5703 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Compétence - Compétence territoriale
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5703 (9 octobre 2020)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION – RÉGIME
ACTION D’UN CONSOMMATEUR – PROCÉDURE
RÈGLES DE COMPÉTENCE – COMPÉTENCE TERRITORIALE
Droit de l’Union européenne : distinction de l’appréciation de la validité du contrat et des clauses abusives. L’art. 7 § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une règle de procédure nationale en vertu de laquelle une juridiction locale compétente pour se prononcer sur le recours d’un consommateur visant l’invalidité d’un contrat d’adhésion ne l’est pas pour connaître de la demande dudit consommateur tendant à constater le caractère abusif de clauses contractuelles contenues dans ce même contrat, sauf s’il s’avérait que le dessaisissement de la juridiction locale entraîne des inconvénients procéduraux de nature à rendre excessivement difficile l’exercice des droits qui sont conférés au consommateur par l’ordre juridique de l’Union européenne. Il appartient à la juridiction nationale de procéder aux vérifications nécessaires à cet égard. ». CJUE (3e ch.), 12 février 2015, Nóra Baczó / Raiffeisen Bank Zrt. Aff. C-567/13 ; Cerclab n° 5481 ; Juris-Data n° 2015-004546.
Droit de l’Union européenne : renvoi au droit national. L’art. 1er § 2 de la directive 93/13/CEE doit être interprété en ce sens que n’est pas exclue du champ d’application de cette directive une clause contractuelle qui effectue un renvoi général au droit national applicable en ce qui concerne la détermination de la compétence judiciaire pour connaître des litiges entre les parties au contrat. CJUE (1re ch.), 3 avril 2019, Aqua Med sp. z o.o. / Irena Skóra : Aff. C‑266/18 ; Cerclab n° 8079.
L’art. 7 § 1 de la directive 93/13/CEE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à des règles procédurales, auxquelles renvoie une clause du contrat, qui permettent au professionnel de choisir, en cas d’un recours en non-exécution alléguée d’un contrat par le consommateur, entre la juridiction compétente du domicile du défendeur et celle du lieu d’exécution du contrat, à moins que le choix du lieu d’exécution du contrat n’entraîne pour le consommateur des conditions procédurales telles qu’elles seraient de nature à restreindre excessivement le droit à un recours effectif qui lui est conféré par l’ordre juridique de l’Union, ce qu’il incombe à la juridiction nationale de vérifier. CJUE (1re ch.), 3 avril 2019, Aqua Med sp. z o.o. / Irena Skóra : Aff. C‑266/18 ; Cerclab n° 8079.
A. DROIT INTERNE
Exclusion des clauses attributives de compétence. L’art. 48 CPC prohibe les clauses attributives de compétence territoriale pour les contrats conclus avec des consommateurs. Ces clauses sont illicites et, maintenues dans les contrats, abusives (V. Cerclab n° 6149). Seules les règles normales de compétence territoriale sont donc applicables.
La théorie des « gares principales » est inapplicable lorsque le contrat contient valablement une clause attributive de compétence territoriale. V. en ce sens : CA Aix-en-Provence (8e ch. A), 19 octobre 2017 : RG n° 17/08999 ; arrêt n° 2017/403 ; Cerclab n° 7101, sur appel de T. com. Aix-en-Provence, 18 avril 2017 : RG n° 2016007959 ; Dnd. § N.B. Cette éviction est donc inapplicable aux consommateurs depuis sa définition étroite, dans l’article préliminaire, puis liminaire, excluant tous les contrats dont la finalité entre dans le cadre d’une des professions visées au texte. Seule demeure une possibilité résiduelle lorsque le professionne agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre d’une de ses activités ou qui entrent dans le cadre d’une activité non citée par le texte.
