a prélevé le plus de sangliers sur son lot, de sorte qu'il lui est incompréhensible que l'Office national des forêts ait décidé de la sanctionner par la mesure de résiliation totalement arbitrairement prise à son encontre, alors qu'aucune mesure similaire n'a été prise à l'encontre des autres titulaires de lots.
[*]
La clôture de l'instruction est intervenue le 18 décembre 2024.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la suspension de la résiliation du bail de chasse :
L'article 834 du code de procédure civile dispose que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
L'article 835 du code de procédure civile prévoie également que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l'espèce, par acte du 27 octobre 2015, l'Office national des forêts a consenti un bail de chasse à tir à l'Association de chasse de [Localité 5] pour la période du 1er avril 2016 au 31 mars 2028 qui renvoie aux dispositions du cahier des clauses générales de la chasse en forêt domaniale du 25 septembre 2014.
L'article 48.1 de ce cahier dispose que « la non-atteinte des objectifs fixés selon les dispositions du contrat cynégétique et sylvicole aux échéances de trois, six ou neuf ans du bail peut entraîner la résiliation du bail à la demande de l'ONF' ».
L'article 48-2 précise que « La résiliation est prononcée par décision du directeur général de l'ONF ou de son délégué' avec un préavis d'un mois -pendant lequel le locataire peut faire valoir ses observations au directeur général...»
L'article 49-1 ajoute que « La résiliation avec préavis prévue à l'article 48.2 est encourue notamment : « si le locataire... n'a pas prélevé, au cours de deux saisons successives ou trois années sur six années glissantes, le nombre minimum fixé à chacun des plans de chasse délégués correspondants, éventuellement amendés en cours de saison. Dans ce cas, la résiliation peut être prononcée, sous réserve du préavis, dès la constatation des faits, même lorsque ceux-ci sont passibles d'une sanction pénale. ».
Sur le plan formel, l'Office national des forêts a respecté ses obligations dans la mise en œuvre de la résiliation recherchée :
- elle a ainsi procédé à la notification du plan de régulation de la saison 2021/2022 par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 29 octobre 2021 et a notifié dans les mêmes formes par lettre du 27 juillet 2022 le constat de non-atteinte du plan fixé ;
- de même, elle a procédé à la notification du plan de régulation de la saison 2022/2023 par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 27 juillet 2022 et a notifié dans les mêmes formes par lettre du 5 avril 2023 le constat de non-atteinte du plan fixé ;
- par lettre recommandée adressée le 5 mai 2023, l'Office National des Forêts a notifié la résiliation du bail dont bénéficiait l'Association avec préavis d'un mois au cours duquel cette dernière pouvait former des observations.
L'Association avait parfaitement compris les risques encourus de résiliation du bail puisqu'entre la réception de la notification du 5 avril 2023 et celle de la résiliation par lettre du 5 mai 2023, elle écrivait le 28 avril 2023 : « Nous n'ignorons pas que la non réalisation du plan de régularisation deux années consécutives est susceptible d'entraîner la résiliation de notre bail de chasse. Néanmoins, nous vous demandons de ne pas en arriver là et nous laisser une chance de pouvoir poursuivre la dynamique de baisse de la population sangliers et d'atteindre au terme du bail le seuil fixé dans notre bail. ».
Elle invoque l'absence de mise en demeure préalable au visa de l'article 1225 du code civil imposant cette condition.
Comme le soulève l'Office national des forêts, les textes applicables sont les dispositions contemporaines de la signature du bail le 27 octobre 2015 et par référence expresse, les termes du cahier des clauses générales du 25 septembre 2014 sur la mise en œuvre de la résiliation. Deux notifications ont été adressées à l'association pour confirmer un bilan insuffisant de la période de chasse au regard des objectifs à atteindre et rappeler le risque de résiliation du bail au visa de ce cahier.
Elle n'a pas manqué de formuler ses observations avant résiliation et a saisi le juge des référés rapidement en juin, après la notification pour résister à ses effets.
L'Association était avisée des enjeux sanctionnés par l'article 49-1 du cahier des clauses générales. Elle conclut d'ailleurs expressément en précisant que « l'inobservation des prescriptions légales ou réglementaires n'est pas en cause : le débat porte sur la manière dont l'une des parties - le bailleur - cherche à imposer des obligations contractuelles de manière arbitraire à l'autre partie au contrat ».
Elle place dès lors le débat sur le fond et la pertinence de la décision de l'Office national des forêts sans cependant précisément rattacher ses prétentions aux dispositions générales de l'article 834 du code de procédure civile ou à l'article 835 du code de procédure civile
S'agissant des objectifs fixés par l'Office national des forêts, il convient de souligner que les dispositions contractuelles déterminent les conditions d'élaboration et d'exécution du plan de régulation, en l'espèce des sangliers :
- il fixe la compétence exclusive de l'Office pour la présentation du plan de chasse « après concertation avec les locataires » selon l'article 6 en précisant que cette clause est « déterminante du consentement de l'ONF et du locataire » ;
- il définit les conditions d'élaboration du plan de chasse en son article 17 et les conséquences de son respect en son article 17.4 : « Sur la base des indications ainsi recueillies, de ses propres observations et compte tenu des objectifs sylvo-cynégétiques du massif, l'ONF prépare les demandes de plan de chasse » après « réunion d'information et de concertation » ;
- « Le locataire est responsable du suivi de la réalisation de son plan de chasse. Il en rend compte selon les modalités définies par l'ONF ».
