CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 16 juin 2025
- T. com. Paris, 5 décembre 2022 : RG n° 2021014024
CERCLAB - DOCUMENT N° 24086
CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 16 juin 2025 : RG n° 23/01364
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Pour que le contrat soit soumis au droit de la consommation, il faut qu'il ait été conclu hors établissement, simultanément par les parties, alors que le professionnel n'emploie pas plus de cinq salariés et que l'objet du contrat conclu par le professionnel sollicité n'entre pas dans le champ de son activité principale.
En l'espèce, la société Earcare est spécialisée dans la recherche, le développement et la vente de matériel auditif médical et notamment de prothèses auditives. Les contrats portant sur des services et du matériel téléphonique et d'accès à internet n'entrent donc pas dans le champ de son activité principale
Il résulte de l'attestation de l'expert-comptable en date du 21 mai 2021 produite par la société Earcare (pièce n° 20) que la société Earcare comptait, au 18 septembre 2018, 1 salarié. La production des cotisations agrégés URSSAF pour le mois de septembre 2018 (pièce n° 21) et l'état des charges sociales pour cette même période (pièce n° 22) confirment cet élément de fait.
Le fait que la société Earcare indique, dans la lettre d'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer, employer 6 salariées ne saurait rapporter la preuve contraire dès lors que la date du courrier d'opposition, soit le 11 février 2021, n'est pas contemporaine de la date de signature du contrat le 18 septembre 2018 et que le nombre de salariés a pu augmenter au cours de la période écoulée. Le courrier invoqué par la société Leasecom qu'aurait adressé la société Earcare à la société Paritel le 28 août 2019 mentionné comme une pièce adverse ne figure pas parmi les pièces communiquées par la société Earcare,
L'ensemble des contrats conclus entre la société Paritel, la société Earcare et la société Viatelease dénommée « mandataire/loueur » a été signé à [Localité 12] lieu du siège social de la société Earcare, soit hors établissement. Le fait que la société Leasecom ait signé le contrat à [Localité 9] (et non pas d'ailleurs à [Localité 11] lieu de son siège social) n'est pas de nature à exclure la simultanéité exigée par l'article L. 221-1 du code de la consommation dès lors qu'elle n'intervient qu'en qualité de cessionnaire du contrat initialement signé par la société Viatelease.
Il sera précisé, à toutes fins utiles, qu'il n'existe pas de pièce n° 27 parmi les pièces produites par la société Earcare, le bordereau de communication de pièces de cette dernière précisant « pièce n° 27 Sans objet ».
Il sera ajouté que la cour d'appel n'est pas tenue par le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris dans l'affaire opposant la société Earcare aux sociétés Viatelase et Paritel en l'absence d'identité des parties, le présent litige opposant la société Earcare à la société Leasecom.
Le contrat conclu entre la société Earcare et la société Leasecom est donc soumis aux dispositions du code de la consommation visées à l'article L. 221-3 de ce code. »
2/ « L'article L. 221-9 du code de consommation dispose que « Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement (...). Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5 (...) Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5 » L'article L. 242-1 dispose que « Les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement. »
En l'espèce, il est établi qu'aucune information sur le droit à rétractation ni formulaire type de rétractation n'ont été fournis à la société Earcare de sorte qu'il convient de prononcer la nullité du contrat de location financière.
La société Leascom n'invoque pas la confirmation de la nullité du contrat mais soutient que la société Earcare a exécuté le contrat et n'a jamais exprimé vouloir se rétracter de ce contrat librement conclu. Or, il n'est pas établi que la société Earcare avait une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation des dispositions du code de la consommation de sorte qu'il n'est pas établi qu'elle ait confirmé tacitement de celui-ci. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 10
ARRÊT DU 16 JUIN 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/01364 (12 pages). N° Portalis 35L7-V-B7H-CG667. Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 décembre 2022 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2021014024.
