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CA ORLÉANS (ch. urg.), 11 juin 2025

Nature : Décision
Titre : CA ORLÉANS (ch. urg.), 11 juin 2025
Pays : France
Juridiction : Orléans (CA), ch. urg.
Demande : 24/02016
Date : 11/06/2025
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 27/06/2024
Décision antérieure : TJ Tours, 24 avril 2024
Décision antérieure :
  • TJ Tours, 24 avril 2024
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24047

CA ORLÉANS (ch. urg.), 11 juin 2025 : RG n° 24/02016 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Le promoteur qui vend en l'état futur d'achèvement un bien immobilier a pour obligation principale de s'engager à respecter un délai de livraison à l'expiration duquel il remettra les clefs aux acquéreurs. Le retard de livraison est ainsi susceptible d'être sanctionné. Lorsque le contrat de VEFA porte en outre sur la construction d'un immeuble à usage d'habitation, et que l'acquéreur s'engage à effectuer des versements avant l'achèvement de la construction, la mention du délai de livraison doit par ailleurs figurer expressément dans le contrat de VEFA sous peine de nullité. Afin de bénéficier de plus de flexibilité et ainsi d'éviter les retards de livraison, des clauses instituant des causes légitimes de retard sont fréquemment insérées aux contrats de VEFA. Ces clauses ont pour objet de permettre une prorogation du délai de livraison dans l'hypothèse où l'élément défini à la clause survient en cours de chantier.

En l'espèce, le contrat de vente en l'état futur d'achèvement régularisé entre Mme X., acquéreur, et la SCCV MARECHAL JUIN, vendeur, le 18 décembre 2020, est un acte authentique, pour avoir été rédigé par un notaire et signé par les parties devant ce dernier. Si la SCCV MARECHAL JUIN soutient qu'un acte authentique exclut nécessairement la qualité de contrat d'adhésion, il est nécessaire de rappeler que la caractérisation d'un contrat d'adhésion suppose de démontrer que son contenu n'aura pas pu être négocié par celle des parties qui n'en aura pas proposé les conditions générales. Les clauses relatives au délai de livraison n'ont manifestement pas été négociées par Mme X., dans le contexte d'un « contrat type » régularisé avec de nombreux acquéreurs et en présence d'un marché où la demande est bien supérieure à l'offre. A cet égard, il convient d'observer que la SCCV MARECHAL JUIN ne démontre pas qu'une négociation a pu être matériellement possible pour Mme X. lors de la régularisation de l'acte. En conséquence, le contrat de VEFA conclu entre Mme X. et la SCCV MARECHAL JUIN est un contrat d'adhésion. En outre, la SCCV MARECHAL JUIN étant une personne morale ayant agi dans le cadre de son activité commerciale et Mme X. étant une personne physique n'ayant pas agi dans ce dernier cadre, celle-ci est un consommateur au sens du code de la consommation. En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que les dispositions du code de la consommation étaient applicables au contrat litigieux.

La Cour de cassation a affirmé à plusieurs reprises que la clause d'un contrat de vente en l'état futur d'achèvement conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou consommateur qui stipule qu'en cas de cause légitime de suspension du délai de livraison du bien vendu, justifiée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d''uvre, la livraison du bien vendu sera retardée d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier, n'a ni pour objet, ni pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et, partant, n'est pas abusive (Civ.3ème, 23 mai 2019, n°18-14.212).

En l'espèce, la cour constate que les onze causes légitimes de suspension du délai de livraison, qui sont par ailleurs suffisamment claires et précises, n'ont ni pour objet ni pour effet de réserver à la SCCV MARECHAL JUIN le droit unilatéral de modifier tout ou partie du contrat, en ce qu'elles ne peuvent pas résulter de la seule volonté du vendeur. Les clauses litigieuses n'ont pas davantage vocation à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, tout retard de livraison impliquant un décalage dans le calendrier des versements par l'acquéreur.

