6265 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Gestion de patrimoine
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6265 (20 août 2023)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - PRÉSENTATION PAR CONTRAT
GESTION DE PATRIMOINE (CONSEIL)
Obligations du conseiller : sources. Le conseiller en investissements financiers est tenu au respect des règles de bonne conduite contenues dans les art. L. 533-11 s. CMF et 325-3 et suivants du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, tant au moment de la naissance du contrat que pour le suivi de celui-ci, intégrant ainsi les conditions d'arbitrage. CA Aix-en-Provence (1re ch. A), 21 juin 2016 : RG n° 15/20158 ; Cerclab n° 5669 (N.B. l’arbitrage vise en l’espèce un changement du support du placement, en l’espèce le remplacement de contrats capitalisation par des contrats multisupports en unité de compte), sur appel de TGI Marseille, 19 mai 2014 : RG n° 13/04524 ; Dnd.
Obligations du conseiller : nature. Le conseiller en investissements financiers n'est tenu qu'à une obligation de moyens, même lorsque le client fixe des objectifs ; la simple constatation du résultat négatif d'un placement financier n'est pas constitutive à elle seule d'une faute du professionnel ; la gestion en bon père de famille doit être appréciée au regard de l'importance et de la consistance du patrimoine et n'implique pas nécessairement en l'espèce la sécurisation du capital investi. CA Aix-en-Provence (1re ch. A), 21 juin 2016 : RG n° 15/20158 ; Cerclab n° 5669 ; précité (investissement initial dans des contrats de capitalisation, remplacé par des contrats « multisupports » ; clients ayant en l’espèce souhaité maximiser le capital concerné, qui ne constituait qu’une partie de leur patrimoine).
Obligations du conseiller : information. Il appartient à celui qui est contractuellement tenu d’une obligation particulière de conseil de rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation ; une cliente ayant conclu un contrat de transmission d’ordres de bourse, puis ultérieurement, le même jour que le renouvellement de la convention de compte titres, un contrat de conseil avec la société de bourse obligeant celle-ci, contre rémunération, à la conseiller dans le choix de ses investissements, doit être cassé l’arrêt qui exclut la responsabilité de la société au motif que la cliente ne ne précise pas les opérations pour lesquelles la société de bourse aurait failli à son obligation d’information et de conseil, ni l’opération précise concernée par le défaut de mise en garde qu’elle allègue au titre de la faute lourde. Cass. com., 22 mars 2011 : pourvoi n° 10-13727 ; Bull. civ. IV, n° 48 ; Cerclab n° 4824, cassant CA Paris, 17 décembre 2009 : Dnd (arrêt appliquant, sans que cela soit discuté, la clause du contrat de conseil selon laquelle « la responsabilité de [la société de bourse] est limitée en cas de faute lourde dans l’exécution de sa mission de conseil et ne peut être engagée en raison d’une erreur de jugement »), sur renvoi CA Paris, 6 novembre 2012 : Dnd, cassé partiellement par Cass. com., 4 février 2014 : pourvoi n° 13-10630 ; Cerclab n° 4825 (pour le rejet sur le principe de la responsabilité : 1/ il appartient à la société de bourse de rapporter la preuve que son client a la qualité d’opérateur averti. 2/ « en ne subordonnant pas la responsabilité de la société de bourse à la démonstration d’une faute lourde dans l’exécution de sa mission de conseil, la juridiction de renvoi s’est conformée à l’arrêt de cassation qui la saisissait », en réponse au moyen de la société de bourse invoquant la clause du contrat exigeant une faute lourde et demandant le respect de l’ancien art. 1134 C. civ. [1103 nouveau] ; pour la cassation sur le préjudice : 1/ le manquement de la société de bourse aux obligations d’information, de mise en garde et de conseil auxquelles elle peut être tenue à l’égard de son client prive seulement celui-ci d’une chance de mieux investir ses capitaux 2/ le préjudice moral du client ne peut se déduire des seules difficultés financières consécutives aux pertes qu’il a subies).
