6347 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances de dommages - Défaut de paiement de loyers
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6347 (21 septembre 2022)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - PRÉSENTATION PAR CONTRAT
ASSURANCE - ASSURANCE DE DOMMAGES - DÉFAUT DE PAIEMENT DES LOYERS
Opposabilité des conditions générales. Le contrat conclu par un gestionnaire de biens locatif pour le défaut de paiement de loyers n’est pas une assurance de groupe, mais une assurance pour compte, relevant du droit commun des contrats d'assurance, en particulier de l'article L. 112-1 C. assur. qui prévoit que l'assurance peut être contractée en vertu d'un mandat général ou spécial ou même sans mandat, pour le compte d'une personne déterminée ; dans ce dernier cas, les exceptions que l'assureur pourrait opposer au souscripteur sont également opposables au bénéficiaire du contrat ; ces dispositions n'exigent pas que l'assureur justifie de la remise des conditions générales du contrat à l'assuré, de sorte que l'assureur peut lui opposer toutes exceptions contractuelles dès lors qu'il justifie avoir remis au souscripteur lesdites conditions contractuelles. CA Lyon (6e ch.), 9 novembre 2017 : RG n° 16/03758 ; Cerclab n° 7125 ; Juris-Data n° 2017-022382 (assurance couvrant le défaut de paiement des loyers), sur appel de TI Lyon, 12 avril 2016 : RG n° 11-15-001192 ; Dnd.
Sont opposables aux assurés les conditions de la police d’assurance garantissant des propriétaires contre un défaut de paiement des loyers, souscrite pour leur compte par leur mandataire (gestionnaire de biens) ; le fait que le bulletin d'adhésion remis par ce dernier aux propriétaires ne fasse pas référence aux conditions générales et particulières du contrat est inopérant, ledit bulletin d'adhésion n'émanant pas de l'assureur et ne constituant ni un certificat d'assurance, ni un bulletin individuel d'adhésion à celle-ci, mais la manifestation par le propriétaire du lot immobilier auprès de l'administrateur de biens, souscripteur du contrat, de sa volonté de bénéficier des garanties souscrites par ce dernier. CA Nîmes (2e ch. sect. A), 29 juin 2017 : RG n° 16/00360 ; Cerclab n° 6955 (assurance garantie de loyers ; rejet de l’argument tiré des clauses abusives), sur appel de TGI Nîmes, 2 novembre 2015 : RG n° 13/00819 ; Dnd. § N.B. L’arrêt n’est pas très clair sur le schéma juridique utilisé en l’espèce (mandat spécial de conclure une telle assurance ou stipulation pour autrui).
Déclaration du sinistre : état des lieux. N’est pas abusive la clause qui précise expressément les différentes manières pour l'assuré d'apporter la preuve que les conditions de garantie étaient remplies et notamment un état des lieux de sortie contradictoire ou en cas d'impossibilité de faire cet état des lieux, un constat d'huissier sous 15 jours ; le seul fait de laisser supporter à la charge de l'assuré des frais de constat d'huissier, ne caractérise pas un abus de puissance économique. CA Paris (pôle 4 ch. 8), 10 mai 2022 SA : RG n° 20/02619 ; arrêt n° 2022/106 ; Cerclab n° 9624 (assurance de groupe pour garantir le paiement des loyers et les dégradations locatives ; clause rédigée de façon claire et compréhensible : il n'existe aucune contradiction entre la clause qui prévoit un délai de 15 jours pour effectuer un état des lieux de sortie à compter de la récupération effective du logement, et l'autre qui laisse à l'assuré un délai de 60 jours pour déclarer un sinistre et se faire garantir les dégradations locatives ; N.B. 1/ l’abus de puissance économique n’est plus exigé depuis 1995 ; 2/ contrairement à ce que semblait indiquer l’assuré, le point de départ est bien la récupération effective du bien et il ne démarre pas avant qu’il ait pu avoir connaissance de l’état du logement), sur appel de TGI Paris, 10 décembre 2019 : RG n° 18/10741 ; Dnd.