Dès lors, les clauses litigieuses insérées dans le contrat de VEFA régularisé entre les parties sont licites au regard des textes susvisés. Le jugement sera confirmé de ce chef et les demandes de Mme X. au titre du caractère illicite et/ou abusif des clauses relatives aux causes de suspension légitimes du délai de livraison sont rejetées. »

 

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE DES URGENCES

ARRÊT DU 11 JUIN 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 24/02016 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HBJR. DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Tours en date du 24 avril 2024.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE : timbre fiscal dématérialisé n°: XXX

Société SCCV MARECHAL JUIN

immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le n° XXX, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège, [Adresse 3], [Localité 2], représentée par Maître Jean-Baptiste CHICHERY de la SELARL SELARL AACG, avocat postulant au barreau de TOURS et par Me Naïm DRIBEK, avocat plaidant au barreau de TOURS

 

INTIMÉE : timbre fiscal dématérialisé n°: YYY

Madame X.

née le [date] à [Localité 6], [Adresse 4], [Localité 1], représentée par Maître Marc ALEXANDRE de la SELARL STRATEM AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

 

Déclaration d'appel en date du 27 juin 2024

Ordonnance de clôture du 11 février 2025

Lors des débats, à l'audience publique du 12 FEVRIER 2025, Madame Cécile DUGENET, Conseiller a entendu les avocats des parties, avec leur accord, par application des articles 786 et 910 du code de procédure civile ;

Lors du délibéré : Madame Hélène GRATADOUR, président de chambre, Madame Cécile DUGENET, Conseiller, Monsieur Yannick GRESSOT, conseiller,

Greffier : Madame Fatima HAJBI, greffier lors des débats et du prononcé par mise à disposition au greffe ;

ARRÊT : L'arrêt qui devait initialement être prononcé le 23 avril 2025, a été prorogé au 30 avril 2025, au 7 mai 2025 puis au 11 juin 2025.

Arrêt : prononcé le 11 JUIN 2025 par mise à la disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Aux termes d'un contrat de vente en l'état futur d'achèvement de biens en copropriété signé le 18 décembre 2020, la société civile de construction Vente MARECHAL JUIN (SCCV) a vendu à Mme X. un appartement type T3 dans la résidence « O2 [Localité 5] » située à [Localité 7] pour un montant de 232.700 euros.

L'acte stipulait une déclaration d'ouverture du chantier le 17 janvier 2020 et un délai de livraison du bien fixé au plus tard le 31 décembre 2021.

Un procès-verbal de livraison a été signé le 21 juin 2022.

Par courrier recommandé du 17 août 2022, Mme X. a mis en demeure la SCCV MARECHAL JUIN de lui régler, en raison du retard de livraison, la somme de 4702,06 euros correspondant aux frais d'hébergement (Airbnb en urgence), des frais de loyer entre décembre 2021 et juin 2022 et des frais intercalaires.

Mme X. a assigné, par acte d'huissier de justice du 5 décembre 2022, la SCCV MARECHAL JUIN devant le tribunal judiciaire de Tours aux fins de voir condamner celle-ci à l'indemniser des dommages résultant du retard pris dans la livraison du bien immobilier.

Par jugement rendu le 24 avril 2024, le tribunal judiciaire de Tours a :

- rejeté l'ensemble des demandes formulées au titre du caractère illicite et /ou abusif des clauses relatives aux causes de suspension légitimes du délai de livraison ;

- prononcé la nullité du protocole transactionnel du 21 juin 2022 en ce qu'il comprend des concessions dérisoires pour la Société Civile de Construction Vente MARECHAL JUIN ;

En conséquence,

- déclaré recevable l'action de Mme X. à l'encontre de la Société Civile de Construction Vente MARECHAL JUIN au titre du retard dans le délai de livraison du bien immobilier acheté le 18 décembre 2020 ;

