TJ TOULOUSE (Jex), 19 juin 2025
CERCLAB - DOCUMENT N° 24070
TJ TOULOUSE (Jex), 19 juin 2025 : RG n° 24/00199
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « En matière de clause résolutoire entraînant la déchéance du terme, et suivant la jurisprudence de la CJCE, il est désormais établi qu’une clause de déchéance du terme prévoyant un délai de huit jours, porté à quinze jours pour régulariser la situation d’impayé crée un déséquilibre significatif entre les parties. Le délai raisonnable en la matière est fixé à un minimum de 31 jours. En outre, dès lors qu’une telle clause serait déclarée abusive par une juridiction, elle ne saurait fonder la déchéance du terme, et ce même dans le cas où l’établissement de crédit aurait envoyé une mise en demeure régulière aux emprunteurs.
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE 31 fait valoir que la SCI en sa qualité de professionnelle, ne saurait se prévaloir des dispositions protectrices du code de la consommation, et que c’est bien en tant que professionnelle qu’elle a contracté un emprunt, exactement dans le cadre de son objet social. Elle devrait donc être exclue de ces dispositions protectrices. Toutefois, la SCI X. ne se fonde pas sur les dispositions du code de la consommation, mais bien sur l’article précité du code civil, qui pose un principe de protection de la partie la plus faible envers la partie la plus forte en vue de rétablir un certain équilibre entre elles dans le cadre contractuel. Dans le cas d’espèce, la SCI X., pour professionnelle de l’immobilier qu’elle est, n’est constituée que d’un seul actionnaire, et n’a pour patrimoine que le terrain et la maison acquis grâce à ce prêt. Il n’est par ailleurs pas contesté que cette opération immobilière, bien conçue au départ par la division des parcelles et la vente de deux d’entre elles, a joué d’infortune suite à la location de la maison, laquelle a été occupée par une locataire indélicate, dont les manquements au contrat de bail ont engendré de graves difficultés financières pour la SCI, privée de loyers durant plus de trois ans.
Le rappel de ce contexte permet d’établir la différence de poids, d’influence et de capacités économiques entre la SCI et la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE 31, établissement bancaire très établi depuis plusieurs décennies. »
2/ « Or, le contrat de prêt du 28 février 2019 dispose au chapitre « exigibilité du présent prêt » : « En cas de survenance de l’un quelconque des cas de déchéance du terme visés ci-après, le Prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate du présent prêt, intérêts et accessoires, sans qu’il soit besoin d’aucune formalité judiciaire et après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours ». C’est ainsi que la lecture du contrat de prêt confirme que les termes de la clause résolutoire permettant la déchéance du prêt n’est pas conforme à l’esprit de la Loi selon lequel l’équilibre doit être rétabli entre les parties. Très précisément, non seulement la qualité de chacun des contractants permet de s’assurer qu’aucune négociation n’est intervenue s’agissant des conditions régissant la clause résolutoire, mais en outre, le délai de 15 jours présent en toutes lettres au contrat suffit à lui seul à qualifier la clause résolutoire d’abusive. Le fait que la mise en demeure vise un délai de 20 jours est inopérant dans la mesure où l’article 1171 vise les termes du contrat, et non ceux de la mise en demeure. En tout état de cause, le délai raisonnable étant à ce jour fixé à 31 jours, les 20 jours dont se prévaut la banque demeurent insuffisants, en particulier s’agissant d’un prêt contracté sur 20 ans. Le moyen de la banque sera rejeté. »
3/ « L’article R. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose « En matière de compétence d’attribution, tout autre juge que le juge de l’exécution doit relever d’office son incompétence. Le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution. Toutefois, après signification du commandement ou de l’acte de saisie ou à compter de l’audience prévue par l’article R. 3252-7 du code du travail, selon le cas, il a la compétence pour accorder un délai de grâce. Le juge de l’exécution peut relever d’office son incompétence ».
