CA VERSAILLES (ch. com. 3-2), 30 avril 2024
- T. com. Nanterre (5e ch.), 18 octobre 2022 : RG n° 2019F02025
CERCLAB - DOCUMENT N° 23986
CA VERSAILLES (ch. com. 3-2), 30 avril 2024 : RG n° 23/00088
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Il s'en déduit que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation définissant les clauses abusives n'est pas soumise à la prescription quinquennale. Il convient donc de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action visant à déclarer abusive la clause litigieuse. Le tribunal ne s'étant pas prononcé sur ce point dans le dispositif du jugement, il convient de procéder à un ajout de ce chef. »
2/ « En l'espèce, l'offre de prêt acceptée le 6 septembre 2010 détaille les conditions du prêt, et mentionne que celui-ci se déroule en deux phases, une phase de préfinancement pouvant aller jusqu'à 24 mois durant laquelle M. X. sera redevable du paiement de l'assurance uniquement (les intérêts intercalaires et le capital font l'objet d'un différé de paiement), et une phase d'amortissement sur 360 mois. Il est précisé que le taux d'intérêt fixe est de 4,85 % et le TEG de 5,49 %. Sont également mentionnés les différents frais, et un « coût total prévisionnel » du crédit, incluant les intérêts, assurances (hors préfinancement) et accessoires, à hauteur de 214 977,16 euros. Le contrat de prêt prévoit, en page 9 - juste avant le tableau d'amortissement - une clause selon laquelle : « les intérêts non payés pendant la phase de compte courant ont été estimés forfaitairement, en concertation avec l'emprunteur, à 4 500 euros. En conséquence, l'échéancier prévisionnel des amortissements est établi en estimant le solde liquidatif du compte courant à 190.293 euros ». Il convient de rappeler que le prêt porte sur un montant principal de 185.793 euros. La période de compte courant est définie en page 26 du contrat, article 5.1.2 comme étant une : « période préalable à l'entrée du prêt en phase d'amortissement pendant laquelle l'emprunteur ne paye que les frais de dossier et les cotisations d'assurances, si le prêt est assorti d'assurances (...) ». Cette période correspond au déblocage progressif des fonds pendant la période de travaux.
Contrairement à ce que soutient M. X., la clause litigieuse a pour objet, non pas d'exclure les intérêts intercalaires du coût du crédit (cette exclusion, au demeurant non contestée, résulte d'une autre clause, à savoir celle définissant le taux effectif global comme il sera vu plus avant), mais d'estimer ces intérêts forfaitairement, étant observé qu'ils font l'objet d'un différé de paiement, au même titre que le capital.
L'affirmation selon laquelle cette clause interdirait à M. X. d'appréhender le surcoût résultant de la période de préfinancement est infondée. En effet, le montant des intérêts est déterminable, en fonction d'une part de la date et du montant des déblocages de fonds, d'autre part du taux d'intérêt connu, à savoir 4,85 %.
Il n'est pas démontré, ni même allégué, que l'évaluation forfaitaire à hauteur de 4 500 euros ait été effectivement dépassée, occasionnant un surcoût imprévu au cours de la période de préfinancement. L'affirmation selon laquelle ce surcoût serait de l'ordre de 9,45 % du coût du crédit ne repose en outre sur aucune donnée précise.
Cette clause, dont l'objet est uniquement l'estimation forfaitaire des intérêts intercalaires (et non pas une exclusion de ces intérêts du mode de calcul du TEG) ne crée dès lors aucun déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, de sorte qu'elle ne peut être qualifiée d'abusive.
La demande tendant à la voire déclarer abusive est donc rejetée. Il n'y a pas lieu, par conséquent, à sanction sur ce point. Le tribunal ne s'étant pas prononcé sur l'absence de caractère abusif de la clause, il convient d'ajouter au jugement de ce chef. »
3/ « En application de ces dispositions, il convient de rechercher à quelle date M. X. a eu connaissance des faits, à savoir les irrégularités alléguées du contrat de prêt, lui permettant d'exercer son action en déchéance du droit aux intérêts.
