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CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 5 juin 2025

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 5 juin 2025
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 2e ch. sect. 1
Demande : 23/04537
Décision : 25/349
Date : 5/06/2025
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 11/10/2023
Décision antérieure : T. com. Lille, 26 septembre 2023 : RG n° 2022007646
Numéro de la décision : 349
Décision antérieure :
  • T. com. Lille, 26 septembre 2023 : RG n° 2022007646
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24055

CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 5 juin 2025 : RG n° 23/04537 ; arrêt n° 25/349 

Publication : Judilibre

 

Extrait (rappel de procédure) : « Le 13 mai 2025, la cour a sollicité les observations des parties sur l'application de l'article L. 221-27 al.2 du code de la consommation, en sa version applicable au contrat. Le 22 mai 2025, la société Locam a communiqué ses observations. »

Extraits (motifs) : 1/ « En l'espèce, les deux contrats portent la signature de la SCEA tracée sous une mention qui précise que le contrat est signé aux [Localité 4], ville du siège de la SCEA, alors que les sociétés Axecibles et Locam sont domiciliées respectivement à [Localité 3] et [Localité 2]. En outre, au regard de l'attestation établie par la MSA, datée du 12 avril 2022, indiquant le nom de la seule salariée de la SCEA, même non conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, et en l'absence de tout élément contraire par les intimées, la cour retient que la SCEA employait moins de cinq salariés au moment de la conclusion du contrat. De plus, la SCEA ayant pour activité l'exploitation d'un centre équestre, la création et l'hébergement de site internet, qui constituent l'objet du contrat, n'entre pas dans son champ d'activité principale.

Enfin, et à titre surabondant, l'article 7 du contrat, intitulé « PRISE D'EFFET DU CONTRAT - DROIT DE RÉTRACTATION - DEBUT DES PRELEVEMENTS », vise l'article L.121-18 du code de la consommation et indique expressément l'existence d'un droit de rétractation au profit des sociétés employant moins de cinq salariés, pouvant être exercé à compter de la signature du contrat et à compter de la réception du site, en utilisant dans ce second cas « le bulletin de rétractation qui [...] sera remis lors de la prise d'effet du contrat, soit au jour de signature par l'Abonné du Procès-Verbal de Livraison. »

Dès lors, le tribunal a retenu à bon droit l'application du code de la consommation au contrat conclu entre la SCEA et la société Axecibles. »

2/ « Pour l'application de ces textes, il se déduit de la faculté offerte au consommateur d'exercer son droit de rétractation au moyen d'un formulaire obligatoirement fourni par le professionnel que l'emploi de ce formulaire ne doit pas avoir pour effet de porter atteinte à l'intégrité du contrat que le consommateur doit pouvoir conserver (Cass. 1re civ., 20 déc. 2023, n° 21-16.491).

Si, en application de l'article L. 221-28 du code de la consommation, le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés, aucune disposition n'interdit à un professionnel de prévoir néanmoins un droit de rétractation au profit d'un consommateur pour ces contrats, étant rappelé qu'il a l'obligation d'informer le consommateur des cas dans lesquels ce dernier ne peut bénéficier ou perd son droit à rétractation, conformément aux dispositions de l'article L. 221-5 5° du code de la consommation. A titre surabondant, il est rappelé que ce texte n'est applicable qu'aux objets mobiliers corporels en application de la Directive 2011/83/UE du parlement européen et du conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs. Dès lors, le droit de rétractation de la SCEA ne peut être écarté sur ce fondement.