APPELANTE :
SARL EARCARE DEVELOPPEMENT
[Adresse 1], [Localité 3], N° SIRET : XXX, Représentée par Maître Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09
INTIMÉE :
SAS LEASECOM
[Adresse 6], [Adresse 2], [Localité 4], N° SIRET YYY, Représentée par Maître Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mars 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Christine SIMON-ROSSENTHAL, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Christine SIMON-ROSSENTHAL, présidente de chambre, M. Xavier BLANC, président, Mme Solène LORANS, conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Sonia JHALLI
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Christine SIMON-ROSSENTHAL, présidente de chambre et par Sonia JHALLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
La SARL Earcare Developpement (ci-après dénommée Earcare) est une société établie à [Localité 13], spécialisée dans la fabrication de prothèses auditives.
Le 18 septembre 2018, un bon de commande portant sur du matériel de téléphonie a été signé entre la société Earcare et la société Paritel Opérateur (ci-après dénommée Paritel).
Le même jour, il a été conclu un contrat dénommé « contrats de services » entre la société Earcare et la société Paritel.
Toujours le même jour, la société Earcare désigné comme « le client/locataire » a signé avec la société Viatelease désignée comme « mandataire/loueur » un contrat de location concernant le matériel de communication fourni par la société Paritel, prévoyant 21 loyers de 405 euros HT « dont maintenance/prestation ». Ce contrat mentionne que mandat est donné à la société Viatelease à l'effet de conclure un contrat de location longue durée pour le matériel désigné au bon de commande. Le contrat a été signé par les sociétés Paritel et Earcare.
C'est ainsi que le 31 janvier 2019, la société Leasecom a apposé sa signature sur le contrat en qualité de « bailleur/cessionnaire ».
Par courrier adressé à la société Paritel le 4 septembre 2019 ayant pour objet « demande de résiliation », la société Earcare a fait part de son intention de transmettre le dossier à son conseil juridique et mettre en suspens les deux prélèvements prévus au mois de septembre compte tenu de l'impossibilité de Paritel de fournir la prestation prévue au contrat. Elle a demandé à la société Paritel de prendre note de sa décision et a sollicité « le remboursement des frais engagés, de la caution » et « des dédommagements des préjudices subis », les demandes devant être lui adressées ultérieurement.
Copie de cette lettre a été adressée à la société Leasecom le même jour, la société Earcare informant cette dernière de la suspension des prochains prélèvements.
Par courrier du 30 octobre 2020, la société Leasecom a mis en demeure la société Earcare de régler la somme de 2 561,68 euros au titre des loyers échus dans le délai de huit jours à compter de la réception du courrier, sous peine de résiliation du contrat.
La société Leasecom a obtenu du président du tribunal de commerce de Nîmes, une ordonnance en date du 2 décembre 2020, enjoignant à la SARL Earcare Development de payer à la SAS Leasecom :
« En denier ou quittances valables,
- la somme de 2 430 € en principal au titre des loyers échus impayés avant la résiliation selon mise en demeure en date du 30/10/2020, le surplus de la demande étant rejeté la société demanderesse ne justifiant pas le bien-fondé de celle-ci
- la somme de 5 670 € en principal au titre des loyers échus suite à la résiliation,
- la somme de 567,00 € au titre de l'indemnité contractuelle de 10%, selon CGV
- la somme de 400 € en application de l'article 700 du code de procédure civile est ramené à zéro
- Les intérêts au taux contractuel (taux légal majoré de 5%) à compter du 11/11/2020 pour mémoire,
- La somme de 5,30 € au titre des frais accessoires. »
L'ordonnance portant injonction de payer a été signifiée en date du 14 janvier 2021
Par lettre recommandée datée du 11 février 2021 et expédiée le lendemain 12 février 2021, la société Earcare a formé opposition à l'encontre de l'ordonnance portant injonction de payer, devant le tribunal de commerce de Nîmes.
Par courrier daté du 16 février 2021, le greffe du tribunal de commerce de Nîmes a accusé réception du courrier d'opposition et dressé un PV de réception de l'opposition.
Le tribunal de commerce de Nîmes s'est dessaisi au profit du tribunal de commerce de Paris.
Par assignation en intervention forcée signifiée le 31 mai 2021, la société Earcare a mis dans la cause les sociétés Paritel et Viatelease.