Ainsi que le fait observer le Crédit foncier, M. X. ne précise pas à quelle date il a eu connaissance de ces irrégularités, se contentant d'affirmer qu'il ignorait légitimement les faits « jusqu'à ce qu'un sachant attire son attention sur ce point, ce qui l'a conduit à saisir un avocat. »Il produit à ce titre une consultation établie par deux professeurs de droit le 10 novembre 2021, la cour observant toutefois qu'elle est postérieure de plus de deux années à l'introduction de l'instance en octobre 2019, de sorte qu'elle ne permet pas d'établir à quelle date M. X. a eu connaissance des faits.
Comme le souligne le Crédit foncier, le paragraphe relatif au calcul du TEG (page 4 du contrat) comporte un premier alinéa, selon lequel : « le taux effectif global et le taux de période sont calculés pour un prêt entièrement débloqué en une seule fois. TEG : 5,49 % ». Il est ensuite précisé : « le taux effectif global est un taux qui a pour objectif de présenter un taux incluant tous les frais inhérents au prêt. Il inclut, outre le taux d'intérêt du prêt, les éléments suivants : frais de dossier, frais de garantie, assurance obligatoire sur la durée prévisionnelle du prêt (hors période de préfinancement) (...) ».
Cette première stipulation permet de comprendre, pour un consommateur normalement averti, d'une part que le TEG ainsi défini ne concerne que les prêts débloqués en une seule fois, ce qui n'est pas le cas du prêt consenti à M. X., d'autre part et en tout état de cause que la banque a expressément exclu de ce taux l'assurance durant la période de préfinancement.
Il résulte en outre de l'article 5.6 du contrat de prêt relatif aux intérêts intercalaires que : « ces intérêts ne sont pas compris dans le coût total prévisionnel du prêt indiqué aux conditions particulières ».
Ces stipulations permettent d'établir que M. X. avait connaissance, dès la signature du contrat de prêt, d'une part que les intérêts intercalaires - en contradiction avec les dispositions légales précitées - n'étaient pas compris dans le coût total du prêt, d'autre part que le TEG mentionné au contrat ne concernait que les prêts débloqués en une seule fois, de sorte qu'il n'était pas applicable à un prêt comportant une période de préfinancement et ne pouvait ainsi inclure les intérêts intercalaires.
Le caractère décelable des irrégularités alléguées, tel qu'il résulte des stipulations contractuelles ainsi examinées, n'est pas sérieusement contesté par M. X. qui, au regard de la clarté des dispositions, n'est pas fondé à invoquer son ignorance légitime.
Dès lors que les anomalies invoquées étaient décelables par M. X. dès la signature du contrat de prêt, le délai de prescription quinquennal a commencé à courir le 6 septembre 2010, de sorte que l'action introduite plus de 9 ans plus tard, le 17 octobre 2019 est manifestement prescrite. Le jugement est confirmé en ce qu'il a déclaré l'action de M. X. irrecevable comme étant prescrite. L'action étant irrecevable, le tribunal n'avait pas à statuer sur le fond et à prononcer le débouté de sa demande de déchéance du droit aux intérêts. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
CHAMBRE COMMERCIALE 3-2
ARRÊT DU 30 AVRIL 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° RG 23/00088 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VTND. Code nac : 53A. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 octobre 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE (5e ch.) : RG n° 2019F02025.
