CA PARIS (pôle 5 ch. 16), 30 mars 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8921
CA PARIS (pôle 5 ch. 16), 30 mars 2021 : RG n° 19/15655 ; arrêt n° 24 /2021
Publication : Jurica ; Légifrance
Extraits : 1/ « 116. L'action oblique engagée par la société ICV porte sur une contestation de la facturation des « marges arrières » par la société Conforama que la société Mab Ltd aurait négligé de faire à l'encontre de la société Conforama, notamment la contestation des créances déclarées par Conforama résultant de l'application du contrat cadre de coopération commerciale, dans le cadre des accords commerciaux susrappelés, au titre desquels la société Conforama a procédé à la compensation de trois factures datées de 2006 qu'elle soutient que la société Mab Ltd restait lui devoir.
117. Or, à la suite des saisies pratiquées par les sociétés ICV et HPRE, la société Conforama a tout d'abord déclaré qu'elle restait devoir une somme de 867.881,52 € à la société Mab Ltd, tout en faisant déjà état d'une précédente saisie d'un montant de 124.836,80 € de la société Eurotrac. Elle a ensuite déclaré détenir une créance sur la société Mab Ltd, dans son dernier état avec un solde positif en faveur de la société Conforama, d'un montant de 692 880,79 €, au titre de trois factures des 24 mars 2006 (n°73943), 20 juin 2006 (n° 74607) et 5 juillet 2006 (n°74689).
118. Ce sont ces factures pour des prestations qu'elle dit inexistantes que la société ICV estime que la société Mab Ltd aurait dû contester afin de reconstituer son patrimoine saisissable et que la société Conforama soutient qu'elles ne pourraient plus être contestées, ni par la société Mab Ltd, ni, comme venant aux droits de leur débiteur, par les créanciers poursuivants par le biais de l'action oblique, et ce par application du délai de forclusion conventionnel de 15 jours prévu par les contrats liant les parties, et notamment par l'article 4.2 du contrat cadre de coopération commerciale signé par les parties le 10 janvier 2006, aux termes duquel : « le fournisseur dispose à peine de forclusion, d'un délai de 15 jours ouvrables à compter de la réception de chaque facture pour en contester, si besoin est, tout ou partie des éléments. À peine d'irrecevabilité, les contestations devront être formulées par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à Conforama. La lettre de contestation doit expliquer le ou les motifs de la contestation et être accompagnée d'une copie de la ou des factures concernées. Passé le délai de 15 jours ouvrés et à défaut de contestation, la créance de Conforama sur le fournisseur sera réputée certaine, liquide et exigible (sous réserve que le délai de paiement soit expiré) et pourra donner lieu à paiement par compensation si Conforama le demande. »
119. La forclusion de quinze jours résultant de l'article 4.2 susrappelé, ne constitue pas un délai de prescription. Elle concerne le délai pour contester chacune des factures à compter de leur réception. Elle est distincte de la prescription des obligations en matière commerciale, prévue à l'article L.110-4 du code de commerce, ou de celle prévue à l'article 2254 du code civil, dont le délai est de cinq ans depuis la loi du 17 juin 2008, retenue ci-dessus à l'encontre de la société HPRE pour déclarer son action oblique prescrite.
120. A supposer que ladite forclusion puisse être déclarée opposable à la société Mab Ltd en application de son contrat avec la société Conforama, elle ne pourrait, le cas échéant, être opposée à la société ICV que dans le cadre de la discussion au fond sur le bien-fondé de l'action oblique et non in limine litis, ladite forclusion n'étant pas une déchéance du droit d'agir en justice, mais une déchéance du délai pour contester la nature des prestations facturées ou leur quantum, dont la validité est en outre discutée au regard du droit applicable à la contestation des factures. 121. Dès lors, la discussion sur l'aménagement conventionnel de la prescription, qu'il soit ou non admis compte tenu de la date des faits, est sans intérêt pour le présent litige, et inopérant.
122. En conséquence, la forclusion invoquée par la société Conforama, dont la validité et l'opposabilité à la société Mab Ltd et à la société ICV restent contestées, ne constitue pas, comme le soutient à tort la société Conforama, un motif d'irrecevabilité de l'action oblique, avant tout débat au fond. 123. Il y a lieu par conséquent de confirmer la décision des premiers juges sur ce point. »
2/ « 127. Il est constant que l'action oblique n'est ouverte au créancier qu'en cas d'inaction du débiteur ou de péril de la créance, que tel est le cas lorsqu'un débiteur ne fait aucune diligence pour préserver son patrimoine ou qu'étant mis en demeure de le faire, il n'entreprend aucune diligence et met ses biens en péril.