Par ailleurs, si les copies du contrat produites par les parties comportent un bordereau de rétractation, la société Axecibles ne conteste pas que ce dernier se situe au cœur des conditions générales, entre deux paragraphes de son article 7, comporte à son verso d'autres éléments de la première page du contrat et ne peut donc pas être détaché du contrat sans porter atteinte à l'intégrité de ce dernier. En outre, le bordereau de rétractation devant être remis lors de la réception du site, visé à l'article 7 du contrat, n'est pas produit, le procès-verbal de réception produit par les parties n'en comportant pas (pièces 4 à 6 de la société Axecibles). Enfin, et à titre surabondant, la cour constate que les informations relatives à l'exercice du droit de rétractation contenues dans le formulaire type prévu par décret et visé à l'article L. 221-5 2° ne sont pas reprises dans le contrat (modalités d'envoi, gratuité, remboursement de certains frais).

Ainsi, la société Axecibles n'a pas respecté ses obligations précontractuelles d'information définies à l'article L. 221-5 2° du code de la consommation. En conséquence, en application de l'article L. 221-20 du code de la consommation, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, étant observé qu'il n'est ni invoqué ni établi qu'une information complémentaire sur l'exercice du droit de rétractation ait été réalisée postérieurement à la réception du site. »

3/ « En l'espèce, le contrat de location financière signé par la société Locam vise expressément la société Axecibles comme fournisseur et le site internet, dont il précise l'adresse http, comme objet du financement, la mensualité due par la SCEA étant identique dans les deux contrats. Ainsi, le contrat de fourniture du site étant anéanti, le contrat de financement sera déclaré caduc.

Enfin, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Axecibles à désactiver le site internet, la cour ajoutant une astreinte provisoire afin de s'assurer de l'exécution de cette obligation de faire et précisant l'adresse reprise sur le procès-verbal de réception du site et la facture établie par la société Axecibles : https://www.domaine-equestre-des-alouettes.fr. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 5 JUIN 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/04537. Arrêt n° 25/349. N° Portalis DBVT-V-B7H-VELS. Jugement (R.G. n° 2022007646) rendu le 26 septembre 2023 par le Tribunal de Commerce de Lille Metropole.

 

APPELANTE :

SCEA Domaine des Alouettes

société civile d'exploitation agricole, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 1], [Localité 4], Représentée par Maître Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Maître Bassirou Kebe, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

 

INTIMÉES :

SAS AXECIBLES

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 6], [Localité 3], Représentée par Maître Guillaume Boureux, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, assistée de Maître Michel Apelbaum, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

 

SAS LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 5], [Localité 2], Représentée par Maître Marie Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Maître Guillaume Migaud, avocat au barreau de Val-de-Marne, avocat plaidant

 

DÉBATS à l'audience publique du 12 mars 2025 tenue par Aude Bubbe magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Béatrice Capliez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Dominique Gilles, président de chambre, Pauline Mimiague, conseiller, Aude Bubbe, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025 qui a été prorogé au 15 mai 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Béatrice Capliez, adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11 septembre 2024

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SCEA Domaine des Alouettes (la SCEA) exploite un centre équestre sur la commune des [Localité 4] (85).

Le 28 octobre 2021, elle a conclu avec la SAS Axecibles un contrat ayant pour objet la création, l'hébergement et la mise à jour d'un site internet pour promouvoir son activité, d'une durée initiale de 48 mois avec une mensualité de 348 euros TTC, hors frais de mise en ligne, financé par un contrat de location de 'site web’conclu avec la SAS Locam le même jour.

Le 30 novembre 2021, la SCEA a signé le procès-verbal de réception du site internet créé par la société Axecibles à l'adresse https://www.domaine-equestre-des-alouettes.fr.

Par lettres recommandées avec demande d'accusé de réception reçues les 1er et 2 février 2022, la SCEA a indiqué à la société Axecibles et la société Locam qu'elle entendait exercer son droit de rétractation.

Par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception reçue le 14 mai 2022, la société Locam a mis en demeure la SCEA de lui régler les loyers sous huitaine sous peine de déchéance du terme.