LE TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT :
Monsieur X.
né le [Date naissance 2] à [Localité 6], de nationalité Française, [Adresse 5], [Localité 3], Représentant : Maître Mathilde BAUDIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 351, Représentant : Maître Jérémie BOULAIRE, Plaidant, avocat au barreau de DOUAI
INTIMÉE :
SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE
N° SIRET XXX RCS PARIS, Ayant son siège, [Adresse 1], [Localité 4], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Georges JOURDE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T06 substitué à l'audience par Maître Carla ANDERSSON, avocat au barreau de PARIS, Représentant : Maître Martine DUPUIS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 -
Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure ci 71192CCF7D68F6ECF7E8E35EE0AB5BBF vile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique MULLER, Magistrat honoraire, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur Ronan GUERLOT, Président, Madame Marietta CHAUMET, Vice-Présidente placée, Madame Véronique MULLER, Magistrat Honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Elisa PRAT,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 6 septembre 2010, M. X. a souscrit un prêt auprès de la SA Crédit foncier de France (le Crédit foncier), d'un montant de 185.793 euros, avec intérêts au taux de 4,85 % sur 360 mois, afin de financer l'achat d'un bien immobilier.
Le 10 septembre 2017, M. X. a signé un avenant aux fins de renégocier le taux d'intérêt du prêt, qui a été réduit à 2,02 %.
Par acte du 17 octobre 2019, M. X. a assigné le Crédit foncier devant le tribunal de commerce de Nanterre, afin d'obtenir la nullité de la stipulation d'intérêts.
Par jugement contradictoire du 18 octobre 2022, le tribunal a :
- dit l'action de M. X. irrecevable car prescrite ;
- débouté M. X. de toutes ses demandes ;
- condamné M. X. à payer au Crédit foncier la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. X. aux dépens.
Par déclaration du 5 janvier 2023, M. X. a interjeté appel de ce jugement.
[*]
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 28 septembre 2023, il demande à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- déclarer ses demandes recevables et bien fondées ;
- constater que l'offre de prêt du 25 août 2010 (acceptée le 6 septembre 2010) renferme une clause ayant pour objet et pour effet d'exclure de l'assiette du coût total prévisionnel du crédit le coût du préfinancement ;
- constater que la liquidation du coût total prévisionnel du crédit procède d'une clause abusive ; en écarter l'application et la réputer non écrite ;
- prononcer l'annulation de la stipulation d'intérêts du contrat initial ;
En tout état de cause,
- prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels du prêt et de l'avenant au prêt ;
- condamner le Crédit foncier à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté contractuelle ;
- condamner le Crédit foncier à lui payer la somme 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
- rejeter toutes les demandes et prétentions contraires du Crédit foncier.
[*]
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 9 octobre 2023, le Crédit foncier demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
A défaut,
- débouter l'emprunteur de l'intégralité de ses demandes ;
En tout état de cause,
- condamner M. X. à lui régler la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamner aux entiers dépens.
[*]
La clôture de l'instruction a été prononcée le 25 janvier 2024.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le tribunal a estimé qu'une clause ne respectant pas les dispositions relatives au TEG ne pouvait être qualifiée d'abusive, dès lors que la sanction édictée par l'article L. 341-48-1 du code de la consommation était une simple déchéance du droit aux intérêts. Il a ensuite retenu que l'action exercée par M. X. en nullité ou déchéance de la stipulation d'intérêts était prescrite en ce qu'elle a été introduite neuf années après la signature de l'offre de prêt, retenant que M. X. avait eu connaissance des irrégularités soulevées dès la signature du contrat.
Il convient, en premier lieu, de statuer sur la demande visant à déclarer non écrite la clause du contrat invoquée par M. X. Il sera en second lieu statué sur l'éventuelle prescription de la demande d'annulation ou de déchéance du droit aux intérêts, et le cas échéant, sur cette demande.
1 - Sur la demande tendant à déclarer abusive la clause du contrat de prêt relative à l'évaluation forfaitaire des intérêts intercalaires :
M. X. soulève le caractère abusif de la clause du contrat de prêt prévoyant une évaluation forfaitaire des intérêts dus pendant la période de préfinancement, soutenant que cette clause aboutit à l'exclusion d'une composante importante du coût du crédit et caractérise un déséquilibre significatif au regard de l'asymétrie d'information, lui interdisant en outre d'appréhender le surcoût résultant de la période de préfinancement. Il évoque un surcoût de l'ordre de 9,45 % du coût du crédit. Il soutient qu'aucune prescription n'est encourue dès lors qu'il s'agit de faire échec à une clause abusive.