L’ancien art. R. 132-1-12° [R. 212-1-12°] C. consom., qui prohibe les clauses imposant au non-professionnel ou consommateur la charge de la preuve qui en vertu du droit applicable devrait incomber normalement à l'autre partie au contrat, n’est pas applicable à un « arbitrage » intervenu au mois de janvier 2008, dans le cadre de contrats de conseils en investissement conclus septembre et octobre 2007, ayant pour objet de remplacer le placement initial sur des contrats de capitalisation par des contrats « multisupports » de en unités de compte. CA Aix-en-Provence (1re ch. A), 21 juin 2016 : RG n° 15/20158 ; Cerclab n° 5669 (clause concernée : mention, en fin de contrat, d'une reconnaissance de réception de notices d'information financière), sur appel de TGI Marseille, 19 mai 2014 : RG n° 13/04524 ; Dnd.
La mention, en fin de contrat, d'une reconnaissance de réception de notices d'information financière ne constitue pas une clause contractuelle déterminant les obligations des parties et, en tout état de cause, ne crée pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. CA Aix-en-Provence (1re ch. A), 21 juin 2016 : RG n° 15/20158 ; Cerclab n° 5669 ; précité. § N.B. L’affirmation de l’arrêt s’inscrit dans l’enchaînement suivant : 1/ l’ancien art. R. 132-1-12° (R. 212-1-12°] C. consom. n’était pas applicable à l’espèce pour des raisons d’application dans le temps ; 2/ en l’absence de possibilité de se référer aux clauses visées par les listes du décret de 2009, le caractère abusif doit s’apprécier au regard du seul art. L. 132-1 ancien [212-1] ; 3/ la stipulation en cause « ne constitue pas une clause contractuelle déterminant les obligations des parties » ; 4/ même si elle entre dans le domaine de l’ancien art. L. 132-1 [212-1], elle ne crée pas de déséquilibre. L’affirmation intermédiaire (3) est discutable : le texte sanctionne le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties mais ne contient aucune limite aux seules clauses « déterminant » des obligations. Une telle solution écarterait toutes les conventions sur la preuve, alors que leur soumission à l’art. L. 212-1 . consom. n’a jamais été discutée et qu’une telle interprétation a été clairement confortée par la création des art. R. 212-1-12° et R. 212-2-9° C. consom.
Responsabilité du conseiller : délai de réclamation. La lettre de mission de l'expert-comptable stipule que tout appel ou responsabilité ne pourra être introduit que pendant une période de cinq années commençant à courir le premier jour de l'exercice suivant celui au cours duquel est né le sinistre correspondant à la demande et que « celle-ci devra être présentée dans les trois mois suivant la date à laquelle vous aurez connaissance du sinistre éventuel » ; absence d’examen du caractère abusif de cette clause dès lors que le délai de trois mois n'est assorti d'aucune forclusion, l’action étant jugée recevable. CA Versailles (1re ch. 1), 7 septembre 2018 : RG n° 16/05010 ; Cerclab n° 7897 (conseil en gestion de patrimoine, spécialisé dans la conception et la vente de produits de défiscalisation, proposant un « package » dont l'objet principal était l'acquisition, sans apport personnel, de biens immobiliers vendus en l'état futur d'achèvement, avec le recours à un prêt bancaire, sous le statut de loueur en meublé professionnel, montage ayant justifié un redressement fiscal), sur appel de TGI Versailles (1re ch.), 12 avril 2016 : RG n° 11/08536 ; Dnd. § V. aussi : est abusive, au regard de l’anc. art. L. 132-1 C. consom., la clause qui prévoit que l’action contre le cabinet d’expertise comptable doit être introduite dans le mois suivant la date à laquelle le client aura connaissance du sinistre, délai extrêmement court créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat s'agissant d'une part, d'un sportif de haut niveau sans compétence particulière en matière de fiscalité et d'autre part d'une société d'expertise comptable, délai particulièrement réduit de nature à porter atteinte à l'exercice d'un droit à réparation du préjudice subi par le non-professionnel. CA Pau (1re ch.), 11 février 2020 : RG n° 17/02033 ; arrêt n° 20/00624 ; Cerclab n° 8357 (N.B. l’arrêt vise l’anc. art. L. 132-1 tout en reproduisant les termes de l’anc. art. R. 132-1-6° C. consom. ; conséquence : action non prescrite), confirmant T. com. Bayonne, 15 mai 2017 : RG n° 2016005026 ; Dnd.