128. En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que la société ICV a mis la société Mab Ltd en demeure par deux fois les 19 juin et 5 décembre 2007, lui intimant d'agir à l'encontre de la société Conforama sur le fondement de l'article L. 411-3 du code de commerce en soutenant que les factures litigieuses ne correspondaient à aucune prestation réelle. 129. Or, la société Mab Ltd a procédé à un paiement partiel le 30 juin 2006 puis, ayant fait l'objet d'une liquidation amiable le 21 décembre 2006, n'a pas réagi à ces deux mises en demeure et n'a plus manifesté d'intérêt à ces créances. 130. En conséquence, la société Mab Ltd a bien été négligente de sorte que cette condition est satisfaite, à supposer qu'elle puisse aussi être une condition de recevabilité de l'action oblique. »
3/ « 146. La juridiction française étant saisie d'une contestation portant sur des factures relatives à des contrats signés entre une société française et une société américaine, il appartient au juge français de rechercher la loi applicable au litige en se fondant sur ses propres règles de conflit régissant les obligations contractuelles, en l'espèce la convention de Rome du 19 juin 1980, compte tenu des dates auxquelles les contrats litigieux ont été signés, nonobstant la nationalité américaine de son co-contractant, ladite convention ayant un caractère universel. 147. Aux termes de l'article 3 § 1 de la Convention de Rome « […] ». 148. A défaut de choix l'article 4 § 1 prévoit que « […] ». Selon le §2 de cette disposition « […]. » 149. La convention de Rome accorde une importance cruciale à l'autonomie de la volonté, en laissant en vertu de la règle de base énoncée à l'article 3 § 1, la liberté de choix aux parties. Toutefois, en l'absence de choix des parties, le droit applicable est déterminé sur le fondement de l'article 4 de ladite convention qui prévoit comme critère fondamental l'application de la loi du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits.
150. C'est en application de cette règle que les premiers juges ont, à juste titre retenu l'application du droit français auxdits contrats de coopération commerciale, distincts des contrats « Fournisseur », en indiquant que « la prestation en cause est rendue sur le territoire français et qu'en l'absence de dispositions contractuelles autres, elle relève en conséquence de la loi française ». 151. Il résulte en effet des éléments versés au dossier et notamment de l'objet desdits contrats, à savoir la promotion commerciale par le biais de publicité ou de catalogues mis à la disposition des clients ou sur internet, de visibilité des produits en magasin dans toute la France, que les contrats litigieux avaient le plus de liens étroits avec la France.
152. C'est sur la base de cette règle de conflit et sans faire référence à leur caractère de loi de police, que les premiers juges ont retenu l'application de l'article L. 441-3 du code de commerce, en vigueur à l'époque des faits, aux termes duquel « tout achat de produits de prestations de services pour une activité professionnelle doivent faire l'objet d'une facturation. Le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou la prestation du service (...) », et ont fait application de l'article L. 441-7 du même code régissant le contrat coopération commerciale, aux termes duquel ledit contrat est « une convention par laquelle un distributeur ou un prestataire de services s'oblige envers un fournisseur à lui rendre, à l'occasion de la revente de ces produits ou services aux consommateurs, des services propres à favoriser leur commercialisation qui ne relèvent pas des obligations d'achat et de vente. »
153. Pour retenir l'inopposabilité des factures litigieuses, les premiers juges ont fait application de l'article L. 442-6, II du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, qui dispose que « sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers, la possibilité : a) De bénéficier rétroactivement de remises, de ristournes ou d'accords de coopération commerciale » ; 154. En effet, le non-respect des règles de transparence imposées par les articles L. 441-3 et suivants du code de commerce dans leur version applicable aux faits du litige constitue non seulement un délit pénal, mais également une violation des dispositions d'ordre public prévues par ces textes destinées à réglementer les conditions dans lesquelles les conventions conclues entre fournisseurs et distributeurs ou prestataires de services doivent être rédigées en mentionnant notamment les obligations réciproques auxquelles les parties se sont engagées, et notamment les services de coopération commerciale ne relevant pas des obligations d'achat et de vente ainsi que toutes les obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur.