Le Crédit foncier soutient en premier lieu que la demande tendant au réputé non-écrit d'une clause du contrat est une demande nouvelle en cause d'appel, de sorte qu'elle est irrecevable. Il invoque également la prescription de l'action sur ce fondement, et ajoute enfin que la clause litigieuse ne crée aucun droit ni obligation et qu'elle n'est qu'informative, de sorte qu'elle ne peut être qualifiée d'abusive.
Réponse de la cour
Contrairement à ce que soutient le Crédit foncier, la demande de réputé non écrit de la clause litigieuse était déjà formée en première instance, de sorte qu'il ne s'agit pas d'une prétention nouvelle. Elle est donc recevable.
* Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action exercée par M. X. quant au caractère abusif de la clause :
Il résulte de l'article 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause, figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur, à un délai de prescription.
Il s'en déduit que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation définissant les clauses abusives n'est pas soumise à la prescription quinquennale.
Il convient donc de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action visant à déclarer abusive la clause litigieuse. Le tribunal ne s'étant pas prononcé sur ce point dans le dispositif du jugement, il convient de procéder à un ajout de ce chef.
* Sur la demande visant à déclarer la clause abusive :
Il résulte de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au présent litige, que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat (...). Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161,1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. (...). Les clauses abusives sont réputées non écrites. L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible (...). Les dispositions du présent article sont d'ordre public.
En l'espèce, l'offre de prêt acceptée le 6 septembre 2010 détaille les conditions du prêt, et mentionne que celui-ci se déroule en deux phases, une phase de préfinancement pouvant aller jusqu'à 24 mois durant laquelle M. X. sera redevable du paiement de l'assurance uniquement (les intérêts intercalaires et le capital font l'objet d'un différé de paiement), et une phase d'amortissement sur 360 mois. Il est précisé que le taux d'intérêt fixe est de 4,85 % et le TEG de 5,49 %. Sont également mentionnés les différents frais, et un « coût total prévisionnel » du crédit, incluant les intérêts, assurances (hors préfinancement) et accessoires, à hauteur de 214 977,16 euros.
Le contrat de prêt prévoit, en page 9 - juste avant le tableau d'amortissement - une clause selon laquelle : « les intérêts non payés pendant la phase de compte courant ont été estimés forfaitairement, en concertation avec l'emprunteur, à 4 500 euros. En conséquence, l'échéancier prévisionnel des amortissements est établi en estimant le solde liquidatif du compte courant à 190.293 euros ». Il convient de rappeler que le prêt porte sur un montant principal de 185.793 euros.
La période de compte courant est définie en page 26 du contrat, article 5.1.2 comme étant une : « période préalable à l'entrée du prêt en phase d'amortissement pendant laquelle l'emprunteur ne paye que les frais de dossier et les cotisations d'assurances, si le prêt est assorti d'assurances (...) ». Cette période correspond au déblocage progressif des fonds pendant la période de travaux.
Contrairement à ce que soutient M. X., la clause litigieuse a pour objet, non pas d'exclure les intérêts intercalaires du coût du crédit (cette exclusion, au demeurant non contestée, résulte d'une autre clause, à savoir celle définissant le taux effectif global comme il sera vu plus avant), mais d'estimer ces intérêts forfaitairement, étant observé qu'ils font l'objet d'un différé de paiement, au même titre que le capital.
L'affirmation selon laquelle cette clause interdirait à M. X. d'appréhender le surcoût résultant de la période de préfinancement est infondée. En effet, le montant des intérêts est déterminable, en fonction d'une part de la date et du montant des déblocages de fonds, d'autre part du taux d'intérêt connu, à savoir 4,85 %.