Il résulte de ce texte que les juges saisis d’une contestation relative à l’interprétation d’une précédente décision ne peuvent, sous le prétexte d’en déterminer le sens, modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision. Par ailleurs, le Juge de l’exécution ne peut, sauf à méconnaître le périmètre de sa compétence, accueillir les demandes tendant à remettre en cause le titre exécutoire dans son principe ou la validité des droits et obligations qu’il constate. En l’espèce le fait pour le Juge de l’exécution de prononcer la résolution du contrat reviendrait à statuer sur le fond, et à délivrer un titre exécutoire à la banque demanderesse, ce qui relève de la compétence exclusive du juge du fond. La demande sera rejetée. »
4/ « La banque fait plaider qu’en sa qualité de société civile immobilière, la SCI X. a la qualité de professionnelle de l’immobilier. Elle ne peut se prévaloir des dispositions du code de la consommation, puisque ces dispositions n’ont vocation à protéger que les consommateurs et non les professionnels, d’autant plus que l’emprunt s’inscrit totalement dans l’objet social de la SCI.
Toutefois, l’article 1103 du code civil dispose : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. ». Dans le cas d’espèce, le contrat de prêt vise expressément sa soumission aux articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation. Ainsi, si les professionnels n’ont pas vocation à être protégés par le code de la consommation, rien n’interdit aux co-contractants d’en décider autrement et de prévoir que le code de la consommation s’appliquera dans le cadre de leur convention. Or, c’est bien le cas en l’espèce puisque le contrat vise expressément les dispositions du code de la consommation. Les dispositions de l’article précité sont ainsi bien applicables. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE
JUGE DE L’EXÉCUTION
JUGEMENT DU 19 JUIN 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 24/00199. N° Portalis DBX4-W-B7I-TO4V/ Nature de l’affaire : Demande tendant à la vente immobilière et à la distribution du prix
Audience publique du Juge de l’Exécution statuant en matière de saisie immobilière, au Tribunal judiciaire de TOULOUSE, en date du 19 juin 2025
Madame Sophie SELOSSE, Juge de l’Exécution, compétent territorialement en application de l’article R 311-2 du code des procédures civiles d’exécution, et statuant à juge unique conformément aux articles L213-5 du code de l’organisation judiciaire.
Madame Cristelle DOUSSIN GALY, Greffier
Créancier poursuivant :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE 31
immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le n° XXX, dont le siège social est sis [Adresse 3], représentée par Maître Jérôme MARFAING-DIDIER de la SELARL DECKER, avocats au barreau de TOULOUSE
Débiteur saisi :
SCI X.
immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le n° YYY, dont le siège social est sis [Adresse 1], représentée par Maître Laurie DELAS, avocat au barreau de TOULOUSE
Lors de l’audience du 5 décembre 2024, du 30 janvier 2025, du 13 mars 2025, l’affaire a été renvoyée. Après débats et plaidoiries, à l’audience du 15 mai 2025, l’affaire a été mise en délibéré, et le Tribunal a rendu ce jour le jugement suivant :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu les poursuites sur saisie immobilière à la requête de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL [Localité 8] 31contre la SCI X. ;
Vu le commandement aux fins de saisie immobilière délivré par la SELARL QUALIJURIS 31, Commissaire de Justice à [Localité 9], le 10 septembre 2024, publié le 7 octobre 2024, au service de la publicité foncière de [Localité 7] numéro 32 volume 2024 S concernant un bien situé sur la commune d’[Localité 6], sis [Adresse 2], consistant en une MAISON individuelle à usage d’habitation sur 2 niveaux de 136,45 m² cadastrée SECTION C n°[Cadastre 4] pour une contenance de 8a 35ca ;
Vu la sommation faite au débiteur de prendre communication du cahier des conditions de vente avec assignation en date du 29 octobre 2024 délivrée par la SELARL QUALIJURIS 31, Commissaire de Justice ;
Vu le cahier des conditions de vente déposé au greffe le 30 octobre 2024 fixant l’audience d’orientation à la date du 5 décembre 2024 sur une mise à prix de 60.000 € ;
[*]
Vu les conclusions de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL [Localité 8] 31 en date du 9 avril 2025 aux fins de :
Rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées, Dire et juger que la banque peut se prévaloir de l’exigibilité de la créance, Débouter la SCI X. de sa demande de voir réputé non écrite et abusive la clause de prononcé de la déchéance du terme