Par jugement contradictoire du 26 septembre 2023, sur assignation de la SCEA, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- débouté la SCEA de sa demande principale et de ses demandes subsidiaires,

- jugé qu'elle avait failli à ses obligations contractuelles et résilié de façon fautive et anticipée le contrat,

- condamné la SCEA à verser à la société Locam la somme de 18.374,40 euros avec intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage à compter du 13 mai 2022 et avec capitalisation des intérêts,

- débouté la société Axecibles de sa demande de dommages-intérêts,

- débouté la société Locam de sa demande de restitution de site internet,

- ordonné à la société Axecibles de désactiver le site internet, sans assortir cette mesure d'une astreinte,

- condamné la SCEA à verser aux sociétés Axecibles et Locam la somme de 1.000 euros à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire,

- condamné la SCEA aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 11 octobre 2023, la SCEA a relevé appel aux fins d'infirmation ou d'annulation de l'ensemble des chefs de ce jugement à l'exclusion des deux chefs de débouté des sociétés Axecibles et Locam.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 15 avril 2024, la SCEA demande à la cour de :

- infirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- déclarer toute l'opération contractuelle litigieuse anéantie par l'effet de la rétractation exercée le 28 janvier 2022,

En conséquence,

- débouter les sociétés Axecibles et Locam de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner la société Axecibles à lui restituer la somme de 442,80 euros avec intérêts calculés selon les modalités de l'article L. 242-4 du code de la consommation et capitalisation,

A titre subsidiaire,

- annuler toute l'opération contractuelle,

En conséquence,

- débouter les sociétés Axecibles et Locam de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner la société Axecibles à lui restituer la somme de 442,80 euros avec intérêts calculés selon les modalités de l'article L.242-4 du code de la consommation et capitalisation,

A titre plus subsidiaire,

- prononcer la résolution des contrats,

En conséquence,

- débouter les sociétés Axecibles et Locam de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner la société Axecibles à lui restituer la somme de 442,80 euros avec intérêts calculés selon les modalités de l'article L.242-4 du code de la consommation et capitalisation,

En tout état de cause,

- prononcer la caducité de tous les contrats interdépendants en conséquence de l'anéantissement de l'un quelconque d'entre eux,

En conséquence,

- débouter les sociétés Axecibles et Locam de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner la société Axecibles à lui restituer la somme de 442,80 euros avec intérêts calculés selon les modalités de l'article L.242-4 du code de la consommation et capitalisation,

- ordonner à la société Axecibles de désactiver le site internet sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification [de la décision] à intervenir,

- condamner in solidum les sociétés Axecibles et Locam à lui verser la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, y compris les frais de constat d'huissier.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 1er mars 2024, la société Axecibles demande à la cour de :

- confirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions,

- débouter la SCEA de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant,

- juger que la SCEA a failli à ses obligations contractuelles et résilié de façon fautive et anticipée le contrat,

- la condamner en conséquence à lui verser les sommes de :

- 3 000 euros à titre d'indemnité en réparation de ses préjudices,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 9 septembre 2024, la société Locam demande à la cour de :

- confirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions,

- la juger recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes,

- juger la SCEA irrecevable et mal fondée en l'ensemble de ses demandes,

- condamner la SCEA à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

[*]

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

La clôture de l'instruction est intervenue le 11 septembre 2024 et l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoiries du 25 septembre 2024, avant de faire l'objet d'une réouverture des débats pour l'audience du 12 mars 2025, en raison de l'indisponibilité d'un magistrat de la cour, en application de l'article 444 du code de procédure civile.

Le 13 mai 2025, la cour a sollicité les observations des parties sur l'application de l'article L. 221-27 al.2 du code de la consommation, en sa version applicable au contrat.

Le 22 mai 2025, la société Locam a communiqué ses observations.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

A titre liminaire, la cour précise que toutes les mentions des articles du code de la consommation concernent leur rédaction applicable au contrat, antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2021-1734 du 22 décembre 2021.