Il n'est pas démontré, ni même allégué, que l'évaluation forfaitaire à hauteur de 4 500 euros ait été effectivement dépassée, occasionnant un surcoût imprévu au cours de la période de préfinancement. L'affirmation selon laquelle ce surcoût serait de l'ordre de 9,45 % du coût du crédit ne repose en outre sur aucune donnée précise.
Cette clause, dont l'objet est uniquement l'estimation forfaitaire des intérêts intercalaires (et non pas une exclusion de ces intérêts du mode de calcul du TEG) ne crée dès lors aucun déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, de sorte qu'elle ne peut être qualifiée d'abusive.
La demande tendant à la voire déclarer abusive est donc rejetée. Il n'y a pas lieu, par conséquent, à sanction sur ce point. Le tribunal ne s'étant pas prononcé sur l'absence de caractère abusif de la clause, il convient d'ajouter au jugement de ce chef.
2 - Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts du fait du manquement de la banque à son obligation de loyauté :
M. X. soutient, en premier lieu, que le point de départ de la prescription de son action en déchéance du droit aux intérêts n'est pas le jour de la souscription du prêt, mais celui de la connaissance concrète et effective des irrégularités affectant ce dernier. Il affirme avoir légitimement ignoré les faits lui permettant d'agir jusqu'à ce qu'un professionnel attire son attention sur ce point, et affirme ainsi que son action n'est pas prescrite. Il reproche à la banque, sur le fondement des articles L. 312-8 et L.313-1 du code de la consommation, un manquement à son devoir de loyauté, d'une part en ce qu'elle ne mentionne pas le coût total du crédit dans l'offre de prêt, d'autre part en ce que la totalité des intérêts intercalaires n'est pas intégrée dans l'assiette de calcul du TEG, puisque leur évaluation est limitée à une somme forfaitaire, ce qui aboutit à une minoration artificielle du coût du crédit. Il soutient que le montant des intérêts intercalaires était parfaitement déterminable, en ce qu'il suffisait de prendre en compte un déblocage immédiat de la totalité des fonds, et la durée la plus longue de la période de préfinancement, de sorte que le montant maximal, tant des intérêts que du coût de l'assurance, aurait dû être pris en compte dans le calcul du TEG et dans la présentation du coût du crédit. Il sollicite donc l'annulation de la clause de stipulation d'intérêts, voire la déchéance de la banque du droit à ces intérêts.
Le Crédit foncier sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a déclarée prescrite l'action exercée par M. X. Il soutient que la lecture de l'offre de prêt suffisait à comprendre que les frais (assurance) et intérêts de la période de préfinancement n'étaient pas intégrés dans le calcul du TEG, l'offre précisant même que le montant du prêt était estimatif en cas de période de préfinancement, l'article 5.6 disposant expressément que les intérêts de la période de préfinancement ne sont pas compris dans le coût total prévisionnel du prêt. Les griefs allégués étant ainsi décelables à la lecture de l'offre, il soutient que le point de départ du délai de prescription se situe au jour de l'acceptation de l'offre, soit le 6 septembre 2010, de sorte que la prescription est acquise au plus tard le 6 septembre 2015. Il s'étonne en outre que M. X. ne précise pas à quelle date il aurait eu connaissance des griefs qu'il allègue, ce qui constituerait selon lui le point de départ de la prescription. Il conteste tout manquement à son obligation de loyauté, dès lors que l'exclusion des frais et intérêts de la période de préfinancement était clairement exposée dans le contrat.
Réponse de la cour
* sur la prescription de l'action
Il résulte de l'article 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
L'article L. 312-8 3° du code de la consommation, dans sa version applicable au présent litige, dispose que l'offre de prêt immobilier indique, outre le montant du crédit susceptible d'être consenti, et, le cas échéant, celui de ses fractions périodiquement disponibles, son coût total, son taux défini conformément à l'article L. 313-1 ainsi que, s'il y a lieu, les modalités de l'indexation (...).