Débouter la SCI X. de sa demande de nullité du commandement de payer valant saisie,
Ordonner la résiliation judiciaire du contrat, Dire et juger que la SCI X. ne peut se prévaloir des dispositions protectrices du droit de la consommation,
Débouter la SCI X. de sa demande de déchéance du droit aux intérêts, Débouter la SCI X. de sa demande de voir fixer la créance de la banque à la somme de 163.713,04€,
La débouter de sa demande de voir déclarer que les sommes dues ne produiront point d’intérêts, Débouter la SCI X. de sa demande de suppression des indemnités contractuelles et de gestion, Fixer la créance de la banque à la somme de 189.144,95 € arrêtée au 21.05.2024 outre les intérêts contractuels de 1,95% jusqu’à parfait paiement,
Si le juge de l’exécution considérait que la déchéance du terme n’a pas été valablement prononcée, dire et juger que la saisie immobilière peut se poursuivre pour la situation échue impayée visée dans le commandement de payer valant saisie à hauteur de de 22.745,52 €, détaillé comme suit :
- Situation de retard en capital :14.716,32 €
- Intérêts contractuels au taux de 1,95% au 21.05.2024 : 7021,77 €
- Intérêts majorés de 4,95% au 21.05.2024 : 1007,43 €
Sous total échu : 22.745,52 €
La débouter de sa demande de suspension du prêt pendant une période de 12 mois, La débouter de sa demande d’autorisation de vente amiable, Ordonner la vente forcée du bien saisi dans le délai de 4 mois, Débouter la SCI X. de sa demande en vertu de l’article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE ;
[*]
Vu les conclusions n°3 de la SCI X du 14 mai 2025 aux fins de :
- Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,
Vu les dispositions des articles L. 313-7, L. 341-26, L. 341-47 et R. 313-4 du Code de la Consommation,
Vu les dispositions de l’article 1343-5 du Code Civil,
Vu les dispositions des articles L. 311-2 et R. 322-20 du Code des Procédures Civiles d’Exécution,
Vu les pièces et la Jurisprudence susvisées,
A titre principal :
Déclarer réputée non écrite la clause de déchéance du terme insérée au contrat de prêt immobilier signé le 28 février 2019 entre la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE 31 et la SCI X.,
Prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêt consenti le 29 février 2019 par la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE 31 à la SCI X., Déclarer que les sommes dues par la SCI X. ne produiront point d’intérêt, Juger que la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE 31 ne justifie pas de l’exigibilité de la créance cause de la saisie, Prononcer par conséquent la nullité du commandement de payer valant saisie signifié à la SCI X. le 10 septembre 2024 à la requête de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE 31, ainsi que celle de tous les actes subséquents, Ordonner par conséquent la mainlevée de la présente procédure de saisie-immobilière, Condamner la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE 31à payer à la SCI X. la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, Condamner la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE 31 au paiement des entiers dépens ;
A titre subsidiaire :
Prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels, Juger que la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE 31 est infondée à solliciter le paiement d’une indemnité de gestion et d’une indemnité financière, Limiter par conséquent la créance cause de la saisie à la somme de 163.713,04 €,Déclarer que les sommes dues par la SCI X. ne produiront point d’intérêt, Autoriser la SCI X. à vendre amiablement le bien objet de la saisie, à savoir un ensemble immobilier situé [Adresse 5], Fixer le prix minimum à la somme de 220.000 €,Statuer ce que de droit sur les dépens ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LE JUGE DE L’EXÉCUTION :
* Sur le titre exécutoire :
Il ressort des pièces produites que la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL [Localité 8] 31 a engagé une procédure de saisie immobilière en vertu d’une copie exécutoire passée en l’étude de Maître Z., notaire à [Localité 7] en date du 28 février 2019 contenant prêt avec affectation hypothécaire.
* Sur l’objet de la saisie :
Le commandement aux fins de saisie immobilière porte sur un immeuble situé sur la commune d’[Localité 6], sis [Adresse 2], consistant en une MAISON individuelle à usage d’habitation sur 2 niveaux de 136,45 m² cadastrée SECTION C n°[Cadastre 4] pour une contenance de 8a 35ca qui sont saisissables en application des dispositions de l’article L. 311-6 du code des procédures civiles d’exécution.