- condamné la Société Civile de Construction Vente MARECHAL JUIN à payer à Mme X. :

* la somme de 2385,27 euros (DEUX MILLE TROIS CENT QUATRE-VINGT-CINQ EUROS VINGT-SEPT CENTIMES) au titre du préjudice financier lié aux frais d'hébergement ;

* la somme de 30 euros (TRENTE EUROS) au titre des frais de poste restants ;

* la somme de 584,08 euros (CINQ CENT QUATRE-VINGT-QUATRE EUROS HUIT CENTIMES) au titre des frais intercalaires ;

étant précisé que ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal à compter du 18 août 2023, date de la mise en demeure ;

- rejeté le surplus des demandes de Mme X. ;

- condamné la Société Civile de Construction Vente MARECHAL JUIN aux dépens ;

- condamné la Société Civile de Construction Vente MARECHAL JUIN à payer à Mme X. la somme de 1800 euros (MILLE HUIT CENTS EUROS) en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration au greffe du 27 juin 2024, la Société Civile de Construction Vente MARECHAL JUIN a interjeté appel de tous les chefs de ce jugement, sauf en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes formulées au titre du caractère illicite et/ou abusif des clauses relatives aux causes de suspension légitime du délai de livraison.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 février 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience rapporteur de la chambre des urgences du 12 février 2025.

[*]

Par dernières conclusions signifiées par RPVA le 6 février 2025, la Société Civile de Construction Vente MARECHAL JUIN sollicite, au visa des articles 1103 et 1110 du Code civil, L. 261-1 et suivants du Code de la construction et de l'habitation et du Décret n° 2021-384, de voir :

- Dire et juger la Société Civile de Construction Vente MARECHAL JUIN, recevable et bien fondée en son appel, et, réformant le jugement entrepris :

- Dire et juger la Société Civile de Construction Vente MARECHAL JUIN recevable en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- Dire et juger que Madame X. a renoncé à engager toute action relative à un quelconque retard de livraison

- Dire et juger que la procédure engagée par Madame X. est abusive,

- Condamner Madame X. au paiement de la somme de 5000 euros à titre de dommage et intérêt pour procédure abusive

- Dire et juger que la clause relative aux causes légitimes de suspension du délai de livraison stipulée à l'acte de vente du 18 décembre 2020 est licite, n'est pas abusive et opposable à Mme X.

- Dire et juger que la clause relative aux causes légitimes de suspension du délai de livraison stipulée à l'acte de vente du 18 décembre 2020 ne prive pas de sa substance l'obligation essentielle pour le vendeur d'exécuter ses obligations dans les délais prévus

- Dire et juger que la clause relative aux causes légitimes de suspension du délai de livraison stipulée à l'acte de vente du 18 décembre 2020 ne créait pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des acquéreurs

- Dire et juger que l'acte de vente du 18 décembre 2020 n'est pas un contrat d'adhésion

- Confirmer le jugement en ce qu'il rejette l'ensemble des demandes formulées au titre du caractère illicite et/ou abusif des clauses relatives aux causes de suspension légitimes du délai de livraison

- Infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du protocole transactionnel du 21 juin 2022 en ce qu'il comprend des concessions dérisoires pour la Société Civile de Construction Vente MARECHAL JUIN

- Infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action de Mme X. à l'encontre de la Société Civile de Construction Vente MARECHAL JUIN au titre du retard dans le délai de livraison du bien immobilier acheté le 18 décembre 2020

- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Société Civile de Construction Vente MARECHAL JUIN à payer à Mme X. :

* la somme de 2385,27 euros (DEUX MILLE TROIS CENT QUATRE-VINGT-CINQ EUROS VINGT SEPT CENTIMES) au titre du préjudice financier lié aux frais d'hébergement ;

* a somme de 30 euros (TRENTE EUROS) au titre des frais de poste restants ;