En date du 5 décembre 2022, deux jugements distincts ont été rendus :
- un jugement opposant la société Earcare à Leasecom (RG n° 2021014024)
- un jugement opposant la société Earcare aux sociétés Paritel et Viatelease (RG n° 2021027523).
Par jugement dans l'affaire opposant la société Earcare à la société Leasecom, le tribunal de commerce de Paris a statué comme suit :
« Le tribunal statuant publiquement, en premier ressort par jugement contradictoire, se substituant à l'ordonnance portant injonction de payer du 2 décembre 2020 :
« Dit irrecevable l'opposition à injonction de payer formée par la Société EARCARE DEVELOPPEMENT SARL à l'encontre de l'ordonnance du 2 décembre 2020 rendue par le Président du tribunal de commerce de Nîmes et que celle-ci retrouve son plein et entier effet,
Déboute la Société EARCARE DEVELOPPEMENT SARL de l'ensemble de ses demandes,
Condamne la société EARCARE DEVELOPPEMENT SARL à payer à la SAS LEASECOM la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du CPC,
Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,
Déboute la société EARCARE DEVELOPPEMENT SARL de ses autres demandes plus amples ou contraires au dispositif,
Condamne la société EARCARE DEVELOPPEMENT SARL aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 euros dont 11,60 euros de TVA. ».
Par déclaration en date du 9 janvier 2023, la société Earcare a interjeté appel à l'encontre de ce jugement. L'affaire a été enrôlée sous le n° de RG 23/01364.
Par jugement dans l'affaire opposant Earcare aux sociétés Paritel et Viatelease, le tribunal de commerce a statué comme suit :
« DEBOUTE la Société EARCARE DEVELOPPEMNT SARL de l'ensemble de ses demandes,
Condamne la Société EARCARE DEVELOPPEMENT SARL à payer à la SAS PARITEL OPERATEUR la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du CPC,
Condamne la Société EARCARE DEVELOPPEMENT SARL à payer à la SAS VIATELEASE la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du CPC,
Déboute la société EARCARE DEVELOPPEMENT SARL de ses autres demandes plus amples ou contraires au dispositif,
Condamne la société EARCARE DEVELOPPEMENT SARL aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 90,83 euros dont 14,94 euros de TVA. »
Par déclaration en date du 13 janvier 2023, la société Earcare a interjeté appel à l'encontre de ce jugement. L'appel étant enrôlé sous le n° 23/01684. Il été déclaré irrecevable par ordonnance du conseiller de la mise en état du 9 novembre 2023, confirmée par arrêt de la cour d'appel du 8 mars 2024.
[*]
Par dernières conclusions signifiées le 21 novembre 2024, la société Earcare Developpement demande à la cour de :
« Vu la jurisprudence de la Cour de cassation sur la nullité des jugements entachés d'excès de Pouvoir, Vu les articles L. 221-1, L. 221-3, L. 221-9, L. 221-5, L. 111-1, L. 112-4, L. 221-7, L. 221-20, L. 221-1, L. 221-27 et L. 242-1 du code de la consommation, Vu la jurisprudence de la Cour de cassation sur la notion de champ de l'activité principale,
- Annuler le jugement dont appel, ou à défaut le réformer dans toutes ses dispositions et dans la limite de la dévolution,
- Déclarer recevable l'opposition formée par la société EARCARE DEVELOPPEMENT ARL (ci-après dénommée « la société EARCARE »,
- Statuer sur le fond en ces termes :
A TITRE PRINCIPAL
- Annuler le contrat de mandat de recherche de bailleur cédé à la société LEASECOM,
- Débouter la société LEASECOM de l'intégralité de ses demandes,
- Condamner la société LEASECOM à restituer à la société EARCARE, la somme de 695,27 €, avec intérêts au taux légal et capitalisation.
PREMIER NIVEAU DE SUBSIDIARITÉ
- déclarer que le contrat de mandat de recherche de bailleur entre les sociétés EARCARE et VIATELEASE n'est pas valablement formé en l'absence d'acceptation de la société VIATELEASE,
À défaut,
- déclarer que la société VIATELEASE a agi au-delà de son mandat en contractant avec la société LEASECOM qui n'est pas un établissement financier,
- Dans les deux cas de figure,
- déclarer que la société LEASECOM n'a pas la qualité de bailleur vis-à-vis de la société EARCARE,
- débouter la société LEASECOM de l'intégralité de ses demandes,
- condamner la société LEASECOM à restituer à la société EARCARE la somme de 695,27€, avec intérêts au taux légal et capitalisation.