* Sur la validité de la procédure de saisie immobilière :
La SCI X. sollicite à titre principal la mainlevée du commandement de payer valant saisie immobilière, commandement délivré suivant les dispositions du code des procédures civiles d’exécution et notamment de l’article L. 111-1 du code des procédures civiles d’exécution qui dispose :
« Tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard.
Tout créancier peut pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits.
L'exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d'une immunité d'exécution ».
Sur la clause résolutoire contractuelle :
L’article 1171 du code civil dispose : « Dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation. »
En matière de clause résolutoire entraînant la déchéance du terme, et suivant la jurisprudence de la CJCE, il est désormais établi qu’une clause de déchéance du terme prévoyant un délai de huit jours, porté à quinze jours pour régulariser la situation d’impayé crée un déséquilibre significatif entre les parties.
Le délai raisonnable en la matière est fixé à un minimum de 31 jours.
En outre, dès lors qu’une telle clause serait déclarée abusive par une juridiction, elle ne saurait fonder la déchéance du terme, et ce même dans le cas où l’établissement de crédit aurait envoyé une mise en demeure régulière aux emprunteurs.
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE 31 fait valoir que la SCI en sa qualité de professionnelle, ne saurait se prévaloir des dispositions protectrices du code de la consommation, et que c’est bien en tant que professionnelle qu’elle a contracté un emprunt, exactement dans le cadre de son objet social. Elle devrait donc être exclue de ces dispositions protectrices.
Toutefois, la SCI X. ne se fonde pas sur les dispositions du code de la consommation, mais bien sur l’article précité du code civil, qui pose un principe de protection de la partie la plus faible envers la partie la plus forte en vue de rétablir un certain équilibre entre elles dans le cadre contractuel.
Dans le cas d’espèce, la SCI X., pour professionnelle de l’immobilier qu’elle est, n’est constituée que d’un seul actionnaire, et n’a pour patrimoine que le terrain et la maison acquis grâce à ce prêt.
Il n’est par ailleurs pas contesté que cette opération immobilière, bien conçue au départ par la division des parcelles et la vente de deux d’entre elles, a joué d’infortune suite à la location de la maison, laquelle a été occupée par une locataire indélicate, dont les manquements au contrat de bail ont engendré de graves difficultés financières pour la SCI, privée de loyers durant plus de trois ans.
Le rappel de ce contexte permet d’établir la différence de poids, d’influence et de capacités économiques entre la SCI et la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE 31, établissement bancaire très établi depuis plusieurs décennies.
Or, le contrat de prêt du 28 février 2019 dispose au chapitre « exigibilité du présent prêt » :
« En cas de survenance de l’un quelconque des cas de déchéance du terme visés ci-après, le Prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate du présent prêt, intérêts et accessoires, sans qu’il soit besoin d’aucune formalité judiciaire et après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours ».
C’est ainsi que la lecture du contrat de prêt confirme que les termes de la clause résolutoire permettant la déchéance du prêt n’est pas conforme à l’esprit de la Loi selon lequel l’équilibre doit être rétabli entre les parties.
Très précisément, non seulement la qualité de chacun des contractants permet de s’assurer qu’aucune négociation n’est intervenue s’agissant des conditions régissant la clause résolutoire, mais en outre, le délai de 15 jours présent en toutes lettres au contrat suffit à lui seul à qualifier la clause résolutoire d’abusive.
Le fait que la mise en demeure vise un délai de 20 jours est inopérant dans la mesure où l’article 1171 vise les termes du contrat, et non ceux de la mise en demeure.
En tout état de cause, le délai raisonnable étant à ce jour fixé à 31 jours, les 20 jours dont se prévaut la banque demeurent insuffisants, en particulier s’agissant d’un prêt contracté sur 20 ans.
Le moyen de la banque sera rejeté
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL [Localité 8] 31 fait valoir que le déséquilibre du contrat ne saurait être retenu dans la mesure où la SCI X. s’est révélée défaillante dans le remboursement du crédit et n’a jamais tenté de résolution à l’amiable de la situation.