Application des règles du Code de procédure civile. Les règles traditionnelles du Code de procédure civile sont donc applicables. Cette solution a d’ailleurs été expressément rappelée par l’ancien art. L. 141-5 C. consom. (créé par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009), qui disposait : « le consommateur peut saisir à son choix, outre l'une des juridictions territorialement compétentes en vertu du code de procédure civile, la juridiction du lieu où il demeurait au moment de la conclusion du contrat ou de la survenance du fait dommageable ». Le texte, abrogé à compter du 1er juillet 2016, a été repris avec une rédaction légèrement modifiée, mais un contenu similaire, par le nouvel art R. 631-3 C. consom. (décret n° 2016-884 du 29 juin 2016) : « Le consommateur peut saisir, soit l'une des juridictions territorialement compétentes en vertu du code de procédure civile, soit la juridiction du lieu où il demeurait au moment de la conclusion du contrat ou de la survenance du fait dommageable ».
Ces règles sont posées de façon générale par l’art. 42 CPC qui dispose, dans ses deux premiers alinéas : « la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. S'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux. » Ce texte est complété pour les actions intentées en matière contractuelle par l’art. 46 du même code qui indique que « le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur : - en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service ».
Rappr., pour une hypothèse particulière d’un groupe de contrats, dans le cas où le contrat de location du matériel comporte une clause attributive de compétence, mais où le contrat de télésurveillance n’en comporte pas : application de 42 CPC, la demandé étant fondée sur les deux contrats. CA Lyon (3e ch.), 1er août 2001 : RG n° 1999/07987 ; arrêt n° 3329 ; Legifrance ; Cerblab n° 1145 ; Lamyline (N.B. l’arrêt ne se réfère pas aux clauses abusives, ce qui peut s’expliquer par la nature professionnelle du contrat visant un bar), sur appel de T. com. Saint-Étienne, 19 octobre 1999 : Dnd.
Consécration d’extensions spécifiques au consommateur. Le nouvel art R. 631-3 C. consom. précité, anciennement art. L. 141-5 C. consom., améliore la situation du consommateur en augmentant le nombre d’options à sa disposition. Ainsi, le consommateur peut aussi saisir « la juridiction du lieu où il demeurait au moment de la conclusion du contrat ou de la survenance du fait dommageable ».
Textes spéciaux. Ces règles générale ou spéciale peuvent toutefois se heurter à des dispositions spécifiques à certains contrats.
* Assurance (art. R. 114-1 C. assur.). Les dispositions de l’art. R. 114-1 C. assur. sur la compétence territoriale sont impératives. CA Versailles (1re ch. 2e sect.), 17 mai 2002 : RG n° 01/00123 ; Cerclab n° 1723, infirmant TI Puteaux, 3 octobre 2000 : RG n° 11-00-000714 ; Cerclab n° 115. § N.B. Selon l’art. R. 114-1 C. assur., dans sa rédaction résultant du décret n° 92-1356 du 22 décembre 1992, « dans toutes les instances relatives à la fixation et au règlement des indemnités dues, le défendeur est assigné devant le tribunal du domicile de l'assuré, de quelque espèce d'assurance qu'il s'agisse, sauf en matière d'immeubles ou de meubles par nature, auquel cas le défendeur est assigné devant le tribunal de la situation des objets assurés. Toutefois, s'il s'agit d'assurances contre les accidents de toute nature, l'assuré peut assigner l'assureur devant le tribunal du lieu où s'est produit le fait dommageable ».
* Huissier de justice. Il résulte de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 modifiée, du décret n° 56-222 du 29 février 1956, du décret n° 2007-1397 du 27 septembre 2007 ou du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 que, lorsqu'un huissier de justice, tenu d'exercer son ministère toutes les fois qu'il en est requis, reçoit mandat de prêter son concours à la mise à exécution d'une décision de justice, ce mandat s'exerce dans des conditions étroitement définies et tarifées par l'autorité publique ; dès lors et même si une relation contractuelle se noue entre l'huissier de justice et son mandant lorsqu'il se voit remettre un titre exécutoire et que la responsabilité civile de cet officier ministériel est susceptible d'être recherchée s'il a commis une faute dans l'exercice de son mandat, il ne peut, ainsi que l'a considéré le premier juge, être retenu que cette personne se trouve placée dans une situation asymétrique d'infériorité qui est celle du consommateur à l'égard du professionnel, qu'il s'agit d'un rapport de consommation et que les dispositions du code de la consommation, qui relèvent de l'ordre public de protection, s'appliquent à cette relation ; ainsi, même si l'article préliminaire du code la consommation a conféré une large définition à la notion de consommateur, cette définition ne peut concerner une personne qui donne mandat à un huissier pour la mise à exécution d'une décision de justice ; il s'ensuit que les dispositions relatives à l'option de compétence territoriale ouverte à un consommateur, édictées par l'ancien article L. 141-5 [R. 631-3 nouveau] C. consom., ne peuvent s'appliquer au litige en responsabilité civile professionnelle. CA Riom (3e ch. civ. et com.), 22 juin 2016 : RG n° 15/03067 ; Cerclab n° 5652, sur appel de TI Clermont-Ferrand, 10 novembre 2015 : RG n° 11-15-000557 ; Dnd.
