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6428 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Port de plaisance (manutention - location d’emplacement)

Nature : Synthèse
Titre : 6428 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Port de plaisance (manutention - location d’emplacement)
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6428 (10 septembre 2022)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - PRÉSENTATION PAR CONTRAT

PORT (MISE À DISPOSITION D’EMPLACEMENT PORTUAIRE – MANUTENTION)

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2022)

 

 A. LOCATION D’EMPLACEMENT PORTUAIRE (AMODIATION)

Compétence juridictionnelle. Si les litiges relatifs à la passation et à l’exécution de contrats comportant occupation du domaine public relèvent, en vertu de l’art. L. 2331-1 CG propr. pers. publ., de la compétence de la juridiction administrative, les litiges entre le gestionnaire d’un service public industriel et commercial et ses usagers, quand bien même l’activité de ce service a lieu sur le domaine public, relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, ces litiges étant par nature détachables de l’occupation domaniale ; cassation de l’arrêt déclinant la compétence judiciaire pour l’action du locataire d’un corps-mort contre la régie du port, pour les dommages subis par son voilier. Cass. civ. 1re, 30 novembre 2016 : pourvoi n° 15-25516 ; arrêt n° 1360 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 6676, cassant sans renvoi CA Aix-en-Provence (2e ch.), 11 juin 2015 : RG n° 14/20732 ; arrêt n° 2015/217 ; Cerclab n° 7311 (le litige se rattache non à l'usage d'un service public industriel et commercial, mais à l'exécution d'un contrat comportant occupation du domaine public, ce qui en vertu du texte précité rend la juridiction judiciaire incompétente pour en connaître). § V. aussi, dans le même sens que l’arrêt cassé, l’incompétence n’ayant pas été relevée pour des raisons de procédure : CA Aix-en-Provence (11e ch. B), 23 octobre 2014 : RG n° 11/14550 ; arrêt n° 2014/508 ; Cerclab n° 4979 ; Juris-Data n° 2014-028732 (aux termes de l'art. 74 CPC, les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir ; est irrecevable l’exception d’incompétence de la juridiction judiciaire invoquée par une communauté de communes, concédante d’un emplacement portuaire, qui n’a été formulée que tardivement), sur appel de TI Toulon, 30 juin 2011 : RG n° 11/09/2496 ; Dnd.

Clause exonératoire. N’est pas abusive la clause d’un contrat d’occupation d’emplacement portuaire stipulant que la responsabilité du concédant ne peut être recherchée « pour les dégâts, vols ou dégradations (dégradations du bateau, des chromes, batteries, appareillages électriques, moteur, vernis de l'accastillage et de tout autre accessoire d'armement, vols d'objets et d'équipements se trouvant à bord) », dès lors que l’occupant et son assureur procèdent par simple affirmation, sans rapporter la démonstration requise d’un déséquilibre significatif, le concédant objectant à bon droit que la clause précitée ne porte pas atteinte à l'obligation essentielle du contrat. CA Aix-en-Provence (11e ch. B), 23 octobre 2014 : RG n° 11/14550 ; arrêt n° 2014/508 ; Cerclab n° 4979 ; Juris-Data n° 2014-028732 (obligations essentielles du concédant définies par le contrat : « - fournir un poste équipé d'une chaîne filles, - fournir de l'électricité pour l'usage de bord, dans la limite de la puissance disponible, - fournir de l'eau pour l'avitaillement du bord » ; N.B. l’occupant avait en l’espèce été victime d’un tir de feu d’artifice organisé par la commune, à l’organisation duquel le concédant n’était pas associé, ce qui vouait à l’échec en tout état de cause l’action en responsabilité contre ce dernier ; action en responsabilité contre la commune renvoyée à la juridiction administrative), sur appel de TI Toulon, 30 juin 2011 : RG n° 11/09/2496 ; Dnd. § S’agissant d’une mise à disposition d’emplacement, le bailleur n’est pas tenu d’une obligation de conservation. Il importe donc de déterminer avec précision, au cas par cas, les prestations promises, sachant que l’art. R. 212-1-6° C. consom. interdit désormais toute clause limitative ou exonératoire de responsabilité.