 

Sur le droit de rétractation :

Au visa des articles L. 121-18 et L. 221-18 du code de la consommation, après avoir observé que les parties étaient expressément convenues de l'application du code de la consommation, le tribunal a retenu que la société Axecibles avait fourni à la SCEA toutes les informations utiles pour exercer son droit de rétraction, que la présence d'un formulaire détachable du contrat n'était pas une exigence légale et que le « modèle » de bordereau de rétractation présent dans les conditions générales pouvait être copié ou découpé. Il a considéré que le courrier de rétractation avait été adressé plus de quinze jours après la signature du contrat et la réception du site internet et qu'aucune circonstance ne justifiait de faire application du délai augmenté d'un an prévu par l'article L. 221-20 du code de la consommation.

La SCEA expose que les dispositions du droit de la consommation lui sont applicables sur le fondement de l'article L. 221-3 du code de la consommation ainsi qu'en raison de la soumission volontaire des parties au contrat. Sur le fondement des articles L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation, elle soutient que la société Axecibles a manqué à ses obligations d'information sur le droit de rétractation, en ne lui remettant pas un bordereau de rétractation pouvant être détaché du contrat sans porter atteinte à l'intégrité de ce dernier. Elle ajoute que le contrat prévoit deux points de départ différents pour le délai de rétractation, à compter de la signature du contrat et à compter de la livraison, soulignant n'avoir jamais reçu le second bordereau lors de la réception du site internet comme indiqué au contrat. Sur le fondement de l'article L. 221-5 du code de la consommation, elle conteste que lui soit opposable le caractère personnalisé du bien pour lui interdire l'exercice de son droit de rétractation. Elle indique avoir exercé son droit de rétractation dans le délai d'un an prévu à l'article L. 221-20 du code de la consommation, qui doit emporter l'anéantissement du contrat principal et du contrat accessoire de location financière, en application de l'article 1186 du code civil.

La société Axecibles indique que la SCEA invoque un droit de rétractation sans justifier employer moins de cinq employés. Elle expose avoir respecté les obligations prévues aux articles L. 221-9 et L. 221-5 du code de la consommation, estimant que les informations relatives à l'exercice du droit de rétractation ont été communiquées à la SCEA dans l'article 7 du contrat qui comporte un bordereau qui peut être découpé ou recopié. Elle souligne que la SCEA reconnaît la présence de l'énoncé des droits de rétractation dans le contrat et l'existence d'un bordereau de rétractation. Elle soutient que la rétractation anéantissant le contrat, il importe peu que le bordereau comporte des dispositions contractuelles au verso et qu'en l'état actuel des technologies, un nombre illimité de copies conformes peut être facilement réalisé. Elle fait valoir que la SCEA a reconnu avoir pris connaissance des conditions générales du contrat et n'a pas exercé son droit de rétractation dans le délai de quinze jours prévu par la loi.

La société Locam expose avoir conclu avec la SCEA un contrat de location financière, qui n'a fait l'objet d'aucune cession. Elle soutient que le contrat établi par la société Axecibles respecte les dispositions du code de la consommation et que ces dernières ne sont pas applicables aux contrats de location financière en application des articles L. 221-2 du code de la consommation, L. 341-3, L. 511-1, L. 311-2, L. 341-1, L. 341-2 et L. 341-11 du code monétaire et financier. Elle conteste tout manquement à l'exercice de son droit de rétractation par la SCEA dans le cadre du contrat de location financière, soulignant le caractère personnalisé du site internet créé selon ses spécifications, en application de l'article L. 221-28 du code de la consommation. Elle soutient ne pas avoir eu connaissance de l'opération financée dans son ensemble au sens de l'article 1186 du code civil. Elle conteste l'application de l'article L. 221-27 du code de la consommation, estimant que les contrats sont interdépendants au sens de l'article 1186 du code civil.

 

* Sur l'application du code de la consommation :

L'article L. 221-3 du code de la consommation prévoit que 'Les dispositions des sections 2, 3 et 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.'

