CA NÎMES (2e ch. civ. C), 12 juin 2025
- TJ Privas, 5 décembre 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 24045
CA NÎMES (2e ch. civ. C), 12 juin 2025 : RG n° 24/00031
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Le statut des baux professionnels est défini à l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 et précise que le contrat de location d'un local affecté à un usage exclusivement professionnel est conclu pour une durée au moins égale à six ans et est établi par écrit. Les conditions de non-renouvellement du bail et le formalisme du préavis y sont, en outre, spécifiées. Cet article a été complété par la loi du 4 août 2008 et dispose que les parties peuvent déroger au présent article dans les conditions fixées au 7° du I de l'article L. 145-2 du code de commerce, les parties pouvant soumettre au statut des baux commerciaux les baux d'un local affecté à un usage exclusivement professionnel si les parties ont conventionnellement adopté ce régime. Si la volonté d'appliquer le statut des baux commerciaux ne doit pas être nécessairement expresse, il convient cependant que celle-ci soit claire et dénuée de toute équivoque. La loi n'autorisant pas une application partielle du statut des baux commerciaux, le choix est soit celui de l'application intégrale du statut des baux commerciaux soit l'application du statut des baux professionnels.
Les parties sont en désaccord quant à la nature du bail. Le bail signé entre l'association Accueil et Partage et la SCI Argikinat est intitulé « bail professionnel ». Il est mentionné que « la chose louée est destinée à la réalisation de l'objet social de l'association Accueil et Partage, véritable activité professionnelle qui consiste en l'accueil dans un lieu de vie des enfants et adolescents mineurs et jeunes majeurs » outre d'autres activités listées. Le bail porte bien sur un local à usage exclusivement professionnel. Dans le cadre du bail, les parties ont précisé le régime juridique applicable. Il est ainsi stipulé que « la location est soumise aux seules clauses et conditions du présent contrat et des dispositions de l'article 1709 et suivants du code civil, les lois du 1er septembre 1948 et du 6 juillet 1989 régissant les baux à usage d'habitation ne lui sont pas applicables. »
M. X., Mme Y. et l'association Accueil et Partage exposent que le contrat a été conclu pour une durée de 9 ans, durée correspondant à un bail commercial. Or, l'alinéa 1 de l'article 57 A susvisé rappelle que le contrat est conclu pour une durée au moins égale à six ans. Si la durée du bail ne peut être inférieure à six ans, elle peut cependant être supérieure. Le fait que les parties aient conclu un bail de 9 ans ne peut à lui seul caractériser une volonté de déroger au statut des baux professionnels, cette modalité étant prévue par la loi.
M. X., Mme Y. et l'association Accueil et Partage évoquent l'existence d'une indemnité d'éviction prévue au contrat et sollicitent l'application des dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce, qui prévoit un droit au maintien dans les lieux du preneur dans l'attente de son règlement. Il est stipulé en page 9 du bail que « les lieux loués servant à l'exercice d'une activité professionnelle à savoir l'exploitation d'un lieu de vie, toute rupture du bail à l'initiative du bailleur mettra à la charge de ce dernier le paiement d'une indemnité d'éviction. Cette réparation de préjudice sera calculée sur la base de deux fois le bilan annuel de l'association Accueil et Partage ». Il est constant que cette clause ne prévoit aucun droit au maintien dans les lieux pour le preneur, droit qui serait lié au paiement de cette indemnité d'éviction et ne fait pas plus référence aux dispositions de l'article L 145-28 du code de commerce dont l'association pourrait solliciter la mise en œuvre et qui serait applicable.
Il n'est aucunement démontré par M. X., Mme Y. et l'association Accueil et Partage une volonté des parties de déroger au statut des baux professionnels au profit des baux commerciaux.
Il convient, en conséquence, de débouter l'association Accueil et Partage de sa demande de maintien dans les lieux. »
2/ « Le bail étant un bail professionnel, les droits et obligations des parties sont librement fixés comme dans un bail de droit commun.
La clause stipulée au paragraphe « condition particulière », rappelée ci-dessus, ne peut être mise en œuvre qu'en cas de rupture du bail à l'initiative du bailleur. La SCI Argikinat a porté à la connaissance de son preneur le fait qu'elle n'entendait pas renouveler le bail professionnel à son échéance. Le bailleur étant à l'initiative de la rupture du bail, la mise en œuvre de cette clause peut, dès lors, être sollicitée par l'association Accueil et Partage.
S'agissant du caractère non écrit de cette clause, M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage estiment que c'est à tort que les premiers juges ont fait application des dispositions de l'article 1171 du code civil, qui ne serait pas applicable en l'espèce. L'article 1171 du code civil, qui prévoit que « toute clause dans un contrat d'adhésion qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite », a été introduit par l'ordonnance du 10 février 2016. La loi du 28 avril 2018 a spécifié en son article 16 que l'article 1171 du code civil n'était applicable qu'aux contrats postérieurs au 1er octobre 2018. Il en résulte que ces dispositions ne sont pas applicables au bail professionnel, conclu antérieurement.
Cependant, il y a lieu de relever que la décision critiquée n'a pas fait application de cette disposition, qu'elle ne vise pas, mais de solutions jurisprudentielles antérieures, l'article 1171 du code civil n'étant que la consécration du principe ayant étendu aux contrats civils le contrôle des clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Il convient en conséquence d'apprécier son contenu et ses conséquences pour les parties.
Cette clause met à la charge du bailleur le paiement d'une indemnité d'éviction égale à deux fois le bilan annuel de l'association. Le bilan de l'association pour l'année 2017 étant de 128.828,96 €, l'indemnité d'éviction due par la SCI Argikinat s'élève à la somme de 257.657,92 €. Il résulte des éléments produits aux débats que la SCI a fait l'acquisition de l'ensemble immobilier, objet du bail au prix de 114 336 € et que dans le cadre de négociations et protocole d'accord élaboré fin décembre 2018, la valeur de ce même ensemble est fixée par les associés à une somme de 166 666 € (rachat de 60 des parts de Mme Z. à hauteur de 100.000 €).