Durée de la garantie. Cassation, pour violation de l’ancien art. 1131 C. civ., de l’arrêt réputant non écrite les clauses d’un contrat d’assurance contre le défaut de paiement des loyers, aux motifs notamment qu’elles aboutissent à priver l’assuré du bénéfice de l’assurance en raison d’une résiliation opérée pour le compte de l’ensemble des bailleurs, alors qu’il résultait de ses propres constatations que l’obligation faite aux assurés de payer les primes avait pour contrepartie l’obligation faite à l’assureur d’indemniser les assurés des pertes locatives subies antérieurement à la résiliation du contrat ainsi que, postérieurement à celle-ci, de prendre en charge la totalité des frais de procédure et d’assurer le suivi de la procédure jusqu’à son terme lorsque les conditions du contrat sont remplies, et, d’autre part, que les pertes pécuniaires liées aux défaillances postérieures à la résiliation ne trouvaient pas leur origine dans les impayés survenus pendant la période de validité du contrat. Cass. civ. 2e, 2 février 2017 : pourvoi n° 15-28011 ; arrêt n° 152 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 6755 (contrat d’assurance souscrit par un professionnel de l’immobilier pour le compte des bailleurs), cassant CA Versailles (12e ch.), 29 septembre 2015 : RG n° 13/07777 ; Cerclab n° 7362, sur appel de T. com. Nanterre, 16 octobre 2013 : RG n° 2012F00989 ; Dnd - Cass. civ. 2e, 2 février 2017 : pourvoi n° 16-10165 ; arrêt n° 153 ; Cerclab n° 6756 (idem), cassant CA Nîmes (ch. com. 2, sect. B), 5 novembre 2015 : RG n° 14/02460 ; Cerclab n° 5380 ; Juris-Data n° 2015-027206 (assurance loyers ; aux termes de l’art. L. 113-5 C. assur., « lors de la réalisation du risque ou à l'échéance du contrat, l'assureur doit exécuter dans le délai convenu la prestation déterminée par le contrat et ne peut être tenu au-delà » ; il en résulte que, dès lors que le fait générateur du sinistre est intervenu pendant la période de validité de la garantie, les prestations liées à la réalisation de ce sinistre ne peuvent être remises en cause par la résiliation ultérieure du contrat, et toute clause contraire doit être réputée non écrite ; en effet, le versement des primes pour la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat et sa résiliation a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période ; les clauses litigieuses qui tendent à réduire la durée de la garantie et privent les assurés du bénéfice de l'assurance en raison de la résiliation, créent un avantage illicite au profit du seul assureur ayant perçu sans contrepartie les primes ; N.B. action intentée par un administateur de biens pour le compte de plusieurs propriétaires), sur appel de T. com. Nîmes, 8 avril 2014 : RG n° 2013J277 ; Dnd.
Pour les juges du fond, dans le même sens que l’arrêt de cassation : CA Nîmes (2e ch. sect. A), 29 juin 2017 : RG n° 16/00360 ; Cerclab n° 6955 (assurance garantie de loyers ; rejet implicite de l’argument tiré des clauses abusives et application de la clause prévoyant que la garantie de l’assureur cesse à la date de résiliation du contrat, en l’espèce l’échéance du contrat annuel en raison du refus de reconduction : la clause est adaptée à l'activité de location immobilière qui renferme un risque spécifique résultant du non-paiement d'un loyer mensuel, de sorte que la faculté annuelle de résiliation à l'échéance que l'assureur tient de l'art. L 113-12 C. assur. ne prive pas les assurés du bénéfice de cette assurance de dommages, le paiement des primes ayant pour contrepartie l'obligation faite à l'assureur d'indemniser les assurés des pertes locatives subies antérieurement à la résiliation du contrat ainsi que, postérieurement à celle-ci, de prendre en charge la totalité des frais de procédure et d'assurer le suivi de celle-ci jusqu'à son terme lorsque les conditions contractuelles en sont réunies ; l'économie générale du contrat et son application par l’assureur ne sont pas contraires à l'art. 1134 C. civ., au principe de loyauté contractuelle ou aux dispositions de l'art. L 113-5 C. assur.), sur appel de TGI Nîmes, 2 novembre 2015 : RG n° 13/00819 ; Dnd.
