CA POITIERS (2e ch. civ.), 17 novembre 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8671
CA POITIERS (2e ch. civ.), 17 novembre 2020 : RG n° 19/02596 ; arrêt n° 431
Publication : Jurica
Extrait (motifs) : « En application de ce texte, la condition de concomitance de la subrogation au paiement, exigée par l'article 1250 1° du code civil, peut être remplie lorsque le subrogeant a manifesté expressément, fût-ce dans un document antérieur, sa volonté de subroger son cocontractant dans ses créances à l'instant même du paiement ; en revanche, après paiement, la subrogation est impossible en raison de l'effet extinctif de celui-ci.
Selon l'article 1893 du code civil, par l'effet du prêt de consommation, l'emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée ; et c'est pour lui qu'elle périt, de quelque manière que cette perte arrive. L'article 1238 du code civil, dans sa version applicable au litige antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, dispose enfin que pour payer valablement, il faut être propriétaire de la chose donnée en paiement, et capable de l'aliéner. […]
Or, en application de l'article 1893 du code civil, M. X. est, par l'effet du prêt, devenu propriétaire des fonds prêtés, dès la conclusion du contrat de crédit ; il en résulte que le prêteur, en procédant au versement des fonds, a agi comme mandataire de l'emprunteur acquéreur et n'est donc pas l'auteur, en qualité de tierce personne, du paiement, faute d'être propriétaire desdits fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur au moment du versement en application de l'article 1238 du code civil. Le paiement, réalisé juridiquement par le débiteur ainsi représenté, a eu pour effet d'éteindre la garantie constituée par la clause de réserve de propriété.
L'appelante ne peut se prévaloir d'aucune subrogation régulière du vendeur dans le bénéfice de la clause de réserve de propriété et la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté sa demande de restitution du véhicule. »
Extrait (arguments de l’appelant) : « Elle soutient que l'article L. 132-1 du code de la consommation, sur le fondement duquel a été prononcé l'avis de la cour de cassation dont se prévalent les intimés, n'est pas applicable s'agissant d'un contrat ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/02596. Arrêt n° 431. N° Portalis DBV5-V-B7D-FZ3I. Décision déférée à la Cour : jugement du 19 juillet 2019 rendu(e) par le Tribunal de Grande Instance des SABLES D'OLONNE.
APPELANTE :
SAS AGCO FINANCE
prise en la personne de son Président en exercice et de tous autres représentants légaux domiciliés en cette qualité audit, [...], [...], Ayant pour avocat postulant Maître Jérôme C. de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS, Ayant pour avocat plaidant Maître Jessica C., avocat au barreau de PARIS.
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], [adresse], [...], Ayant pour avocat plaidant Maître Bruno M. de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS
SELARL H. prise en la personne de Maître Thomas H. et en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de Monsieur Hervé B.
[...], [...], Ayant pour avocat plaidant Maître Bruno M. de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS.
COMPOSITION DE LA COUR : En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 29 septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant : Monsieur Emmanuel CHIRON, Conseiller.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président, Madame Sophie BRIEU, Conseiller, Monsieur Emmanuel CHIRON, Conseiller.
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU.
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
OBJET DU LITIGE :
M. X. a acquis le 12 mai 2015, selon bon de commande n° 195283 auprès de la société Matériel agricole vendéen (MAV) un tracteur de marque Massey Ferguson MF 6614 n° de série XX pour un prix de 87.000 euros hors taxes, soit 104.400 euros toutes taxes comprises.
Cette acquisition a été intégralement financée, selon acte sous signatures privées des 12 mai et 13 juillet 2016, par un prêt n° 88140338169 consenti par la société en nom collectif AGCO Finance et remboursable en une échéance de 17.400 euros le 20 avril 2017 puis sept échéances annuelles de 13.084,80 euros à compter du 20 juillet 2017, au taux annuel effectif global de 1,24 %. Ce contrat comportait en son article 10.3 une clause stipulant que le vendeur subrogeait le prêteur dans le bénéfice de la clause de réserve de propriété, ainsi rédigée : « contre le paiement reçu de la société AGCO Finance SNC, le vendeur subroge à due concurrence, suivant les termes de l'article 1250-1 du code civil, la société AGCO Finance SNC dans le bénéfice de la clause de réserve de propriété stipulée conformément à l'article 121 alinéa 2 de la loi n°85-98 du 25 janvier 1985 ».
