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TJ VERSAILLES (2e ch.), 13 juin 2025

Nature : Décision
Titre : TJ VERSAILLES (2e ch.), 13 juin 2025
Pays : France
Juridiction : T. jud. Versailles
Demande : 23/03625
Date : 13/06/2025
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 26/06/2023
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24072

TJ VERSAILLES (2e ch.), 13 juin 2025 : RG n° 23/03625

Publication : Judilibre

 

Extrait : « La liquidation amiable d’une société impose l’apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant, jusqu’au terme des procédures en cours, être garanties par une provision. En l’absence d’actif social suffisant pour répondre du montant des condamnations éventuellement prononcées à l’encontre de la société, il appartient au liquidateur amiable de différer la clôture de la liquidation et de solliciter, le cas échéant, l’ouverture d’une procédure collective contre la société.

En l'espèce, il résulte du procès-verbal des décisions de l'associé unique produit que Monsieur X. a procédé à la clôture des opérations de liquidation amiable de la SCP X. à la date du 30 juin 2021. Or, il est constant qu'à cette date, la procédure en recouvrement de créance engagée devant le tribunal judiciaire de Pontoise par la SAS GRENKE LOCATION à l'encontre de la SCP en liquidation amiable représentée par Monsieur X., son liquidateur, était en cours. Monsieur X. ne conteste pas avoir procédé à la clôture des opérations de liquidation en connaissance de la créance litigieuse, sa faute ayant dès lors consisté, au vu des comptes annexés au procès-verbal du 30 juin 2021 faisant ressortir une situation nette comptable de 1.530 euros, à ne pas avoir différé la clôture de la liquidation afin de solliciter l’ouverture d’une procédure collective à défaut de pouvoir provisionner la créance faute d’actif suffisant.

Monsieur X. ne peut s'exonérer de sa faute en prétendant que son refus de régler la créance de la SAS GRENKE LOCATION était justifié par le caractère abusif de certaines clauses des contrats souscrits par la SCP, ce dont il n'était pas en droit de préjuger, l'instance en cours ayant précisément pour objet de déterminer le principe et l'étendue de la créance réclamée. La faute commise par le liquidateur, ayant consisté à ne pas se préoccuper de la condamnation susceptible d’être prononcée à l’encontre de la SCP X. est ainsi caractérisée.

Il est manifeste, en l'état des comptes de la SCP X., que la SAS GRENKE LOCATION ne pouvait espérer obtenir le paiement de l'intégralité de sa créance. Le préjudice est donc limité à la somme de 1.530 euros correspondant au disponible à la clôture de la liquidation, en l'absence de créanciers concurrents identifiés comme tels par Monsieur X. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

DEUXIÈME CHAMBRE

JUGEMENT DU 13 JUIN 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/03625. N° Portalis DB22-W-B7H-RM6B.

 

DEMANDERESSE :

La SAS GRENKE LOCATION

Société par actions simplifiée, ayant son siège social sis [Adresse 2], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de [Localité 3], sous le numéro XXX, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège, représentée par Maître Elisabeth AFONSO-FERNANDES, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, Maître Thierry COUMES, avocat au barreau de SARREGUEMINES, avocat plaidant

DÉFENDEUR :

Monsieur X.

demeurant [Adresse 1], représenté par Maître Oriane DONTOT de l’AARPI JRF AVOCATS, avocats au barreau de VERSAILLES, avocats postulant, Maître Gilles-Jean PORTEJOIE de la SCP D’AVOCATS PORTEJOIE, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocats plaidant

 

ACTE INITIAL du 23 juin 2023 reçu au greffe le 26 juin 2023.

DÉBATS : A l'audience publique tenue le 8 avril 2025, Madame LUNVEN, Vice-Présidente, siégeant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du Code de Procédure Civile, assistée de Madame SOUMAHORO, Greffier, l’affaire a été mise en délibéré au 13 juin 2025.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SCP X. a conclu, les 23 janvier 2015 et 1er décembre 2017, deux contrats de location longue durée de matériel bureautique, téléphone et informatique avec la SAS GRENKE LOCATION.

La SCP X. a fait l’objet d’une dissolution anticipée et d'une liquidation amiable à compter du 24 septembre 2018, Monsieur X. ayant été nommé en qualité de liquidateur.

La SAS GRENKE LOCATION a fait assigner en paiement la SCP X., prise en la personne de son liquidateur amiable, Monsieur X., par exploit d’huissier en date du 23 avril 2020 devant le tribunal judiciaire de Pontoise.