Cette clause présente, au vu de l'engagement de la SCI Argikinat, un caractère manifestement excessif, quant au déséquilibre significatif qu'elle crée dans les rapports entre les parties et ce d'autant qu'il n'existe aucune contrepartie ou réciprocité au profit de la SCI. C'est à tort que les appelants soutiennent que cette clause serait justifiée au vu des travaux initiés par l'association. Comme l'ont justement rappelé Mme Z. et la SCI Argikinat, la clause d'éviction a pour objet de réparer le préjudice subi par le preneur et non d'indemniser les travaux réalisés par l'association et ce d'autant que le bail stipule en page 6 que le locataire se réserve le droit de réclamer à celle-ci ou toute personne susceptible de lui porter préjudice le remboursement du coût global des travaux qu'elle aura réalisés. Le bail a été rédigé, comme l'ont admis les appelants, le 2 août 2012 avec effet au 1er janvier 2009 et ce après que le conseil général de l'Ardèche ait adressé un courrier à l'Association Accueil et Partage le 11 juin 2012, ayant été saisie par Mme Z. d'un désaccord quant à cette activité au sein de l'ensemble immobilier. Cette convention a été signée entre M. X., représentant la SCI Argikinat et l'association Accueil et Partage, représentée par son président Monsieur [P]. Or, M. X. était également salarié du locataire et ce depuis le 1er février 2011, en qualité de directeur du lieu de vie, bénéficiant en cette qualité du droit d'occuper les lieux.
C'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que cette clause par laquelle M. X. avait engagé la SCI en connaissance de cause devait être réputée non écrite, au regard de sa disproportion résultant de sa mise en œuvre et a débouté l'association Accueil et Partage de sa demande en paiement de cette indemnité. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION C
ARRÊT DU 12 JUIN 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 24/00031. N° Portalis DBVH-V-B7H-JBNY. Décision déférée à la cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Privas en date du 5 décembre 2023, RG n° 21/02150.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Madame S. IZOU, en remplacement de la Présidente de chambre, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme S. IZOU en remplacement de la Présidente de chambre, empêchée, Mme GROSCLAUDE, Conseillère en charge du secrétariat général, Mme GENTILINI, Conseillère,
GREFFIER : Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS : A l'audience publique du 5 juin 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 juin 2025. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTS :
M. X.
né le [date] à [Localité 13], [Adresse 9], [Localité 1], Représenté par Maître Clotilde LAMY de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES, Représenté par Maître Géraldine VILLAND, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE
Mme Y.
née le [date] à [Localité 7], [Adresse 12], [Localité 1], Représentée par Maître Clotilde LAMY de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES, Représentée par Maître Géraldine VILLAND, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE
Association ACCUEIL ET PARTAGE
immatriculée sous le numéro SIREN XXX prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es-qualité au siège social sis, [Adresse 12], [Localité 1], Représentée par Maître Clotilde LAMY de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES, Représentée par Maître Géraldine VILLAND, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE
INTIMÉES :
Mme Z.
née le [date] à [Localité 15], [Adresse 2], [Localité 3], Représentée par Maître Emilie GUILLON de la SELARL BANCEL GUILLON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'ARDECHE
SCI ARGIKINAT
Inscrite au RCS d'[Localité 4] sous le n° YYY Prise en la personne de son représentant légal en exercice, Madame Z., [Adresse 12], [Localité 1], Représentée par Maître Emilie GUILLON de la SELARL BANCEL GUILLON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'ARDECHE
Statuant après arrêt de réouverture des débats rendu le 15 mai 2025
ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame S. IZOU, en remplacement de la Présidente de chambre empêchée, le 12 juin2025, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme Z. et M. X., alors concubins, ont constitué la SCI Argikinat le 3 juillet 2002, dont ils étaient co-gérants. Cette société a fait l'acquisition le 22 août 2002 d'un ensemble immobilier situé [Adresse 12] à [Localité 6] (07) ayant souscrit un crédit immobilier.
A la suite de la séparation des concubins en 2008, M. X. est resté dans les lieux.
Il est devenu, suivant CDI du 1er février 2011, directeur salarié d'un lieu de vie, auprès de l'association Accueil et Partage.
En sa qualité de gérant de la SCI Argikinat, M. X. a consenti une location à l'association Accueil et Partage, selon acte enregistré le 2 août 2012 à effet rétroactif au 1er janvier 2009.
Les parties ont cherché à trouver un accord afin que M. X. rachète les parts sociales de Mme Z. dans la SCI Argikinat, accord qui n'a pas abouti.
Par jugement du 4 février 2016, le tribunal de grande instance de Privas a :
- ordonné la révocation de M. X. de ses fonctions de co-gérant de la SCI Argikinat,
- condamné M. X. à :
- restituer à la SCI Argikinat la somme de 17 496 euros,
- justifier de l'ouverture d'un compte bancaire au nom de la société,
- communiquer les coordonnées de ce compte à Mme Z.,
- verser les loyers payés par l'association Accueil et Partage sur ce compte,
- fournir à Mme Z. l'ensemble des justificatifs des dépenses attachées à chaque exercice depuis 2009,
- remettre à Mme Z. l'ensemble des clés des locaux, propriété de la SCI Argikinat,
- condamné l'association Accueil et Partage à restituer à la SCI Argikinat la somme de 4 245,80 euros,
- débouté Mme Z. de ses demandes plus amples ou contraires,
- débouté M. X. de sa demande reconventionnelle,
- condamné M. X. à payer à Mme Z. la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. X. aux dépens avec distraction au profit de Me Dassonville.
Par exploit d'huissier de justice du 29 juin 2017, la SCI Argikinat a informé l'association Accueil et Partage du non-renouvellement du bail à l'issue de la période initiale et lui a donné congé à compter du 1er janvier 2018.
Par exploit d'huissier de justice du 22 juin 2020, Mme Z. et la SCI Argikinat ont fait assigner M. X., Mme Y., sa compagne et l'association Accueil et Partage devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Annonay afin qu'il soit notamment constaté qu'ils sont devenus occupants sans droit ni titre et que soit ordonnée leur expulsion.