Toutefois, ce point souligne encore le déséquilibre entre les parties, en ce que la SCI X. avait sollicité une suspension de 6 mois du paiement des échéances du crédit, toute occupée qu’elle était à tenter de faire quitter les lieux à sa locataire.
La vente du bien était également souhaitée par la défenderesse, mais aucune vente n’était envisageable sur un bien dont l’occupante sans droit ni titre refusait de quitter les lieux, multipliait les procédures de surendettement, et exposait le bien à de nombreuses dégradations.
La SCI X. n’a vu les lieux libérés de cette occupante que le 3 avril 2025, soit très récemment, après de nombreux mois de procédures.
Or, informée de cette situation qui ne pouvait se résoudre à brefs délais, la banque a sollicité le paiement de l’intégralité du capital restant dû dès le mois de septembre 2022, soit au lendemain de la fin de la suspension du paiement des échéances.
S’il ne saurait être reproché à un établissement bancaire de vouloir récupérer les fonds, la situation d’espèce illustre à nouveau le déséquilibre entre les parties.
En conséquence, le contrat de prêt doit être considéré comme un contrat d’adhésion en ce que la SCI X. n’avait aucune marge de négociation face à la force économique de la banque, et la clause résolutoire doit être réputée non écrite, comme causant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Il découle de ces développements que la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL [Localité 8] 31 ne peut valablement se fonder sur une clause réputée non écrite pour prononcer la déchéance du terme, aussi le prononcé de la déchéance sera-t-il déclaré irrégulier.
Sur la demande de résolution judiciaire du contrat :
L’article 1224 du code civil dispose : « La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. ».
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL [Localité 8] 31 fait plaider la possibilité pour le Juge de l’exécution, en charge de statuer sur les titres exécutoires, de prononcer la résolution du contrat de prêt en raison de son inexécution manifeste.
L’article R. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose « En matière de compétence d’attribution, tout autre juge que le juge de l’exécution doit relever d’office son incompétence.
Le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution.
Toutefois, après signification du commandement ou de l’acte de saisie ou à compter de l’audience prévue par l’article R. 3252-7 du code du travail, selon le cas, il a la compétence pour accorder un délai de grâce.
Le juge de l’exécution peut relever d’office son incompétence ».
Il résulte de ce texte que les juges saisis d’une contestation relative à l’interprétation d’une précédente décision ne peuvent, sous le prétexte d’en déterminer le sens, modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision.
Par ailleurs, le Juge de l’exécution ne peut, sauf à méconnaître le périmètre de sa compétence, accueillir les demandes tendant à remettre en cause le titre exécutoire dans son principe ou la validité des droits et obligations qu’il constate.
En l’espèce le fait pour le Juge de l’exécution de prononcer la résolution du contrat reviendrait à statuer sur le fond, et à délivrer un titre exécutoire à la banque demanderesse, ce qui relève de la compétence exclusive du juge du fond.
La demande sera rejetée.
Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels :
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL [Localité 8] 31 a notifié irrégulièrement la déchance du terme, aussi ne peut-elle pas valablement exiger le remboursement de l’intégralité des sommes empruntées.
Elle sollicite néanmoins que soient remboursées les échéances échues et non payées pour la somme de 22 745,52 €.
Sur l’application des articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation :
La banque fait plaider qu’en sa qualité de société civile immobilière, la SCI X. a la qualité de professionnelle de l’immobilier.
Elle ne peut se prévaloir des dispositions du code de la consommation, puisque ces dispositions n’ont vocation à protéger que les consommateurs et non les professionnels, d’autant plus que l’emprunt s’inscrit totalement dans l’objet social de la SCI.
Toutefois, l’article 1103 du code civil dispose : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. ».
Dans le cas d’espèce, le contrat de prêt vise expressément sa soumission aux articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation.
Ainsi, si les professionnels n’ont pas vocation à être protégés par le code de la consommation, rien n’interdit aux co-contractants d’en décider autrement et de prévoir que le code de la consommation s’appliquera dans le cadre de leur convention.
