CA PARIS (pôle 5 ch. 3), 28 octobre 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 6512
CA PARIS (pôle 5 ch. 3), 28 octobre 2016 : RG n° 14/17987
Publication : Jurica
Extrait : « Pour se soustraire à son obligation d'effectuer les travaux de mise aux normes de l'établissement hôtelier, la SCI L'Immobilier de Saint Ouen relève que les clauses du bail mettent à la charge du preneur toutes les réparations, y compris celles prévues par l'article 606 du Code Civil, ainsi que les travaux de vétusté, en contrepartie d'un loyer modeste, induisant un déséquilibre significatif du contrat au profit du preneur prescrit par les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce.
Cependant, outre le fait que le bailleur qui n'est pas d'évidence en situation de faiblesse économique par rapport à son locataire ne peut prétendre s'être vu imposer certaines clauses du contrat par le preneur, il ne peut aujourd'hui revendiquer l'application des dispositions de l'article L. 442-6 précité, instauré par la loi du 3 janvier 2003 postérieure à la signature du contrat de bail d'autant que le caractère modeste du loyer n'apparaît pas sans contrepartie mais comme le pendant de la charge au preneur de la totalité des travaux d'entretien y compris ceux liés à la vétusté. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM. DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 3
ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/17987 (11 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 août 2014 - Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - R.G. n° 13/13519.
APPELANTE :
SCI L'IMMOBILLIER DE SAINT OUEN
ayant son siège social [adresse], SIRET N° : XXX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Anne G.-B. de la SCP G. B., avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111, Représentée par Maître Stéphanie G., avocat au barreau de PARIS, toque : E0039
INTIMÉS :
Monsieur M. X.
demeurant [adresse], Représenté par Maître Caroline N. de la SELARL S. - N., avocat au barreau de PARIS, toque : D1263
Monsieur O. X.
demeurant [adresse]
Madame X. épouse Y.
demeurant [adresse]
Madame A. X.
demeurant [adresse]
Madame M. X. épouse Z.
demeurant [adresse]
Madame L. X.
demeurant [adresse]
Madame Lo. X. épouse W
demeurant [adresse]
Madame Le. X.
demeurant [adresse]
Madame V. prise en sa qualité de tuteur de Mlle Le. X.
demeurant [adresse]
Monsieur K. X.
demeurant [adresse]
Intimés non constitués à la suite de la signification de la déclaration d'appel le 7 novembre 2014 et des conclusions les 2 décembre 2014 et 9 janvier 2015,
Madame U.
demeurant [adresse], Représentée par Maître Marc P., avocat au barreau de PARIS, toque : P0025
PARTIE INTERVENANTE :
SARL X. Y.
ayant son siège social [adresse], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représenté par Maître Caroline N. de la SELARL S. - N., avocat au barreau de PARIS, toque : D1263
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 septembre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Brigitte FREMONT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente de chambre, Madame Anne-Marie GALLEN, Présidente, Madame Marie-Brigitte FREMONT, Conseillère, qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU
ARRÊT : - défaut - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente et par Mme Marie-Gabrielle HARDOIN DE LA REYNERIE, greffière auquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte sous seing privé enregistré le 3 décembre 1981, M. E., aux droits duquel vient la SCI L'Immobilier de Saint Ouen, a consenti à M. X. et à sa mère, Mme S. M. aujourd'hui décédée, un bail commercial portant sur un immeuble de deux étages d'une superficie de 240 m² à usage de café, hôtel meublé, restaurant, situé [...], pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 1982 et moyennant un loyer annuel en principal de 28.000 francs, porté à la somme de 36.475 francs par avenant du 6 décembre 1988 (soit 5.560,58 euros). Le bail s'est tacitement prolongé depuis lors.
Par jugement du Tribunal de Commerce de Bobigny en date du 26 janvier 1999, M. E. a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et Maître B. Jeanne a été désigné en qualité de mandataire liquidateur.
De nombreuses procédures ont opposé le bailleur et les consorts X. depuis 1995.
