CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. C - JME), 15 janvier 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5013
CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. C - JME), 15 janvier 2015 : RG n° 14/07517 ; ord. n° 2015/M24
Publication : Jurica
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
HUITIÈME CHAMBRE C
ORDONNANCE DU 15 JANVIER 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/07517. Ordonnance n° 2015/M24.
Appelante :
SOCIÉTÉ JYSKE BANK A/S,
prise en la personne de son Directeur Général, Représentée par Maître Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE ; Plaidant par Maître BOULBIN de la SCP BACKER ET MC KENZIE, avocat au barreau de PARIS
Intimés :
M. Y.
Représenté et plaidant par Maître Nikita SICHOV, avocat au barreau de GRASSE
Mme X.
Représentée et plaidant par Maître Nikita SICHOV, avocat au barreau de GRASSE
ORDONNANCE D'INCIDENT : Nous, Françoise DEMORY-PETEL, Magistrat de la Mise en État de la 8e chambre C de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence, assisté de Laure METGE, greffier ; Après débats à l'audience du 10 décembre 2014, ayant indiqué à cette occasion aux parties que l'incident était mis en délibéré, avons rendu le 15 janvier 2015, l'ordonnance suivante :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte du 5 février 2007, la société JYSKE BANK A/S, établissement bancaire de droit danois, a consenti à Monsieur Y. et Madame X. un prêt d'un montant de 2.650.000 euros, représentant la contre-valeur de 4.319.500 Francs suisses, d'une durée de 35 ans, au taux variable égal au « JYSKE BANK FUNDING RATE » + 1,50 point, soit à la date de l'offre 5,30 %.
Ce prêt avait pour objet de financer la rénovation du domicile commun des emprunteurs et le rachat d'un prêt antérieur.
La société JYSKE BANK obtenait une garantie hypothécaire de premier rang sur le bien immobilier des emprunteurs.
Par acte du 23 octobre 2007, la société JYSKE BANK a consenti à Monsieur Y. et Madame X. un prêt d'un montant de 925.000 euros, représentant la contre-valeur de 1.552.150 Francs suisses, d'une durée de 35 ans, avec une garantie hypothécaire de premier rang sur le bien immobilier commun, au taux variable égal au « JYSKE BANK FUNDING » + 1,50 point, soit à la date de l'offre 6,350 %.
Le 13 janvier 2011, la société JYSKE BANK indiquait à Monsieur Y. et Madame X. que, si le taux de change euros/Franc suisse devait passer à 120 alors qu'il était à 126,22, elle procéderait à la conversion prévue à l'article 11 du contrat, conversion prévue en livres sterling.
Le 9 août 2011, après un échange de courriers entre la société JYSKE BANK et les emprunteurs, ces derniers étaient informés par le prêteur qu'une conversion en euros avait été réalisée.
Par exploit en date du 5 avril 2012, Monsieur Michel. Y. et Madame X. ont fait assigner la société JYSKE BANK A/S devant le Tribunal de grande instance de Grasse aux fins de voir :
- déclarer l'article 4 des contrats de prêt des 5 février et 23 octobre 2007 nul,
- déclarer l'article 11 des contrats de prêt des 5 février et 23 octobre 2007 abusif et par conséquent non écrit,
- prononcer la déchéance totale des intérêts,
- déclarer en toute hypothèse nulles les conversions opérées par la société JYSKE BANK,
- ordonner à la société JYSKE BANK de poursuivre les deux prêts immobiliers en francs suisses et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai de huit jours suivant la signification du jugement à intervenir ;
- interdire à la société JYSKE BANK toute nouvelle conversion des Francs suisses en euros ou livres sterling,
- prononcer à défaut la résolution des deux contrats de prêt aux torts exclusifs de la société JYSKE BANK en la condamnant en outre à leur payer la totalité des intérêts ayant couru depuis la conclusion dudit contrat, n'étant alors redevables que du principal, déduction faite des intérêts déjà réglés à imputer en conséquence sur le capital,
- condamner à défaut le cas échéant la société JYSKE BANK à leur payer, à titre de dommages-intérêts délictuels, le montant des intérêts dont la banque ne serait pas déchue,
- condamner la société JYSKE BANK à leur payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts contractuels,
- condamner la société JYSKE BANK à faire publier la décision à intervenir dans cinq magazines, journaux ou périodiques à leur choix, sans que le coût total des publications n'excède 500.000 euros,
- condamner la société JYSKE BANK à afficher le jugement à intervenir dans toutes ses agences françaises ainsi que sur la page d'accueil de son site Internet pendant une durée de six mois à compter de la signification du jugement à intervenir,
- condamner la société JYSKE BANK à leur payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,
- condamner la société JYSKE BANK aux entiers dépens.