* la somme de 584,08 euros (CINQ CENT QUATRE-VINGT-QUATRE EUROS HUIT CENTIMES) au titre des frais intercalaires ;

* étant précisé que ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal à compter du 18 août 2023, date de la mise en demeure ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il condamne la SCCV MARECHAL JUIN à payer à Mme X. la somme de 1800 euros (MILLE HUIT CENTS EUROS) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il condamne la SCCV MARECHAL JUIN aux dépens ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il rejette le surplus des demandes de Mme X. ;

- Débouter Mme X. de ses demandes formulées au titre de son appel incident ;

- Débouter Mme X. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner Mme X. à verser à la SCCV MARECHAL JUIN la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner Mme X. aux entiers dépens.

[*]

Par dernières conclusions signifiées par RPVA le 20 décembre 2024, Mme X. sollicite, sur le fondement des articles 1601-1 et suivants, 1137 et suivants, 1231-1 ainsi que 2044 et suivants du Code civil, et l'article L. 212-1 du Code de la consommation, de :

- Recevoir Mme X. en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En conséquence,

- Débouter la SCCV MARECHAL JUIN de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Infirmer le jugement du 24 avril 2024 du Tribunal judiciaire de TOURS (RG n°22/05280) uniquement en ce qu'il a statué comme suit :

« Rejette l'ensemble des demandes formulées au titre du caractère illicite et/ou abusif des clauses relatives aux causes de suspension légitimes du délai de livraison.

Rejette le surplus des demandes de Mme X.. »

- Confirmer le jugement du 24 avril 2024 du Tribunal judiciaire de TOURS (RG n°22/05280) pour le surplus ;

Y ajoutant,

- Juger que la clause relative aux causes légitimes de suspension de délai de livraison stipulée à l'acte de vente du 18 décembre 2020 prive de sa substance l'obligation essentielle pour le vendeur d'exécuter ses obligations dans les délais prévus ;

- Juger que la clause relative aux causes légitimes de suspension de délai de livraison stipulée à l'acte de vente du 18 décembre 2020 crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des acquéreurs ;

- Juger que la clause relative aux causes légitimes de suspension de délai de livraison stipulée à l'acte de vente du 18 décembre 2020 est réputée non écrite ;

- Condamner la SCCV MARECHAL JUIN à payer à Madame X. la somme de 3000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Et en tout état de cause,

- Condamner la SCCV MARECHAL JUIN à payer à Madame X. la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la SCCV MARECHAL JUIN aux dépens.

[*]

Pour l'exposé des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions citées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 février 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience rapporteur de la chambre des urgences du 12 février 2025.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur les clauses relatives aux causes légitimes de suspension du délai de livraison :

Moyens des parties :

La SCCV MARECHAL JUIN soutient qu'un contrat de vente en l'état futur d'achèvement peut prévoir une suspension du délai d'achèvement dans un certain nombre d'hypothèses et que ces clauses n'ont pas été jugées abusives au regard du droit de la consommation.

La SCCV MARECHAL JUIN considère que les clauses relatives aux causes de suspension légitimes des délais de livraison sont licites, en affirmant que le contrat de VEFA régularisé avec Mme X. n'est pas un contrat d'adhésion mais un acte authentique reçu par un notaire, tenu à un devoir de conseil, d'information et de mise en garde, à l'égard des parties signataires. Elle affirme que Mme X. ne se trouvait pas dans l'impossibilité de négocier certaines clauses de l'acte litigieux. L'appelante précise que le contrat de VEFA est en outre un contrat très réglementé, tant sur sa forme que quant à son contenu.

La SCCV MARECHAL JUIN ajoute que ces mêmes clauses n'ont pas pour effet de créer un déséquilibre contractuel significatif entre les droits et obligations des parties, dans la mesure où la suspension du délai de livraison relève du seul ressort du maître d''uvre, dont l'attestation fait état d'un retard légitime de 14 mois, lié à la pandémie de COVID, aux intempéries, à l'approvisionnement des matériaux et matériels et à la pénurie de carburant. L'appelante fait valoir notamment que la mise en 'uvre des règles sanitaires et les périodes de confinement ont eu nécessairement pour effet de ralentir les activités de chantier de manière générale en matière de construction immobilière.

Pour sa part, Mme X. soutient que les clauses relatives aux causes légitimes de suspension du délai de livraison doivent être réputées non écrites, en ce qu'elles privent de leur substance l'obligation de la SCCV MARECHAL JUIN et en ce qu'elles créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, alors que le respect du délai de livraison fait partie des obligations essentielles du vendeur. Elle rappelle, à cet égard, que la liste des causes de suspension mentionnées dans l'acte de VEFA du 18 décembre 2020, n'est pas exhaustive, en raison de l'emploi du terme « notamment » et que ces causes sont en outre générales et imprécises. Mme X. rappelle enfin que le contrat de VEFA est un contrat d'adhésion, en ce qu'elle n'a pas été en mesure de négocier les clauses litigieuses.

Mme X. affirme que la SCCV MARECHAL JUIN a manqué à ses obligations contractuelles en ne livrant pas le bien dans le délai prévu et ce sans justifier du retard invoqué, l'attestation établie par le maître d''uvre étant insuffisante selon elle.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article 1110 du code civil, « Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont négociables entre les parties.

Le contrat d'adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties ».

L'article 1171 du code civil dispose que « Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation ».

L'article L. 212-1 alinéa 1 du Code de la consommation prévoit notamment que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Il convient de rappeler que la VEFA (contrat de vente en l'état futur d'achèvement) est le contrat par lequel le vendeur (ou promoteur) transfère immédiatement à l'acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes. Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l'acquéreur au fur et à mesure de leur exécution.

Le promoteur qui vend en l'état futur d'achèvement un bien immobilier a pour obligation principale de s'engager à respecter un délai de livraison à l'expiration duquel il remettra les clefs aux acquéreurs. Le retard de livraison est ainsi susceptible d'être sanctionné.

Lorsque le contrat de VEFA porte en outre sur la construction d'un immeuble à usage d'habitation, et que l'acquéreur s'engage à effectuer des versements avant l'achèvement de la construction, la mention du délai de livraison doit par ailleurs figurer expressément dans le contrat de VEFA sous peine de nullité.

Afin de bénéficier de plus de flexibilité et ainsi d'éviter les retards de livraison, des clauses instituant des causes légitimes de retard sont fréquemment insérées aux contrats de VEFA. Ces clauses ont pour objet de permettre une prorogation du délai de livraison dans l'hypothèse où l'élément défini à la clause survient en cours de chantier.

En l'espèce, le contrat de vente en l'état futur d'achèvement régularisé entre Mme X., acquéreur, et la SCCV MARECHAL JUIN, vendeur, le 18 décembre 2020, est un acte authentique, pour avoir été rédigé par un notaire et signé par les parties devant ce dernier. Si la SCCV MARECHAL JUIN soutient qu'un acte authentique exclut nécessairement la qualité de contrat d'adhésion, il est nécessaire de rappeler que la caractérisation d'un contrat d'adhésion suppose de démontrer que son contenu n'aura pas pu être négocié par celle des parties qui n'en aura pas proposé les conditions générales. Les clauses relatives au délai de livraison n'ont manifestement pas été négociées par Mme X., dans le contexte d'un « contrat type » régularisé avec de nombreux acquéreurs et en présence d'un marché où la demande est bien supérieure à l'offre. A cet égard, il convient d'observer que la SCCV MARECHAL JUIN ne démontre pas qu'une négociation a pu être matériellement possible pour Mme X. lors de la régularisation de l'acte. En conséquence, le contrat de VEFA conclu entre Mme X. et la SCCV MARECHAL JUIN est un contrat d'adhésion.

