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CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 2 juin 2017

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 2 juin 2017
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 6
Demande : 17/07065
Date : 2/06/2017
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 31/03/2017
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6913

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 2 juin 2017 : RG n° 17/07065 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant qu'il est constant que les demandeurs à l'instance ne se sont pas constitués partie civile dans le cadre de l'information ouverte au tribunal de grande instance de Paris et qu'ils ne sollicitent pas l'indemnisation du préjudice que leur aurait causé le délit, de sorte qu'aucune décision n'interviendra, en l'espèce, sur l'action publique, de laquelle dépendrait directement l'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction ; Considérant en conséquence que la décision de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale présente un caractère facultatif pour le juge civil même si la décision à intervenir dans l'instance pénale est susceptible d'avoir une influence sur l'action dont il est saisi et qu'il doit se prononcer en fonction de ce qu'une bonne administration de la justice commande ;

Considérant que l'issue de la procédure pénale est nécessairement lointaine et qu'aucune des parties ne demande qu'il soit sursis à statuer ; Considérant que l'instance pénale ne peut trancher la question de la validité de la clause d'indexation dont il est soutenu qu'elle contrevient aux dispositions de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier ou qu'elle constitue une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation ni davantage le débat sur les conditions de formation du contrat et l'existence de vices du consentement qui n'imposent pas nécessairement que la preuve de pratiques commerciales trompeuses soit rapportée ;

Considérant qu'il est de l'intérêt des emprunteurs et donc d'une bonne administration de ne pas différer une décision qui peut être rendue sans attendre l'issue de l'instance pénale ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 6

ARRÊT DU 2 JUIN 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/07065 (4 pages). Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 6 octobre 2016 -Tribunal de Grande Instance de Paris - R.G. n° 16/04598.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

Né le [date] à [ville], Représenté par Maître Anne-Valérie B., avocat au barreau de PARIS, toque : C0686, Ayant pour avocat plaidant Maître Stéphane S., avocat au barreau de PARIS, toque : C0441

Madame Y.

Née le [date] à [ville], Représentée par Maître Anne-Valérie B., avocat au barreau de PARIS, toque : C0686, Ayant pour avocat plaidant Maître Stéphane S., avocat au barreau de PARIS, toque : C0441

 

INTIMÉE :

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

RCS PARIS XXX, Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître François T. de l'AARPI T.-S., avocat au barreau de PARIS, toque : J125, Ayant pour avocat plaidant Maître Philippe M., avocat au barreau de PARIS, toque : J002, Substitué par Maître Elodie Aurore V., avocat au barreau de PARIS, toque : J002

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 16 mai 2017, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre, Madame Muriel GONAND, Conseillère, Monsieur Marc BAILLY, Conseiller, qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Josélita COQUIN

MINISTÈRE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au Ministère Public, représenté par Madame Anne-France S., Avocat Général, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT : - Contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Françoise CHANDELON, président et par Mme Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

A une date non précisée Monsieur X et Madame Y. ont souscrit auprès de la société BNP Paribas Personal Finance (ci-après « BNPPPF »), un prêt dénommé « Helvet Immo », à taux variable, libellé en francs suisses (pour un montant correspondant à 125.910,75 euros), remboursable en euros.

Exposant que ce prêt à haut risque était incompatible avec leur projet d'investissement immobilier locatif défiscalisant, Monsieur X. et Madame Y. ont assigné, par exploit du 23/02/2016, la BNPPPF devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir principalement l'annulation de la clause de parité qu'ils considèrent illicite et abusive, subsidiairement, celle du contrat pour vices de leur consentement, en invoquant l'erreur et le dol.

A la suite des plaintes de plusieurs emprunteurs, le procureur de la République de Paris a requis, le 28 mars 2013, l'ouverture d'une information judiciaire, dans le cadre de laquelle la BNPPPF a été mise en examen du chef de pratiques commerciales trompeuses puis, le 4 avril 2017, selon les déclarations des appelants, le renvoi de l'affaire devant le tribunal correctionnel de Paris.

Saisi de conclusions d'incident aux fins d'audition de témoin, le juge de la mise en état a, par ordonnance du 6 octobre 2016, sursis à statuer sur l'ensemble des demandes de Monsieur X. et de Madame Y. dans l'attente d'une décision définitive à intervenir dans l'instance pénale.