155. Il résulte de ces dispositions impératives qu'en matière de contrats de coopération commerciale la charge de la preuve de la réalisation des obligations spécifiques et de la réalité des services fournis pèse sur le distributeur et que la seule production de factures ne suffit pas pour justifier de leur réalisation.
156. C'est dès lors à juste titre et à la lumière des dispositions légales applicables à l'époque des faits que les premiers juges ont, par des motifs précis et pertinents que la cour adopte, analysé les contrats de coopération commerciale signés entre la société Conforama France et la société Mab Ltd, comme des conventions soumises à ces dispositions impératives et considéré que les factures produites, ainsi que les justificatifs fournis ne respectaient pas lesdites dispositions et que la société Conforama ne rapportait pas la preuve des prestations concernées. »
4/ « 157. C'est en vain que la société Conforama soutient que la société Mab Ltd aurait accepté lesdites factures, notamment en validant deux avoirs sur la facture n°73943 du 24 mars 2006 relative à la coopération commerciale des 3ème et 4ème trimestre 2005, et en validant un paiement de 300.000 € le 30 juin 2006, ou serait forclose à les contester pour n'avoir pas respecté le délai de 15 jours fixé contractuellement, alors que les dispositions applicables relèvent d'une réglementation impérative qui ne peuvent être écartées, même d'un commun accord, et qu'en outre, en l'espèce, compte tenu de la date très tardive de l'émission desdites factures, clairement rétroactives, et de leur imprécision sur les prestations concernées, ces factures ne pouvaient ni avoir date certaine, ni être régularisées a posteriori, ces irrégularités ayant été en outre confirmées par la lettre de la DRCCRF du 14 mars 2008 qui a retenu que « les factures de coopération commerciale des années 2005 et 2006 ne respectent pas les règles de transparence imposées par l'article L. 441-3 du code de commerce et que les contrats de coopération commerciale 2006 ne sont pas conformes aux dispositions de l'article L. 441-7 du code de commerce (absence de précision du contenu des services proposés dans le contrat cadre avant le 15 février, contrat d'application rédigé a posteriori pour le service de présence sur internet), et que Conforama n'a pas fourni les éléments justifiant la réalisation des services qu'elle a facturés à Mab Ltd, alors qu'elle y est obligée par les articles 1315 du code civil et L. 442-6, III du code de commerce ».
158. Les premiers juges ont également relevé que les prestations facturées faisaient ressortir un taux moyen de coopération commerciale de 14 % dépassant même 20 % pour certains produits, taux particulièrement élevé dont les premiers juges ont retenu à juste titre le caractère manifestement disproportionné, au regard notamment du peu de références considérées et du coût relatif de ces prestations pour Conforama.
159. Il en résulte que les factures litigieuses ne peuvent valablement venir en compensation des sommes que la société Conforama a reconnu devoir à la société Mab Ltd, en exécution du contrat de fourniture, compte tenu de l'irrégularité des contrats de coopération commerciale.
160. L'action engagée par la société ICV sur le fondement de l'action oblique étant destinée à contester la validité des factures produites par la société Conforama, la cour n'est pas saisie d'une demande en paiement ou en remboursement de sommes déjà payées. 161. C'est dès lors à juste titre, mais par des motifs propres que la cour substitue, que les premiers juges ont déduit la somme de 300.000 € de la créance de la société Mab Ltd, compte tenu du paiement déjà fait par la société Mab le 30 juin 2006, dont cette dernière n'a pas sollicité le remboursement et dont la société ICV n'avait pas demandé le remboursement aux lieu et place de la société Mab Ltd, la cour et les premiers juges n'en étant pas saisis. C'est pour les mêmes motifs que la cour ne peut faire droit à la demande d'ajout d'une créance qui n'aurait pas été facturée par la société Mab Ltd. 162. C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont écarté les factures litigieuses, les déclarant inopposables à la société Mab et aux créanciers poursuivants, et retenu que la créance de la société Mab Ltd à l'encontre de la société Conforama pouvait être arrêtée, à la date du 20 juillet 2006, à la somme de 852.718,25 euros. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 16