L'article L. 221-1 du même code précise qu'un contrat hors établissement est un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur.

En l'espèce, les deux contrats portent la signature de la SCEA tracée sous une mention qui précise que le contrat est signé aux [Localité 4], ville du siège de la SCEA, alors que les sociétés Axecibles et Locam sont domiciliées respectivement à [Localité 3] et [Localité 2].

En outre, au regard de l'attestation établie par la MSA, datée du 12 avril 2022, indiquant le nom de la seule salariée de la SCEA, même non conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, et en l'absence de tout élément contraire par les intimées, la cour retient que la SCEA employait moins de cinq salariés au moment de la conclusion du contrat.

De plus, la SCEA ayant pour activité l'exploitation d'un centre équestre, la création et l'hébergement de site internet, qui constituent l'objet du contrat, n'entre pas dans son champ d'activité principale.

Enfin, et à titre surabondant, l'article 7 du contrat, intitulé « PRISE D'EFFET DU CONTRAT - DROIT DE RÉTRACTATION - DEBUT DES PRELEVEMENTS », vise l'article L.121-18 du code de la consommation et indique expressément l'existence d'un droit de rétractation au profit des sociétés employant moins de cinq salariés, pouvant être exercé à compter de la signature du contrat et à compter de la réception du site, en utilisant dans ce second cas « le bulletin de rétractation qui [...] sera remis lors de la prise d'effet du contrat, soit au jour de signature par l'Abonné du Procès-Verbal de Livraison. »

Dès lors, le tribunal a retenu à bon droit l'application du code de la consommation au contrat conclu entre la SCEA et la société Axecibles.

 

* Sur le droit de rétractation :

Selon l'article L. 221-9 du code de la consommation, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5 et il est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.

Précisément, l'article L. 221-5 2° prévoit que, lorsque le droit de rétractation existe, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'État.

Pour l'application de ces textes, il se déduit de la faculté offerte au consommateur d'exercer son droit de rétractation au moyen d'un formulaire obligatoirement fourni par le professionnel que l'emploi de ce formulaire ne doit pas avoir pour effet de porter atteinte à l'intégrité du contrat que le consommateur doit pouvoir conserver (Cass. 1re civ., 20 déc. 2023, n° 21-16.491).

Si, en application de l'article L. 221-28 du code de la consommation, le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés, aucune disposition n'interdit à un professionnel de prévoir néanmoins un droit de rétractation au profit d'un consommateur pour ces contrats, étant rappelé qu'il a l'obligation d'informer le consommateur des cas dans lesquels ce dernier ne peut bénéficier ou perd son droit à rétractation, conformément aux dispositions de l'article L. 221-5 5° du code de la consommation. A titre surabondant, il est rappelé que ce texte n'est applicable qu'aux objets mobiliers corporels en application de la Directive 2011/83/UE du parlement européen et du conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs.

Dès lors, le droit de rétractation de la SCEA ne peut être écarté sur ce fondement.

Par ailleurs, si les copies du contrat produites par les parties comportent un bordereau de rétractation, la société Axecibles ne conteste pas que ce dernier se situe au cœur des conditions générales, entre deux paragraphes de son article 7, comporte à son verso d'autres éléments de la première page du contrat et ne peut donc pas être détaché du contrat sans porter atteinte à l'intégrité de ce dernier.

En outre, le bordereau de rétractation devant être remis lors de la réception du site, visé à l'article 7 du contrat, n'est pas produit, le procès-verbal de réception produit par les parties n'en comportant pas (pièces 4 à 6 de la société Axecibles).

Enfin, et à titre surabondant, la cour constate que les informations relatives à l'exercice du droit de rétractation contenues dans le formulaire type prévu par décret et visé à l'article L. 221-5 2° ne sont pas reprises dans le contrat (modalités d'envoi, gratuité, remboursement de certains frais).