EN TOUT ETAT DE CAUSE
- Condamner la société LEASECOM à verser à la société EARCARE la somme de 8.000€ pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel. »
[*]
Par conclusions signifiées le 17 mai 2023, la société Leasecom demande à la cour de :
« Vu le jugement prononcé le 5 décembre 2022 par le Tribunal de commerce de PARIS, Vu l'ordonnance portant injonction de payer rendue le 2 décembre 2020 par le Président du Tribunal de commerce de Nîmes, Vu l'article 1186 du Code civil, Vu les articles 1103 et 1104 du Code civil, Vu les dispositions du Code de la consommation, Vu l'ensemble des pièces versées aux débats,
- CONFIRMER en toutes ses dispositions le Jugement rendu le 5 décembre 2022 par le Tribunal de commerce de PARIS (RG : 2021014024) ;
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse de réformation du jugement sur la recevabilité de l'opposition à l'ordonnance portant injonction de payer en date du 2 décembre 2020 :
- DEBOUTER la SARL EARCARE DEVELOPPEMENT de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- RECEVOIR la SAS LEASECOM en ses demandes et la déclarer bien fondée ;
- JUGER acquise la résiliation du contrat de location à la date du 11 novembre 2020 ;
- CONDAMNER la SARL EARCARE DEVELOPPEMENT à verser à la SAS LEASECOM, la somme de 2.430 € TTC correspondant au règlement de l'arriéré des 5 loyers échus avant la résiliation du contrat, sur la période du 01/10/19 au 01/10/20 486 € TTC x 5 loyers), augmentée du taux d'intérêt légal ;
- CONDAMNER la SARL EARCARE DEVELOPPEMENT à verser à la SAS LEASECOM, la somme de 6.237 € correspondant à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat (soit 14 loyers HT), outre une majoration contractuellement prévue de 10%, augmentée du taux d'intérêt légal ;
- ORDONNER à la SARL EARCARE DEVELOPPEMENT de procéder à la restitution du matériel, et ce, en application de la loi du 9 juillet 1991, à l'adresse suivante : [Adresse 7] [Adresse 10] [Adresse 5] ;
- ORDONNER l'anatocisme ;
A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour ferait droit aux demandes de la SARL EARCARE DEVELOPPEMENT, en ce compris sa demande de jonction entre la présente instance (RG n°23/01364) et l'instance enrôlée sous le RG n°23/01684 :
- CONDAMNER la SAS VIATELEASE au remboursement du matériel dont le montant s'élève à la somme de 8.778,78 €, majorée des intérêts à compter du jugement à intervenir ;
- CONDAMNER la SAS VIATELEASE à garantir la SAS LEASECOM, de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
En tout état de cause :
- CONDAMNER la SARL EARCARE DEVELOPPEMENT à régler à la SAS LEASECOM la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
- CONDAMNER la SARL EARCARE DEVELOPPEMENT aux entiers dépens. »
[*]
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 janvier 2025.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Sur la demande de nullité du jugement et la recevabilité de l'opposition :
La société Earcare expose qu'elle a demandé en première instance que l'affaire soit plaidée devant la formation collégiale comme le permet l'article 817 du code de procédure civile et que le juge chargé de la mise en état s'y est opposé au motif que la demande était formulée tardivement au regard de la convention entre le barreau de Paris et le tribunal de commerce ; qu'elle a répondu que les dispositions d'une convention locale entre un barreau et une juridiction, ne pouvaient porter atteinte aux règles de procédure civile applicables devant cette juridiction et que, dans une procédure orale, chaque partie pouvait, jusqu'au jour de l'audience, s'opposer à ce que l'affaire soit plaidée devant un juge unique et demander le jugement par la formation collégiale ; que le juge chargé de la mise en état a répondu par écrit pour dire que l'audience se tiendrait devant lui et non devant la formation collégiale, en menaçant de rendre une décision arbitraire dont la société Earcare devrait faire appel ; qu'elle a informé le président du tribunal de commerce de Paris de l'attitude du juge chargé de la mise en état ; que ce dernier a téléphoné au conseil de la société Earcare pour apaiser les tensions et que par suite, elle a accepté que la plaidoirie se déroule devant le juge chargé de la mise en état.