CHAMBRE COMMERCIALE INTERNATIONALE
ARRÊT DU 30 MARS 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/15655 Arrêt n° 24/2021 (25 pages). N° Portalis 35L7-V-B7D-CAPOF. Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 juin 2019 - Tribunal de Commerce de Paris – R.G. n° 2008006861
APPELANTE :
La Société CONFORAMA FRANCE SA
Immatriculée au registre de commerce de Meaux sous le numéro XXX, Ayant son siège social : [...], prise en la personne de ses représentants légaux, Représentée par Maître Bruno M. de la SCP C. L., avocat au barreau de PARIS, toque : P0044
INTIMÉES :
INDUSTRIA CONCIARIA VOLTURNO SRL
société de droit italien représentée par son liquidateur amiable, Monsieur X., désigné par procès-verbal d'assemblée du 31 octobre 2008. Immatriculée au registre de commerce de Caserta sous le numéro YYY, Ayant son siège social : [...], prise en la personne de ses représentants légaux, Représentée par Maître Edmond F., avocat au barreau de PARIS, toque : J151-ayant pour avocat plaidant Maître Christian B., avocat au barreau de PARIS, toque : A 4784
Société HIGH POINT REAL ESTATE LLC
Ayant son siège social : [...], prise en la personne de ses représentants légaux, Représentée par Maître Philippe J. P. de la SELEURL SELARL J.-P., avocat au barreau de PARIS, toque : P0017 - ayant pour avocat plaidant Maître Christophe J., avocat au barreau de PARIS, toque : B0751
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 1er février 2021, en audience publique, un rapport ayant été présenté à l'audience par Madame Fabienne SCHALLER dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile, devant la Cour composée de : M. François ANCEL, Président, Mme Fabienne SCHALLER, Conseillère,
qui ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour : M. François ANCEL, Président, Mme Fabienne SCHALLER, Conseillère, Mme Laure ALDEBERT, Conseillère.
Greffière, lors des débats : Mme Clémentine GLEMET
MINISTÈRE PUBLIC : le ministère Public a fait connaître son avis le 29 juin 2020.
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par François ANCEL, président et par Clémentine GLEMET, greffière à qui la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
I - FAITS ET PROCÉDURE :
1. La société Conforama France SA (ci-après « la société Conforama ») est une société de droit français ayant pour activité la vente de biens d'équipement et d'ameublement.
2. De 2004 à 2006, la société Conforama a eu comme fournisseur la société Mab Ltd, société de droit américain, qui exerçait sous le nom commercial Natale Furniture Industries, en liquidation amiable depuis le 21 décembre 2006.
3. La société Industria Conciaria Volturno Srl (ci-après « la société ICV ») est une société de droit italien ayant pour activité le commerce de peaux et de meubles, en liquidation amiable depuis le 31 octobre 2008. Elle se présente comme créancière de la société Mab Ltd d'une somme de 1.465.476,46 € suite à un jugement rendu le 14 mars 2007 par le Tribunal de Commerce de Montpellier.
4. La société High Point Real Estate LLC (ci-après « HRPE ») est une société de droit américain de l'Etat de Caroline du Nord, prêteur à des fins d'investissements immobiliers ou financier, qui se présente comme créancière de la société Mab Ltd d'une somme de 5.930.000 USD en vertu d'un acte de prêt du 24 avril 2006 et d'un jugement du 16 octobre 2007 du tribunal de grande instance de Meaux ordonnant l'exequatur d'une décision de la cour de justice de Randolph en Caroline du Nord condamnant la société Mab Ltd à lui payer cette somme, augmentée des intérêts de 18 % à compter du 11 juillet 2006.
5. La société ICV a fait pratiquer une saisie conservatoire le 20 juillet 2006 entre les mains de la société Conforama pour récupérer sa créance contre la société Mab Ltd.
6. La société HPRE a fait pratiquer, le 24 août 2006, une saisie conservatoire entre les mains de la société Conforama pour récupérer sa créance à l'encontre de la société Mab Ltd.
7. Sur interpellation, la société Conforama a, après avoir déclaré être débitrice de la société Mab Ltd d'une somme de 867.881,52 €, indiqué détenir une créance sur la société Mab Ltd de 692.880,79 €, au titre de trois factures des 24 mars (n°73943), 20 juin (n°74607) et 5 juillet 2006 (n°74689) venant en compensation de la créance de la société Mab Ltd.