La SCP X. a été condamnée, par jugement du 9 novembre 2021, à payer à la SAS GRENKE LOCATION la somme de 101.695,05 euros, outre 300 euros au titre de frais administratifs, 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

La SAS GRENKE LOCATION reprochant à Monsieur X. d'avoir pris la décision en cours de procédure de clôturer la liquidation amiable de la SCP sans tenir compte de sa créance l'a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Versailles, par acte de commissaire de justice du 23 juin 2023, aux fins d'obtenir réparation de son préjudice.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le13 février 2024, la SAS GRENKE LOCATION demande au tribunal de :

Vu les dispositions de l’article L. 237-12 du Code de Commerce,

Vu les dispositions de l’article 1844-8 du Code Civil,

Vu les dispositions des articles 1382 ancien du Code Civil et de l’article 1353 nouveau du Code Civil,

JUGER la demande recevable et bien fondée et, en conséquence :

REJETER toutes fins, conclusions et demandes du défendeur,

CONDAMNER Monsieur X. à payer à la société GRENKE LOCATION les sommes suivantes :

- 110.672,25 euros, outre intérêts légaux sur le principal dû, à savoir 101.695,05 euros, à compter du 9 juin 2023

- 391,78 euros au titre des frais administratifs, intérêts légaux en sus sur la somme de 360 euros à compter du 9 juin 2023

- 2.173,84 euros au titre de l’article 700 du CPC, intérêts légaux en sus sur la somme de 2.000 euros à compter du 9 juin 2023

CONDAMNER Monsieur X. à payer à la société GRENKE LOCATION la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER Monsieur X. aux entiers frais et dépens de l’instance,

RAPPELER que la décision à intervenir sera assortie de l’exécution provisoire de plein droit,

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 11 juin 2024, Monsieur X. demande au tribunal de :

Vu les dispositions de l’article L. 212-1 du code de la consommation,

Vu les dispositions des articles 1171 et 1382 du code civil,

Vu les dispositions de l’article 1844-8 du code civil,

- JUGER que la responsabilité de X., es qualité de liquidateur amiable de la SCP X., ne peut être engagée compte tenu de la faute et de l’attitude dolosive de de la société GRENKE LOCATION,

- REJETER les demandes, fins et conclusions de la société GRENKE LOCATION.

[*]

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties quant à l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 décembre 2024. L'affaire a été fixée pour plaider le 8 avril 2025 et a été mise en délibéré au 13 juin 2025 par mise à disposition au greffe.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la responsabilité du liquidateur amiable :

La SAS GRENKE LOCATION met en cause la responsabilité de Monsieur X., en sa qualité de liquidateur de la SCP X.

Elle fait valoir que Monsieur X. avait connaissance de la créance omise puisqu’il a été rendu destinataire, en sa qualité de gérant et d’associé unique, des mises en demeure adressées à la SCP X. et qu’il a constitué avocat dans le cadre de la procédure judiciaire qui lui a été dénoncée en sa qualité de liquidateur amiable de la SCP X.

Elle indique justifier d'un préjudice correspondant aux condamnations prononcées à l'égard de la SCP X., prise en la personne de son liquidateur amiable, par le jugement du 9 novembre 2021.

Elle considère que Monsieur X. est fautif pour avoir clôturé les opérations de liquidation de la SCP sans avoir constitué de provision pour créance litigieuse alors que la procédure judiciaire était toujours pendante au moment de la clôture de la liquidation puisque les débats ont eu lieu le 21 septembre 2021 pour un délibéré au 9 novembre 2021.

Elle ajoute que le lien causalité entre la faute de Monsieur X. et son préjudice est établi dès lors qu'elle n’a pu être désintéressée de sa créance à raison de l’absence de constitution de provision par ce dernier.

En réponse à l'argumentation de Monsieur X., la SAS GRENKE LOCATION conteste l'applicabilité des dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives, les contrats litigieux ayant été conclus pour les besoins de l'activité de la SCP X. et donc à des fins professionnelles. Elle ajoute que l'article 1171 du code civil entré en vigueur à compter le 1er octobre 2016 n'est pas applicable au premier des deux contrats souscrits par la SCP X.

Elle relève que la qualification par le défendeur de clause abusive repose uniquement sur les dispositions du code de la consommation inapplicables en l'espèce ; que l'article 10 prévoyant la résolution du contrat de plein droit à la seule initiative du bailleur se justifiant par la nature des obligations auxquelles sont respectivement tenues les parties n'est pas abusive; que l'article 11 visant à contraindre le locataire à indemniser le bailleur du préjudice qu'il subit par suite de la résiliation du contrat pour défaut de paiement des loyers n'est pas non plus considérée comme abusive par la jurisprudence.

Elle souligne que sa créance a été fixée par le jugement du tribunal judiciaire de Pontoise du 9 novembre 2021 qui est définitif et a autorité de chose jugée ; que le défendeur ne peut pas s'exonérer de sa faute consistant à ne pas avoir constitué de provision au titre de la créance litigieuse avant de clôturer la liquidation amiable en affirmant que c'est à bon droit qu'il n'a pas entendu exécuter les clauses abusives contenues dans les contrats litigieux.

Monsieur X. souligne, à titre liminaire, que sa responsabilité ne peut être recherchée sur le fondement de l'article L. 237-12 du code de commerce mais sur le fondement de l'article 1382 du code civil, au regard de sa qualité de liquidateur d'une société civile relevant de l'article 1844-8 du code civil.

Monsieur X. demande à voir sa responsabilité écartée en raison du caractère abusif des clauses des contrats sur lesquels la SAS GRENKE LOCATION a entendu établir ses créances et de la faute ainsi commise par la demanderesse.