Elle soutient que le juge a mis en exécution ses menaces dans la mesure où il a dénaturé les éléments factuels du dossier pour parvenir à déclarer irrecevable l'opposition qu'elle a formée et commis un excès de pouvoir et une violation manifeste des principes déontologiques gouvernant l'exercice de sa profession dès lors qu'il a considéré que la société Earcare s'était rendue au greffe du tribunal de commerce de Nîmes le 16 février 2021, pour former opposition, 2 jours après l'expiration du délai d'opposition alors que l'ordonnance portant injonction de payer avait été signifiée à la société Earcare le 14 janvier 2021 ; qu'en application des articles 1415 et 1416 du code de procédure civile, l'opposition peut être faite par courrier recommandé dans le délai d'un mois ; que c'est par un courrier recommandé rédigé le 11 février 2021 et expédié par voie postale le 12 février 2021 soit à l'intérieur du délai d'opposition, que la société Earcare a formé opposition à l'encontre de l'ordonnance portant injonction de payer ; que par courrier daté du 16 février 2021, le greffe du tribunal de commerce de Nîmes a accusé réception du courrier d'opposition et dressé un PV de réception de l'opposition.
Elle sollicite l'annulation du jugement ou à défaut sa réformation et que son opposition soit déclarée recevable.
La société Leasecom fait valoir que le greffe du tribunal de commerce de Nîmes n'a reçu l'opposition que le 16 février 2021, soit plus d'un mois après sa signification le 14 janvier 2021 et qu'elle est donc irrecevable.
Elle sollicite la confirmation du jugement entrepris qui a déclaré irrecevable l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer formée par la société Earcare.
Réponse de la cour :
L'article 458 du code de procédure civile dispose que « Ce qui est prescrit aux articles 447,451, 454 en ce qui concerne la mention des noms des juges, 455 (alinéa 1) et 456 (alinéas 1 et 2) doit être observé à peine de nullité.
Toutefois aucune nullité ne pourra être ultérieurement soulevée ou relevée d'office pour inobservation des formes prescrites aux articles 451 et 452 si elle n'a pas été invoquée au moment du prononcé du jugement par de simples observations, dont il fait mention au registre d'audience. »
Ainsi ne sont prescrites à peine de nullité, les dispositions relatives régissant la rédaction des jugements ou leur prononcé.
En l'espèce, le non-respect des dispositions, non pas de l'article 817 du code de procédure civile comme invoqué par la société Earcare, mais de l'article 871 qui dispose que « Le juge chargé d'instruire l'affaire peut également, si les parties ne s'y opposent pas tenir seul l'audience pour entendre les plaidoiries » et « en rendre compte au tribunal dans son délibéré », n'est pas de nature à entrainer la nullité du jugement rendu.
Il est précisé qu'il résulte du message adressé par le juge chargé d'instruire le dossier en première instance au conseil de la société Earcare (pièce n° 14 produite par Earcare) que celui-ci indique « Aussi si votre contradicteur, qui ne s'est toujours pas exprimé, à ma connaissance, souhaite que l'affaire soit plaidée le 10 novembre prochain, elle le sera. Il vous sera ensuite loisible de saisi la juridiction d'appel sur ce point ou d'autres à votre convenance ».
Or, ce message ne constitue pas, contrairement à ce que soutient la société Earcare, la menace de rendre une décision arbitraire mais simplement un refus du magistrat de faire droit à la demande de collégialité et la possibilité pour la société Earcare de faire appel de sa décision. L'éventuelle erreur de droit qu'aurait commise le tribunal en déclarant irrecevable l'opposition formée par la société Earcare ne peut pas constituer la réalisation de la menace alléguée.