Le matériel a été livré le 12 juillet 2017. M. X. a apposé sur le certificat de livraison la mention « bon pour acceptation de la clause de réserve de propriété dont est assortie la vente ».
Les fonds ont été versés le 13 juillet 2016 par la société AGCO Finance entre les mains du vendeur.
La réserve de propriété a inscrite au greffe du tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon le 10 janvier 2017 sous le numéro 181700007.
M. X. ayant été défaillant dans le paiement des échéances du contrat, la société AGCO Finance l'a par courrier recommandé du 12 septembre 2018, distribué le 14 septembre 2018, mis en demeure de régler la somme de 13 512,53 euros, à peine de déchéance du terme à défaut de paiement sous huit jours.
La déchéance du terme a été prononcée le 22 septembre 2018.
Par jugement du 2 octobre 2018, le tribunal de grande instance des Sables d'Olonne a admis M. X. au bénéfice d'une procédure de redressement judiciaire, et a désigné la Selarl H., prise en la personne de Maître Thomas H., en qualité de mandataire judiciaire.
La société AGCO Finance a déclaré une créance de 80.388 euros le 4 décembre 2018.
Elle a en outre selon demande du même jour, distribué le 8 décembre 2018, sollicité la restitution du matériel en se fondant sur la clause de réserve de propriété puis a saisi, en raison de l'opposition du débiteur et du mandataire, le juge-commissaire d'une requête en restitution le 8 janvier 2019
Par ordonnance en date du 24 avril 2019, le juge-commissaire du tribunal de grande instance des Sables-d'Olonne a :
- déclaré la SNC AGCO Finance recevable et bien fondée en sa requête en restitution,
- constaté que la SNC AGCO Finance est propriétaire du tracteur Massey Ferguson MF6614 n° de série XXX en vertu de la clause de réserve de propriété,
- ordonné au profit de la SNC AGCO Finance la restitution du tracteur Massey Ferguson MF6614 n° de série XXX ;
- débouté la société AGCO Finance de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. X. et Maître H. ès qualités aux entiers dépens pris en frais privilégiés de procédure.
M. X. a formé opposition à cette ordonnance le 16 mai 2019.
Par jugement du 19 juillet 2019, le tribunal de grande instance des Sables d'Olonne a statué comme suit :
Vu l'ordonnance du juge Commissaire en date du 24 avril 2019,
Vu le recours exercé par M. X. 2019 le 16 mai 2019 contre cette ordonnance,
- déclare le recours de M. X. recevable et fondé ;
En conséquence,
- dit que la SNC AGCO Finance ne peut se prévaloir d'une subrogation dans la clause de réserve de propriété dont bénéficiait la société Matériel agricole vendéen (MAV) sur le tracteur Massey Ferguson MF 6614 n° de série XXX ;
- débouté la SNC AGCO Finance de ses demandes tendant à la voir dire légitime propriétaire du tracteur Massey Ferguson MF 6614 n° de série XXX et voir ordonner la restitution de ce dernier à son profit ;
- rejeté la demande de M. X. tendant à la radiation de l'inscription de la clause de réserve de propriété portant sur le tracteur Massey Ferguson MF 6614 n° de série XXX prise par la SNC AGCO Finance le 10 janvier 2017, comme n'entrant pas dans les pouvoirs du tribunal dans le cadre du présent recours ;
- condamné la SNC AGCO Finance à verser à M. X. une indemnité de 1.000 euros au titre de l'article 700 de code de procédure civile ;
- rejeté la demande de la SNC AGCO Finance sur le fondement de l'article 700 de code de procédure civile ;
- condamné la SNC AGCO Finance aux entiers dépens.