B. DROIT INTERNATIONAL
Clauses attributives de compétence. L’art. 48 CPC n’est pas applicable lorsque le contrat possède une dimension internationale. Sur la possibilité de clauses attributives dans cette hypothèse, V. Cerclab n° 6149.
Cassation, au visa du considérant 11 et de l’art. 23 du règlement du Conseil n° 44/2001/(CE) du 22 décembre 2000, de l’arrêt admettant l’application d’une clause attributive de compétence stipulant « chaque fois que les lois françaises le permettent, les contestations au sujet des présentes sont soumises au tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg. Toutefois, la banque se réserve la faculté de déroger à cette attribution de juridiction si elle le considère comme opportun », alors que la cour avait constaté que la clause litigieuse ne contenait aucun renvoi à une règle de compétence en vigueur dans un Etat membre ni aucun élément objectif suffisamment précis pour identifier la juridiction qui pourrait être saisie, de sorte qu’elle ne répondait pas à l’objectif de prévisibilité. Cass. civ. 1re, 3 octobre 2018 : pourvoi n° 17-21309 ; arrêt n° 910 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 7674, cassant CA Montpellier (1re ch. D), 20 avril 2017 : RG n° 15/06311 ; Cerclab n° 6818.
Convention de Bruxelles. Selon l’art. 5 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 2008 (décret n° 73-63 du 13 janvier 1973), « le défendeur domicilié sur le territoire d’un État contractant peut être attrait, dans un autre État contractant : 1° En matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation a été ou doit être exécutée ». Mais, notamment, l’art. 14 al. 2 stipulait que « l’action du vendeur contre l’acheteur et celle du prêteur contre l’emprunteur ne peuvent être portées que devant les tribunaux de l’État sur le territoire duquel le défendeur a son domicile ». § Pour une illustration : les sections 3, 4 et 5 du titre II de la convention traitent respectivement de la compétence en matière d'assurances, de la compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs et des compétences exclusives ; un contrat de location avec option d'achat, étranger à l’activité professionnelle du locataire, entre dans les prévisions de la section 4 et de son art. 13 ; l'art. 14 al. 2 dispose que l'action intentée contre le consommateur par l'autre partie au contrat ne peut être portée que devant les tribunaux de l'État contractant sur le territoire duquel est domicilié le consommateur. CA Pau (1re ch. civ.), 16 juin 2003 : RG n° 01/01994 ; Cerclab n° 648 (loi de 1978 sur le crédit mobilier), sur appel de TGI Mont-de-Marsan (ord. pdt.), 31 octobre 2000 : RG n° 00/216 ; Cerclab n° 382 (problème non examiné).
Règlement CE n° 44/2001. La Convention de Bruxelles a été remplacée par le règlement n° 44/2001/CE du 22 décembre 2000. La section 4 du règlement concerne explicitement la « compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs ».
Son art. 15 dispose notamment : « 1. En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice des dispositions de l'article 4 et de l'article 5, point 5 : a) lorsqu'il s'agit d'une vente à tempérament d'objets mobiliers corporels ; b) lorsqu'il s'agit d'un prêt à tempérament ou d'une autre opération de crédit liés au financement d'une vente de tels objets ; c) lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités.
2. Lorsque le cocontractant du consommateur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un État membre, il est considéré pour les contestations relatives à leur exploitation comme ayant son domicile sur le territoire de cet État. 3. La présente section ne s'applique pas aux contrats de transport autres que ceux qui, pour un prix forfaitaire, combinent voyage et hébergement.