Or, c’est bien le cas en l’espèce puisque le contrat vise expressément les dispositions du code de la consommation. Les dispositions de l’article précité sont ainsi bien applicables.
Sur l’absence de la fiche d’information standardisée européenne :
C’est dans ce contexte que la SCI X. fait valoir l’absence de la fiche d’information standardisée européenne au contrat de prêt, document visé à l’article L. 313-7 du code de la consommation qui dispose : « Au plus tard lors de l'émission de l'offre de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit fournit à l'emprunteur, sur support papier ou sur un autre support durable, sous la forme d'une fiche d'information standardisée européenne, les informations personnalisées permettant à l'emprunteur de comparer les différentes offres de crédit disponibles sur le marché, d'évaluer leurs implications et de se déterminer en toute connaissance de cause sur l'opportunité de conclure un contrat de crédit.
Un décret en Conseil d'Etat fixe la liste et le contenu des informations devant figurer dans cette fiche d'information standardisée européenne à fournir pour l'offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation.
Toutes les informations complémentaires que le prêteur souhaite donner à l'emprunteur sont fournies dans un document distinct de la fiche mentionnée au présent article.
L'ensemble des informations fourni en application du présent article l'est gratuitement. »
L’article R. 313-4 du même code dispose, en sa qualité de décret d’application de l’article précédent : « Les informations personnalisées que le prêteur ou l'intermédiaire de crédit fournit à l'emprunteur sous la forme de la fiche mentionnée à l'article L. 313-7 dont le modèle est annexé au présent code, portent sur :
1° Le prêteur ;
2° L'intermédiaire de crédit, le cas échéant ;
3° Les principales caractéristiques du prêt ;
4° Le taux d'intérêt et les autres frais ;
5° Le nombre et la périodicité de chaque versement ;
6° Le montant de chaque versement ;
7° L'échéancier indicatif, le cas échéant ;
8° Les obligations supplémentaires ;
9° Le remboursement anticipé ;
10° Les caractéristiques variables ;
11° Les autres droits de l'emprunteur ;
12° Les réclamations ;
13° Les conséquences pour l'emprunteur du non-respect de ses engagements ;
14° Le cas échéant, des informations complémentaires ;
15° Les autorités habilitées à assurer le contrôle du respect de la réglementation applicable.
Le cas échéant, la fiche mentionnée au premier alinéa peut comporter l'information relative aux différents contrats de crédit composant une opération de financement.
Les informations prévues aux 3° et 6° comportent, le cas échéant, les avertissements sur les risques de change encourus pour tout prêt souscrit dans une devise autre que l'euro, dans les conditions de l'article L. 313-64 et pour tout prêt souscrit en euro, par un emprunteur percevant ses revenus ou détenant un patrimoine dans une devise autre que l'euro, ou ne résidant pas en France.
Lorsque l'emprunteur est exposé à une fluctuation du taux de change, un exemple illustrant l'incidence d'une fluctuation de 20 % du taux de change figure dans cette fiche. Lorsqu'un plafond limite cette fluctuation à un montant inférieur à 20 %, le montant maximal que l'emprunteur aura à rembourser est indiqué. Ces exemples sont calculés à partir du dernier taux de change publié la veille du jour de l'émission de la fiche d'information mentionnée au premier alinéa ou, à défaut, le dernier jour ouvré précédent, et qui a servi à déterminer les échéances, la durée du prêt et le coût total du crédit.
Le prêteur précise également si l'offre sera assortie ou non de la possibilité de convertir le crédit dans une autre monnaie et, dans l'hypothèse où cette faculté est prévue, indique ses conditions et modalités précises. »
Enfin, l’article L341-2 du code de la consommation fixe la sanction de l’absence de la FISE en ces termes : « Sous réserve des dispositions du second alinéa, le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l'emprunteur la fiche d'information standardisée européenne mentionnée à l'article L. 313-7 et au second alinéa de l'article L. 313-24 ou l'information précontractuelle mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 313-64 peut être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
En cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux annuel effectif global déterminé conformément aux articles L. 314-1 à L. 314-4, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l'emprunteur. »
Les parties ayant signé un contrat prévoyant expressément la soumission de l’offre de prêt aux dispositions précitées, elles doivent nécessairement s’appliquer.