Par ordonnance datée du 7 juillet 2010, le juge commissaire a autorisé la cession des murs au profit de la SCI L'immobilier de St Ouen, moyennant le prix de 525.000 euros correspondant au montant du passif de M. E.
Reprochant à ses locataires de manquer à leurs obligations en matière de sécurité incendie, d'accueil du public, de souscription d'une police d'assurance ainsi qu'un défaut d'entretien des locaux donnés à bail et une exploitation illégale d'hôtel, la société L'Immobilier de Saint Ouen a fait assigner M. X. ainsi que MM. X., K. X. et Mmes X. épouse M., A. X., M. X. épouse D., L. X., Lo. X. épouse W., Le. X. assistée de sa tutrice Mme V., venant aux droits de Mme M., devant le tribunal de grande instance de Bobigny par actes d'huissier des 14, 15, 21 et 25 novembre 2013, en résiliation du bail aux torts exclusifs des preneurs au 9 septembre 1999 et paiement de dommages et intérêts.
L'assignation a été dénoncée à Maître U. en qualité de notaire chargé de la succession de Mme M. par acte du 21 novembre 2013.
Par jugement en date du 6 août 2014, le tribunal de grande instance de Bobigny a :
- reçu la SCI L'Immobilier De Saint Ouen en ses demandes,
- débouté la société L'Immobilier De Saint Ouen de sa demande de résiliation judiciaire du bail,
- condamné la société L'Immobilier de Saint Ouen à payer à M. X. la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné la société L'Immobilier de Saint Ouen à payer à M. X. la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- ordonné l'exécution provisoire,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
La société L'Immobilier de Saint Ouen a relevé appel de ce jugement le 27 août 2014.
La SARL X. Y., venant aux droits des consorts X. par l'effet d'une cession de fonds de commerce en date du 16 janvier 2015, est intervenue volontairement devant la cour suivant conclusions signifiées le 9 février 2015.
Par ordonnance du 17 février 2015, le conseiller en charge de la mise en état a prononcé l'irrecevabilité des conclusions signifiées par M. X. le 26 janvier 2015 sur le fondement de l'article 909 du code de procédure civile, faute pour lui d'avoir conclu dans le délai imparti.PP
Par dernières conclusions signifiées le 24 août 2016, la SCI L'Immobilier de Saint Ouen demande à la cour de :
- prononcer l'annulation du jugement entrepris,
- ordonner à M. X. de procéder à la restitution de toutes les sommes qu'il a pu percevoir dans le cadre de l'exécution de ce jugement,
- la recevoir en ses demandes et la dire bien fondée,
À titre subsidiaire :
- infirmer le jugement entrepris,
- déclarer opposable à la société X. Y. l'arrêt à venir,
- déclarer irrecevable la prétention nouvelle faite par la société X. Y. concernant l'indemnisation d'une prétendue perte de jouissance,
- fixer la date d'appréciation des motifs de résiliation au 30 juin 2014,
- prononcer la résiliation du bail commercial à compter du 9 septembre 1999 ou à compter du 5 novembre 2013 correspondant à la date de l'exploit introductif d'instance aux torts exclusifs du preneur pour manquement à leurs obligations contractuelles et légales, par application des articles 1184 et 1741 du code civil,
- ordonner l'expulsion des consorts X. et de la société X. Y. ainsi que de tous occupants de son chef du local susvisé, et ce avec l'assistance s'il y a lieu d'un commissaire de police et de la force publique ainsi que d'un serrurier,
- dire que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles 65 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 et 201 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992,
- condamner in solidum les consorts X. à compter du 16 juin 2011 et jusqu'au 16 janvier 2015, une indemnité d'occupation journalière de 150 euros,
- condamner in solidum la société X. Y. en qualité de preneur, et les consorts X. en leur qualité de garants, à compter du 16 janvier 2015 et jusqu'à libéralisation du local commercial actuellement occupé par la remise des clés, une indemnité d'occupation journalière de 150 euros,
- augmenter l'indemnité d'occupation à compter du 11 juin 2011 et jusqu'à la libération effective du local commercial effective du local commercial, d'une somme provisionnelle équivalente à celle des charges et taxe foncière,
