CASS. COM., 24 mai 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7646
CASS. COM., 24 mai 2018 : pourvoi n° 17-11710 ; arrêt n° 453
Publication : Legifrance ; Bull. civ.
Extrait : « Il résulte de l’article L. 133-3 du code monétaire et financier qu’un prélèvement peut être initié par le bénéficiaire, qui donne un ordre de paiement au prestataire de services de paiement du payeur, fondé sur le consentement donné par ce dernier au bénéficiaire ; […] sauf anomalie apparente, non alléguée en l’espèce, le prestataire de services de paiement n’est pas tenu de s’assurer de l’existence du mandat de prélèvement donné par le payeur au bénéficiaire, préalablement à l’exécution de l’ordre de prélèvement donné par celui-ci ; que le moyen, qui, en ses deux branches, postule le contraire, n’est pas fondé ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 24 MAI 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 17-11710. Arrêt n° 453.
DEMANDEUR à la cassation : M. et Mme X.
DÉFENDEUR à la cassation : La Banque postale
Mme Mouillard (président), président. SCP Ortscheidt, SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Donne acte à M. et Mme X. du désistement de leur pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société EDF ;
Sur le moyen unique :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d’instance de Lyon, 1er décembre 2016), rendu en dernier ressort, que M. et Mme X., titulaires d’un compte dans les livres de la société La Banque postale (la banque), ont assigné celle-ci en indemnisation du préjudice moral subi du fait de prélèvements effectués sur leur compte au profit de la société EDF sans leur autorisation ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que M. et Mme X. font grief au jugement de rejeter leur demande alors, selon le moyen :
1°/ que le banquier répond de l’emploi des fonds qui lui ont été confiés par son client ; qu’il engage sa responsabilité pour avoir exécuté des prélèvements sans avoir préalablement vérifié le pouvoir du donneur d’ordre lorsqu’il n’est pas le titulaire du compte ; qu’en rejetant la demande de M. et Mme X. tendant à condamner la banque postale au paiement de dommages-intérêts motifs pris que « la société Banque postale n’est pas intervenue pour la mise en place des prélèvements litigieux et n’avait aucun pouvoir pour les autoriser ou les empêcher ; qu’en conséquence, sa responsabilité ne saurait être retenue et monsieur et madame X. seront déboutés de toutes prétentions à son encontre », le tribunal d’instance a statué par des motifs inopérants et a violé les dispositions de l’article 1937 du code civil, ensemble les dispositions de l’article 1147, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu 1231-1 du code civil ;
2°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que le banquier dépositaire qui autorise des prélèvements sans avoir préalablement vérifié le pouvoir du donneur d’ordre engage sa responsabilité ; que dans leurs dernières conclusions, M. et Mme X. faisaient valoir qu’« il appartenait donc à la Banque Postale de vérifier l‘existence d’un tel mandat, ce que manifestement elle n’a jamais fait. Si la Banque Postale avait, comme elle en avait l’obligation, sollicité la communication du prélèvement SEPA ; et ce dès Octobre 2014, M. et Mme X. n’auraient pas eu à connaître toutes ces contrariétés » ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans répondre aux conclusions circonstanciés de M. et Mme X., qui soutenaient que la banque avait commis un manquement à son obligation de restitution des fonds, en autorisant des prélèvements sans avoir vérifié si la société EDF avait le pouvoir d’opérer de tels prélèvements, de nature à justifier l’engagement de sa responsabilité contractuelle, le tribunal d’instance a violé les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu qu’il résulte de l’article L. 133-3 du code monétaire et financier qu’un prélèvement peut être initié par le bénéficiaire, qui donne un ordre de paiement au prestataire de services de paiement du payeur, fondé sur le consentement donné par ce dernier au bénéficiaire ; que, sauf anomalie apparente, non alléguée en l’espèce, le prestataire de services de paiement n’est pas tenu de s’assurer de l’existence du mandat de prélèvement donné par le payeur au bénéficiaire, préalablement à l’exécution de l’ordre de prélèvement donné par celui-ci ; que le moyen, qui, en ses deux branches, postule le contraire, n’est pas fondé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X. aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société La Banque postale la somme globale de 3.000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief au jugement attaqué d’avoir débouté monsieur Jacques X. et madame Marie-Claude Y. épouse X. de toutes prétentions à l’encontre de la société BANQUE POSTALE ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE l’espace unique de paiement en euros, en anglais Single Euro Payments Area (SEPA), est un ensemble de règles techniques édictées par les banques au sein du Conseil européen des paiements auquel s’ajoute un règlement adopté par le législateur européen dans le but de mettre en place « un marché unique des