Il soutient que la jurisprudence établie au visa de l'article 212-1 du code de la consommation peut être opposée à la SAS GRENKE LOCATION dès lors que la cour de cassation a étendu, sur le fondement de l'article 1171 du code civil, la sanction des clauses abusives aux contrats conclus entre professionnels ; que sa responsabilité est toutefois recherchée en tant que liquidateur amiable et non pas en tant professionnel justifiant l'application des dispositions du code de la consommation.

Il dénonce le caractère abusif de des clauses imposant au locataire, pour toute rupture anticipée du contrat, même sans manquement de sa part, le paiement de toutes les sommes dues jusqu'au terme du contrat ainsi qu'une pénalité de 10 % égale à ces sommes, à titre d'indemnité de résiliation. Il fait valoir que la clause litigieuse prévue à l'article 11 a pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et que cette clause équivaut à une clause pénale lorsque la résiliation fait suite à un manquement du locataire, cette indemnité qui ne tient pas compte des loyers versés, du moment où survient la résiliation, de la durée d'utilisation du matériel et de sa valeur de revente étant manifestement disproportionnée.

Monsieur X. considère que sa faute n'est pas établie dès lors que c'est à bon droit qu'il n'a pas entendu exécuter les clauses abusives contenues dans les contrats litigieux.

***

Suivant l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La responsabilité d’une personne investie de la qualité de liquidateur d’une société civile, à raison des fautes commises par elle dans l’exercice de ses fonctions, relève de la responsabilité civile de droit commun, telle qu’elle résulte de ces dispositions.

Il appartient au demandeur de rapporter la preuve de la faute qu’il impute à celui contre lequel il agit, mais également d’un préjudice en lien avec cette faute.

La liquidation amiable d’une société impose l’apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant, jusqu’au terme des procédures en cours, être garanties par une provision. En l’absence d’actif social suffisant pour répondre du montant des condamnations éventuellement prononcées à l’encontre de la société, il appartient au liquidateur amiable de différer la clôture de la liquidation et de solliciter, le cas échéant, l’ouverture d’une procédure collective contre la société.

En l'espèce, il résulte du procès-verbal des décisions de l'associé unique produit que Monsieur X. a procédé à la clôture des opérations de liquidation amiable de la SCP X. à la date du 30 juin 2021. Or, il est constant qu'à cette date, la procédure en recouvrement de créance engagée devant le tribunal judiciaire de Pontoise par la SAS GRENKE LOCATION à l'encontre de la SCP en liquidation amiable représentée par Monsieur X., son liquidateur, était en cours.

Monsieur X. ne conteste pas avoir procédé à la clôture des opérations de liquidation en connaissance de la créance litigieuse, sa faute ayant dès lors consisté, au vu des comptes annexés au procès-verbal du 30 juin 2021 faisant ressortir une situation nette comptable de 1.530 euros, à ne pas avoir différé la clôture de la liquidation afin de solliciter l’ouverture d’une procédure collective à défaut de pouvoir provisionner la créance faute d’actif suffisant.

Monsieur X. ne peut s'exonérer de sa faute en prétendant que son refus de régler la créance de la SAS GRENKE LOCATION était justifié par le caractère abusif de certaines clauses des contrats souscrits par la SCP, ce dont il n'était pas en droit de préjuger, l'instance en cours ayant précisément pour objet de déterminer le principe et l'étendue de la créance réclamée.

La faute commise par le liquidateur, ayant consisté à ne pas se préoccuper de la condamnation susceptible d’être prononcée à l’encontre de la SCP X. est ainsi caractérisée.

Il est manifeste, en l'état des comptes de la SCP X., que la SAS GRENKE LOCATION ne pouvait espérer obtenir le paiement de l'intégralité de sa créance.

Le préjudice est donc limité à la somme de 1.530 euros correspondant au disponible à la clôture de la liquidation, en l'absence de créanciers concurrents identifiés comme tels par Monsieur X..

Monsieur X. sera donc condamné à payer à la SAS GRENKE LOCATION la somme de 1.530 euros à titre de dommages et intérêts.

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Monsieur X. succombant à l'instance, il sera condamné au paiement des dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas de faire droit à la demande de la SA GRENKE LOCATION au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle en sera déboutée.

 

Sur l’exécution provisoire :

Enfin, il sera rappelé que selon les dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Le présent jugement est donc assorti de l'exécution provisoire de plein droit.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal statuant par jugement contradictoire rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE Monsieur X. à payer à la SAS GRENKE LOCATION la somme de 1.530 euros à titre de dommages et intérêts,

DÉBOUTE la SAS GRENKE LOCATION de ses demandes plus amples ou contraires, en ce compris celle au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE Monsieur X. aux dépens,

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit,

Jugement prononcé par mise à disposition au greffe le 13 JUIN 2025 par Madame LUNVEN, Vice-Présidente, siégeant en qualité de Juge Unique, assistée de Madame SOUMAHORO, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIER                                            LE PRÉSIDENT