- dire que la société X. Y. en sa qualité d'exploitant, sera tenu de restituer les locaux, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du jour où la décision sera rendue,
- augmenter par ailleurs l'indemnité d'occupation, dans l'hypothèse où l'occupation sans droit ni titre du local commercial par les consorts X. et la société X. Y. ou tous occupants de son chef devait se prolonger plus d'un an après la date de résiliation du bail, par le jeu de l'indice du coût de la construction publiée par l'INSEE, l'indice de base étant le dernier indice paru à la date de la résiliation du bail,
- condamner in solidum les consorts X. au paiement de la somme de 95.000 euros à son profit à titre de dommages-intérêts,
- débouter et déclarer irrecevables Monsieur X. et la société X. Y. de toutes leurs demandes reconventionnelles, fins et conclusions,
En tout état de cause :
- condamner in solidum les consorts X. à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société X. Y. au paiement de la somme de 10.000 euros à son profit sur le même fondement,
- condamner in solidum la société X. Y. et les consorts X. en tous les dépens, dont distraction au bénéfice de la SCP G. B. dans les termes de l'article 699 du même code.
Par dernières conclusions signifiées le 13 juin 2016, la SARL X. Y. venant aux droits des consorts X. demande à la cour de :
- la recevoir en son intervention volontaire,
- l'y déclarer bien fondée,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et y ajoutant,
- la recevoir en ses demandes reconventionnelles et, y faisant droit,
- débouter la SCI de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la SCI L'Immobilier De Saint Ouen à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- statuer ce que la cour avisera sur une éventuelle amende civile,
- condamner la SCI L'Immobilier De Saint Ouen à lui payer la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du CPC et condamner la société SCI L'Immobilier De Saint Ouen aux entiers dépens dont distraction dans les conditions de l'article 699 du même code.
Par dernières conclusions signifiées le 6 janvier 2015, Maître U. demande quant à elle à la cour de lui donner acte de ce qu'elle-même prend acte de la présente procédure et des éventuelles conséquences financières de la décision à intervenir, concernant le règlement de la succession, et de statuer ce que de droit quant aux dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Sur la demande de nullité du jugement :
La SCI L'immobilier de Saint Ouen sollicite l'annulation du jugement entrepris sur le fondement de l'article 16 du code de procédure civile motif pris du relevé d'office d'un moyen tiré de la violation de l'article 1719 du code civil, faute pour les preneurs de s'être prévalus de l'obligation de délivrance et d'entretien de la bailleresse et à défaut pour les parties d'avoir été invitées à débattre de l'application des dispositions de cet article au litige.
La SARL X. Y. réplique que l'évocation des dispositions des articles 1719 et suivants du code civil par les premiers juges a eu pour but de rechercher si les défaillances signalées par la commission de sécurité de la mairie de Saint-Ouen étaient le fait des preneurs, conformément à la charge qui leur incombe aux termes de l'article 12 du code de procédure civile.
Il résulte des dernières conclusions signifiées par les parties devant le premier juge, que sans viser expressément l'article 1719 du Code Civil, le bailleur reprochait au locataire un défaut d'entretien et que M. E. répliquait en page 13 de ses conclusions signifiées le 11 juin 2014 que le bailleur lui-même avait manqué à son obligation d'entretien.
Or l'article 12 du Code de Procédure Civile impose au juge de donner ou restituer leur exacte qualification aux actes et faits litigieux, et le juge n'est pas tenu de soumettre son initiative au contradictoire des parties lorsqu'il se borne à donner ou restituer cette qualification juridique, dès lors que celle-ci repose sur des faits invoqués par les parties à l'appui de leurs prétentions.