paiements » sur l’ensemble de la zone euro ; que l’objectif de ce projet est que tous les utilisateurs de paiements, y compris les consommateurs, puissent utiliser leurs moyens de paiement « SEPA », c’est-à-dire leurs cartes bancaires, virements et prélèvements, de la même manière dans l’ensemble des vingt-huit pays de l’Union européenne, mais aussi en Suisse, en Norvège, en Islande, au Liechtenstein et à Monaco, sous réserve que ce paiement soit effectué en euros ; que l’utilisation du format SEPA, permise depuis novembre 2010, est devenue obligatoire pour les cartes, virements et prélèvements à partir du 1er août 2014 ; qu’avec le prélèvement SEPA, le payeur n’a plus à signer et à donner d’autorisation de prélèvement à sa banque pour que le paiement d’un fournisseur (d’eau, de téléphone, d’électricité, etc.) soit réalisé : il lui suffit de signer le mandat de prélèvement et de l’envoyer au fournisseur en question accompagné d’un relevé d’identité bancaire (RIB) ; que c’est le fournisseur qui s’occupe de la mise en place du prélèvement, et oui conserve le mandat de prélèvement ; que pour mettre fin au prélèvement, alors qu’auparavant il fallait le révoquer aussi bien auprès de son fournisseur que de sa banque, il suffit désormais de révoquer ce prélèvement auprès du fournisseur, de préférence par courrier envoyé en recommandé avec accusé de réception ; que cette révocation peut se faire à tout moment ; qu’en l’espèce, la société BANQUE POSTALE n’est pas intervenue pour la mise en place des prélèvements litigieux et n’avait aucun pouvoir pour les autoriser ou les empêcher ; qu’en conséquence, sa responsabilité ne saurait être retenue et monsieur et madame X. seront déboutés de toutes prétentions à son encontre ; qu’il est constant que la société EDF a procédé à deux prélèvements sur le compte bancaire de monsieur et madame X., alors qu’elle ne peut justifier d’aucun mandat de prélèvement et que, en l’absence de toute demande de ces derniers, la notion d’un mandat provisoire, dans l’attente de la signature du mandat de prélèvement, n’est pas fondée, caractérisant un comportement fautif ; que Monsieur et madame X. ont imaginé que quiconque pouvait ponctionner leur compte bancaire et, à n’en pas douter, cette faute de nature contractuelle a généré un préjudice moral conséquent qui sera justement réparé par l’allocation de la somme de 500 euros que la société EDF sera condamnée à leur payer ; qu’alors que monsieur et madame X. seront déboutés de leur demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile à l’encontre de la société BANQUE POSTALE, cette dernière sera déboutée de sa prétention sur le même fondement, qui n’est pas justifiée ; qu’il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la charge de monsieur et madame X. les frais par eux exposés pour attraire la société EDF ; qu’en conséquence, cette dernière, qui sera déboutée de sa demande sur le même chef, sera condamnée à leur payer la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ; qu’enfin, la société EDF sera condamnée à payer les entiers dépens de l’instance ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QUE le banquier répond de l’emploi des fonds qui lui ont été confiés par son client ; qu’il engage sa responsabilité pour avoir exécuté des prélèvements sans avoir préalablement vérifié le pouvoir du donneur d’ordre lorsqu’il n’est pas le titulaire du compte ; qu’en rejetant la demande des époux X. tendant à condamner la banque postale au paiement de dommages-intérêts motifs pris que « la société Banque postale n’est pas intervenue pour la mise en place des prélèvements litigieux et n’avait aucun pouvoir pour les autoriser ou les empêcher ; qu’en conséquence, sa responsabilité ne saurait être retenue et monsieur et madame X. seront déboutés de toutes prétentions à son encontre », le tribunal d’instance a statué par des motifs inopérants et a violé les dispositions de l’article 1937 du code civil, ensemble les dispositions de l’article 1147, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, devenu 1231-1 du code civil ;
2°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que le banquier dépositaire qui autorise des prélèvements sans avoir préalablement vérifié le pouvoir du donneur d’ordre engage sa responsabilité ; que dans leurs dernières conclusions, Monsieur et Madame X. faisaient valoir qu’« il appartenait donc à la Banque Postale de vérifier l‘existence d’un tel mandat, ce que manifestement elle n’a jamais fait. Si la Banque Postale avait, comme elle en avait l’obligation, sollicité la communication du prélèvement SEPA ; et ce dès Octobre 2014, M. et Mme X. n’auraient pas eu à connaître toutes ces contrariétés » ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans répondre aux conclusions circonstanciés de Monsieur et Madame X., qui soutenaient que la banque postale avait commis un manquement à son obligation de restitution des fonds, en autorisant des prélèvements sans avoir vérifié si la société EDF avait le pouvoir d’opérer de tels prélèvements, de nature à justifier l’engagement de sa responsabilité contractuelle, le tribunal d’instance a violé les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.