6191 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Banque et crédit
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6191 (10 juillet 2020)
PROTECTION CONTRE LES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS DANS LE CODE DE COMMERCE (ART. L. 442-1-I-2° C. COM.)
NOTION DE DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF - PRÉSENTATION PAR CONTRAT - BANQUE ET CRÉDIT
Applicabilité de la protection. Pour un refus : les dispositions de l’anc. art. L. 442-6-I-2° [L. 442-1-I-2°] C. com. n'ont pas vocation à s'appliquer aux relations entre un banquier et son client lesquels ne sauraient être considérés comme des partenaires commerciaux au sens de ce texte du seul fait d'une ouverture d'un compte courant quelqu'en soit la durée, relations qui sont régies par l'art. L. 313-12 CMF. CA Douai (ch. 2 sect. 1), 9 mars 2017 : RG n° 16/01324 ; Cerclab n° 6778, sur appel de T. com. Lille, 6 janvier 2016 : RG n° 2014018663 ; Dnd.
V. aussi dans le cadre de l’anc. art. L. 442-6-I-5° [L. 442-1-II] C. com. : les dispositions de l’anc. art. L. 442-6-I-5° C. com. ne s’appliquent pas à la rupture ou au non-renouvellement de crédits consentis par un établissement de crédit à une entreprise, opérations exclusivement régies par les dispositions du code monétaire et financier. Cass. com., 25 octobre 2017 : pourvoi n° 16-16839 ; arrêt n° 1328 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 7257 (substitution d’un motif de pur droit, le demandeur au pourvoi discutant au fond les conditions de la rupture), rejetant le pourvoi contre CA Paris, 4 février 2016 : Dnd.
N.B. Cette position n’est pas unanime et les décisions résumées ci-dessous examinent l’existence d’un déséquilibre significatif
A. CONVENTION DE COMPTE
Respect de la grille tarifaire. Un établissement bancaire ne saurait déduire du silence de la société cliente à réception des relevés de compte une quelconque acceptation tacite, par celle-ci, des frais et commissions facturés mais non prévus dans ses conditions générales, la convention d’ouverture de compte limitant le périmètre d'une telle acceptation tacite à la mise en place de la « nouvelle tarification indiquée », mais pas à la création, par la banque, de frais et commissions nouveaux, dont tant le principe que le mode de calcul seraient laissés à sa libre appréciation. CA Chambéry (ch. civ. sect. 1), 11 octobre 2016 : RG n° 14/02603 ; Cerclab n° 6578 (remboursement de plus de 10.000 euros de frais, non explicités et non acceptés, hors grille tarifaire et appliqués discrétionnairement par la banque ; N.B. selon l’arrêt, il est illusoire de prétendre que la société aurait pu adresser des protestations sur les frais facturés compte tenu, d'une part, des difficultés de trésorerie qu'elle rencontrait à cette époque et qui la plaçaient en situation de dépendance économique à l'égard de son banquier, et, d'autre part, de ce que la convention de compte accordait à ce dernier la possibilité de résilier le contrat liant les parties en cas de refus, par son client, des frais facturés), sur appel de T. com. Annecy, 7 octobre 2014 : RG n° 2013J345 ; Dnd.
Modification des tarifs. S'agissant des frais et commissions prévus dans la grille tarifaire, il ne saurait être reproché à l'établissement bancaire d'avoir manqué à son obligation d'information préalable en cas de changement de ses tarifs, telle qu'elle est prévue à l'art. L. 312-1-1 CMF, puisque, comme l'ont précisé un arrêté du 8 mars 2005, puis un arrêté du 29 juillet 2009, l’obligation ne concerne que les comptes de dépôt ouverts par des personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels. CA Chambéry (ch. civ. sect. 1), 11 octobre 2016 : RG n° 14/02603 ; Cerclab n° 6578, sur appel de T. com. Annecy, 7 octobre 2014 : RG n° 2013J345 ; Dnd.
B. CONVENTION DE MONÉTIQUE (CARTES BANDAIES, PAIEMENT PAR INTERNET…)
Le fait que le contrat monétique commerçant conclu par une société de joaillerie haute couture lui fasse assumer le risque lié à des paiements frauduleux reçus de ses clients par carte bancaire, à distance ou en boutique, ne crée pas un déséquilibre significatif, alors qu'en sa qualité de commerçant, professionnel bénéficiant des paiements, elle ne bénéficie pas, à la différence du porteur de la carte débitée, d'une protection légale contre l'utilisation frauduleuse d'un tel moyen de paiement et supporte donc, comme pour les autres moyens de paiement, le risque d'impayé qui pourrait en résulter et qui n'est pas plus du fait de la banque, sauf à avoir contracté avec celle-ci une garantie conventionnelle en ce sens. CA Paris (pôle 5 ch. 6), 25 mai 2018 : RG n° 16/02110 ; Cerclab n° 7620 (convention « monétique commerçant », prêt et découvert en compte à une Sarl de bijouterie), sur appel de T. com. Paris, 7 décembre 2015 : RG n° 2014054722 ; Dnd.
C. CRÉDIT
Clauses de remboursement anticipé. La clause de remboursement anticipée d’un prêt immobilier a pour objet de maintenir au profit de la banque partie des intérêts qu'elle aurait perçu si le prêt avait été remboursé jusqu'à son terme et elle n'est pas en soi abusive ou créatrice d’un déséquilibre significatif. CA Versailles (16e ch.), 24 novembre 2016 : RG n° 15/00541 ; Cerclab n° 6544 (prêt immobilier à une SCI d’avocats pour leurs locaux professionnels ; application de l’ancien art. L. 442-6-I-2° [L. 442-1-I-2°] C. com. ; arrêt se référant aussi au fait que la SCI avait eu recours à un courtier et que le prêt avait été passé par acte authentique, par conséquent en présence d’un notaire tenu de s'assurer de la compréhension des clauses du contrat ; N.B. l’arrêt annule ensuite la clause pour erreur en raison de son obscurité…), sur appel de TGI Versailles (2e ch.), 19 décembre 2014 : RG n° 13/09125 ; Dnd, cassé sur un autre point par Cass. com. 5 septembre 2018 : pourvoi n° 17-11351 ; arrêt n° 663 ; Cerclab n° 8226 (violation de l’art. 16 CPC pour avoir examiné un vice du consentement, sans solliciter les observations des parties, alors que celles-ci n’avaient discuté que de la qualification de clause abusive ou subsidiairement de clause pénale) et sur renvoi CA Versailles (16e ch), 3 octobre 2019 : RG n° 18/07509 ; Cerclab n° 8227 (exclusion de l’anc. art. L. 442-6-I-2° [L. 442-1-I-2°] C. com. définitivement tranchée par l’arrêt partiellement cassé).
Clauses de déchéance. V. dans le cadre du droit commun, pour un contrat professionnel : la banque n’a pas à attirer l’attention de l’emprunteur sur l’existence d’une clause de déchéance du terme, qui est une clause usuelle en matière de prêt bancaire. CA Paris (pôle 5 ch. 6), 10 avril 2014 : RG n° 12/22402 ; Cerclab n° 7388 (emprunt de 1.050.000 euros souscrit par un notaire pour financer l’achat de parts sociales de l’étude notariale au sein de laquelle il exerçait son activité professionnelle ; un notaire, qui est un professionnel du droit et établit des actes de vente et des actes de prêt, ne peut pas prétendre ne pas avoir pris connaissance d'une convention qu'il signe avec une banque contenant 9 pages et avoir pu penser que l'offre, qui n'en contient que deux, était en tous points identiques à la convention signée le même jour), pourvoi rejeté par Cass. civ. 1re, 9 juillet 2015 : pourvoi n° 14-21754 ; Cerclab n° 5298 (raisonnement approuvé par la cour), sur appel de TGI Paris, 26 novembre 2012 : RG n° 10/08747 ; Dnd.
Prêt, élément d’un montage complexe. Dans une opération complexe, associant différentes sociétés, en vue de construire des bâtiments à usage industriel supportant une toiture solaire, permettant d’exploiter une centrale solaire photovoltaïque, et comportant plusieurs contrats (prêt, construction, bail de longue durée, cession de parts sociales, etc.), ne crée pas de déséquilibre significatif la clause du prêt prévoyant la déchéance du terme du prêt si les constructions n’étaient pas achevées avant une date impérative d’achèvement, quand bien même le délai aurait été stipulé au profit du seul prêteur, dès lors qu’elle répondait à l'équilibre économique de l'opération globale et non à une volonté unilatérale imposée par le prêteur sans motif à l'emprunteur. CA Montpellier (2e ch.), 3 février 2015 : RG n° 13/05215 ; Cerclab n° 5035 (N.B. l’arrêt utilise une formule équivoque - ces dispositions légales ne sont nullement applicables en l'espèce - qui pourraient viser le domaine, mais les motifs de la décision écartent clairement au fond l’existence d’un déséquilibre), sur appel de T. com. Montpellier, 22 juin 2013 : RG n° 201215086 ; Dnd.
Prêt « toxique » à une collectivité territoriale. Une commune ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du caractère déséquilibré de la clause de remboursement anticipé conclu dans un emprunt à taux variable ; le seul fait, qu'à une date donnée, choisie par la commune, qui n'a pas usé de la faculté de remboursement anticipé, l'indemnité avoisine le double du capital emprunté, ne suffit pas à démontrer ce déséquilibre ; en effet, cette indemnité a pour objet de compenser le manque à gagner de la banque qui ne percevrait plus les intérêts prévus au contrat jusqu'au terme initialement prévu, l’existence d’un déséquilibre nécessite la preuve que le montant de l'indemnité est disproportionné par rapport à ce manque à gagner, preuve non rapportée en l'espèce. CA Versailles (16e ch.), 21 septembre 2016 : RG n° 15/07046 ; Cerclab n° 5972 (prêt « toxique » ; N.B. 1 : arrêt excluant au préalable l’application de l’ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom. ; N.B. 2 : arrêt excluant aussi que la commune puisse invoquer la Conv. EDH pour contester le caractère rétroactif de la la loi n° 2014-844 du 29 juillet 2014), sur appel de TGI Nanterre (6e ch.), 26 juin 2015 : RG n° 11/07236 ; Dnd.
Pénalité de recouvrement en cas de procédure collective. Est non écrite et inopposable à la procédure collective la clause d’un contrat de prêt qui, de façon radicalement contraire aux art. L. 620-1 et 622-13 C. com., prévoit un versement automatique d'une indemnité dite de recouvrement de 5 % des sommes dues lorsque la banque est tenue de produire à un ordre de distribution judiciaire quelconque, notamment en cas de redressement judiciaire de l'emprunteur, notamment en ce qu'elle suppose que l'ouverture d'un redressement judiciaire ou d'une sauvegarde conduit par nature à la résiliation, le calcul fait par la banque portant sur l'intégralité du contrat et non pas sur les éventuelles échéances impayées au jour de l'ouverture de la sauvegarde. CA Lyon (3e ch. A), 26 février 2015 : RG n° 14/01757 ; Cerclab n° 5067 ; Juris-Data n° 2015-003858 (prêt à une société anonyme d'économie mixte, destiné à la construction d'un centre thermo-ludique), sur appel de T. com. Saint Étienne, 21 février 2014 : RG n° 2013f528 ; Dnd.