Certes, « Le chasseur qui redoute de ne pas atteindre les minima délégués peut alerter l'ONF au plus tard 50 jours avant la fermeture de la chasse à tir des espèces concernées. » ; cependant, le cahier des clauses générales n'en tire aucune obligation pour l'Office national des forêts contrairement au moyen développé par l'Association.
Si comme évoqué dans le cadre d'une réunion le 18 janvier 2022, le représentant de l'Office national des forêts a fait état des difficultés de calibrer les plans de régulation, observation reprise par le premier juge, il lui revient de les élaborer et de les fixer.
Pour contester l'application des dispositions de l'article 30 du cahier des clauses générales, l'Association invoque les dispositions de l'article 1171 du code civil selon lequel dans sa version actuelle dispose que dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
A la date de la signature du contrat le 27 octobre 2015, l'article 1171 du code civil précisait uniquement que la condition mixte est celle qui dépend tout à la fois de la volonté d'une des parties contractantes, et de la volonté d'un tiers.
Si elle remet en cause les objectifs minimaux à atteindre au titre des animaux abattus, l'Association ne verse pas aux débats des pièces relatives aux moyens mis en œuvre pour participer à l'élaboration des plans en évaluant objectivement les populations de sangliers et pour exécuter avec plus de fiabilité les plans.
Par lettre du 25 novembre 2021, le président de l'Association se borne à indiquer qu'il ne pourra pas atteindre l'objectif et n'évoque que trois chasses organisées à cette date, la saison étant pourtant plus large que celle de quelques mois d'hiver, et l'idée de résultats à atteindre pour 80 sangliers par an jusqu'au terme de la dernière saison du bail sur le lot. Le 23 décembre 2021, après huit chasses, il fait le constat de l'abattage de 164 sangliers et précise que « sur les trois dernières chasses, où nous chassions pour la seconde fois, la densité des animaux sur le territoire a triplé par rapport à la première. D'où venaient ces sangliers ' ». Il n'a pas rendu compte des autres chasses et résultats mais le 27 juillet 2022, le constat sera dressé de l'absence de contrat rempli au titre du plan à hauteur de 300 sangliers sur ce lot.
En aucun cas, l'Office national des forêts n'avait l'obligation de pallier les insuffisances de l'exécution du plan par l'Association, le cahier des clauses générales ne prévoyant qu'une faculté pour l'Office de déployer ses propres moyens et battues pour faire face à la surpopulation.
La correspondance collective des titulaires des lots 1 à 4 du 28 septembre 2022 ne se réfère qu'à la correspondance du 27 juillet 2022 de l'Office national des forêts et porte critique des minima fixés par l'Office national des forêts sans documenter les informations qui y sont portées. Réponse sera apportée le 6 octobre 2022.
Pour la saison 2022/2023, l'Association réitère son initiative par lettre du 27 décembre 2022 après huit chasses pour contester à nouveau les quotas fixés par l'Office national des forêts soit plus de 50 jours avant la fermeture de la chasse aux sangliers. Après notification de l'insuffisance des résultats le 5 avril 2023 avec 199 sangliers sur un seuil minimal de 250 animaux, l'Association tente à nouveau de se défendre en visant notamment l'augmentation des jours de chasse, 2 en février et 2 en mars sans dresser un bilan plus précis de ses actions tant pour l'Office national des forêts que pour résister au risque de résiliation identifié.
La lettre susvisée du 28 avril 2023 démontre la difficulté de l'Association à intégrer les obligations tirées des plans annuels en se référant au terme du bail soit à défaut de plus amples précisions au 31 mars 2028 sans toutefois démontrer les initiatives prises pour y faire face. Il convient de souligner que l'Association bénéficie d'un bail de chasse portant sur 1 164 hectares sur le domaine public, soit la parcelle la plus grande des 4 lots de la forêt puisque le lot n°1 concerne 832 ha, le lot n°2, 863 ha, le lot n°4, 1 129 ha.
Pour seuls éléments relatifs à son fonctionnement et ses contraintes financières, sur la période concernée jusqu'à la résiliation de mai 2023, l'Association ne communique qu'une facture du 9 août 2022 de l'Office national des forêts : elle ne verse aucun élément sur ses comptes, ses investissements, le nombre de membres, précisément de chasseurs et leur participation à l'association pour établir à ce titre éventuellement un trouble manifestement illicite.
En définitive, et alors que la procédure est celle du référé, l'Association ne démontre pas que :
- les dispositions légales et contractuelles applicables à l'espèce n'ont manifestement pas été respectées ;
- les exigences posées par l'Office national des forêts qui a qualité pour ce faire, au regard de la surpopulation de sangliers et des dommages causés, présentent un caractère purement discrétionnaire, leur contestation ne suffisant pas à établir cette allégation ;
- il existe soit le risque d'un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite justifiant la suspension de la résiliation du bail de chasse en application de l'article 835 du code de procédure civile, soit une suspension que le différend rend nécessaire au sens de l'article 834 du code de procédure civile, la relation entre les parties n'ayant par ailleurs pas permis une conciliation ou une médiation fructueuse.
En conséquence, l'ordonnance entreprise sera infirmée.
Sur les frais de procédure :
Compte tenu de la décision prise, l'ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.
L'Association de chasse de la forêt de [Localité 5] qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande de ne pas application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes les dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute l'Association de chasse de la forêt de [Localité 5] de toutes ses demandes, et particulièrement de la demande en suspension des effets de la résiliation du bail de chasse notifiée par lettre du 5 mai 2023,
Déboute l'Office national des forêts de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'Association de chasse de la forêt de [Localité 5] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, La présidente de chambre,