Ainsi, la société Axecibles n'a pas respecté ses obligations précontractuelles d'information définies à l'article L. 221-5 2° du code de la consommation.

En conséquence, en application de l'article L. 221-20 du code de la consommation, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, étant observé qu'il n'est ni invoqué ni établi qu'une information complémentaire sur l'exercice du droit de rétractation ait été réalisée postérieurement à la réception du site.

Dès lors, la SCEA ayant notifié son intention d'user de son droit de rétractation le 28 janvier 2022, soit dans le délai d'un an suivant les quinze jours à compter du procès-verbal de réception du site du 30 novembre 2021, elle a valablement exercé ce droit et le contrat principal a été anéanti le 1er février 2022, date de réception de la mise en demeure.

Par suite, la société Axecibles sera condamnée à restituer les sommes reçues en exécution du contrat, à savoir les frais de mise en ligne d'un montant de 442,80 euros, cette somme portant intérêts selon les modalités prévues à l'article L.242-4 du code de la consommation.

 

* Sur les conséquences de l'anéantissement du contrat conclu avec la société Axecibles :

Aux termes de l'article 1186 du code civil, « un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît.

Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie.

La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement. »

Pour l'application de ce texte, les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière étant interdépendants, il en résulte que l'exécution de chacun de ces contrats est une condition déterminante du consentement des parties, de sorte que, lorsque l'un d'eux disparaît, les autres contrats sont caducs si le contractant contre lequel cette caducité est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement, ce qui, dans une telle opération, est nécessairement le cas de la société de location financière (Com. 10 janv. 2024, n°22-20.466).

En l'espèce, le contrat de location financière signé par la société Locam vise expressément la société Axecibles comme fournisseur et le site internet, dont il précise l'adresse http, comme objet du financement, la mensualité due par la SCEA étant identique dans les deux contrats.

Ainsi, le contrat de fourniture du site étant anéanti, le contrat de financement sera déclaré caduc.

Enfin, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Axecibles à désactiver le site internet, la cour ajoutant une astreinte provisoire afin de s'assurer de l'exécution de cette obligation de faire et précisant l'adresse reprise sur le procès-verbal de réception du site et la facture établie par la société Axecibles : https://www.domaine-equestre-des-alouettes.fr.

 

Sur les demandes accessoires :

La société Axecibles étant déboutée de sa demande principale, elle ne justifie pas du caractère fautif de l'action de la SCEA ni de la réalité du préjudice qu'elle invoque. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour atteinte à son image de marque et sa réputation.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, les sociétés Axecibles et Locam seront condamnées in solidum à verser la somme de 5 000 euros, comprenant les frais de constat d'huissier d'un montant de 189,20 euros, qui ne constituent pas des dépens au sens de l'article 695 du code de procédure civile.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, les sociétés Axecibles et Locam seront condamnées in solidum aux dépens d'instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Axecibles à désactiver le site internet et l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts,

Réforme le jugement pour le surplus des dispositions querellées,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le contrat conclu par la SCEA Domaine des Alouettes le 28 octobre 2021 avec la société Axecibles a été anéanti par l'exercice de son droit de rétractation,

Dit qu'en conséquence, le contrat conclu par la SCEA Domaine des Alouettes le 28 octobre 2021 avec la société est devenu caduc,

Condamne la société Axecibles à restituer à la SCEA Domaine des Alouettes la somme de 442,80 euros,

Dit que cette somme portera intérêts selon les modalités prévues à l'article L.242-4 du code de la consommation,

Dit que la société Axecibles devra désactiver le site internet https://www.domaine-equestre-des-alouettes.fr, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter du trentième jour suivant la signification du présent arrêt et pendant une durée de 90 jours,

Condamne in solidum les sociétés Axecibles et Locam à verser à la SCEA Domaine des Alouettes la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne in solidum les sociétés Axecibles et Locam aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier                                         Le président

Béatrice CAPLIEZ                          Dominique GILLES