Par jugement du 18 juin 2021, rectifié par décision du 1er juillet 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Annonay a notamment :
- écarté la fin de non-recevoir, soulevée au titre de la qualité à agir de Mme Z.,
- jugé la présente juridiction incompétente matériellement pour connaître du litige,
- désigné le tribunal judiciaire de Privas comme juridiction compétente pour en connaître.
Par jugement contradictoire en date du 5 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Privas a :
- Dit que le congé délivré le 29 juin 2017 par la SCI Argikinat à l'association Accueil et Partage a produit ses effets le 1er janvier 2018 ;
- Constaté l'occupation illicite du bien immobilier [Adresse 10] [Adresse 8] à [Localité 6] (07) et prononcé l'expulsion de l'association Accueil et Partage et celle de tous occupants de son chef des lieux loués, M. X. et Mme Y., au besoin avec l'assistance de la force publique;
- Fixé à la charge de l'association Accueil et Partage le paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 1.000 euros à compter du 1er janvier 2018 jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés des locaux ;
- Prononcé contre l'association Accueil et Partage condamnation en deniers ou quittances pour tenir compte des sommes possiblement versées depuis le 1er janvier 2018 ;
- Débouté la SCI Argikinat de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation à la charge in solidum de M. X., de Mme Y. et de l'association Accueil et Partage à compter du 4 février 2018;
- Réputé non écrite la clause du bail qui fixe à la charge du bailleur en cas de rupture du bail à son initiative une indemnité d'éviction égale à deux fois le montant du bilan annuel de l'association Accueil et Partage ;
- Débouté l'association Accueil et Partage de sa demande en paiement de la somme de 329 171,24 euros à titre d'indemnité d'éviction ;
- Débouté Mme Z. de sa demande de dommages-intérêts présentée contre M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage pour trouble de jouissance ;
- Dit que le tribunal n'est pas saisi de la demande de M. X. afin de révocation de Mme Z. de ses fonctions de gérante de la SCI Argikinat';
- Débouté M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive;
- Condamné M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage aux dépens de l'instance,
- Les a déboutés de leur demande en paiement au titre des frais irrépétibles;
- Condamné M. X., Mme Y. et l'association Accueil et Partage à payer à Mme Z. et à la SCI Argikinat la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 28 décembre 2023, M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage ont interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance de référé du 19 juin 2014, le Premier Président de la cour d'appel de Nîmes a :
- débouté M. X., Mme Y. et l'association Accueil et Partage de leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement critiqué,
- condamné M. X., Mme Y. et l'association Accueil et Partage à payer à Mme Z. et la SCI Argikinat la somme de 1 200 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. X., Mme Y. et l'association Accueil et Partage aux dépens de la procédure.
[*]
Au terme de leurs conclusions notifiées le 28 février 2025, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage, appelants, demandent à la cour de :
In limine litis,
Vu les dispositions des articles 15 et 16 du CPC
Vu les conclusions signifiées par les intimées le 7 février 2025 comportant argumentation et pièces nouvelles
Vu l'ordonnance de clôture du 13 février 2025
- Rejeter des débats les conclusions signifiées le 7 février 2025 par Madame Z. et la SCI ARGIKINAT
A titre subsidiaire et si par impossible la Cour devait accepter les écritures signifiées le 7 février 2025 par les intimés,
- Ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture
- Accueillir les présentes écritures
Sur le fond,
Vu les articles 1134 et suivants du Code Civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016,
Vu les articles 1709 et suivants du Code civil,
Vu l'article 57A de la loi de 1986,
Vu l'article L. 145-28 notamment du Code de commerce
- Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 décembre 2023 par le Tribunal Judiciaire de Privas,
- Juger que le congé donné par la SCI Argikinat le 29 juin 2017 à l'Association Accueil et Partage est nul et de nul effet
- Débouter Mme Z. et la SCI Argikinat de leurs demandes, fins et conclusions
À titre subsidiaire,
Vu l'article 1833 du code civil
- Juger que le congé donné par la SCI Argikinat le 29 juin 2017 à l'Association Accueil et Partage est nul et de nul effet
- Débouter Mme Z. et la SCI Argikinat de leurs demandes, fins et conclusions
À titre infiniment subsidiaire
- Juger que l'Association Accueil et Partage a droit au maintien dans les lieux jusqu'au règlement intégral de l'indemnité d'éviction prévue au contrat de bail.
- Débouter Mme Z. et la SCI Argikinat de leurs demandes, fins et conclusions
En tout état de cause,
- Débouter Mme Z. et la SCI Argikinat de leurs demandes, fins et conclusions
- Débouter Mme Z. de son appel incident
Sur les demandes au titre d'un prétendu reliquat des loyers
- Dire ces demandes nouvelles et par conséquent, les Déclarer irrecevables
- Dire ces demandes prescrites et par conséquent les Déclarer irrecevables
- A tout le moins Débouter Madame Z. et la SCI ARGIKINAT de leurs demandes infondées
- Enjoindre à Mme Z. de régulariser la cession de parts prévue dans le protocole d'accord du 9 décembre 2018 et ce, sous astreinte de 500 € par jour de retard
- Condamner la SCI Argikinat à régler à l'Association Accueil et Partage la somme de 329 171,24 € et à titre subsidiaire, à hauteur de 257 657,92 euros
- Condamner solidairement Mme Z. et la SCI Argikinat à régler à Mr X., Mme [D] et l'Association Accueil et Partage la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive
- Condamner solidairement Mme Z. et la SCI Argikinat au paiement de la somme de 7 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance
[*]
Mme Z. et la SCI Argikinat, en leur qualité d'intimées, par conclusions en date du 7 février 2025, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, demandent à la cour, au visa des articles 544 et suivants du Code Civil, des articles L.411-1 et suivants du Code des procédures civiles d'exécution, des articles 112 et suivants du Code de procédure civile, de l'article 1171 du code civil, et des articles 1833 et suivants du code civil, de :
A titre principal,
- Infirmer le Jugement en date du 5 décembre 2023 rendu par le Tribunal Judiciaire de Privas en ce qu'il a :
- Débouté Mme Z. de sa demande de dommages-intérêts présentée contre M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage pour trouble de jouissance.