Par jugement en date du 20 mars 2014, le Tribunal de grande instance de Grasse a :
- dit que le manquement à une obligation d'information justifie la résolution du contrat lorsque ce manquement est d'une gravité suffisante,
- dit que la gravité doit pouvoir s'apprécier au regard de l'examen de l'article 4 des contrats,
- dit que la clause sur le taux d'intérêt variable prévu à l'article 4 des contrats de prêts doit être annulée,
- dit que la nullité pure et simple du taux conventionnel emporte l'application du taux légal à compter de la date de réalisation du prêt,
- dit n'y avoir lieu à la déchéance du droit aux intérêts,
- dit que le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation n'est pas suffisamment caractérisé,
- débouté Monsieur Y. et Madame X. de leur demande tendant à voir déclarer nul l'article 11 des contrats de prêts,
- constaté que les deux contrats de prêt prévoyaient exclusivement une conversion en euros,
- dit que seule la conversion en livres sterling répond à l'exécution du contrat,
- dit que la société JYSKE BANK n'a pas respecté son obligation de conversion,
- dit que les circonstances de fait de cette inexécution sont suffisamment graves, puisque cette défaillance s'inscrit dans un contexte d'annulation du taux variable et de défaut d'information,
- dit que la poursuite des contrats avec une nouvelle conversion a posteriori n'est pas envisageable, eu égard au contexte litigieux de formation et d'exécution des contrats,
- prononcé la résolution des deux contrats de prêt en date des 5 février et 23 octobre 2007 aux torts exclusifs de la société JYSKE BANK,
- dit que Monsieur Y. et Madame X. ne sont plus redevables que du principal, déduction faite des intérêts déjà réglés qui devront en conséquence s'imputer sur le capital,
- débouté Monsieur Y. et Madame X. de leur demande en paiement de dommages-intérêts,
- ordonné la publication en première page du site Internet de la société JYSKE BANK, dans un encadré identique à ceux usuellement utilisés pour cette première page, pendant la durée de deux mois, et ce dans le mois de la signification du jugement, de l'intégralité des termes du dispositif,
- débouté Monsieur Y. et Madame X. de leur demande en paiement de dommages-intérêts,
- condamné la société JYSKE BANK à payer à Monsieur Y. et Madame X. la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société JYSKE BANK aux entiers dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,
- rejeté le surplus des demandes et les prétentions contraires.
Par déclaration en date du 14 avril 2014, la société JYSKE BANK A/S a interjeté appel à l'encontre de Monsieur Y. et de Madame X.
Par conclusions d'incident notifiées et déposées le 11 septembre 2014, les intimés demandent au Conseiller de la mise en état de :
- déclarer la déclaration d'appel de la société JYSKE BANK n° 14/05979 enregistrée au rôle général de la Cour sous le n° 14/07517 nulle pour vice de forme,
- déclarer à défaut la déclaration d'appel de la société JYSKE BANK n° 14/05979 enregistrée au rôle général de la Cour sous le n° 14/07517 nulle pour vice de fond,
- débouter la société JYSKE BANK de toutes ses demandes,
- condamner la société JYSKE BANK à leur payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
Monsieur Y. et Madame X. font valoir que la déclaration d'appel est nulle en raison, d'une part, d'une erreur sur la date du jugement attaqué, d'autre part, de l'absence d'indication de l'organe représentant l'appelante.