L'article L.313-1 du code de la consommation, dans la même version, dispose que dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels (...).
En application de ces dispositions, il convient de rechercher à quelle date M. X. a eu connaissance des faits, à savoir les irrégularités alléguées du contrat de prêt, lui permettant d'exercer son action en déchéance du droit aux intérêts.
Ainsi que le fait observer le Crédit foncier, M. X. ne précise pas à quelle date il a eu connaissance de ces irrégularités, se contentant d'affirmer qu'il ignorait légitimement les faits « jusqu'à ce qu'un sachant attire son attention sur ce point, ce qui l'a conduit à saisir un avocat. »Il produit à ce titre une consultation établie par deux professeurs de droit le 10 novembre 2021, la cour observant toutefois qu'elle est postérieure de plus de deux années à l'introduction de l'instance en octobre 2019, de sorte qu'elle ne permet pas d'établir à quelle date M. X. a eu connaissance des faits.
Comme le souligne le Crédit foncier, le paragraphe relatif au calcul du TEG (page 4 du contrat) comporte un premier alinéa, selon lequel : « le taux effectif global et le taux de période sont calculés pour un prêt entièrement débloqué en une seule fois. TEG : 5,49 % ». Il est ensuite précisé : « le taux effectif global est un taux qui a pour objectif de présenter un taux incluant tous les frais inhérents au prêt. Il inclut, outre le taux d'intérêt du prêt, les éléments suivants : frais de dossier, frais de garantie, assurance obligatoire sur la durée prévisionnelle du prêt (hors période de préfinancement) (...) ».
Cette première stipulation permet de comprendre, pour un consommateur normalement averti, d'une part que le TEG ainsi défini ne concerne que les prêts débloqués en une seule fois, ce qui n'est pas le cas du prêt consenti à M. X., d'autre part et en tout état de cause que la banque a expressément exclu de ce taux l'assurance durant la période de préfinancement.
Il résulte en outre de l'article 5.6 du contrat de prêt relatif aux intérêts intercalaires que : « ces intérêts ne sont pas compris dans le coût total prévisionnel du prêt indiqué aux conditions particulières ».
Ces stipulations permettent d'établir que M. X. avait connaissance, dès la signature du contrat de prêt, d'une part que les intérêts intercalaires - en contradiction avec les dispositions légales précitées - n'étaient pas compris dans le coût total du prêt, d'autre part que le TEG mentionné au contrat ne concernait que les prêts débloqués en une seule fois, de sorte qu'il n'était pas applicable à un prêt comportant une période de préfinancement et ne pouvait ainsi inclure les intérêts intercalaires.
Le caractère décelable des irrégularités alléguées, tel qu'il résulte des stipulations contractuelles ainsi examinées, n'est pas sérieusement contesté par M. X. qui, au regard de la clarté des dispositions, n'est pas fondé à invoquer son ignorance légitime.
Dès lors que les anomalies invoquées étaient décelables par M. X. dès la signature du contrat de prêt, le délai de prescription quinquennal a commencé à courir le 6 septembre 2010, de sorte que l'action introduite plus de 9 ans plus tard, le 17 octobre 2019 est manifestement prescrite. Le jugement est confirmé en ce qu'il a déclaré l'action de M. X. irrecevable comme étant prescrite. L'action étant irrecevable, le tribunal n'avait pas à statuer sur le fond et à prononcer le débouté de sa demande de déchéance du droit aux intérêts.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 18 octobre2022 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de M. X. visant à déclarer abusive la clause du contrat relative à l'estimation forfaitaire des intérêts intercalaires,
Dit que cette clause n'est pas abusive, et déboute M. X. de ses demandes à ce titre,
Condamne M. X. à payer au Crédit foncier de France la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. X. aux dépens de la procédure d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,