- Confirmer le Jugement en date du 5 décembre 2023 rendu par le Tribunal Judiciaire de Privas dans toutes ses autres dispositions.
- Débouter M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage de l'intégralité de leurs demandes plus amples ou contraires.
Statuant à nouveau,
- Condamner in solidum M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage à payer à Mme Z. la somme de 22.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice de jouissance subi, somme à parfaire de 400 euros par mois jusqu'à la libération effective des lieux,
A titre subsidiaire, si par exceptionnel, la Cour infirmait le Jugement déféré en ce qu'il a réputé non-écrite la clause prévoyant une indemnité d'éviction égale à deux fois le bilan de l'association,
- Infirmer le Jugement en date du 5 décembre 2023 rendu par le Tribunal Judiciaire de Privas en ce qu'il a :
- Débouté Mme Z. de sa demande de dommages-intérêts présentée contre M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage pour trouble de jouissance'
- Confirmer le Jugement en date du 5 décembre 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Privas dans toutes ses autres dispositions.
- Débouter M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage de l'intégralité de leurs demandes plus amples ou contraires.
Statuant à nouveau,
- Juger que la clause du bail professionnel conclu entre la SCI Argikinat et L'Association Accueil et Partage aux termes de laquelle « toute rupture du bail à l'initiative du bailleur mettra à la charge de ce dernier le paiement d'une indemnité d'éviction. Cette réparation de préjudice sera calculée sur la base de deux fois le bilan annuel de l'Association Accueil et partage » est nulle en ce qu'elle est totalement contraire à l'intérêt social de la SCI Argikinat.
- Débouter en conséquence l'Association Accueil et Partage de sa demande d'indemnité d'éviction.
- Condamner in solidum M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage à payer à Mme Z. la somme de 22.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice de jouissance subi, somme à parfaire de 400 euros par mois jusqu'à la libération effective des lieux.
En tout état de cause,
- Juger que la demande de voir juger nul et de nul effet le congé délivré par la SCI Argikinat à l'Association Accueil et Partage par acte de Commissaire de Justice en date du 29 juin 2017 est irrecevable en ce qu'elle constitue une demande nouvelle.
- Débouter l'Association Accueil et Partage, M. X. et Mme Y. de leur demande de voir juger nul et de nul effet le congé délivré par la SCI Argikinat à l'Association Accueil et Partage par acte de commissaire de Justice en date du 29 juin 2017
- Débouter l'Association Accueil et Partage de sa demande d'être autorisée à se maintenir dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité.
- Condamner M. X. à rembourser à la SCI Argikinat les loyers perçus par l'association Accueil et Partage depuis janvier 2024.
- Condamner M. X. à rembourser à la SCI Argikinat la somme de 23 575,53 € perçue par M. X. au titre du reliquat des loyers, déduction faite des mensualités du crédit et des taxes foncières payées par l'intermédiaire de son compte bancaire.
- Débouter M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage de l'intégralité de leurs demandes plus amples ou contraires.
- Condamner, solidairement M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage à payer à la SCI Argikinat et à Mme Z. la somme de 3.000 euros, chacune, en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Condamner les mêmes aux entiers dépens de l'instance.
[*]
La clôture de la procédure est intervenue le 13 février 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 6 mars 2025.
A l'audience, il a été ordonné, en accord avec les parties, la révocation de l'ordonnance de clôture par mention au dossier avant l'ouverture des débats.
Par arrêt avant-dire-droit du 15 mai 2025, la cour d'appel de Nîmes a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 5 juin 2025 à 9h aux fins de voir le dossier inscrit au rôle de l'audience de la cour composée différemment. La cour a relevé que le magistrat qui préside l'audience du 6 mars 2025 au terme de l'ordonnance de roulement se trouve être le même que celui qui a rendu une ordonnance dans le cadre d'un référé premier président visant la suspension d'exécution provisoire rendue entre les mêmes parties et pour le même litige, ce qui le rend incompétent à connaître du dossier au fond afin de respecter l'exigence d'impartialité des magistrats qui composent la cour.
L'affaire a été mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 12 juin 2025.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il ne ressort pas des pièces du dossier d'irrecevabilité de l'appel que la cour devrait relever d'office et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point.
Il convient au préalable d'indiquer qu'en l'état de la révocation de l'ordonnance de clôture, la demande de M. X., Mme Y. et l'association Accueil et Partage tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions de Mme Z. et la SCI Argikinat est devenue sans objet.
1) Sur les demandes nouvelles :
En vertu de l'article 564 du code de procédure civile, « à peine d'irrecevabilité d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».
Mme Z. et la SCI Argikinat font valoir qu'en première instance, M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage n'ont aucunement contesté la validité du congé dans le dispositif de leurs écritures.
Elles estiment qu'en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, les appelants ne peuvent, en cause d'appel, soulever la nullité du congé, s'agissant d'une demande nouvelle qui est, par conséquent, irrecevable.
M. X., Mme Y. et l'association Accueil et Partage estiment que le congé délivré le 29 juin 2017 est nul en ce qu'il serait contraire à l'intérêt social de la SCI Argikinat, devant être annulé ainsi que tout acte en découlant, le bail permettant de régler le paiement du crédit immobilier à la charge de la SCI.
Ils précisent que devant le premier juge, ils avaient demandé son annulation ainsi que celle de tout acte en découlant dans leurs conclusions, demande dont le tribunal n'a pas tenu compte.
Ils entendent par ailleurs soulever, sur le même fondement, l'irrecevabilité des demandes de condamnation de M. X. à régler à la SCI les reliquats de loyers portant sur des sommes qui seraient dues depuis 2008 ainsi qu'au titre des loyers à compter de janvier 2024. Ils font valoir que de telles demandes sont présentées pour la première fois en appel par les intimées et sont dès lors irrecevables.
La cour est saisie du litige, dans les conditions connues des premiers juges, en l'état du principe d'immutabilité du litige.
Le principe du double degré de juridiction interdit qu'une demande ne soit pas soumise à un premier examen. Néanmoins, il doit être tenu compte, dans certaines circonstances, d'exceptions à cette interdiction, visées à l'article 564 du code de procédure civile.
S'agissant de la demande en nullité du congé, il ressort du jugement critiqué que M. X., Mme Y. et l'association Accueil et Partage n'ont formé, dans le dispositif de leurs écritures, aucune prétention tendant à voir prononcer la nullité du congé délivré à l'association, le tribunal ayant rappelé les dispositions de l'article 768 du code de procédure civile.
La prétention n'ayant pas été mentionnée dans le dispositif des conclusions de première instance, celle-ci constitue une demande nouvelle devant la cour et il convient, dès lors, de la déclarer irrecevable.
Quant aux demandes de condamnation de M. X. à rembourser des sommes à la SCI Argikinat, il convient de distinguer celles-ci au regard de leur objet.
Il est sollicité le paiement d'une somme de 23 5757,53 € au titre du reliquat des loyers après déduction du crédit et des taxes foncières, et ce pour la période allant de 2008 à 2023.
Il résulte du jugement critiqué qu'aucune demande de ce chef n'a été présentée alors que les intimées avaient connaissance de l'ensemble des sommes réglées pour le compte de la SCI lorsqu'elles ont initié la présente instance. Faute pour ces dernières de justifier de la survenance d'un fait nouveau, il convient de déclarer cette demande, nouvelle en appel, irrecevable.
Quant au paiement des loyers perçus depuis le 10 janvier 2024 par M. X., il apparaît que cette demande s'inscrit dans le cadre de la demande de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation par M. X., Mme Y. et l'association Accueil et Partage, dont la cour est saisie.
Il convient, en ce sens, de déclarer cette demande recevable.
2) Sur l'existence d'un droit au maintien dans les lieux :
M. X., Mme Y. et l'association Accueil et Partage exposent qu'il ressort du bail professionnel conclu entre l'association Accueil et Partage et la SCI Argikinat que malgré sa dénomination, ces dernières ont souhaité déroger au statut des baux professionnels.
Ils font valoir qu'ils ont entendu se soumettre au statut des baux commerciaux au regard notamment de la durée du bail et de la clause prévoyant une indemnité d'éviction, qui renvoie nécessairement aux dispositions de l'article L. 145-28 du code du commerce.
Ils soutiennent que l'association Accueil et Partage ayant fait d'importants travaux, la clause d'indemnité d'éviction est pleinement justifiée et que le preneur dispose ainsi d'un droit au maintien dans les lieux tant que l'indemnité ne lui est pas versée ainsi que ses salariés, à savoir M. X. et Mme Y.
Ils contestent le fait qu'ils soient occupants sans droit ni titre, le congé n'ayant eu, en l'état de cette clause, aucun effet.
Mme Z. et la SCI Argikinat exposent que le bail qui liait l'association Accueil et Partage et la SCI Argikinat était un bail professionnel et non un bail commercial, les parties ayant convenu de soumettre ledit bail aux dispositions des articles 1709 et suivants du code civil et non aux dispositions du code de commerce.
Elles précisent que les dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce ne sont pas applicables dans le cadre du présent bail et que par ailleurs, il n'est aucunement prévu dans la clause contractuelle relative au paiement d'une indemnité d'éviction, le maintien dans les lieux du preneur dans l'attente du paiement de celle-ci.
Elles estiment en conséquence que le congé est valide et que l'association Accueil et Partage est devenue occupante sans droit ni titre. Quant à M. X. et Mme Y., ces derniers tiraient leur droit d'occuper les lieux du bail conclu par leur employeur, bail ayant pris fin, étant eux-mêmes devenus occupants sans droit ni titre.
[*]
Le statut des baux professionnels est défini à l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 et précise que le contrat de location d'un local affecté à un usage exclusivement professionnel est conclu pour une durée au moins égale à six ans et est établi par écrit. Les conditions de non-renouvellement du bail et le formalisme du préavis y sont, en outre, spécifiées.
Cet article a été complété par la loi du 4 août 2008 et dispose que les parties peuvent déroger au présent article dans les conditions fixées au 7° du I de l'article L. 145-2 du code de commerce, les parties pouvant soumettre au statut des baux commerciaux les baux d'un local affecté à un usage exclusivement professionnel si les parties ont conventionnellement adopté ce régime.
Si la volonté d'appliquer le statut des baux commerciaux ne doit pas être nécessairement expresse, il convient cependant que celle-ci soit claire et dénuée de toute équivoque.
La loi n'autorisant pas une application partielle du statut des baux commerciaux, le choix est soit celui de l'application intégrale du statut des baux commerciaux soit l'application du statut des baux professionnels.
Les parties sont en désaccord quant à la nature du bail.
Le bail signé entre l'association Accueil et Partage et la SCI Argikinat est intitulé « bail professionnel ».
Il est mentionné que « la chose louée est destinée à la réalisation de l'objet social de l'association Accueil et Partage, véritable activité professionnelle qui consiste en l'accueil dans un lieu de vie des enfants et adolescents mineurs et jeunes majeurs » outre d'autres activités listées. Le bail porte bien sur un local à usage exclusivement professionnel.
Dans le cadre du bail, les parties ont précisé le régime juridique applicable. Il est ainsi stipulé que « la location est soumise aux seules clauses et conditions du présent contrat et des dispositions de l'article 1709 et suivants du code civil, les lois du 1er septembre 1948 et du 6 juillet 1989 régissant les baux à usage d'habitation ne lui sont pas applicables. »
M. X., Mme Y. et l'association Accueil et Partage exposent que le contrat a été conclu pour une durée de 9 ans, durée correspondant à un bail commercial.
Or, l'alinéa 1 de l'article 57 A susvisé rappelle que le contrat est conclu pour une durée au moins égale à six ans. Si la durée du bail ne peut être inférieure à six ans, elle peut cependant être supérieure.
Le fait que les parties aient conclu un bail de 9 ans ne peut à lui seul caractériser une volonté de déroger au statut des baux professionnels, cette modalité étant prévue par la loi.
M. X., Mme Y. et l'association Accueil et Partage évoquent l'existence d'une indemnité d'éviction prévue au contrat et sollicitent l'application des dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce, qui prévoit un droit au maintien dans les lieux du preneur dans l'attente de son règlement.
Il est stipulé en page 9 du bail que « les lieux loués servant à l'exercice d'une activité professionnelle à savoir l'exploitation d'un lieu de vie, toute rupture du bail à l'initiative du bailleur mettra à la charge de ce dernier le paiement d'une indemnité d'éviction. Cette réparation de préjudice sera calculée sur la base de deux fois le bilan annuel de l'association Accueil et Partage ».
Il est constant que cette clause ne prévoit aucun droit au maintien dans les lieux pour le preneur, droit qui serait lié au paiement de cette indemnité d'éviction et ne fait pas plus référence aux dispositions de l'article L 145-28 du code de commerce dont l'association pourrait solliciter la mise en œuvre et qui serait applicable.
Il n'est aucunement démontré par M. X., Mme Y. et l'association Accueil et Partage une volonté des parties de déroger au statut des baux professionnels au profit des baux commerciaux.
Il convient, en conséquence, de débouter l'association Accueil et Partage de sa demande de maintien dans les lieux.
C'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le congé délivré le 29 juin 2017 avait produit effet au 1er janvier 2018 à l'égard de celle-ci et qu'elle était devenue occupante sans droit ni titre.
Quant au droit de M. X. et de Mme Y. de demeurer dans les lieux, il est constant que le bail prévoyait spécifiquement que le locataire devra occuper la chose lui-même avec les personnes occupantes de son chef (salariés, résidents, visiteurs), la présence dans les lieux de ces derniers tenant à leur qualité de salariés de l'association Accueil et Partage.
Le bail conclu entre l'association Accueil et Partage et la SCI Argikinat n'ayant pas été renouvelé à son échéance, M. X. et Mme Y. ne disposent d'aucun titre d'occupation au delà du 1er janvier 2018.
La décision critiquée ayant constaté l'occupation illicite du bien immobilier [Adresse 11] à [Localité 6] et ayant ordonné l'expulsion de l'association Accueil et Partage et celle de tous occupants de son chef, M. X. et Mme Y., sera dès lors confirmée.
L'association Accueil et Partage étant occupante sans droit ni titre, celle-ci sera tenue au règlement d'une indemnité d'occupation à la SCI Argikinat fixée à 1.000 € par mois et jusqu'à libération effective des lieux, les parties n'ayant formalisé aucune critique à ce titre.
La décision critiquée est confirmée de ce chef.
La SCI Argikinat sera déboutée de sa demande de condamnation de M. X. à lui payer, par ailleurs, les loyers perçus depuis janvier 2024, ces sommes étant déjà dues par l'association Accueil et Partage au titre des indemnités d'occupation.
3) Sur l'indemnité d'éviction :
M. X., Mme Y. et l'association Accueil et Partage sollicitent, en exécution du bail, le paiement par la bailleresse de la somme de 329.171,24 € correspondant au calcul de la clause, appliqué sur le bilan de l'association en 2019 et à titre subsidiaire, à hauteur de 257.657,92 euros, correspondant au bilan pour l'année 2017.
Ils font valoir que dans le jugement du 4 février 2016, la même juridiction, saisie d'une demande en nullité du bail s'était prononcée sur sa validité, aucune clause n'ayant été annulée, le contrat ayant été considéré comme conforme à l'intérêt de la société. M. X. conteste, par ailleurs, le fait qu'étant cogérant de la SCI il ait également signé le bail dans l'intérêt de l'association, n'étant pas encore directeur de la structure à l'époque.
Les appelants s'étonnent que les premiers juges aient soulevé d'office le moyen tenant au caractère non-écrit de la clause et aient fait application de l'article 1171 du code civil, ayant considéré que la clause conduisait à un déséquilibre significatif au regard des droits et obligations des parties. Ils soutiennent que cette clause est justifiée au vu des travaux importants réalisés par l'association Accueil et Partage pour plus de 330.000 € et qui n'a bénéficié d'aucun dégrèvement. Ils soulèvent par ailleurs que l'article 1171 du code civil ne pouvait être appliqué, ayant été rédigé postérieurement à la conclusion du contrat et ajoutent par ailleurs que l'action en nullité de cette clause est prescrite.
Mme Z. et la SCI Argikinat estiment que cette clause ne doit pas recevoir application et doit être réputée non écrite, au regard du déséquilibre significatif des droits et obligations des parties qu'elle implique. Revenant sur la décision de 2016, elles rappellent que seule Mme Z. avait sollicité la nullité du bail et que celle-ci n'avait pas été prononcée,en raison de sa qualité de tiers au contrat mais que la SCI Argikinat peut contester la clause mettant à sa charge une telle indemnité.
Elles font valoir que cette clause est exorbitante car largement supérieure au patrimoine de la SCI et dès lors contraire à l'intérêt social. Elles rappellent que cette convention a été passé par M. X., qui a été révoqué de son mandat de gérant pour des fautes de gestion, ayant également la qualité de directeur de l'association, cette clause faisant obstacle à la remise en cause du bail. Elles considèrent que l'article 1171 du code civil doit recevoir application. Quant au bien-fondé de cette clause, elles rappellent que cette indemnité n'a pas pour objet de compenser les travaux effectués par le preneur, une autre modalité étant prévue au bail de ce chef.
A titre subsidiaire, elles concluent à la nullité de la clause au regard de l'article 1833 du code civil, étant contraire à l'intérêt de la société.
Elles s'étonnent enfin que d'importants travaux aient été effectués à compter de 2023 alors que le bail avait pris fin, M. X. indiquant avoir fait lui-même des travaux pour le compte de la SCI mais n'ayant aucune autorisation pour exposer de telles dépenses, n'étant plus gérant.
[*]
Le bail étant un bail professionnel, les droits et obligations des parties sont librement fixés comme dans un bail de droit commun.
La clause stipulée au paragraphe « condition particulière », rappelée ci-dessus, ne peut être mise en œuvre qu'en cas de rupture du bail à l'initiative du bailleur.
La SCI Argikinat a porté à la connaissance de son preneur le fait qu'elle n'entendait pas renouveler le bail professionnel à son échéance. Le bailleur étant à l'initiative de la rupture du bail, la mise en œuvre de cette clause peut, dès lors, être sollicitée par l'association Accueil et Partage.
S'agissant du caractère non écrit de cette clause, M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage estiment que c'est à tort que les premiers juges ont fait application des dispositions de l'article 1171 du code civil, qui ne serait pas applicable en l'espèce.
L'article 1171 du code civil, qui prévoit que « toute clause dans un contrat d'adhésion qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite », a été introduit par l'ordonnance du 10 février 2016.
La loi du 28 avril 2018 a spécifié en son article 16 que l'article 1171 du code civil n'était applicable qu'aux contrats postérieurs au 1er octobre 2018.
Il en résulte que ces dispositions ne sont pas applicables au bail professionnel, conclu antérieurement.
Cependant, il y a lieu de relever que la décision critiquée n'a pas fait application de cette disposition, qu'elle ne vise pas, mais de solutions jurisprudentielles antérieures, l'article 1171 du code civil n'étant que la consécration du principe ayant étendu aux contrats civils le contrôle des clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Il convient en conséquence d'apprécier son contenu et ses conséquences pour les parties.
Cette clause met à la charge du bailleur le paiement d'une indemnité d'éviction égale à deux fois le bilan annuel de l'association.
Le bilan de l'association pour l'année 2017 étant de 128.828,96 €, l'indemnité d'éviction due par la SCI Argikinat s'élève à la somme de 257.657,92 €.
Il résulte des éléments produits aux débats que la SCI a fait l'acquisition de l'ensemble immobilier, objet du bail au prix de 114 336 € et que dans le cadre de négociations et protocole d'accord élaboré fin décembre 2018, la valeur de ce même ensemble est fixée par les associés à une somme de 166 666 € (rachat de 60 des parts de Mme Z. à hauteur de 100.000 €).
Cette clause présente, au vu de l'engagement de la SCI Argikinat, un caractère manifestement excessif, quant au déséquilibre significatif qu'elle crée dans les rapports entre les parties et ce d'autant qu'il n'existe aucune contrepartie ou réciprocité au profit de la SCI.
C'est à tort que les appelants soutiennent que cette clause serait justifiée au vu des travaux initiés par l'association. Comme l'ont justement rappelé Mme Z. et la SCI Argikinat, la clause d'éviction a pour objet de réparer le préjudice subi par le preneur et non d'indemniser les travaux réalisés par l'association et ce d'autant que le bail stipule en page 6 que le locataire se réserve le droit de réclamer à celle-ci ou toute personne susceptible de lui porter préjudice le remboursement du coût global des travaux qu'elle aura réalisés.
Le bail a été rédigé, comme l'ont admis les appelants, le 2 août 2012 avec effet au 1er janvier 2009 et ce après que le conseil général de l'Ardèche ait adressé un courrier à l'Association Accueil et Partage le 11 juin 2012, ayant été saisie par Mme Z. d'un désaccord quant à cette activité au sein de l'ensemble immobilier.
Cette convention a été signée entre M. X., représentant la SCI Argikinat et l'association Accueil et Partage, représentée par son président Monsieur [P]. Or, M. X. était également salarié du locataire et ce depuis le 1er février 2011, en qualité de directeur du lieu de vie, bénéficiant en cette qualité du droit d'occuper les lieux.
C'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que cette clause par laquelle M. X. avait engagé la SCI en connaissance de cause devait être réputée non écrite, au regard de sa disproportion résultant de sa mise en œuvre et a débouté l'association Accueil et Partage de sa demande en paiement de cette indemnité.
La décision critiquée de ce chef est confirmée.
4) Sur le préjudice de jouissance de Mme Z. :
Mme Z. expose que l'occupation du bien par les appelants lui a été préjudiciable en ce qu'étant gérante de la SCI Argikinat, elle bénéficiait d'un droit de jouir gratuitement et exclusivement du bien et qu'elle n'a pu réintégrer ce dernier, M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage y étant demeurés au delà du mois de février 2018.
Elle demande une somme de 22.000 € à titre de dommages et intérêts au titre des loyers qu'elle acquitte depuis cette date, à parfaire de 400 € par mois jusqu'à la libération effective des lieux. Elle conteste que l'autorité de la chose jugée puisse lui être opposée, la demande d'indemnisation n'étant pas la même que celle sollicitée dans la présente procédure et ayant conduit à la décision du 4 février 2016.
M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage exposent que le seul titulaire de l'action est la SCI et que Mme Z. doit être déboutée de sa demande, pour défaut de qualité à agir.
Quant aux sommes demandées, ils relèvent que celle-ci ne produit aucun justificatif quant aux loyers qu'elle acquitterait et que par ailleurs, les loyers ont permis de régler le crédit immobilier à la charge de la SCI Argikinat.
L'article 19 des statuts de la SCI Argikinat prévoit que le ou les gérants auront le droit de jouir à titre gratuit de façon exclusive des biens composant l'actif social.
Il est constant que dans le cadre de la précédente procédure en annulation du bail professionnel, Mme Z. avait sollicité l'octroi de dommages et intérêts, au titre d'un trouble de jouissance, étant privée de la jouissance des lieux que lui conférait son statut de gérante.
Elle avait été déboutée de sa demande de ce chef, la juridiction ayant considéré qu'elle avait accepté le bail verbal consenti à l'association, ce bail n'étant pas contraire à l'intérêt social de la SCI.
La demande présentée par Mme Z. dans le cadre de la présente instance est différente de celle présentée précédemment, le bail ayant pris fin et les appelants occupant le bien, sans droit ni titre. C'est à tort que les premiers juges l'ont débouté de sa demande, en retenant l'autorité de la chose jugée.
S'agissant du bien fondé de sa demande, il résulte de l'article susvisé que le droit de jouir du bien, dont Mme Z. est privé, lui est concédé par la SCI Argikinat.
Il en résulte que si cette dernière peut effectivement prétendre à un préjudice, n'ayant pas la jouissance gratuite du bien, la demande indemnitaire ne peut être formée qu'à l'encontre de la société qui ne remplit pas une de ses obligations à son endroit et non des appelants.
Il convient en conséquence de débouter Mme Z. de sa demande de ce chef.
La décision est confirmée de ce chef.
5) Sur le protocole d'accord :
M. X. demande que Mme Z. soit contrainte à régulariser le protocole d'accord du 19 décembre 2018 relatif à la cession des parts de la SCI Argikinat sous astreinte.
Il indique que s'il était prévu une date butoir au 31 janvier 2019, les démarches effectuées dans les semaines suivantes permettent de considérer qu'il ne s'agit pas d'un élément essentiel du protocole. Il précise que le notaire de Mme Z. a tardé à lui adresser certains documents ou finaliser l'acte de cession. Il souhaite la concrétisation de la cession, en l'état d'un accord sur la chose et le prix, déplorant l'attitude de son ex compagne qui met en échec la recherche de solutions.
Mme Z. indique que le protocole était conditionné à sa désolidarisation du crédit immobilier relatif au bien acquis par la SCI Argikinat avec une date de signature de l'acte de cession avant le 31 janvier 2019. Elle ajoute que déjà en 2009, un accord n'avait pu aboutir pour la même raison. Elle fait valoir que M. X. n 'établit pas qu'il avait une garantie de désolidarisation ou obtenu un rachat de prêt avant cette date butoir et qu'en application de l'article 4, le protocole est devenu nul et non avenu, étant co emprunteur solidaire du prêt.
Quant aux démarches postérieures, elle expose qu'elle entendait seulement sortir de cette situation à l'amiable. Elle précise que la proposition de rachat de prêt n'a été présentée que le 21 décembre 2020, soit 2 ans après la signature du protocole d'accord, l'offre de prêt sollicitée en 2019 par M. X. ne permettant aucunement de racheter le prêt initial mais uniquement d'acquérir ses parts, aucune désolidarisation au regard du prêt de la SCI n'étant alors envisagée. Mme Z. ajoute que le protocole a plus de 6 ans et que depuis la valeur du bien a évolué, le crédit immobilier étant par ailleurs soldé.
Les parties ont signé un protocole d'accord transactionnel daté du 9 décembre 2018, aux termes duquel ils entendaient mettre un terme au litige les opposant, un appel étant pendant relatif au jugement du 4 février 2016. Il a ainsi été convenu à l'article 1 que Mme Z. s'engageait à vendre l'ensemble de ses parts dans la SCI Argikinat à charge pour M. X. de régler à ce titre une somme arrondie à 100.000 €.
L'article 3 stipule que 'cet accord ne sera valable que sous la condition que Mme Z. soit impérativement désolidarisée du crédit immobilier souscrit auprès du Crédit immobilier de France et ce de quelque manière que ce soit, soit par une autorisation pure et simple du Crédit immobilier de France, soit par la substitution de Mme Z. par une autre personne ou enfin le rachat du crédit.'
L'article 4 précise que ‘l'acte de cession sera rédigé par Me [G] et devra être signé au plus tard avant le 31 janvier 2019. A défaut de signature à cette date, le présent protocole sera déclaré nul et non avenu'.
Il est constant que le protocole n'a pas été exécuté.
La transaction est un contrat destiné à terminer une contestation ou prévenir une contestation à naître par le biais de concessions réciproques. Elle a force exécutoire et doit être exécutée de bonne foi.
La transaction tient lieu de loi à ceux qui l'ont établie mais également à l'égard du juge et ce dernier ne peut dénaturer les termes clairs et précis d'une transaction.
M. X. demande l'exécution forcée de la condition relative à la cession des parts, soulevant une exception d'inexécution imputable à Mme Z. et contestant la date fixée à l'accord.
Les parties ont prévu au titre de l'article 3 de leur protocole une clause suspensive, tenant à la désolidarisation de Mme Z. du crédit immobilier contracté par la la SCI Argikinat. Ils ont également spécifié une date d'échéance à laquelle la cession de parts devait avoir été régularisée devant notaire, date que n'ignorait pas M. X., lors de sa signature.
Si des démarches postérieures ont été effectuées, celles-ci sont sans incidence sur le fait que la condition suspensive n'a pas été remplie dans le délai imparti. En conséquence, le contrat n'ayant jamais été formé, M. X. ne peut en demander l'application.
C'est à bon droit que les premiers juges l'ont débouté de sa demande de ce chef.
La décision critiquée de ce chef est confirmée.
6) Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive :
M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage sollicitent la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
L'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à des dommages et intérêts qu'en cas de légèreté blâmable non démontrée en l'espèce.
C'est à bon droit que les premiers juges les ont déboutés de leur demande de ce chef.
La décision critiquée est confirmée sur ce point.
7) Sur les autres demandes
La décision critiquée au titre des dépens de première instance et au titre des frais irrépétibles est confirmée, les premiers juges ayant fait une exacte appréciation.
M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage, succombants, sont condamnés aux dépens d'appel et seront déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.
M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage sont condamnés in solidum à payer à ce titre à Mme Z. et à la SCI Argikinat la somme de 1 500 € chacune.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, après débat en audience publique, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Déclare la demande en nullité du congé irrecevable comme nouvelle,
Déclare la demande en remboursement du reliquat des loyers à l'encontre de M. X. irrecevable comme nouvelle,
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Privas le 5 décembre 2023 en l'ensemble de ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute Mme Z. et la SCI Argikinat de leur demande de condamnation de M. X. à rembourser les loyers perçus pour l'année 2024,
Condamne M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage in solidum aux dépens d'appel,
Déboute M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage de leur demande au titre des frais irrépétibles,
Condamne in solidum M. X., Mme Y. et l'Association Accueil et Partage à payer à Mme Z. et la SCI Argikinat la somme de 1 500 € chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA CONSEILLERE pour la présidente empêchée,