La SAS AGCO Finance a interjeté appel selon déclaration du 23 juillet 2019 à l'encontre de cette décision en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de M. X. tendant à la radiation de l'inscription de la clause de réserve de propriété portant sur le tracteur Massey Ferguson MF 6614 n° de série VKKMVV52BHGB174004 prise par la SNC AGCO Finance le 10 janvier 2017, comme n'entrant pas dans les pouvoirs du tribunal dans le cadre du présent recours ;
[*]
La SAS AGCO Finance formule les prétentions suivantes dans ses dernières conclusions du 31 août 2020 :
Vu les articles L. 624-10, R. 624-14 et suivants du code de commerce,
Vu les pièces versées aux débats,
que la cour déclare la société AGCO Finance recevable et bien fondée en son appel, et infirme le jugement rendu par le tribunal de Grande Instance des Sables d'Olonne du 19 juillet 2019 en ce qu'il a :
- déclaré le recours de M. X. recevable et bien fondé,
- en conséquence,
- dit que la SNC AGCO Finance ne peut se prévaloir d'une subrogation dans la clause de réserve de propriété dont bénéficiait la société Matériel agricole vendéen (MAV) sur le tracteur Massey Ferguson MF6614, n° de série XXX,
- déboute la SNC AGCO Finance de ses demandes tendant à la voir dire légitime propriétaire du tracteur Massey Ferguson MF6614, n° de série XXX et voir ordonner la restitution de ce dernier à son profit,
- condamne la société AGCO Finance à verser à M. X. une indemnité de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejette la demande de la SNC AGCO Finance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société AGCO Finance aux entiers dépens
En conséquence, le réformer et statuant à nouveau :
- déclarer la société AGCO Finance recevable et bien fondée en sa requête en restitution,
- juger que la société AGCO Finance est la légitime propriétaire du tracteur Massey Ferguson MF6614, n° de série XXX
- ordonner au profit de la société AGCO Finance, la restitution du tracteur Massey Ferguson MF6614, n° de série XXX.
Confirmer le jugement rendu le jugement rendu par le tribunal de Grande Instance des Sables d'Olonne du 19 juillet 2019 en ce qu'il a :
- rejeté la demande de M. X. tendant à la radiation de l'inscription de la clause de réserve de propriété portant sur le tracteur Massey Ferguson MF6614, n° de série XXX prise par la société AGCO Finance le 10 janvier 2017, comme n'entrant pas dans les pouvoirs du tribunal dans le cadre du présent recours,
En tout état de cause,
- condamner in solidum M. X. et Me H. ès qualités de mandataire judiciaire au paiement de la somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du CPC,
- les condamner aux entiers dépens qui seront considérés comme des frais privilégiés de procédure.
Elle fait valoir à cette fin que sa propriété du matériel revendiqué est incontestable dans la mesure où elle résulte de sa subrogation dans le bénéfice de la clause de réserve de propriété consentie au vendeur, subrogation acceptée par M. X. dans le contrat de crédit et portée à sa connaissance dans l'avis de livraison (sans qu'il soit nécessaire que le paiement soit antérieur à la subrogation), et qui est conforme aux dispositions de l'article L. 624-16 du code de commerce, et enfin ne s'analyse pas en un contrat en cours s'agissant d'un contrat de prêt. Elle soutient que l'article L. 132-1 du code de la consommation, sur le fondement duquel a été prononcé l'avis de la cour de cassation dont se prévalent les intimés, n'est pas applicable s'agissant d'un contrat ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle.
Elle expose que le crédit consenti à M. X. ne fait pas de lui le propriétaire tant que l'intégralité du crédit n'a pas été remboursé, le complet paiement étant le fait du prêteur et non de l'acquéreur emprunteur entre les mains duquel les fonds n'ont pas transité, ce qui permet sa subrogation dans les droits du vendeur. Elle soutient qu'il n'était pas nécessaire que cette clause soit conclue par acte notarié en application de l'article 1250 du code civil, dès lors que le contrat de prêt ayant été conclu directement entre la société AGCO Finance et la société MAV, M. X. n'ayant pas emprunté pour régler sa dette.
Elle soutient que la publication du contrat, avec l'identification des parties et du matériel afin d'être opposable à tous, entraîne la dispense de revendication en application des articles R. 624-15 et R. 624-31 du code de commerce.
Elle estime enfin qu'il n'appartient pas aux juges statuant en matière de revendication d'ordonner la radiation de l'inscription de la clause de réserve de propriété, demande dont le juge-commissaire n'avait pas été saisi et qui n'a pu être dévolue au tribunal.
[*]
M. X. et la Serlarl H., dans leurs dernières conclusions du 31 août 2020, demandent à la cour de :
- débouter la SNC AGCO Finance de son appel,
- confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de M. X. tendant à la radiation de l'inscription de la clause de réserve de propriété portant sur le tracteur Massey Ferguson MF6614 n° de série XXX prise par la société AGCO Finance le 10 janvier 2017,
En conséquence :
- dire et juger que la SNC AGCO Finance n'est pas subrogée dans la clause de réserve de propriété dont bénéficiait la concession MAV Matériel agricole vendéen sur le tracteur Massey Ferguson MF6614 N° de série XXX,
- débouter la SNC AGCO Finance de toutes ses demandes, et notamment de ses demandes tendant à voir :
- constater que la SNC AGCO Finance est propriétaire du tracteur Massey Ferguson MF6614 N° de série XXX en vertu de la clause de réserve de propriété,
- ordonner au profit de la SNC AGCO Finance la restitution du tracteur Massey Ferguson MF6614 N° de série XXX,
Faisant droit à l'appel incident de M. X.,
- ordonner la radiation de l'inscription de la clause de réserve de propriété prise par la SNC AGCO Finance le 10 janvier 2017, n° 181700007, portant sur le tracteur Massey Ferguson MF6614 N° de série XXX,
Ajoutant au jugement entrepris,
- condamner la SNC AGCO Finance à payer à M. X. la somme supplémentaire de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SNC AGCO Finance aux dépens d'appel.
Ils soutiennent que les conditions de la subrogation conventionnelle telles que rappelées par l'article 1250-1° du code civil ne sont pas réunies faute, d'une part, de concomitance entre la subrogation dans la clause de réserve de propriété le 12 juillet 2016 et le paiement le lendemain, et d'autre part, de paiement par une tierce personne, les fonds prêtés appartenant à l'emprunteur en application du contrat de crédit, l'appelante n'étant que dépositaire de ces fonds lors de leur versement, en sa qualité de mandataire de l'emprunteur. Ils soutiennent que la solution juridique donnée par l'avis du 28 novembre 2016 est applicable sur le seul fondement de ce texte et que la qualité de professionnel est indifférente dès lors qu'ils n'agissent pas sur le fondement des clauses abusives. Ils font dès lors valoir que faute d'acte notarié sur le fondement de l'article 1250-2° du code civil, la société AGCO Finance n'est pas fondée à se prévaloir de sa clause de réserve de propriété. Ils estiment que la publication de la clause aux fins d'opposabilité aux tiers ne les empêchent pas de contester l'efficacité de la subrogation.
A l'appui de la demande de radiation de l'inscription, ils font valoir que l'article R. 313-8 du code de commerce n'impose aucune restriction à la compétence juridictionnelle pour cette décision, et qu'en l'absence de subrogation de l'appelante dans le bénéfice de la clause de réserve de propriété, cette radiation est justifiée.
[*]
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 septembre 2020.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la validité de la subrogation dans le bénéfice de la clause de réserve de propriété :
L'article 2367 du code civil dispose que la propriété d'un bien peut être retenue en garantie par l'effet d'une clause de réserve de propriété qui suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement de l'obligation qui en constitue la contrepartie.
La propriété ainsi réservée est l'accessoire de la créance dont elle garantit le paiement.
Selon l'article L. 624-16 du code de commerce, peuvent être revendiqués, s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété. Cette clause doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison. Elle peut l'être dans un écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties.
L'article 1250 du code civil, dans sa version applicable au litige antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, dispose que la subrogation est conventionnelle :
1° Lorsque le créancier recevant son paiement d'une tierce personne la subroge dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur : cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le paiement ;
2° Lorsque le débiteur emprunte une somme à l'effet de payer sa dette, et de subroger le prêteur dans les droits du créancier. Il faut, pour que cette subrogation soit valable, que l'acte d'emprunt et la quittance soient passés devant notaires ; que dans l'acte d'emprunt il soit déclaré que la somme a été empruntée pour faire le paiement, et que dans la quittance il soit déclaré que le paiement a été fait des deniers fournis à cet effet par le nouveau créancier. Cette subrogation s'opère sans le concours de la volonté du créancier.
En application de ce texte, la condition de concomitance de la subrogation au paiement, exigée par l'article 1250 1° du code civil, peut être remplie lorsque le subrogeant a manifesté expressément, fût-ce dans un document antérieur, sa volonté de subroger son cocontractant dans ses créances à l'instant même du paiement ; en revanche, après paiement, la subrogation est impossible en raison de l'effet extinctif de celui-ci.
Selon l'article 1893 du code civil, par l'effet du prêt de consommation, l'emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée ; et c'est pour lui qu'elle périt, de quelque manière que cette perte arrive. L'article 1238 du code civil, dans sa version applicable au litige antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, dispose enfin que pour payer valablement, il faut être propriétaire de la chose donnée en paiement, et capable de l'aliéner.
En l'espèce, il résulte de la pièce n° 3 de l'appelante que lors de la signature de l'avis de livraison le 12 juillet 2016, la société MAV a certifié que la vente était assortie d'une clause de réserve de propriété, subordonnant le transfert du droit de propriété de(s) bien(s) au profit de l'emprunteur au paiement intégral du prix de vente TTC acceptée par l'emprunteur et/ou le co-emprunteur.
Cette mention a été cosignée de M. X. le même jour, avec la mention suivante : « Bon pour acceptation de la cause de réserve de propriété dont est assortie la vente.
Dès lors, il est établi, alors que le paiement du prix n'est intervenu que le 13 juillet 2016 à la diligence de la SNC AGCO Finance, que lors la livraison du bien, et alors que le prix n'était pas encore réglé, M. X. a consenti en garantie du paiement de son engagement du bon de commande du 12 mai 2015 une clause de réserve de propriété au profit de la société MAV.
Le même document prévoit que le fournisseur déclare recevoir du prêteur le paiement du solde du prix de vente du bien pour le financement duquel le contrat de crédit est conclu, puis comporte la mention « A l'instant même et sur seul fait de ce paiement, le fournisseur subroge le prêteur, conformément aux dispositions de l'article 1250-1 du code civil, dans tous ses droits et actions contre l'emprunteur et/ou le co-emprunteur attachés à la clause de réserve de propriété dont est assortie la créance du prix de vente et affectée à la garantie de son paiement ». En outre, l'article 10.3 du contrat de prêt était ainsi libellé : « Contre le paiement reçu de la société AGCO Finance SNC, le vendeur subroge à due concurrence, suivant les termes de l'article 1250-1 du code civil, la société AGCO Finance SNC dans le bénéfice de la clause de réserve de propriété stipulée conformément à l'article 121 alinéa 2 de la Loi n°85- 98 du 25 janvier 1985 ».
Dès lors qu'aucun acte notarié n'a été conclu, et en outre que les stipulations claires de ces deux actes font référence à une subrogation à la diligence du vendeur créancier et non du débiteur du paiement garanti, la validité de cette subrogation qui relève du 1° et non du 2° de l'article 1250 du code civil dans sa version applicable au litige, est subordonnée, d'une part, à la condition de concomitance de ladite subrogation au paiement, et d'autre part, à la réalisation d'un paiement par une tierce personne, l'application de ces deux conditions n'étant pas subordonnée à la qualité de consommateur de M. X.
Il est indifférent, concernant la première condition, que le paiement soit intervenu le lendemain de l'acte mentionnant la subrogation, dès lors que la société MAV subrogeante a manifesté expressément, fût-ce comme en l'espèce dans un document antérieur, sa volonté de subroger son cocontractant dans ses créances à l'instant même du paiement.