Il est ajouté que la société Earcare indique qu'elle a finalement accepté de plaider le dossier devant le juge unique. Le jugement mentionne qu'en application des dispositions de l'article 871 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 novembre 2022, en audience publique, devant le juge chargé d'instruire l'affaire, les représentants des parties ne s'y étant pas opposés et que ce juge a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré du tribunal.
S'agissant de la recevabilité de l'opposition formée par la société Earcare, il est rappelé qu'en application de l'article 1415 du code de procédure civile, l'opposition à une ordonnance portant injonction de payer peut être formée au greffe du tribunal devant la juridiction dont le juge ou le président a rendu l'ordonnance par lettre recommandée avec accusé de réception
En application de l'article 1416, l'opposition doit être formée dans le mois qui suit la signification à personne de l'ordonnance.
La date à laquelle l'opposition a été formée est celle de l'expédition de la lettre recommandée et non celle de l'enregistrement de l'opposition par le greffe.
En l'espèce, il n'est pas contesté que l'ordonnance portant injonction de payer a été signifiée à l'encontre de la société Earcare le 14 janvier 2021.
La société Earcare justifie de l'envoi de son opposition le 12 février 2021 par le document intitulé « preuve de dépôt » établi par les services de La Poste (pièce Earcare n° 11) de sorte que l'opposition est recevable, le fait que le greffe du tribunal de commerce de Nîmes ait dressé procès-verbal de réception de l'opposition le 16 février 2021est inopérant.
Le jugement entrepris sera dès lors infirmé en ce qu'il a estimé l'opposition irrecevable, celle-ci étant recevable.
Sur la demande de nullité du contrat :
Sur l'application du code de la consommation :
La société Earcare fait valoir qu'elle est recevable à opposer à la société Leasecom les exceptions qu'elle aurait opposées aux sociétés Viatelease et Paritel en application de l'article 1216-2 du code civil et que l'article L. 221-3 du code de la consommation est applicable en l'espèce puisque conclu au siège de l'appelante qui a moins de 5 salariés, les contrats litigieux portant sur du matériel de téléphone et d'accès à internet non essentiels à son activité professionnelle de conception de prothèses auditives médicales.
La société Leasecom fait valoir qu'il n'est pas démontré que le contrat ait été signé en la présence simultanée des parties ce qui exclut l'application de l'article L. 221-1 du code de la consommation.
Elle s'interroge sur la valeur probante de l'attestation de l'expert-comptable de la société Earcare qui mentionne que cette dernière employait au 18 septembre 2018 un salarié alors que dans son courrier du 28 août 2019 adressé à la société Paritel, elle mentionnait 5 salariés et que dans son courrier d'opposition à injonction de payer, elle écrivait : « j'emploie aujourd'hui 6 personnes et l'activité offre également un emploi à 5 prestataires externes ».
Elle fait valoir que le seul critère pertinent pour déterminer si les contrats entrent bien dans le champ de l'activité principale du professionnel, doit être celui de l'utilité des prestations commandées pour l'exercice de l'activité principale du professionnel.
Elle fait valoir que la société Earcare ne peut se prévaloir du fait que la société Péritel lui aurait remis un bordereau de rétractation pour soutenir que les parties ont entendu se soumettre au droit de la consommation au motif que la pièce n° 27 seule sans contrat n'établit pas qu'elle aurait été communiquée et qu'en tout état de cause, le bordereau précise des conditions que la société Earcare ne remplit pas et qu'au surplus, il ne s'agit pas de documents contractuels liant la société Leasecom.
Elle invoque la motivation retenue par le tribunal de commerce dans l'affaire ayant opposé la société Earcare et les sociétés Viatelease et Paritel et qui a rejeté l'application de l'article L. 221-3 du code de la consommation.
Réponse de la cour
L'article L. 221-3 du code de la consommation dispose que « Les dispositions des sections II, III, IV du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. »
L'article L. 221-1 du code de la consommation dispose que :
« I Pour l'application du présent titre, sont considérés comme : (...)
2° contrat hors établissement : contrat conclu entre un professionnel et un consommateur :
a) Dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur (...) ».