En retenant une défaillance dans les obligations de délivrance et d'entretien du bailleur prévus par l'article 1719 du code civil, le Tribunal n'a fait que qualifier les manquements soulevés par le preneur dans ses écritures et n'a pas failli dans sa mission de veiller au respect du contradictoire édicté par l'article 19 du code de procédure civile.
Il s'ensuit que le jugement dont appel est valide et de plein effet.
Sur la demande de résiliation judiciaire du bail commercial :
L'appelante fonde sa demande en résiliation du bail pour inexécution des obligations du preneur, qu'elle décline selon les points suivants :
- la violation de l'obligation de sécurité découlant de l'article 121-3 du code pénal et de l'arrêté de fermeture administrative de 1994, en ce que la non-réalisation des travaux de sécurité par les preneurs et leurs manquements à leur obligation d'entretien, constituent une faute délictuelle et pénale qui justifie la résiliation du bail,
- le maintien de la fermeture administrative de l'hôtel depuis 1999, en ce que les consorts X. ne justifient d'aucune démarche auprès de leur bailleur ou de son liquidateur afin de remédier à cette situation administrative,
- le défaut d'entretien et l'absence d'exécution des travaux imputables aux consorts X., en ce que, conformément à l'article 2 du bail, tous les travaux étaient à la charge du preneur y compris ceux de l'article 606 du code civil,
- l'exploitation illégale et clandestine de l'activité d'hôtelier en dépit de l'arrêté de fermeture constitue une faute contractuelle, pénale et délictuelle,
- le défaut d'assurance, en ce que les consorts X. ont refusé de produire le contrat d'assurance et le paiement des primes,
- l'absence d'exploitation de l'activité principale, en ce que la non exploitation de l'hôtel par M. X. constitue une infraction.
- les propos diffamatoires et outrageants tenus à son encontre, notamment dans ses conclusions adverses datées des 3 avril et 5 juin 2013 signifiées en première instance.
La SARL X. Y. venant aux droits des consorts X. dans la présente procédure réplique :
- que M. X. et Mme M. ont parfaitement respecté leur obligation d'entretien, qui se distingue de l'obligation de mise en conformité des lieux aux normes de sécurité, laquelle incombait au bailleur, ce dernier ayant gravement failli dans ses obligations de délivrer et d'entretenir la chose louée en état de servir à l'usage pour lequel elle est louée,
- que la fermeture administrative n'a jamais été dissimulée au bailleur initial ni au bailleur actuel, qu'elle était mentionnée dans les procédures antérieures opposant les parties, étant relevé à cet égard que la SCI L'Immobilier De Saint Ouen est dirigée par les enfants de M. E., bailleur d'origine, et que la méconnaissance de la fermeture administrative de l'hôtel par le bailleur ne constitue pas en elle-même une faute contractuelle,
- que les installations gaz, électricité et sécurité incendie et les rapports afférents ont été vérifiés par la commission de sécurité qui a pu procéder à des essais satisfaisants à l'exception du branchement électrique d'une alarme,
- que le bailleur a seul manqué à son obligation de délivrance dès 1981, date de signature du bail puisque le bail se trouvait soumis aux règles édictées par l'arrêté du 4 novembre 1976 modifié en matière d'isolation ;
- que l'obligation de sécurité pèse sur le bailleur en vertu des clauses du bail qui n'ont pas transféré cette charge sur le preneur,
- que la poursuite résiduelle d'une activité hôtelière en dépit de cette fermeture administrative n'est ni illégale ni clandestine,
- qu'elle justifie d'une couverture d'assurance pour les locaux loués,
- que même si l'hôtel n'était plus exploité depuis plusieurs années, l'activité de café-restaurant s'est maintenue, et le fait de n'exploiter que certaines des activités prévues au bail ne saurait constituer une infraction.
Le bail signé entre M. E. d'une part, et M. X. et Mme M. d'autre part, sans date, mais prenant effet à compter du 1er janvier 1982, pour une durée de neuf années, à destination de café hôtel meublé restaurant moyennant un loyer annuel de 28.000 francs, prévoit que le preneur s'engage à prendre les lieux loués dans l'état où ils se trouvent sans pouvoir exiger du bailleur pendant toute la durée du bail aucune réparation, tous les travaux étant à la charge du preneur y compris ceux de l'article 606 du Code Civil.