En outre, la SCCV MARECHAL JUIN étant une personne morale ayant agi dans le cadre de son activité commerciale et Mme X. étant une personne physique n'ayant pas agi dans ce dernier cadre, celle-ci est un consommateur au sens du code de la consommation. En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que les dispositions du code de la consommation étaient applicables au contrat litigieux.

La Cour de cassation a affirmé à plusieurs reprises que la clause d'un contrat de vente en l'état futur d'achèvement conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou consommateur qui stipule qu'en cas de cause légitime de suspension du délai de livraison du bien vendu, justifiée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d''uvre, la livraison du bien vendu sera retardée d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier, n'a ni pour objet, ni pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et, partant, n'est pas abusive (Civ.3ème, 23 mai 2019, n°18-14.212).

En l'espèce, la cour constate que les onze causes légitimes de suspension du délai de livraison, qui sont par ailleurs suffisamment claires et précises, n'ont ni pour objet ni pour effet de réserver à la SCCV MARECHAL JUIN le droit unilatéral de modifier tout ou partie du contrat, en ce qu'elles ne peuvent pas résulter de la seule volonté du vendeur. Les clauses litigieuses n'ont pas davantage vocation à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, tout retard de livraison impliquant un décalage dans le calendrier des versements par l'acquéreur.

Dès lors, les clauses litigieuses insérées dans le contrat de VEFA régularisé entre les parties sont licites au regard des textes susvisés. Le jugement sera confirmé de ce chef et les demandes de Mme X. au titre du caractère illicite et/ou abusif des clauses relatives aux causes de suspension légitimes du délai de livraison sont rejetées.

 

Sur le protocole transactionnel du 21 juin 2022 et la recevabilité de l'action de Mme X. :

Moyens des parties :

La SCCV MARECHAL JUIN soutient que Mme X., en signant un avenant au contrat de VEFA, a renoncé à engager toute action à son encontre concernant un retard de livraison et que la présente procédure a donc été initiée en violation dudit avenant. Elle fait valoir que Mme X. ne rapporte pas la preuve d'un vice de consentement, qu'il s'agisse de violence ou de dol. L'appelante rappelle que la contrepartie n'est pas dérisoire, en ce qu'elle n'est responsable d'aucun retard, en raison des causes légitimes de report du délai de livraison.

Mme X. affirme avoir été contrainte de signer l'avenant litigieux, sous la pression exercée par la SCCV MARECHAL JUIN de ne pas voir son bien livré. Elle rappelle que les travaux modificatifs ont été effectués à titre gratuit et que l'avenant a été signé le jour même du procès-verbal de livraison de l'immeuble. L'intimée en conclut que la SCCV MARECHAL JUIN a utilisé l'argument fallacieux de travaux supplémentaires pour lui faire signer une renonciation à ses droits.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article 2044 du code civil, « La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit ».

L'article 2025 du code civil dispose que la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet.

Il convient de rappeler que la transaction est une convention comportant des concessions réciproques des parties, ayant entre elles autorité de la chose jugée, stipulant des engagements réciproques interdépendants.

La cour constate que le document intitulé « Avenant travaux modificatifs acquéreur en cours de travaux », prévoit notamment la prise en charge d'un volet roulant supplémentaire au prix de 320 euros, en contrepartie de l'engagement de Mme X. à renoncer à toute action judiciaire au titre de l'obligation de délivrance conforme et au titre du retard de livraison. L'objet du contrat de VEFA initial étant un immeuble d'une valeur de 230.000 euros, la concession accordée par la SCCV MARECHAL JUIN est manifestement dérisoire, d'autant plus que le document litigieux ne faisait pas clairement et précisément apparaître le terme de transaction en ayant été présenté sous une autre forme, créant ainsi une certaine confusion pour Mme X., en qualité de consommateur profane.