L’article 16 dispose : « 1. L'action intentée par un consommateur contre l'autre partie au contrat peut être portée soit devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit devant le tribunal du lieu où le consommateur est domicilié.
2. L'action intentée contre le consommateur par l'autre partie au contrat ne peut être portée que devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel est domicilié le consommateur.
3. Les dispositions du présent article ne portent pas atteinte au droit d'introduire une demande reconventionnelle devant le tribunal saisi d'une demande originaire conformément à la présente section. »
L’article 17 dispose : « Il ne peut être dérogé aux dispositions de la présente section que par des conventions : 1) postérieures à la naissance du différend, ou 2) qui permettent au consommateur de saisir d'autres tribunaux que ceux indiqués à la présente section, ou 3) qui, passées entre le consommateur et son cocontractant ayant, au moment de la conclusion du contrat, leur domicile ou leur résidence habituelle dans un même État membre, attribuent compétence aux tribunaux de cet État membre, sauf si la loi de celui-ci interdit de telles conventions. »
Pour une illustration : TI Orléans, 23 octobre 2008 : RG n° 11-08-000191 ; Cerclab n° 3258 (juridiction se déclarant incompétente dans le cadre du règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, au motif que la preuve de l’absence de caractère professionnel du contrat n’a pas été rapportée par le prétendu consommateur), sur appel CA Orléans (ch. urg.), 21 avril 2010 : RG n° 08/03388 ; Cerclab n° 2972 (compétence admise et application de la loi allemande).
Avocat : cabinet étranger proposant ses services en France. En l'état de ces énonciations et constatations faisant ressortir que la société d'avocats dirigeait son activité professionnelle au-delà de la sphère territoriale de son barreau de rattachement, en proposant ses services à une clientèle internationale, domiciliée notamment en France, de sorte qu'en sa qualité de consommateur, Mme X., domiciliée en France, pouvait porter son action devant les juridictions françaises, la cour d'appel a légalement justifié sa décision. Cass. civ. 1re, 30 septembre 2020 : pourvoi n° 18-19241 ; arrêt n° 556 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 8590 (point n° 24), rejetant le pourvoi contre CA Versailles (14e ch.), 15 février 2018 : RG n° 17/03779 ; Cerclab n° 7439.
Transport aérien : refus d’embarquement et retard (règlement n° 261/2004). Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (arrêts du 9 juillet 2009, Rehder, C-204/08, du 19 novembre 2009, Sturgeon, C-402/07 et C-432/07 et du 23 octobre 2012, Nelson, C-581/10 et C-629/10) que le règlement (CE) n° 261/2004 instaure un régime de réparation standardisée et immédiate des préjudices que constituent les désagréments dus aux retards, lequel s’inscrit en amont de la Convention de Montréal et, partant, est autonome par rapport au régime issu de celle-ci ; il s’en déduit que la cour d’appel a décidé, à bon droit, que les dispositions du code des transports et du code de l’aviation civile, qui renvoient à la Convention de Montréal. Cass. civ. 1re, 22 février 2017 : pourvoi n° 15-27809 ; arrêt n° 219 ; Cerclab n° 6764, rejetant sur ce point le pourvoi contre CA Grenoble (1re ch. civ.), 29 septembre 2015 : RG n° 15/02007 ; Cerclab n° 7349.
En vertu de l’art. 15 § 3 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000, les règles de compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs ne s’appliquent pas aux contrats de transport autres que ceux qui, pour un prix forfaitaire, combinent voyage et hébergement ; cassation de l’arrêt déclarant compétente la juridiction de proximité du domicile du passager, alors qu’il ressortait de ses constatations que le passager avait conclu un contrat de transport sans hébergement. Cass. civ. 1re, 22 février 2017 : pourvoi n° 15-27809 ; arrêt n° 219 ; Cerclab n° 6764 (visa des art. 2, 15, paragraphe 3, et 16, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000), cassant CA Grenoble (1re ch. civ.), 29 septembre 2015 : précité.