8. La société ICV, contestant la réalité des factures de la société Conforama à l'égard de Mab Ltd., a assigné la société Conforama sur le fondement d'une action oblique par exploit du 9 septembre 2008 devant le tribunal de commerce de Paris pour voir contester lesdites factures. Cette instance faisait suite à une demande en référé-expertise introduite le 27 avril 2007 par la société ICV. Le 26 octobre 2012, le tribunal de commerce de Paris a ordonné la jonction des deux instances et le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pendante devant la cour d'appel de Montpellier.
9. Par exploit du 20 avril 2009 la société HPRE a assigné la société ICV devant le juge de l'exécution de Meaux aux fins de voir constater la nullité de la procédure de saisie conservatoire de la société ICV du 20 juillet 2006 entre les mains de Conforama. Par arrêt du 15 novembre 2012, la Cour d'appel de Paris, statuant en appel sur cette action a déclaré nulles et ordonné la main levée de la saisie conservatoire pratiquée par la société ICV, ainsi que celle d'un autre créancier, la société de droit italien Eurotrac.
10. Par lettre du 20 décembre 2013, la société HPRE a demandé le rétablissement de la procédure engagée par la société ICV à l'encontre de la société Conforama et a demandé à intervenir volontairement dans cette instance, régularisant des conclusions à cette fin le 5 mai 2014.
11. Par jugement rendu le 30 juin 2015, le tribunal de commerce de Paris statuant uniquement sur la recevabilité et la prescription de l'action de la société HPRE a fait droit à la demande de rétablissement et débouté la société Conforama de sa demande d'irrecevabilité de l'action exercée par HPRE par voie d'intervention. Il a renvoyé l'affaire pour statuer au fond.
12. Par décision en date du 19 juin 2019, le tribunal de commerce a :
- Écarté les pièces n° 40 et 40 bis produites par la société HPRE ;
- Dit la société ICV et la société HPRE recevables en leur action à l'encontre de la société Conforama ;
- Fixé le montant net de la coopération commerciale au titre de 2005 opposable à la société ICV et à la société HPRE à la somme de 300.000 € ;
- Dit que les factures n° 74607 de 490.825,07 € et n° 74889 de 208.835,67 € émises au titre de la coopération commerciale 2006 sont dépourvues de fondement et inopposables à la société ICV et à la société HPRE ;
- Fixé à la somme de 852.718,25 la créance de Mab Ltd à l'encontre de la société Conforama, arrêtée à la date du 20 juillet 2006 ;
- Condamné la société Conforama à payer à la société ICV et à la société HPRE les sommes de 25.000€ et 10.000 € respectivement au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
- Par acte du 26 juillet 2019, la société Conforama a interjeté appel des jugements des 30 juin 2015 et 19 juin 2019.
II - PRÉTENTIONS DES PARTIES :
13. Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 12 janvier 2021, la société Conforama demande à la Cour, au visa des articles 1166 et 1234 du code civil, 31, 32, 122, 123, 146, 329 et 379 du code de procédure civile, 1166 et 2224 du code civil et L. 110-4, L. 441-3, L. 441-6, L. 441-7 et L. 442-6 du code de commerce dans leur rédaction applicable en 2005 et 2006, de :
Sur le jugement du 30 juin 2015 :
Infirmer le jugement rendu le 30 juin 2015 par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
- Déclarer la société HPRE irrecevable en son intervention volontaire pour défaut d'intérêt et de qualité à agir en application des dispositions des articles 31, 32 et 122 du Code de Procédure Civile.
- Débouter la société HPRE de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions dirigées contre la société Conforama France.
Sur le jugement du 19 juin 2019 :
- Infirmer le jugement rendu le 19 juin 2019 par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
- Déclarer irrecevable la société ICV en son action oblique.
- Débouter la société ICV en liquidation de toutes ses demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre de la société Conforama France.
- Dire et juger que la société ICV a violé le principe selon lequel « nul ne peut se contredire au détriment d'autrui » au préjudice de la société Conforama France, en modifiant intégralement ses prétentions à l'égard de la société HPRE, trompant la société Conforama France sur ses intentions à l'égard de la société HPRE.
- Constater que les sociétés ICV et HPRE ont conclu un protocole d'accord occulte dans le seul but de maintenir artificiellement et en violation des règles de procédure civile leurs actions et prétentions devant la cour moyennant un arrangement financier.
- Rejeter les demandes incidentes de la société ICV et la société HPRE à l'effet de voir écarter sa pièce n° 50 des débats.
- Déclarer les demandes des sociétés ICV et HPRE irrecevables du fait de leur connivence procédurale formalisée par le protocole d'accord occulte produit aux débats.