Ils indiquent que la déclaration d'appel fait état d'un jugement rendu le 20 avril 2014 et prétendent avoir légitimement pensé ne pas être concernés compte tenu des nombreuses procédures dans lesquelles la société JYSKE BANK est notoirement impliquée.
Selon eux, rien ne leur permettait de se convaincre que c'était bien la décision les concernant qui était attaquée, quand bien même cette déclaration d'appel leur avait été adressée.
Ils affirment que cette erreur sur la date du jugement leur cause un grief dans la mesure où ils n'ont pu prendre connaissance du recours de la société JYSKE BANK qu'en plein été, lorsqu'ils ont été assignés, ce qui a sérieusement affecté l'organisation de leur défense, n'ayant pu consulter, comme l'a fait l'appelante, un professeur de droit au cours de la période estivale.
Ils soutiennent encore que, pensant que le jugement était définitif, ils ont, jusqu'à ce que l'assignation leur soit signifiée, cessé de payer les intérêts contractuels.
Par ailleurs, ils font état de l'absence de tout organe représentant la société JYSKE BAND dans la déclaration d'appel, ce qui est contraire aux dispositions de l'article 901 du code de procédure civile selon lesquelles la déclaration d'appel doit contenir les mentions prescrites par l'article 58 du même code et notamment l'indication de l'organe représentant l'appelant s'il s'agit d'une personne morale.
Ils font valoir que, s'il était estimé qu'il s'agit d'une nullité de forme, celle-ci devrait être prononcée car là encore ils subissent un grief.
Ils rappellent qu'en application de l'article 117 du code de procédure civile, l'absence de pouvoir du représentant d'une personne morale constitue une nullité de fond.
Ils considèrent que le défaut de mention du moindre organe ne leur a pas permis de vérifier la réalité et la validité du pouvoir du représentant de la société JYSKE BANK, ce qui les a privés d'un moyen de défense, d'autant que cet établissement bancaire est danois, domicilié aussi bien en son agence de Cannes qu'au Danemark.
Ils affirment que l'absence de mention de tout organe représentatif doit s'apparenter à un défaut de pouvoir du représentant de la personne morale au sens de l'article 117 du code de procédure civile et la nullité est en conséquence encourue sur le fondement de ce seul texte.
Aux termes de ses dernières conclusions d'incident notifiées et déposées le 21 novembre 2014, la société JYSKE BANK A/S demande au conseiller de la mise en état de :
- dire que l'erreur sur la date du jugement attaqué indiquée dans sa déclaration d'appel n° 14/05979 enregistrée sous le numéro R.G. n° 14/07517 constitue une simple erreur matérielle ne causant aucun grief,
- dire que l'omission de l'indication de l'organe la représentant dans sa déclaration d'appel n° 14/05979 enregistrée sous le numéro R.G. n° 14/07517 constitue un vice de forme ne causant aucun grief,
- en conséquence, déclarer valide sa déclaration d'appel n° 14/05979 enregistrée sous le numéro R.G. n° 14/07517,
- débouter Monsieur Y. et Madame X. de toutes leurs demandes,
- les condamner à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP BADIE SIMON THIBAUD &JUSTON, avocats associés.
L'appelante soutient que l'erreur sur la date du jugement dans la déclaration d'appel n'est qu'une erreur revêtant un caractère purement matériel et qu'en tout état de cause, elle ne cause aucun grief aux intimés.
Elle indique que la déclaration d'appel contenait suffisamment d'éléments (leurs noms, prénoms et le numéro RG de première instance) pour que Monsieur Y. et Madame X. ne puissent être trompés.
Par ailleurs, elle relève que la date du jugement indiquée sur la déclaration d'appel est postérieure à la date de cette même déclaration d'appel ce qui démontre son caractère erroné.
Elle rappelle qu'elle a notifié ses conclusions le 11 juillet 2014 et en conclut que, si les intimés avaient constitué avocat avant cette notification, ils auraient dû présenter des conclusions avant le 11 septembre suivant, c'est-à-dire au cours de la période estivale.