Si les clauses supprimant ou réduisant le droit à réparation du préjudice subi par un consommateur en cas de manquement du professionnel à ses obligations contractuelles sont irréfragablement abusives en application de l’anc. art. R. 132-1 devenu R. 212-1 C. consom., cette circonstance est inopérante sur le présent litige qui porte précisément sur la détermination exacte des obligations contractuelles du chantier naval, et non sur la suppression du droit à réparation du propriétaire du bateau en cas de faute du chantier naval ; en l’espèce, le contrat liant les parties étant une convention de location d'emplacement de stockage à sec du navire, et non un contrat de dépôt, le bailleur ne s'était pas engagé à assurer la garde et la conservation du bateau et à restituer celui-ci à son propriétaire. CA Rennes (2e ch.), 26 juin 2020 : RG n° 17/00880 ; arrêt n° 344 ; Cerclab n° 8486 (location d’emplacement d’un bateau de plaisance ; rejet de l’argument tiré du caractère prétendument abusif de la clause exonérant le bailleur de la conservation du bateau), sur appel de TGI Saint-Nazaire, 19 janvier 2017 : Dnd.

Rappr. dans le cadre de l’art. 1171 C. civ. : absence de déséquilibre significatif, au sens de l’art. 1171 C. civ. des clauses qui stipulent que « l'entrée dans la darse puis la sortie du navire sont de la responsabilité du capitaine du navire », alors que « les opérations de levage puis de mise à l'eau sont de la seule responsabilité des agents du port » et qui ajoute pour la remise à l’eau du bateau, que « le client est responsable de son navire dès qu'il entre en flottaison. Il doit immédiatement le sortir de la darse et l'amarrer à un poste d'accostage qui lui est désigné par le Port. Faute de sortie immédiate de la darse, le remorquage du navire est effectué d'office aux frais, risques et périls du client », dès lors que cette stipulation, qui rappelle que le capitaine est maître de son navire lorsque celui-ci est sur l'eau, n'est que la mise en œuvre du droit commun. CA Poitiers (1re ch. civ.), 16 mars 2021 : RG n° 19/01194 ; Cerclab n° 8856 (propriétaire et capitaine du navire ayant sur celui-ci une fois sur l'eau les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle ; N.B. sur la compétence, l’arrêt estime que le grand port maritime est un établissement de l’État, que son règlement a une nature administrative, mais que les relations avec ses « clients » relèvent du droit privé), sur appel de T. com. La Rochelle, 18 janvier 2019 : Dnd.