Pour que le contrat soit soumis au droit de la consommation, il faut qu'il ait été conclu hors établissement, simultanément par les parties, alors que le professionnel n'emploie pas plus de cinq salariés et que l'objet du contrat conclu par le professionnel sollicité n'entre pas dans le champ de son activité principale.
En l'espèce, la société Earcare est spécialisée dans la recherche, le développement et la vente de matériel auditif médical et notamment de prothèses auditives.
Les contrats portant sur des services et du matériel téléphonique et d'accès à internet n'entrent donc pas dans le champ de son activité principale
Il résulte de l'attestation de l'expert-comptable en date du 21 mai 2021 produite par la société Earcare (pièce n° 20) que la société Earcare comptait, au 18 septembre 2018, 1 salarié. La production des cotisations agrégés URSSAF pour le mois de septembre 2018 (pièce n° 21) et l'état des charges sociales pour cette même période (pièce n° 22) confirment cet élément de fait.
Le fait que la société Earcare indique, dans la lettre d'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer, employer 6 salariées ne saurait rapporter la preuve contraire dès lors que la date du courrier d'opposition, soit le 11 février 2021, n'est pas contemporaine de la date de signature du contrat le 18 septembre 2018 et que le nombre de salariés a pu augmenter au cours de la période écoulée. Le courrier invoqué par la société Leasecom qu'aurait adressé la société Earcare à la société Paritel le 28 août 2019 mentionné comme une pièce adverse ne figure pas parmi les pièces communiquées par la société Earcare,
L'ensemble des contrats conclus entre la société Paritel, la société Earcare et la société Viatelease dénommée « mandataire/loueur » a été signé à [Localité 12] lieu du siège social de la société Earcare, soit hors établissement. Le fait que la société Leasecom ait signé le contrat à [Localité 9] (et non pas d'ailleurs à [Localité 11] lieu de son siège social) n'est pas de nature à exclure la simultanéité exigée par l'article L221-1 du code de la consommation dès lors qu'elle n'intervient qu'en qualité de cessionnaire du contrat initialement signé par la société Viatelease.
Il sera précisé, à toutes fins utiles, qu'il n'existe pas de pièce n° 27 parmi les pièces produites par la société Earcare, le bordereau de communication de pièces de cette dernière précisant « pièce n° 27 Sans objet ».
Il sera ajouté que la cour d'appel n'est pas tenue par le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris dans l'affaire opposant la société Earcare aux sociétés Viatelase et Paritel en l'absence d'identité des parties, le présent litige opposant la société Earcare à la société Leasecom.
Le contrat conclu entre la société Earcare et la société Leasecom est donc soumis aux dispositions du code de la consommation visées à l'article L. 221-3 de ce code.
Sur les causes de nullité :
La société Earcare soutient que la nullité des contrats est encourue pour :
- absence de remise de documents contractuels après leur signature,
- violation de l'obligation d'information sur le droit de rétractation ;
- violation de l'obligation sur le délai de livraison,
- violation de l'obligation d'information sur le total des coûts mensuels.
Elle fait valoir que lorsque le contrat est conclu hors établissement, et que l'information sur le droit de rétractation prévu par les articles L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation, est inexistante ou non conforme aux prescriptions de la loi, la nullité du contrat vient s'ajouter à la prolongation du délai initial de rétractation.
Elle fait valoir qu'il n'y a eu aucune confirmation de nullité dès lors que la preuve n'est pas rapportée ce qu'elle aurait eu connaissance des différents vices affectant le contrat et l'intention de les réparer.
La société Leasecom réplique que la société Earcare n'apporte pas la preuve de ses allégations et qu'elle produit elle-même les exemplaires des contrats qu'elle conteste ; qu'une sanction spécifique est prévue à l'article L221-20 du code de la consommation, que la sanction de l'absence d'information sur le droit à rétractation n'est pas la nullité du contrat mais, en application de l'article L. 221-2 la prorogation pendant 12 mois du délai de rétractation de 14 jours. Elle ajoute que l'absence de mention du droit de rétractation ne lui a pas causé grief dès lors qu'elle n'a jamais exprimé vouloir se rétracter.
Elle fait valoir qu'elle n'avait pas connaissance du contrat de maintenance ; qu'elle n'a fait que financer la location ; que le coût de location a été repris dans l'échéancier valant facture qui a été adressée à la société Earcare ; qu'il ne lui appartenait pas d'informer cette dernière des éventuels abonnements ou prestations de service qu'elle a souscrit auprès de la société Paritel.
Réponse de la cour
L'article L. 221-9 du code de consommation dispose que « Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement (...)
Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5 (...)
Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5 »
L'article L. 242-1 dispose que « Les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement. »
En l'espèce, il est établi qu'aucune information sur le droit à rétractation ni formulaire type de rétractation n'ont été fournis à la société Earcare de sorte qu'il convient de prononcer la nullité du contrat de location financière.
La société Leascom n'invoque pas la confirmation de la nullité du contrat mais soutient que la société Earcare a exécuté le contrat et n'a jamais exprimé vouloir se rétracter de ce contrat librement conclu.
Or, il n'est pas établi que la société Earcare avait une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation des dispositions du code de la consommation de sorte qu'il n'est pas établi qu'elle ait confirmé tacitement de celui-ci.
Sur les demandes en paiement de la société Earcare :
La société Earcare sollicite, dans le corps de ses écritures, la condamnation des sociétés Paritel et Leasecom à lui restituer les sommes de 4 299,35 euros et 695,27 euros.
Dans le dispositif de ses conclusions, elle ne sollicite que la condamnation de Leasecom à lui rembourser la somme de 695,27 euros.
Conformément à l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'est saisie que des prétentions figurant au dispositif des dernières écritures des parties, soit en l'espèce la demande en paiement formée à l'encontre de Leasecom à hauteur de la somme de 695,27 euros.
Il est précisé qu'en tout état de cause, la société Paritel n'est pas partie au présent litige.
La société Earcare ne justifie pas qu'elle ait réglé à Leasecom la somme de 695,27 euros, alors qu'il ressort du tableau d'amortissement produit par cette dernière que chaque mensualité s'élevait à la somme de 486 euros.
Ainsi, en l'état, la cour déboutera la société Earcare de sa demande en paiement.
Sur les demandes en paiement de la société Leasecom :
La nullité du contrat conduit à débouter la société Leasecom de ses demandes en paiement.
La société Leasecom sera également déboutée de sa demande de remboursement du matériel qu'elle a réglé à Viatelease à hauteur de 8 778,78 euros (facture Viatelease du 30.01.19 - pièce Leasecom n° 8).
Sur la demande en garantie formée par la société Leasecom :
La société Leasecom sera déboutée de sa demande en garantie formé à l'encontre de la société Viatelease qui n'est pas partie à la présente instance.
Sur la demande en restitution du matériel formée par Leasecom
L'annulation du contrat entraîne de plein droit la remise des parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion et donc, en l'esp èce, la restitution de la chose louée.
Il sera dès lors ordonné à la société Earcare de restituer, à ses frais, à la société Leasecom le matériel de communication visé au contrat de location financière à l'adresse suivante : [Adresse 7] [Adresse 10] [Adresse 5].
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La société Leasecom parte perdante au sens de l'article 699 du code de procédure civile sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure. Elle sera condamnée, sur ce même fondement, à payer à la société Earcare la somme de 5.000 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déclare recevable l'opposition formée par la société Earcare Developpement ;
Annule le contrat de location financière conclu entre la société Earcare Developpement et la société Leasecom ;
Déboute la société Earcare Developpement de sa demande en paiement ;
Déboute la société Leasecom de ses demandes en paiement ;
Déboute la société Leasecom de sa demande de remboursement du matériel ;
Déboute la société Leasecom de sa demande en garantie formée à l'encontre de la société Vitelease ;
Ordonne à la société Earcare Developpement de restituer, à ses frais, à la société Leasecom le matériel de communication désignés au contrat de location financière à l'adresse suivante : [Adresse 8] [Adresse 5].
Condamne la société Leasecom aux dépens de première instance et d'appel ;
Déboute la société Leasecom de sa demande d'indemnité de procédure ;
Condamne la société Leasecom à payer à la société Earcare Developpement la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE