Règles d'anonymisation et de présentation des décisions
CERCLAB – NOTICE N° 8347 (15 mai 2020)
PRINCIPES DE PRÉSENTATION ET D’ANONYMISATION DES DÉCISIONS
Rédacteur : X. HENRY (tous droits réservés)
A. PRÉSENTATION DES DÉCISIONS
Toutes les décisions se voient appliquer des règles de présentation uniformes, dont les principales sont les suivantes.
Cartouche. Chaque décision est précédée d’un cartouche comportant les références de la décision (juridiction, chambre, date, numéro de répertoire et, s’il est connu, numéro de minute). Le cartouche indique l’origine de la décision (base de données). Pour les décisions les plus anciennes, il peut être indiqué CRDP/Cerclab, correspondant au laboratoire où le projet a initialement débuté (Centre de recherche de Droit privé, devenu l’Institut François Gény). L’indication du laboratoire de rattachement a ensuite été supprimée pour éviter de fastidieuses remises à jour en cas d’évolution du nom de celui-ci. De même, dans les premières décisions chargées, l’indication d’éventuelles décisions ultérieures ou les références de publication figurent dans le cartouche. Pour les décisions plus récentes, ces informations sont accessibles dans la fiche d’identification ou dans les notices liées.
Extrait. Le cartouche est suivi d’un extrait pertinent au regard de l’objet du site. Il s’agit bien d’un extrait et non d’un sommaire ou d’un résumé, par souci de fidélité au contenu réel des décisions. Certaines décisions ne comportent pas de tels extraits, soit parce que la décision ne concerne pas directement les déséquilibres significatifs (ex. : arrêt de cassation cassant une décision abordant le caractère abusif d’une clause mais pour une autre raison), soit parce que les extraits auraient été trop longs (ex. décisions examinant de nombreuses clauses dans le cadre de l’action d’une association de consommateurs).
En-tête. L’extrait est suivi de l’en-tête de l’arrêt. Les indications « République française » et « Au nom du peuple français » sont présentes ou non, en fonction du contenu réel de la décision lorsque celui-ci est connu (de façon parfaitement fiable pour les minutes qui ont été recueillies sur papier, en fonction des données fournies par la base JuriCa pour les autres, apparemment fiables compte tenu de la comparaison avec les minutes réelles consultées).
Séparateurs. Toutes les décisions de justice assemblent des éléments composites, d’origine différente : éléments d’identification de la décision (provenant du juge), rappel des faits et de la procédure (idem), exposé des demandes et arguments des parties (reprises par le juge à partir des conclusions des parties), motifs (juge), dispositif (juge). Pour éviter toute confusion des utilisateurs, les passages ont été isolés par des séparateurs qui ne sont pas présents dans les minutes originales (indication explicitement mentionnée).
Pour les juges du fond, quatre zones sont délimitées : identification, exposé du litige (rappel des faits, de la procédure et argument des parties), motifs et dispositifs. Ces séparateurs ont été systématiquement insérés avec l’indication explicite qu’ils ne figurent pas dans la décision, même si parfois le passage commence par une formule similaire. Il faut également préciser que les décisions, dans leur version JuriCa sont souvent mal présentées et que pour plus de clarté les césures entre le rappel des faits et de la procédure et les arguments des parties ou, dans les motifs, entre le rappel des arguments et le début des motifs au sens strict ont été indiquées ([*] ou ***).
Ces séparateurs sont également mentionnés dans les arrêts de cassation : visa, chapeau (le cas échéant), rappel des faits et de la procédure, moyen, réponse au moyen (rejet), rappel de la décision attaquée et critique de la Cour de cassation (cassation), dispositif. Compte tenu de la variabilité de présentation des arrêts, il a fallu en prévoir ponctuellement d’autres non indiqués ici. En revanche, lorsqu’elle est disponible, la présentation des moyens en annexe est toujours la même : rappel du dispositif de la décision attaquée, rappel des motifs, moyen.
Enfin, il faut signaler que la Cour de cassation a fait évoluer la rédaction de certains de ses arrêts, tant dans leur motivation (plus fournie et argumentée) que dans leur présentation. Quelques décisions comportent désormais des titres explicites et une numérotation. Les séparateurs utilisés par le site depuis longtemps n’ont pas été pour autant supprimés, même si leur emploi est devenu moins aisé. Le lecteur jugera par lui-même la qualité de cette nouvelle présentation, par rapport à l’ancienne complétée par les séparateurs. Pour ne prendre qu’un exemple du caractère très perfectible des pratiques nouvelles de la Cour de cassation, il suffit de mentionner que la Cour fait figurer dans la « Réponse au moyen » le rappel des motifs de la décision cassée, ce qui semble fort peu logique.