Or, suite à un avis défavorable à la poursuite de l'exploitation de l'établissement du 21 juin 1994, un arrêté de fermeture de l'établissement hôtelier a été pris par la Mairie de Saint-Ouen le 5 juillet 1994, pour non-respect des règles d'hygiène et de sécurité emportant des risques très importants pour la sécurité du public qui en découlent.
Cet arrêté a été notifié à M. E. en sa qualité de bailleur et à M. X. en sa qualité d'exploitant du fonds de commerce.
Les parties s'accordent pour convenir que cette fermeture administrative a été ordonnée en raison du mauvais état de la toiture. Le bailleur s'étant abstenu d'effectuer les travaux requis par l'administration, les preneurs ont saisi la juridiction compétente et la Cour d'Appel de Paris a par arrêt du 16 juin 1998 condamné M. E. à payer le coût de la réfection de la toiture que les preneurs ont dû effectuer par eux-mêmes.
Néanmoins, le 24 avril 1998, visant l'arrêté du 4 novembre 1976 régissant le règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public, la Commission Communale de Sécurité rendait un nouvel avis défavorable à la poursuite de l'exploitation, en listant les anomalies suivantes :
1) Non fonctionnement de l'éclairage de sécurité et non-conformité des blocs autonomes.
2 )Présence d'un compteur gaz non isolé dans l'unique escalier desservant les étages.
3) Absence de rapport de vérification établi par un organisme agréé concernant :
- le système de sécurité incendie nouvellement installé,
- les installations électriques
4) Cuisine non isolée de la salle de restaurant,
5) Absence de diffuseur sonore au 2ème étage,
6) Absence de plan d'évacuation de l'établissement mentionnant également l'emplacement des organes de coupure et les moyens de secours.
7) Existence de tuyaux de distribution de gaz en plomb.
8) Aucun des organes de coupure d'urgence (gaz et électricité) n'est signalé.
L'année suivante, le 9 septembre 1998, la Commission Communale de Sécurité, tout en relevant que l'éclairage de sécurité et le déclenchement de l'alarme incendie fonctionnaient, rendait un nouvel avis défavorable à la poursuite de l'exploitation en raison des anomalies subsistantes n° 2, 3, 4, 7 et 8, et des nouvelles anomalies constatées :
1) absence d'isolement entre la cave et les circulations de l'hôtel et la salle de restaurant,
2) absence d'isolement entre l'appartement situé au rez-de-chaussée et la partie hôtel,
3) stockage de matériaux divers dans des locaux. Non isolés,
4) présence de matériels divers dans les circulations.
Enfin suite à sa visite du 27 février 2014, la Commission Communale de Sécurité et d'Accessibilité maintenant l'avis défavorable à la poursuite de l'exploitation, en raison des anomalies suivantes :
- Absence d'isolement de la cage d'escalier, ;
- Absence d'exutoire de désenfumage de l'escalier,
-Défaut d'isolement du sous-sol,
- Absence de détection automatique incendie dans les locaux à risques
- Défaut d'isolement de la cuisine avec le restaurant et les baies des chambres et de la cage d'escalier,
- Absence de ferme-porte sur les portes des chambres,
- Présence d'une conduite de gaz et de gaines électriques non isolées dans la cage d'escalier,
- Eclairage de sécurité incomplet,
et mettait en demeure les preneurs de remédier à ces anomalies.
Contrairement à ce que soutient le bailleur, celui-ci a bien été informé par les services municipaux de la fermeture administrative de l'hôtel exploité par M. X. et de la subordination de la réouverture de l'établissement au dépôt d'un dossier de déclaration de travaux pour l'aménagement et la mise aux normes de sécurité et d'hygiène de l'établissement.
L'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Paris le 1er octobre 2003 rappelle que M. E. a bien été destinataire de l'arrêté de fermeture de l'hôtel, ce que la SCI L'Immobilier de Saint Ouen continue de nier aujourd'hui.
Pour se soustraire à son obligation d'effectuer les travaux de mise aux normes de l'établissement hôtelier, la SCI L'Immobilier de Saint Ouen relève que les clauses du bail mettent à la charge du preneur toutes les réparations, y compris celles prévues par l'article 606 du Code Civil, ainsi que les travaux de vétusté, en contrepartie d'un loyer modeste, induisant un déséquilibre significatif du contrat au profit du preneur prescrit par les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce.
Cependant, outre le fait que le bailleur qui n'est pas d'évidence en situation de faiblesse économique par rapport à son locataire ne peut prétendre s'être vu imposer certaines clauses du contrat par le preneur, il ne peut aujourd'hui revendiquer l'application des dispositions de l'article L. 442-6 précité, instauré par la loi du 3 janvier 2003 postérieure à la signature du contrat de bail d'autant que le caractère modeste du loyer n'apparaît pas sans contrepartie mais comme le pendant de la charge au preneur de la totalité des travaux d'entretien y compris ceux liés à la vétusté.
En revanche, en l'absence de stipulation expresse contraire du bail prévoyant que le locataire supportera non seulement les réparations de toute nature, mais aussi les travaux de mise en conformité, ces travaux qui participent à l'obligation de délivrance de la chose louée, doivent être supportés par le bailleur.
Le bailleur doit ainsi veiller, pendant le cours du bail, à se conformer aux normes en vigueur, pour permettre au preneur de disposer de la chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée.
Tel est le cas en l'espèce puisque les travaux requis par l'autorité administrative concernent essentiellement des problèmes d'isolation entre la cave et les circulations de l'hôtel et la salle de restaurant, l'absence d'isolement entre l'appartement situé au rez-de-chaussée et la partie hôtel, et entre la cuisine et la salle de restaurant. Cette configuration des lieux qui existait déjà à la signature du bail, n'était pas conforme à l'usage d'hôtellerie, et les travaux de mise aux normes de sécurité devaient être réalisés par le bailleur, lequel n'ignorait pas que l'établissement avait fait l'objet d'une fermeture administrative pour non-respect des normes d'hygiène et de sécurité et n'a accompli aucune démarche ni effectué les travaux de nature à lever cette interdiction.
Le procès-verbal d'huissier de justice dressé le 21 janvier 2014 à la demande de la SCI L'Immobilier de Saint Ouen démontre que le local loué est parfaitement entretenu par les preneurs, et que ceux-ci respectent leur obligation d'entretien.
Il ne peut donc être retenu à l'encontre des preneurs aucune défaillance dans leur obligation d'entretenir les locaux objet du bail.
Le bailleur actuel reproche aux preneurs d'avoir tout à la fois poursuivi leur activité d'hôtelier malgré l'interdiction administrative, et abandonné leur activité principale d'hôtellerie.
Les procès-verbaux dressés par huissier les 12 mars 2013 et 21 janvier 2014 démontrent que sur les six chambres situées au 2ème étage susceptibles d'être proposées à la location, M. X. continue à se livrer de manière résiduelle à cette exploitation de logement meublé, au demeurant autorisée par le bail.
La SCI L'Immobilier de Saint Ouen est mal fondée à se prévaloir de ses propres manquements qui ont conduit à la fermeture administrative de l'hôtel, alors même que son inaction à se conformer aux injonctions administratives et à faire effectuer les travaux de mise aux normes d'un établissement destiné à recevoir du public, a empêché son locataire d'exploiter pleinement son établissement.
Il n'est pas contesté que l'activité de café-restaurant s'est poursuivie, l'interdiction administrative ne visant que l'activité d'hôtellerie.
En conséquence, la poursuite partielle de l'exploitation du fonds par les preneurs dont le bailleur est à l'origine ne saurait constituer un manquement grave des obligations du preneur pour justifier la résiliation du bail.