Elle fait remarquer que, si les intimés n'ont pu consulter un professeur de droit, ils ont tout de même pu consulter leur conseil habituel.
Sur l'absence de mention de l'organe la représentant, la société JYSKE BANK fait valoir que la Cour de cassation a jugé que le non-respect des dispositions de l'article 901 du code de procédure civile qui renvoient à l'article 58 du même code ne constitue qu'un vice de forme.
Elle soutient avoir régularisé cette omission en précisant qu'elle intervenait en la personne de son Directeur général demeurant en cette qualité audit siège social.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Aux termes de l'article 901 du code de procédure civile :
« La déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 58, et à peine de nullité :
1°/ La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2°/ L'indication de la décision attaquée ;
3°/ L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté... »
Selon l'article 58 du même code :
« La requête ou la déclaration est l'acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.
Elle contient, à peine de nullité :
1° Pour les personnes physiques : l'indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ;
Pour les personnes morales : l'indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l'organe qui les représente légalement ;... »
Sur l'erreur concernant la date :
Si, indispensable pour permettre à l'intimé d'identifier la décision attaquée, la date complète de celle-ci doit, en application des dispositions de l'article 901 précité, figurer sur la déclaration d'appel, il reste qu'une erreur affectant cette date constitue un vice de forme et il appartient à l'intimé de prouver le grief de nature à justifier l'annulation de la déclaration d'appel que cette erreur lui cause.
En l'espèce, l'indication d'un jugement rendu le 20 avril 2014 au lieu du 20 mars 2014, alors que la déclaration d'appel est elle-même en date du 14 avril 2014, apparaît d'ailleurs comme une simple erreur matérielle.
En tout état de cause, Monsieur Y. et Madame X., qui ne contestent pas qu'une seule décision ait été rendue entre eux et la société appelante, n'établissent pas l'impossibilité qui aurait été la leur d'identifier le jugement attaqué, qu'ils ont d'ailleurs conclu au fond, montrant ainsi leur parfaite connaissance du jugement dont appel.
Les intimés ne pouvant se prévaloir d'aucun grief à la suite de l'erreur portant sur la date du jugement attaqué, leur demande tendant à voir prononcer la nullité de la déclaration d'appel de ce chef doit être rejetée.
Sur le défaut d'organe représentant la société appelante :
Si, lorsque l'appelante est une personne morale, l'acte d'appel doit, en application des textes suscités, désigner l'organe la représentant, le titre ou le patronyme de ce dernier peut être mentionné, mais il peut s'agir simplement de l'indication de son représentant légal.
En l'espèce, la déclaration d'appel faite le 14 avril 2014 par la SOCIÉTÉ JYSKE BANK A/S ne comporte effectivement aucune mention à cet égard.
Toutefois, le défaut d'indication de l'organe représentant légalement la personne morale appelante ne constitue qu'un vice de forme subordonné, au regard des dispositions de l'article 114 du code de procédure civile, à la démonstration d'un grief.
Et, susceptible comme tel, selon les termes de l'article 115, de régularisation, il convient de constater qu'en l'occurrence, la société JYSKE BANK A/S, immatriculée au RCS de CANNES sous le numéro 450 XX, a, indiquant intervenir « en la personne de son directeur général », procédé à cette régularisation par voie de conclusions déposées et signifiées le 11 juillet 2014.
Dès lors, n'étant pas démontré par les intimés de grief qui subsisterait, il doit être considéré que la nullité alléguée est ainsi couverte.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Dans le cadre du présent incident, il n'y a pas lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles et la société appelante est donc déboutée de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le conseiller de la mise en état,
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire,
Dit n'y avoir lieu à nullité de la déclaration d'appel de la société JYSKE BANK A/S en date du 14 avril 2014,
Déboute Monsieur Y. et Madame X. de l'ensemble de leurs demandes,
Déboute la société JYSKE BANK A/S de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur Y. et Madame X. aux dépens de l'incident, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Fait à Aix en Provence, le 15 janvier 2015
Le Greffier Le Magistrat de la Mise en État