La banque fait valoir qu’après de longues recherches, elle avait retrouvé la FISE manquant au contrat.
Toutefois, cette FISE n’est pas signée ni paraphée par la SCI X. et ne faisait à l’évidence pas partie de la liasse contractuelle de l’offre de prêt puisqu’elle est demeurée égarée durant plusieurs mois.
La banque fait également valoir que toutes les informations utiles et légales ont été communiquées par l’expert-comptable, la société KPMG, lequel assistait la SCI dans ses démarches.
Cependant, cet expert n’est pas intervenu dans le cadre de l’obligation de mise en garde incombant à la banque, et aucune disposition légale ni jurisprudentielle ne vient affirmer que la présence d’un expert-comptable peut pallier l’absence de FISE au contrat de prêt.
En conséquence, la déchéance du droit aux intérêts contractuels sera prononcée, rendant la SCI redevable du seul capital emprunté.
La fluctuation des taux d’intérêts entre la date de signature du contrat et la présente décision rendrait la sanction inopérante si les intérêts au taux légal devaient s’appliquer sur les sommes restant dues.
Aussi, les sommes dues ne produiront qu’un intérêt fixé à 1% l’an.
Sur le montant de la créance révisé au regard de la déchéance du droit aux intérêts contractuels :
L’article L. 341-47 du code de la consommation dispose : « Lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues à la présente section, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû. »
Il n’est pas contesté que la SCI X. a procédé au règlement de la somme de 75.000 € suite à la vente d’un terrain.
Il n’est pas davantage contesté que la SCI a remboursé, au titre des intérêts, avant la suspension du paiement des échéances et l’arrêt des paiements, la somme de 12.942,58 € suivant décompte établi par la banque le 30 janvier 2025, lesquels ont produit 2.802,09 € d’intérêts au taux légal.
La banque ayant été déchue de son droit à intérêts, ces sommes d’ores et déjà réglées s’imputent sur le capital restant dû et plus précisément entrent en compensation avec les sommes échues et impayées réclamées par la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL [Localité 8] 31.
Or, ces sommes, dont les intérêts contractuels ont été soustraits, ne se portent plus à hauteur de 22.745,52 €, mais désormais à 14.716,32 €.
Il en découle que la SCI X. peut se prévaloir du remboursement de 15.744,67 € d’intérêts contractuels et légaux, dont la banque est désormais déchue, mais qui viennent en compensation des impayés échus, eux aussi exemptés d’intérêts, soit une somme supérieure aux 14.716,32 € de mensualités échues.
En conséquence, le CRÉDIT AGRICOLE ne peut faire valoir ni déchéance régulière du terme, ni créance liquide certaine et exigible.
En conséquence, la nullité du commandement de payer sera ordonnée ainsi que la mainlevée de ce commandement de payer et de tous les actes subséquents.
Sur les demandes annexes :
Au regard de la nature de l’affaire, de son contexte et de la durée du contentieux, il convient de condamner le CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL [Localité 8] 31 à la somme de 2.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La banque sera tenue des entiers dépens, en ce compris les frais de commissaire de justice.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
Le Juge de l’Exécution, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
PRONONCE le caractère non écrit de la clause résolutoire du terme insérée au contrat de prêt immobilier signé le 28 févier 2019 entre la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE 31 et la SCI X. ;
PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêt consenti le 28 février 2019 par la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE 31 à la SCI X. ;
PRECISE que les sommes dues ne produiront aucun intérêt afin de rendre la sanction effective au regard de l’augmentation des taux d’intérêts depuis lors ;
PRONONCE la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière signifié à la SCI X. le 10 septembre 2024 à l’initiative de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE 31, ainsi que celle de tous les acstes subséquents ;
ORDONNE la mainlevée de la procédure immobilière en découlant ;
CONDAMNE la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL [Localité 8] 31 à verser à la SCI X. la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Ainsi rédigé et jugé par Mme Sophie SÉLOSSE, Juge de l’Exécution, assistée de Mme Cristelle DOUSSIN GALY, Greffier
Jugement prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2025, et suivent les signatures.
Le Greffier Le Juge de l’Exécution