Clause imposant une information préalable d’un organisme professionnel. Sauf à priver les mots de leur sens, la recherche d'un arrangement amiable entre deux parties et la simple information donnée à une commission d'arbitrage et de discipline, ne sauraient être assimilées à une procédure de conciliation obligatoire sous l'égide d'un conciliateur, dont l'absence de mise en œuvre constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge. CA Grenoble (1re ch. civ.), 23 mars 2021 : RG n° 19/00852 ; Cerclab n° 9036, sur appel de TGI Valence, 15 janvier 2019 : RG n° 17/00389 ; Dnd - CA Grenoble (1re ch. civ.), 8 juin 2021 : RG n° 19/02177 ; Cerclab n° 9037 (idem), sur appel de TGI Grenoble, 1er avril 2019 : RG n° 16/02223 ; Dnd.
N’est pas abusive la clause qui n’impose pas une médiation obligatoire et qui n'empêche pas le recours à l'action en justice, mais qui se contente de prévoir dans un premier temps, une tentative d'arrangement amiable entre les parties avant d'informer la Commission arbitrage et discipline de la Chambre des indépendants du patrimoine dont l'adresse est précisée, dans un second temps ; cette clause est bien assortie des conditions particulières de sa mise en œuvre et elle peut donc être qualifiée de clause de conciliation préalable obligatoire, de sorte que sa violation est sanctionnée par une fin de non-recevoir au sens de l’art. 122 CPC. CA Rennes (2e ch.), 10 juillet 2020 : RG n° 16/09622 ; arrêt n° 391 ; Cerclab n° 8514 (action admise contre l’assureur), infirmant TGI Quimper, 22 novembre 2016 : Dnd. § N.B. La solution paraît discutable, s’agissant apparemment d’une clause se contentant d’exiger une information d’un organisme dont relève le professionnel, l’arrêt ne précisant d’ailleurs pas la finalité de celle-ci.
Pour une décision ambiguë : les clauses prévoyant, dans un premier temps, la recherche d'un arrangement amiable, puis l'information dans un second temps de la commission d'arbitrage du professionnel concerné, ainsi que les autorités de tutelle (autorité de contrôle prudentiel), ne sont pas illicites, au regard des dispositions des anc. art. L. 132-1 [L. 212-2] et R. 132-2-10° [R. 212-2-10°] C. consom., en ce qu'elles ne suppriment pas ni n'entravent l'exercice d'actions en justice, le consommateur n'étant pas contraint de passer exclusivement par un mode alternatif de règlement du litige ; en revanche, ces clauses ne sont pas suffisamment précises, en ce qu'elles indiquent seulement quelles autorités doivent être informées, sans plus de précision sur les mesures qui pourraient être mises en œuvre : simple avis ou décision de l'autorité, avec ou sans caractère contraignant et, surtout, ces clauses subordonnent à la saisine préalable des autorités de tutelle et à l'échec de cette saisine la possibilité de porter le litige devant les tribunaux compétents, ce qui se comprend comme la possibilité de faire trancher le litige par le juge ; elles sont, dès lors, sans application à la demande d'une mesure d'instruction judiciaire qui, aux termes de l’art. 145 CPC, a seulement pour objet de réunir des éléments de preuve, sans engager d'action pour faire statuer sur le litige ; les clauses contractuelles qui visent à reporter ou restreindre l'accès au juge du fond, par une procédure de conciliation obligatoire, par une procédure d'arbitrage ou encore par attribution de compétence territoriale, sont inopposables aux parties qui sollicitent une simple mesure d'instruction judiciaire sur le fondement de ce texte. CA Lyon (8e ch.), 22 septembre 2021 : RG n° 20/06155 ; Cerclab n° 9186 (contrat entre des dentistes et un cabinet de conseil en stratégie et gestion patrimoniale, pour procéder à des placements financiers par son intermédiaire, l’arrêt ne précisant pas sa nature exacte), infirmant TJ Lyon, 26 octobre 2020 : RG n° 20/00641 ; Dnd (action irrecevable).