Toutefois, s'il est établi que les fonds ont été matériellement versés par l'appelante le 13 juillet 2015, celle-ci agissait exclusivement dans le cadre du contrat de crédit conclu le 12 mai 2016 entre elle-même et M. X. (et non la société MAV comme elle le prétend à tort contre le texte de ses propres pièces).
Or, en application de l'article 1893 du code civil, M. X. est, par l'effet du prêt, devenu propriétaire des fonds prêtés, dès la conclusion du contrat de crédit ; il en résulte que le prêteur, en procédant au versement des fonds, a agi comme mandataire de l'emprunteur acquéreur et n'est donc pas l'auteur, en qualité de tierce personne, du paiement, faute d'être propriétaire desdits fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur au moment du versement en application de l'article 1238 du code civil. Le paiement, réalisé juridiquement par le débiteur ainsi représenté, a eu pour effet d'éteindre la garantie constituée par la clause de réserve de propriété.
L'appelante ne peut se prévaloir d'aucune subrogation régulière du vendeur dans le bénéfice de la clause de réserve de propriété et la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté sa demande de restitution du véhicule.
Sur la demande de radiation de l'inscription de la clause de réserve de propriété portant sur le tracteur Massey Ferguson MF 6614 n° de série XXX prise par la SNC AGCO Finance le 10 janvier 2017 :
L'article L. 624-10 du code de commerce dispose que le propriétaire d'un bien est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l'objet d'une publicité. Il peut réclamer la restitution de son bien dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
Selon l'article R. 621-21 du code de commerce, le juge-commissaire statue par ordonnance sur les demandes, contestations et revendications relevant de sa compétence ainsi que sur les réclamations formulées contre les actes de l'administrateur, du mandataire judiciaire et du commissaire à l'exécution du plan. Le juge-commissaire est saisi par requête, sauf s'il en est disposé autrement.
L'article R. 624-15 du code de commerce énonce que pour bénéficier des dispositions de l'article L. 624-10, les contrats qui y sont mentionnés doivent avoir été publiés avant le jugement d'ouverture selon les modalités qui leur sont applicables. Aux mêmes fins, en l'absence de réglementation particulière, le propriétaire du bien doit avoir fait publier le contrat avant le jugement d'ouverture, selon le cas, au registre mentionné à l'article R. 313-4 du code monétaire et financier ou au registre prévu au troisième alinéa de l'article R. 621-8 du présent code.
Selon l'article R. 641-31, I de ce code, les articles R. 624-13 à R. 624-15 sont applicables à la procédure de liquidation judiciaire sous réserve des dispositions suivantes :
La demande formée sur le fondement des articles L. 624-9, L. 624-10, L. 624-18 ou L. 624-19 est adressée au liquidateur. Le demandeur en adresse une copie à l'administrateur judiciaire, s'il en a été désigné.
Même en l'absence de demande préalable de restitution, le juge-commissaire peut être saisi par le liquidateur.
En l'espèce, la présente cour statuant en appel du jugement du tribunal de grande instance sur recours à l'encontre de la décision du juge-commissaire n'est saisie que dans les limites des pouvoirs de cette première juridiction ; or, la demande de radiation de l'inscription n'entre pas dans les pouvoirs que celui-ci tire du code de commerce, et notamment des textes fondant sa saisine (articles L. 624-10, R. 621-15 et R. 641-31 du code de commerce). Le tribunal a donc à bon droit rejeté cette demande comme excédant ses pouvoirs.
Eu égard à sa succombance, la société appelante supportera les entiers dépens de première instance « par confirmation du jugement entrepris » ainsi que d'appel. En outre, il serait inéquitable de laisser aux intimés la charge des frais engagés pour leur défense et non compris dans ceux-ci ; la cour ajoute donc à l'indemnité justement évaluée à 1.000 euros par le jugement entrepris une indemnité complémentaire de 3.000 euros allouée à M. X. La demande de la société AGCO à ce titre sera rejetée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement du 19 juillet 2019 du tribunal de grande instance des Sables d'Olonne en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
- Condamne la SNC AGCO au paiement à M. X. de la somme de 3.000 euros (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejette la demande de la société AGCO sur ce fondement ;
- Condamne la SNC AGCO aux dépens de la procédure d'appel ;
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,