C'est dans ce contexte que Monsieur X. et Madame Y., qui ne se sont pas constitués partie civile devant le juge d'instruction saisi, ont sollicité du premier président l'autorisation de faire appel de cette décision, précisant en substance :

- que leur demande principale est fondée sur l'illicéité de la clause d'indexation de sorte que la décision à intervenir sur l'existence de pratiques commerciales trompeuses ne saurait avoir d'incidence sur la décision du juge civil,

- que la seule circonstance qu'ils estiment se prévaloir, au soutien de leur moyen subsidiaire de nullité du contrat, des interrogatoires de Monsieur Z. et de Madame W., communiqués par le ministère public dans le cadre de la procédure ne saurait justifier le sursis prononcé

- alors que ce sursis leur est préjudiciable en raison de l'augmentation substantielle des intérêts mis à leur charge et de la longueur prévisible de l'instance pénale.

Par ordonnance du 2 mars 2017, le délégataire du premier président a fait droit à leur demande et a fixé l'affaire à l'audience de plaidoirie du 16 mai 2017.

Monsieur X. et Madame Y., ont formalisé un premier appel contre BNP PPF par déclaration du 31 mars 2017, dossier n° 17/07065. Ils en ont formé un second le 29 avril 2017, également à l'encontre du ministère public (dossier n° 17/08948), assigné par exploits des 28 avril et 4 mai 2017.

Aux termes de leurs conclusions du 11 mai 2017, Monsieur X. et Madame Y. précisent que le capital qu'ils restent devoir s'élevait, le 10 septembre 2016, à la somme de 157.434,16 euros alors qu'ils s'étaient régulièrement acquittés du versement des échéances, pour un montant total de 56.952,88 euros et que les termes du contrat signé permettent à la banque non seulement de prolonger la durée du remboursement mais également, si cette mesure est insuffisante au regard d'une évolution de la parité franc suisse/euro en leur défaveur, d'augmenter les échéances mensuelles. Ils estiment en conséquence que l'exigence de célérité, composante d'une bonne administration de la justice, s'oppose au prononcé d'un sursis à statuer, de nature à reporter l'examen du litige à plusieurs années, circonstance susceptible d'entraîner sinon leur ruine, à tout le moins leur surendettement et sollicitent l'infirmation de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 6 octobre 2016.

Aux termes de ses conclusions du 11 mai 2017, la BNPPPF précise ne pas s'opposer à la levée du sursis à statuer.

Par observations écrites du même jour, le ministère public invite la cour à infirmer l'ordonnance déférée, exposant que le présent dossier peut être jugé indépendamment de l'instance pénale et que l'attente d'une décision définitive pourrait entraîner une aggravation désastreuse du préjudice économique des appelants.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

CELA ETANT EXPOSÉ,

LA COUR :

Considérant qu'il convient d'ordonner la jonction des dossiers 17/08948 et 17/07065 sous ce dernier numéro ;

Considérant que selon l'article 4 du code de procédure pénale :

« L'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique. Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.

La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil » ;

Considérant qu'il résulte de ce texte que la mise en mouvement de l'action publique n'impose le sursis que sur le seul jugement de l'action civile exercée devant la juridiction civile en réparation du dommage causé par l'infraction ; que les autres actions portées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, ne sont pas soumises à l'obligation de suspendre l'instance, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer directement ou indirectement une influence sur la solution du procès civil ;

Considérant qu'il est constant que les demandeurs à l'instance ne se sont pas constitués partie civile dans le cadre de l'information ouverte au tribunal de grande instance de Paris et qu'ils ne sollicitent pas l'indemnisation du préjudice que leur aurait causé le délit, de sorte qu'aucune décision n'interviendra, en l'espèce, sur l'action publique, de laquelle dépendrait directement l'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction ;

Considérant en conséquence que la décision de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale présente un caractère facultatif pour le juge civil même si la décision à intervenir dans l'instance pénale est susceptible d'avoir une influence sur l'action dont il est saisi et qu'il doit se prononcer en fonction de ce qu'une bonne administration de la justice commande ;

Considérant que l'issue de la procédure pénale est nécessairement lointaine et qu'aucune des parties ne demande qu'il soit sursis à statuer ;

Considérant que l'instance pénale ne peut trancher la question de la validité de la clause d'indexation dont il est soutenu qu'elle contrevient aux dispositions de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier ou qu'elle constitue une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation ni davantage le débat sur les conditions de formation du contrat et l'existence de vices du consentement qui n'imposent pas nécessairement que la preuve de pratiques commerciales trompeuses soit rapportée ;

Considérant qu'il est de l'intérêt des emprunteurs et donc d'une bonne administration de ne pas différer une décision qui peut être rendue sans attendre l'issue de l'instance pénale ;

Considérant, en conséquence, que l'ordonnance doit être infirmée ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Ordonne la jonction des procédures 17/07065 et 17/08948 sous le numéro 17/07065 ;

Infirme l'ordonnance déférée ;

Dit que les dépens de cette instance seront joints à ceux de l'instance principale.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT