CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

TGI PARIS (9e ch. 1re sect.), 15 novembre 1993

Nature : Décision
Titre : TGI PARIS (9e ch. 1re sect.), 15 novembre 1993
Pays : France
Juridiction : TGI Paris. 9e ch. sect. 1
Demande : 93/3422
Date : 15/11/1993
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 27/01/1993
Imprimer ce document

 

CERCLAB/CRDP – DOCUMENT N° 420

TGI PARIS (9e ch. 1re sect.), 15 novembre 1993 : RG n° 93/3422

Publication : JCP éd. E 1994. I. 376, n° 11, obs. Gavalda et Stoufflet

 

Extrait : « Attendu à cet égard que la détermination du montant des frais par, référence au tarif unique critiqué ne pourrait être considérée comme contraire à l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 protégeant les consommateurs contre les clauses abusives que si elle révélait un abus de la puissance économique de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE conférant à celle-ci un avantage excessif ; Attendu que les demandeurs ne disconviennent pas de la nécessité pour la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE d'effectuer diverses opérations en cas d'émission de chèques sans provision et, à cet effet, d'engager des dépenses qui ne varient pas en fonction du montant des chèques concernés, ce qui justifie l'imputation de frais et l'unicité tarifaire à laquelle il est recouru ;

Attendu en conséquence que le grief, limité au seul montant des frais, doit être examiné, mais seulement au regard des critères légaux en matière de clause abusive ; Attendu que malgré les difficultés d'une adéquation absolue entre les frais et les dépenses, il convient de constater que la rémunération de l'établissement prestataire de services doit être définie en tenant compte de la réalité du coût des moyens mis en œuvre pour le traitement des chèques sans provision rejetés ; Que si les frais en litige peuvent apparaître élevés par comparaison avec des chèques d'un modique montant il apparaît néanmoins qu'ils ne présentent pas une disproportion révélatrice de l'abus invoqué ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

NEUVIÈME CHAMBRE - PREMIÈRE SECTION

JUGEMENT DU 15 NOVEMBRE 1993

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 93/3422.

 

DEMANDEUR :

- L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS UFC QUE CHOISIR

dont le siège social est à [adresse]

- Monsieur X.,

demeurant [adresse], représentés par Maître BIHL Avocat R.2130.

 

DÉFENDERESSE :

LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE SA

dont le siège social est [adresse], représentée par Maître RAMBAUD MARTEL Avocat P.134.

[minute page 2]

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Magistrats ayant délibéré : Monsieur BLASER, Premier Juge, faisant fonction de Président, Madame SLOVE, Juge, Madame BOUSQUET LABADIE, Juge.

GREFFIER : Madame BERTRAND.

DÉBATS : À l'audience du 11 OCTOBRE 1993 tenue publiquement, Monsieur BLASE Magistrat rapporteur, a sans opposition des avocats des parties tenu seul l'audience et après en avoir entendu les plaidoiries en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile.

JUGEMENT : prononcé en audience publique, contradictoire, susceptible d'appel.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par acte du 27 janvier 1993, l'Union Fédérale des Consommateurs UFC QUE CHOISIR et Monsieur X., ont fait assigner la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, d’une part en restitution à Monsieur X., à défaut de justification, de la somme de 983 Francs 79 représentant des frais invoqués par suite du rejet de trois chèques émis les 28 et 29 Septembre 1992 et, d'autre part, afin de voir dire et juger abusive et non écrite la clause [minute page 3] relative aux frais forfaitaires d'incidents de paiement insérée dans les conditions générales de la banque, celle-ci ne pouvant percevoir à ce titre des sommes supérieures aux frais réellement exposés et justifiés par elle.

La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a demandé que lui soit donné acte de son offre de paiement à Monsieur X. de la somme en litige, ce à titre commercial et sans reconnaissance de responsabilité, et a conclu au débouté pour le surplus en faisant valoir que la perception de frais impliqués par le rejet de chèques impayés, conforme à la loi, ne résulte ni d'une clause abusive ni, comme le prétendent les demandeurs, d'une clause pénale susceptible de réduction.