Identification. Les décisions commencent par le numéro d’inscription au répertoire général (ou de requête pour les décisions administratives) de façon uniforme (R.G. n° 17/10000). Les indications de copies aux parties ont été supprimées. Les présentations ont été globalement respectées, même si les indications « appelant » ou « intimé » ont parfois été déplacées pour précéder le nom des parties ce qui est la solution adoptée par la quasi-totalité des juridictions (à l’exception par exemple de la Cour d’appel de Versailles).
Pagination. Pour les décisions pour lesquelles les minutes ont été récupérées (depuis Jurica, cette information est parfois connue), la pagination réelle des minutes est indiquée ([minute page 2]).
Corrections. Le contenu des décisions est intégralement et fidèlement reproduit, sous les réserves suivantes. Les fautes d’orthographe ne souffrant aucune contestation ont été corrigées. Les citations erronées de texte ont été rectifiées de façon transparente (ex. décision citant 131-2 au lieu de 132-1), tout comme toutes les autres coquilles. Quant au terme euro, il n’a pas été considéré comme invariable et a toujours été mis au singulier ou au pluriel (euros) selon le contexte. Enfin, la présentation de la structure des décisions a été respectée, même si leur mise en forme a pu être harmonisée (suppression des tirets avant un titre, utilisation d’une hiérarchie uniforme pour les gras, soulignés, italiques, etc.).
B. ANONYMISATION DES DÉCISIONS
Rappel des textes. L’article 21 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, dite Loi Lemaire, a complété l’article L. 111-13 du Code de l’organisation judiciaire. Ce texte dispose: « Sans préjudice des dispositions particulières qui régissent l'accès aux décisions de justice et leur publicité, les décisions rendues par les juridictions judiciaires sont mises à la disposition du public à titre gratuit dans le respect de la vie privée des personnes concernées. [alinéa 1] Cette mise à disposition du public est précédée d'une analyse du risque de ré-identification des personnes. [alinéa 2] Les articles L. 321-1 à L. 326-1 du code des relations entre le public et l'administration sont également applicables à la réutilisation des informations publiques figurant dans ces décisions. [alinéa 3] Un décret en Conseil d'Etat fixe, pour les décisions de premier ressort, d'appel ou de cassation, les conditions d'application du présent article. [alinéa 4] ».
Ce texte a été modifié par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 qui a remplacé les deux premiers alinéas par trois alinéas nouveaux. Le texte dispose désormais : « Sous réserve des dispositions particulières qui régissent l'accès aux décisions de justice et leur publicité, les décisions rendues par les juridictions judiciaires sont mises à la disposition du public à titre gratuit sous forme électronique. [alinéa 1] Les nom et prénoms des personnes physiques mentionnées dans la décision, lorsqu'elles sont parties ou tiers, sont occultés préalablement à la mise à la disposition du public. Lorsque sa divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage, est également occulté tout élément permettant d'identifier les parties, les tiers, les magistrats et les membres du greffe. [alinéa 2] Les données d'identité des magistrats et des membres du greffe ne peuvent faire l'objet d'une réutilisation ayant pour objet ou pour effet d'évaluer, d'analyser, de comparer ou de prédire leurs pratiques professionnelles réelles ou supposées. La violation de cette interdiction est punie des peines prévues aux articles 226-18,226-24 et 226-31 du code pénal, sans préjudice des mesures et sanctions prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. [alinéa 3] Les articles L. 321-1 à L. 326-1 du code des relations entre le public et l'administration sont également applicables à la réutilisation des informations publiques figurant dans ces décisions. [alinéa 4] Un décret en Conseil d'Etat fixe, pour les décisions de premier ressort, d'appel ou de cassation, les conditions d'application du présent article. [alinéa 5] ».
Décision du Conseil constitutionnel. Le Conseil constitutionnel a été saisi d’un recours sur la conformité à la Constitution de la première phrase de l’alinéa 3 (Décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019).
La critique était la suivante : « 89. Les députés auteurs de la première saisine contestent l'interdiction de la réutilisation du nom des juges pour déceler leurs pratiques professionnelles, alors que, selon eux, une meilleure connaissance, par ce biais, de la jurisprudence favoriserait l'égalité entre les justiciables. Il en résulterait une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi et du droit à un procès équitable. Ils reprochent également aux nouvelles dispositions de donner une trop grande latitude aux greffes pour décider d'occulter certains éléments des décisions de justice dans les copies délivrées aux tiers ou pour refuser une telle délivrance en cas de demandes répétitives ou systématiques. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un procès équitable, dont découleraient « l'accès au droit » et « l'accès au juge », de l'égalité devant la loi et devant la justice et des libertés d'opinion, d'expression et de communication. Enfin, ils estiment excessives les restrictions, fondées sur le respect de la vie privée ou le secret des affaires, apportées à la publicité des débats et des jugements en matière civile, par des dispositions de surcroît entachées d'incompétence négative. Il en résulterait là encore une méconnaissance du droit à un procès équitable, ainsi que du « principe de publicité des débats ».
La critique a été rejetée : « En ce qui concerne la réutilisation des données d'identité des magistrats et des membres du greffe :
93. En prévoyant que les données d'identité des magistrats et des membres du greffe figurant dans les décisions de justice mises à disposition du public par voie électronique ne peuvent faire l'objet d'une réutilisation ayant pour objet ou pour effet d'évaluer, d'analyser, de comparer ou de prédire leurs pratiques professionnelles réelles ou supposées, le législateur a entendu éviter qu'une telle réutilisation permette, par des traitements de données à caractère personnel, de réaliser un profilage des professionnels de justice à partir des décisions rendues, pouvant conduire à des pressions ou des stratégies de choix de juridiction de nature à altérer le fonctionnement de la justice.
94. Ces dispositions n'instaurent ainsi aucune distinction injustifiée entre les justiciables et ne portent pas d'atteinte contraire au droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties. Les griefs tirés de la méconnaissance, par ces dispositions, des articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789 doivent donc être écartés.
95. Dès lors, la première phrase du quatrième alinéa de l'article L. 10 du code de justice administrative et la première phrase du troisième alinéa de l'article L. 111-13 du code de l'organisation judiciaire, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution. »
Site du Cerclab. Bien que débuté très antérieurement à ce texte, le site du Cerclab a toujours appliqué des principes similaires en pratiquant des règles d’anonymisation haute, supérieures à celles de Legifrance et a fortiori JuriCa.
Consommateurs. Le nom des parties ayant la qualité de consommateur est anonymisé, tout comme celui des professionnels personnes physiques lorsqu’ils sollicitent l’application de la protection consumériste. Pour éviter tout risque de ré-identification, le nom est remplacé par une lettre neutre (X., Y., Z., puis W., V, etc.). Les prénoms sont enlevés, sauf lorsque leur présence est nécessaire (affaires mettant en cause des membres d’une même famille qu’il convient de distinguer) mais dans un tel cas, seule la première lettre est conservée (A. X., P. X., etc.). Par ailleurs, sont également supprimés : la date et le lieu de naissance, l’adresse, les numéros de contrat, le numéro et la date d’obtention de l’aide judiciaire. Toujours dans le même esprit, les noms de lieu (adresse, nom d’une résidence, ville, etc.) sont anonymisés.
Ministre et associations de consommateur. Concernant les actions d’acteurs institutionnels tels que le Ministre de l’Économie (art. L. 442-6-III C. com.) ou les associations de consommateurs (action en cessation), ils restent bien évidemment présents, mais les noms des fonctionnaires agissant pour le ministre, de ceux représentant l’administration ou des personnes représentant les associations sont retirés.
Professionnels. S’agissant des professionnels, les noms des sociétés sont conservés (comme sur Legifrance) sauf lorsque ce nom intègre le nom d’une personne physique (N.B. cette information n’est pas toujours aisée à connaître, si une décision n’adoptait pas cette présentation, elle serait rectifiée immédiatement dès le signalement de l’anomalie). Pour les professionnels personnes physiques, seule la première lettre du nom est conservée. Dans tous les cas, les adresses des sièges sociaux, les numéros d’identification commerciaux sont anonymisés, tout comme le nom des personnes physiques les représentant.
N.B. Le maintien de l’identification des professionnels personnes morales (ce qui représente la quasi-totalité des cas) est indispensable pour respecter les principes du procès équitable et de l’égalité des armes. En effet, le droit des clauses abusives est fondé sur la nécessité, souvent exprimée par la CJUE, de remplacer un équilibre formel par un équilibre réel, afin de contrebalancer les différences de situations entre le professionnel et le consommateur, tant sur le plan de l’information que de la capacité de négociation. Dans cet esprit, l’éradication des clauses abusives vient compenser le fait que le professionnel a rédigé seul les conditions générales et défini le contenu de celles-ci à son seul avantage. Il en résulte, d’une part, que ces conditions générales peuvent concerner un très grand nombre de consommateurs, et, d’autre part, que le professionnel a nécessairement connaissance de toutes les décisions de justice ayant déclaré l’une de ses clauses abusives, alors qu’il sera extrêmement difficile au consommateur, seul ou représenté, d’effectuer la même recension.
Autres intervenants. Ces principes d’anonymisation haute (noms, prénoms, indications géographiques) sont étendus à toutes les personnes citées dans les décisions : témoins, notaires, huissiers, experts, médecins, etc.
En revanche, le nom des avocats ou des organes professionnels d’une procédure collective sont conservés quand ils sont connus. Les premiers sont des auxiliaires de justice tenus au secret professionnel (art. 3 de la Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971), les seconds interviennent es qualité dans le cadre de leur profession. Pour ces derniers, il faut constater que la pratique est souvent contraire et que l’anonymisation est parfois présente selon la version utilisée (tous les éditeurs ne procèdent pas à la même anonymisation de la base JuriCa).