Délai d’attente. Absence de caractère abusif de la clause d’un contrat d’assurance contre les risques de non paiement des loyers prévoyant une période probatoire de trois mois et excluant la garantie pour les baux en cours lorsque le locataire n’est pas à jour dans le paiement de ses loyers ou a fait l’objet d’un incident de paiement dans les douze mois précédant la conclusion du contrat. CA Nîmes (2e ch. A), 6 mars 2003 : RG n° 00/01867 ; arrêt n° 111 ; Cerclab n° 1064 ; Juris-Data n° 222140 (clause permettant de conserver au contrat son caractère aléatoire), infirmant TI Nîmes, 14 mars 2000 : RG n° 11-99-000272 ; jugt n° 376/2000 ; Cerclab n° 1046 (clause abusive au motif notamment qu’elle tend à vider de son sens l’objet de la garantie et s’oppose à la volonté du souscripteur de se prémunir à l’encontre du risque locatif).
Suspension de la garantie. Comp. dans le cadre d’un mandat de gestion d’immeuble : est abusive la clause autorisant le mandataire à suspendre l’exécution du contrat de garantie de carence et de vacance locative et de garantie de non moins-value, en cas de survenance d'une crise économique et sociale grave entraînant une insolvabilité importante des locataires et se traduisant par une augmentation de plus de 20 % du nombre national des chômeurs par rapport au nombre de chômeurs corrigé des variations saisonnières publiées par l'INSEE au 1er janvier de l'année précédant celle de la signature du mandat de vente, une suspension de plus de six mois donnant droit à chaque partie de résilier le contrat, dès lors que la clause était rédigée de façon absconse pour des mandants non-professionnels et qu’elle permettait au mandataire, pour suspendre la garantie, de se référer à une période de son choix, dès lors que la période de référence n'était pas clairement déterminée dans la clause contractuelle, ce qui lui confèrait indéniablement un avantage par rapport aux mandants en lui réservant le droit de modifier unilatéralement les garanties allouées. CA Paris (pôle 4, ch. 3), 13 novembre 2014 : RG n° 12/17875 ; Cerclab n° 4926 ; Juris-Data n° 2014-027970 (difficulté pour les mandants de comprendre que la période de variation à prendre en considération pour la garantie de carence et vacance locative était celle du 1er janvier de l'année précédant celle de la signature du mandat de gérance et non celle du mandat de vente et ce, d'autant que la clause prévoyait une garantie de non moins-value en cas de vente du bien), sur appel de Jur. proxim. Saint-Maur-Des-Fossés, 29 juin 2012 : RG n° 91-12-000070 ; Dnd.
Déchéance de garantie. Jugé que n’est pas abusive la clause d’un contrat conclu par un gestionnaire de biens locatif pour le défaut de paiement de loyers, analysé par la cour comme une clause de déchéance, qui stipule que l’assureur n’est pas tenu à garantie au moment de sa mise en œuvre si le bailleur a conclu le contrat, sous sa seule responsabilité, avec un locataire ne remplissant pas les conditions de solvabilité exigées. CA Lyon (6e ch.), 9 novembre 2017 : RG n° 16/03758 ; Cerclab n° 7125 ; Juris-Data n° 2017-022382 (arrêt estimant que les conditions étaient remplies, contrairement à ce que soutenait l’assureur), sur appel de TI Lyon, 12 avril 2016 : RG n° 11-15-001192 ; Dnd. § N.B. La solution posée pose problème, puisque l’assuré se voit privé de la garantie en vertu d’une clause qu’il ignorait (situation qui engage en tout état de cause la responsabilité du gestionnaire).