En conséquence, l'avenant signé le 21 juin 2022 par Mme X. est annulé et l'action de cette dernière est déclarée recevable. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

 

Sur les manquements de la SCCV MARECHAL JUIN à son obligation de livraison :

Moyens des parties :

La SCCV MARECHAL JUIN rappelle que les clauses de causes légitimes de suspension du délai de livraison, sont licites et qu'elles doivent s'appliquer, de sorte que l'attestation du maître d''uvre faisant état d'un retard légitime de 14 mois, fait obstacle à toute indemnisation relative à un retard de livraison. L'appelante ajoute que le maître d''uvre a en outre détaillé son attestation, en produisant un document accompagné de pièces justificatives.

Mme X. soutient que la livraison de l'immeuble est intervenue le 21 juin 2022, alors que celle-ci était contractuellement prévue le 31 décembre 2021 et que la SCCV MARECHAL JUIN n'a jamais justifié des retards invoqués, alors que le contrat de VEFA prévoyait l'obligation pour le vendeur de justifier de la survenance de l'une des circonstances de retard, par une lettre du maître d''uvre. A cet égard, elle fait valoir que l'attestation du maître d''uvre, versée aux débats, a été établie le 18 octobre 2022, soit quatre mois après la livraison du bien, et est identique à celle produite dans le cadre d'une procédure relative à un autre acquéreur.

S'agissant de la clause relative au COVID 19 invoquée par la SCCV MARECHAL JUIN, Mme X. soutient que celle-ci ne peut lui être opposée, pour ne pas avoir été insérée à l'acte de vente. Concernant le retard relatif aux intempéries, l'intimée fait valoir que la SCCV MARECHAL JUIN échoue à produire des relevés météorologiques neutres et publics dont elle se prévaut et conclut que les retards motivés par les difficultés d'approvisionnement et de pénurie de carburant ne sont pas davantage justifiés, l'attestation du maître d''uvre étant insuffisante, pour avoir été établie par complaisance.

Mme X. rappelle que la SCCV MARECHAL JUIN ne justifie que de 68 jours de retard légitimes et engage sa responsabilité contractuelle au titre des 103 jours de retard de livraison injustifiés restants.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article 1103 du code civil, « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

Il est constant que le bien qui devait être livré dans le cadre du contrat de VEFA le 31 décembre 2021, a finalement été livré le 21 juin 2022 selon procès-verbal de livraison du même jour.

La SCCV MARECHAL JUIN produit une attestation établie le 18 octobre 2022 par le maître d''uvre, faisant état d'un retard de livraison de 14 mois, selon les paramètres suivants :

- pandémie COVID 19 :

arrêt de chantier en 2020 : 3 mois et demi

arrêt de travail des salariés : 2 mois et demi

- intempéries, 75 jours ouvrés soit : 3 mois et demi

- retard sur approvisionnement des matériaux et matériels : 4 mois

- retard occasionné par la pénurie de carburant : 1/2 mois.

Il convient de préciser, comme l'a justement indiqué le premier juge, que les causes de retard seront examinées sur la période allant du premier jour suivant la date de livraison initiale, soit le 1e janvier 2022 jusqu'au jour de la livraison effective du bien, soit le 21 juin 2022.

 

Sur les retards relatifs à la pandémie de COVID 19 :

Si la SCCV MARECHAL JUIN soutient que l'activité du chantier a été impactée par les règles liées aux mesures sanitaires mises en œuvre par le gouvernement dans le cadre de la gestion de la pandémie de COVID 19, force est de constater qu'elle ne produit aucun élément permettant d'établir avec précision les dates des arrêts de travail invoqués et de les mettre en perspective avec le chantier litigieux, qui n'a en tout état de cause débuté que postérieurement au 18 décembre 2020. Dès lors, aucun retard légitime ne peut être retenu au titre de la pandémie de COVID 19.