Durée et résiliation du contrat. L’art. 1er du contrat d’amodiation a pour objet et pour effet de maintenir l’amodiataire dans les liens contractuels pendant la durée de la concession (N.B. 50 ans) en lui imposant de payer les charges portuaires afférentes à l’emplacement amodié, sans lui réserver la faculté de résilier la convention pour un motif légitime, et alors que, d’une part, l’art. 5 lui interdit de céder ou sous-louer l’emplacement, tandis que le règlement de police du port ne prévoit la possibilité d’un transfert de jouissance du poste d’accostage qu’en cas de vente d’un navire et assujettit ce transfert à un accord formel du concessionnaire, et que, d’autre part, la société est autorisée à disposer de l’emplacement au profit de tiers passé un délai d’inoccupation de sept jours, de sorte que la société ne justifie pas d’un préjudice en cas de résiliation moyennant un préavis de sept jours ; il en résulte un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et la clause contenue à l’art. 1er du contrat d’amodiation est donc abusive et, partant, réputée non écrite. Cass. civ. 1re, 8 décembre 2009 : pourvoi n° 08-20413 ; arrêt n° 1226 ; Cerclab n° 2846, cassation de Jur. Proxim. Pont l’Évêque, 5 juin 2008 : RG n° 91-07-103 ; Cerclab n° 2124. § V. pour le même port, après modification de la clause : reste abusive, en dépit de sa modification, la clause d’un contrat de location d’emplacement dans un port qui stipule que l'emplacement faisant l'objet de l'amodiation peut être vendu ou cédé, ce qui a pour effet de maintenir l'amodiataire dans les liens contractuels jusqu’à la fin de la concession (2021) sans lui réserver la faculté de résilier la convention pour un motif légitime, alors que la résolution de plein droit est acquise à la société gérant le port en cas d'inexécution des obligations mises à la charge du locataire un mois après une simple sommation demeurée infructueuse. CA Caen (2e ch. civ. com.), 16 mai 2019 : RG n° 17/01884 ; Cerclab n° 7775 ; Juris-Data n° 2019-008760 (clause modifiée à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation du 8 décembre 2009 ; rejet toutefois de la prétention en l’espèce, l’amodiataire ne pouvant mettre fin au contrat sans raison valable et n’invoquant en l’espèce aucun motif légitime), annulant TI Lisieux, 27 mars 2017 : RG n° 11-16-000677 ; Dnd. § Dans le même sens : l’avenant au contrat d’amodiation qui, pour se conformer à l’arrêt de la Cour de cassation du 8 décembre 2009, stipule que « l'emplacement faisant l'objet de la présente amodiation peut être vendu ou cédé. La sous location est autorisée sous réserve d'acceptation du dossier par la Capitainerie. Pour cette dernière les papiers du bateau ainsi que l'attestation d'assurance sont obligatoires pour la validation de la sous-location » revêt toujours un caractère abusif, dès lors que l’arrêt précité a déclaré abusive la clause d’origine en raison notamment de l'absence de faculté pour l'amodiataire de résilier la convention pour un motif légitime, qui n’est toujours pas prévue par la nouvelle rédaction de la clause qui porte sur l'impossibilité de céder ou de sous louer. CA Caen (1re ch. civ.), 16 février 2021 : RG n° 18/03179 ; Cerclab n° 8790 (amodiataire ayant résilié le contrat, le motif légitime, non discuté par le port, étant le fait qu’il ne disposait plus de bateau et n’occupait plus l’emplacement ; N.B. l’arrêt note aussi que l’avenant n’a pas aménagé cette faculté de résiliation pour motif légitime, par exemple en omettant de fixer un préavis), sur appel de TGI Lisieux, 17 octobre 2018 : RG n° 17/00395 ; Dnd.

Indemnité d’occupation. Est abusive, au sens de l’anc. art. R. 132-2-3° [R. 212-1-3°] C. consom., la clause pénale sanctionnant l’occupation, après la résiliation du contrat, par une indemnité multipliant par quatre le montant du loyer mensuel, dès lors que ce montant est manifestement disproportionné, le bailleur ne rapportant pas la preuve contraire. CA Paris (pôle 5 ch. 10), 20 janvier 2020 : RG n° 18/21318 ; Cerclab n° 8308 (location d’emplacement de port pour un consultant auprès d’une maison de vente aux enchères), sur appel de TGI Paris, 19 juin 2018 : RG n° 16/16067 ; Dnd.

B. MANUTENTION PORTUAIRE

Clause exonératoire. Pour une illustration de décision contestable : est abusive la clause du règlement intérieur d’un port exonérant une commune de toute responsabilité lors de la réalisation d’opérations de manutention, dans la mesure où ces manœuvres sont réalisées par le conducteur de l'engin, sur du matériel appartenant au port et suivant les directives de l'employé portuaire, de sorte que la calage ne peut être considéré comme effectué par l'usager. TGI Narbonne, 8 octobre 1998 : RG n° 97/180 ; jugt n° 1452/98 ; Cerclab n° 388 (avantage excessif), infirmé par CA Montpellier (1re ch. B), 4 septembre 2001 : RG n° 99/01529 ; arrêt n° 3470 ; Cerclab n° 935 ; Juris-Data n° 170748 (l’ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom. est inapplicable au règlement du port, qui est un acte réglementaire).