Monsieur X. a accepté l'offre de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et sollicité qu'il lui en soit donné acte.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que l'offre de paiement acceptée, dont il convient de donner acte aux parties, a pour effet de mettre fin, sur ce point, au litige ;

Attendu qu'en se fondant sur le principe édicté par la loi, selon lequel les frais de toute nature qu'occasionne le rejet d'un chèque sans provision sont à la charge du tireur, la banque a prévu dans ses conditions générales non versées aux débats mais dont le contenu et l'opposabilité à la clientèle n'est pas contestée, que les frais pour rejet de chèques impayés pour absence ou insuffisance de provision sont à la charge du titulaire du compte ; qu'elle y a en outre précisé que ces frais s'élèvent à 183 Francs 83 par chèque impayé, à 118 Francs 60 par lettre d'injonction et à la même somme par certificat de non paiement indiquant aussi que les frais d'envoi en recommandé sont à la charge du titulaire du compte ;

[minute page 4] Attendu qu'aux termes de l'article 1226 du Code Civil « la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à verser quelque chose en cas d'inexécution » ;

Attendu que la disposition tarifaire des conditions générales incriminée, antinomique de celle de clause pénale, ne répond pas à cette définition puisqu'elle est destinée non pas à assurer l'exécution d'une obligation contractuelle mais à informer la clientèle du montant des frais résultant de l'émission de chèques sans provision rejetés ;

Que l'évaluation de ces frais retenue par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ne constitue donc pas, contrairement à ce qui est soutenu, une clause pénale et, par suite, n'est pas susceptible de modération par application de l'article 1152 du Code Civil ;

Attendu néanmoins qu'en insérant la disposition précitée dans ses conditions générales la banque a entendu lui donner une portée contractuelle afin de pouvoir s'en prévaloir vis à vis des titulaires des comptes ouverts dans ses livres; que cette disposition constitue donc l'une des clauses d'un contrat conclu avec les consommateurs et, comme telle, susceptible d'abus ;

Attendu à cet égard que la détermination du montant des frais par, référence au tarif unique critiqué ne pourrait être considérée comme contraire à l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 protégeant les consommateurs contre les clauses abusives que si elle révélait un abus de la puissance économique de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE conférant à celle-ci un avantage excessif ;

[minute page 5] Attendu que les demandeurs ne disconviennent pas de la nécessité pour la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE d'effectuer diverses opérations en cas d'émission de chèques sans provision et, à cet effet, d'engager des dépenses qui ne varient pas en fonction du montant des chèques concernés, ce qui justifie l'imputation de frais et l'unicité tarifaire à laquelle il est recouru ;

Attendu en conséquence que le grief, limité au seul montant des frais, doit être examiné, mais seulement au regard des critères légaux en matière de clause abusive ;

Attendu que malgré les difficultés d'une adéquation absolue entre les frais et les dépenses, il convient de constater que la rémunération de l'établissement prestataire de services doit être définie en tenant compte de la réalité du coût des moyens mis en œuvre pour le traitement des chèques sans provision rejetés ;

Que si les frais en litige peuvent apparaître élevés par comparaison avec des chèques d'un modique montant il apparaît néanmoins qu'ils ne présentent pas une disproportion révélatrice de l'abus invoqué ;

Que, par suite, la demande en suppression de la clause prétendument abusive n'est pas fondée ;

Qu'enfin, l'équité n'appelle pas, en l'espèce, l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 6] PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement et contradictoirement ;

Donne acte à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE de son offre de paiement et à Monsieur X. de son acceptation ;

Dit n'y avoir lieu à suppression de la clause en litige ;

Rejette pour le surplus ;

Laisse les dépens à la charge de l'Union Fédérale des Consommateurs UFC QUE CHOISIR ;

Fait et jugé à PARIS, le 15 NOVEMBRE MIL NEUF CENT QUATRE VINGT TREIZE.

LE GREFFIER, Madame BERTRAND /LE PRÉSIDENT, Monsieur BLASER.