 

Sur les retards relatifs aux intempéries :

Les parties s'accordent pour retenir le nombre de 34 jours de retard au titre des intempéries, soit le nombre total de 68 jours de retard en application du principe du double du temps enregistré.

Cet accord sera entériné.

 

Sur les retards relatifs à l'approvisionnement des matériaux et matériels :

Si l'attestation du maître d'œuvre ne le précise pas, la SCCV invoque à l'appui de cet élément un retard lié à l'entreprise P., en charge du lot relatif aux revêtement de sols durant le chantier.

Au vu des pièces versées aux débats, le contrat liant la SCCV MARECHAL JUIN à l'entreprise P. a été résilié le 29 juin 2021 et un nouveau contrat a été régularisé avec l'entreprise Perfect sols le 16 août 2021, en vue de la reprise par celle-ci du même lot concernant les carrelages et faïences. Néanmoins, la SCCV MARECHAL JUIN échoue à démontrer une quelconque faute qui aurait été commise par l'entreprise P. dans le retard pris sur le chantier. Dès lors, les retards liés à l'approvisionnement des matériaux et matériels ne peuvent être considérés comme légitimes.

En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la SCCV MARECHAL JUIN justifiait d'une cause légitime de retard à hauteur de 68 jours et que sa responsabilité contractuelle devait être engagée pour les 103 jours restants de retard dans la livraison, entre le 1er janvier et le 21 juin 2022.

 

Sur l'indemnisation des préjudices :

Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure ».

 

Sur les frais d'hébergement :

Mme X. justifie de frais d'hébergement pour la période allant du 10 mars 2022 au 10 juin 2022, relatifs aux loyers dus ainsi qu'à des frais d'hôtel, liés directement au retard avec lequel le bien acquis a été livré, tout en précisant que la résiliation du bail par Mme X. résulte des préconisations de la SCCV MARECHAL JUIN. Mme X. sera indemnisée à hauteur de sa demande, soit à la somme de 2385,27 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure, soit le 18 août 2023.

 

Sur les frais de poste :

Mme X. justifie de 30 euros de frais liés à l'expédition de son courrier, suite au retard de livraison du bien immobilier litigieux. Elle sera donc indemnisée à hauteur de 30 euros au titre de ce préjudice.

 

Sur les frais intercalaires :

Mme X. sera indemnisée à hauteur de 584,08 euros, correspondant aux intérêts réglés au titre du prêt immobilier, de manière anticipée entre le 1er mars et le 10 juin 2022, avec intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure, soit le 18 août 2023.

 

Sur le préjudice moral :

La demande de ce chef sera rejetée, Mme X. ne justifiant pas avoir subi un tel préjudice.

 

Sur la demande relative à la procédure abusive :

Comme cela a été rappelé précédemment, l'avenant signé le 21 juin 2022 par Mme X. a été annulé et l'action de cette dernière a été déclarée recevable. En conséquence, l'action engagée dans le cadre de la présente procédure ne peut être déclarée abusive et la demande formée à ce titre par la SCCV MARECHAL JUIN sera rejetée.

 

Sur les demandes accessoires :

La SCCP MARECHAL JUIN sera condamnée aux dépens d'appel, outre une indemnité de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME en ses dispositions soumises à la cour le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tours le 24 avril 2024 ;

REJETTE les demandes formées par Mme X. au titre du caractère illicite et/ou abusif des clauses relatives aux causes de suspension légitimes du délai de livraison ;

REJETTE la demande formée par la SCCV MARECHAL JUIN tendant à déclarer la procédure engagée par Mme X. abusive et REJETTE la demande de dommages et intérêts formée à ce titre ;

CONDAMNE la SCCV MARECHAL JUIN à payer à Mme X. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCCV MARECHAL JUIN aux dépens ;

Arrêt signé par Madame Hélène GRATADOUR, président de chambre, et Madame Fatima HAJBI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;

LE GREFFIER,                               LE PRÉSIDENT