Quant au défaut d'assurance invoqué par le bailleur comme constitutif d'une faute pouvant justifier la résiliation du bail, au motif que M. X. a refusé de communiquer à l'huissier de justice le 21 janvier 2014 les contrats d'assurance et les quittances acquittées couvrant les lieux loués sur la période de 2006 au 30 avril 2012, il est justifié par une attestation de la compagnie Allianz datée du 5 mars 2014 que M. X. est bien assuré pour ses locaux hôteliers situés [...] depuis le 1er mai 1998.
Ce document est suffisant à établir que les locaux dont s'agit sont bien assurés pour la période désignée par le bailleur, et que les preneurs ont rempli leurs obligations contractuelles sans qu'il soit nécessaire pour les preneurs de produire les contrats d'assurance ni les quittances de primes.
La SARL X. Y. justifie pour sa part d'une assurance multirisques professionnelle souscrite auprès de la Mutuelle de l'Est.
Enfin, les écrits qualifiés de diffamatoires et outrageants à l'encontre du bailleur, tels que l'affirmation selon laquelle la SCI L'Immobilier de saint Ouen serait dirigée par un dirigeant de fait et la comparaison du bailleur avec un chien en employant des figures de style comme « aboiements » et « ronge tous les os qu'elle trouve sur son passage », constituent des moyens de défense formulés par un avocat, certes virulents, mais qui viennent répondre aux propos tenus par le conseil de la SCI L'Immobilier de saint Ouen accusant les locataires d'être coupables et malhonnêtes.
Ces échanges de propos, bien que peu amènes, tenus par les conseils de chacune des parties par l'intermédiaire de conclusions dans le cadre d'une procédure judiciaire, ne sauraient constituer une faute de nature à justifier la résiliation du bail.
Il s'ensuit qu'aucune faute suffisamment grave ne peut être retenue à l'encontre de M. X. ni de la SARL X. Y. dans l'exercice de leurs obligations contractuelles pour voir prononcer la résiliation judiciaire du bail et la SCI L'Immobilier de Saint Ouen sera déboutée du chef de cette demande et des demandes subséquentes en expulsion, en fixation d'une indemnité d'occupation et en dommages et intérêts pour le préjudice financier qu'elle prétend avoir subi.
Sur les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts :
Les premiers juges ont condamné la SCI L'Immobilier de Saint Ouen à verser à M. X. des dommages et intérêts pour procédure abusive et l'appelante demande l'infirmation de cette disposition.
En l'absence de toute démonstration du caractère abusif de l'action entreprise par la SCI L'immobilier de Saint Ouen, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages intérêts de M. X. ;
La SARL X. Y. sollicite également de son côté paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, demande à laquelle s'opposent les appelants.
Compte tenu de l'acharnement dont ont fait preuve les consorts E. puis la SCI L'Immobilier de Saint Ouen, pour évincer leurs locataires en multipliant les procédures depuis 1995, sans respecter ses propres obligations de bailleur, il sera fait droit à la demande en dommages et intérêts de SARL X. Y. à hauteur de 5.000 euros.
L'équité commande de faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit de l'intimée. La condamnation prononcée à ce titre en première instance sera confirmée et il sera alloué à la SARL X. Y. la somme complémentaire de 4.000 euros en cause d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions, à l'exception de celle condamnant la SCI L'Immobilier de Saint Ouen à verser des dommages et intérêts à M. X. ;
RÉFORMANT sur ce point et statuant à nouveau,
REÇOIT la SARL X. Y. en son intervention ;
CONDAMNE la SCI L'Immobilier de Saint Ouen à verser à la SARL X. Y. la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
CONDAMNE la SCI L'Immobilier de Saint Ouen à verser à SARL X. Y. la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel ;
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE la SCI L'immobilier de Saint Ouen aux entiers dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
DIT le présent arrêt opposable à Maître Véronique U., notaire.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE
M-G HARDOIN DE LA REYNERIE C. BARTHOLIN