- Déclarer la société Industria Conciaria Volturno Srl et la société High Point Real Estate LLC irrecevables en leur action oblique au lieu et place de la société Mab Ltd société de droit américain, qui n'a plus d'existence légale depuis le 25 janvier 2007.
- Débouter la société ICV et la société HPRE de toutes leurs demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre de Conforama.
- Déclarer la société Industria Conciaria Volturno Srl et la société High Point Real Estate LLC irrecevables en leurs actions obliques du fait de la forclusion stipulée à l'article 4.2 du contrat cadre de coopération commerciale du 10 janvier 2006 et les débouter de toutes leurs demandes, fins et prétentions à l'encontre de Conforama.
- Déclarer la société Industria Conciaria Volturno Srl et la société High Point Real Estate LLC irrecevables et mal fondées en leurs actions obliques en contestation des conventions de coopération commerciale conclues entre la société Mab Ltd et la société Conforama France en 2005 et 2006 et des factures de prestations de services de coopération commerciale, après avoir jugé que les conventions de coopération commerciale ne sont pas soumises au droit français, sont conformes aux usages du commerce international et en tout état de cause, ne sont pas prohibées par les articles L. 441-7 et L. 442-6 du code de commerce dans leurs rédactions applicables en 2005 et 2006 et conformes aux dispositions de l'article L. 441-3 du code de commerce dans la même rédaction.
- Constater que la créance de coopération commerciale de la société Conforama sur la société Mab Ltd, à la date du 20 juillet 2006, était d'un montant de 1.330.728,98 €.
- Constater que la créance de la société Mab Ltd sur la société Conforama France, à la date du 20 juillet 2006, était donc d'un montant de 852.718,25 €.
- Dire et juger que la compensation conventionnelle entre les créances réciproques de Conforama et Mab a éteint les obligations respectives des parties à due concurrence des paiements intervenus.
- Dire et juger que l'obligation de paiement de la société Conforama s'est éteinte le 30 juin 2006 suite à l'acceptation d'un paiement par compensation de la société Mab Ltd.
- Déclarer la société Conforama recevable et bien fondée en ses demandes reconventionnelles.
- Condamner les sociétés ICV et HPRE à verser chacune à la société Conforama France une somme de 100.000 € à titre de dommages-intérêts compte tenu du caractère manifestement abusif de la présente instance, et conjointement et solidairement à la somme de 40.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.
[*]
14. Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 14 décembre 2020, la société ICV demande à la Cour, au visa des articles L. 441-3, L. 441-6, L. 441-7 et L. 442-6 du Code de commerce, des articles 1166 et 1382 du code civil, de :
1. Sur la pièce n° 50 de la société Conforama France
- Juger que la société Conforama France a usé de moyens déloyaux en produisant sa pièce n° 50 devant la Cour d'appel de Paris ;
En conséquence,
- Lui faire injonction de retirer cette pièce n° 50 intitulée « Protocole d'accord transactionnel occulte conclu entre les sociétés ICV et HPRE » de sa communication de pièces devant la Cour d'appel de Paris ;
- Lui faire injonction de supprimer de ses conclusions récapitulatives devant la Cour, tout passage relatif à cette pièce n° 50 ;
Sur le jugement du 30 juin 2015
- Débouter la société Conforama de son appel comme infondé ainsi que de l'intégralité de ses demandes ;
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions et débouter la société Conforama de ses demandes ;
Sur le jugement du 19 juin 2019
- Débouter la société Conforama de son appel et de ses demandes ;
- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 19 juin 2019 en ce qu'il a fixé la dette de la société Conforama à la somme de 852.718,25 € et statuant à nouveau, fixer la dette de la société Conforama à la somme de 867.881,52 € ;
- Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 19 juin 2019 statuant sur la créance de la société Mab Ltd dans les comptes de la société Conforama en toutes ses autres dispositions ;
- Reconventionnellement, si la Cour infirmait le jugement, ordonner une expertise afin de faire rechercher si des prestations ont été réellement rendues par la société Conforama à la société Mab Ltd, déterminer leur date éventuelle, ainsi que leur valeur, de même que l'uniformité de prix avec celle des autres fournisseurs ;
En tout état de cause
- Débouter la société Conforama de toutes ses demandes ;
- Condamner la société Conforama à payer à la société ICV la somme de 60.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
[*]
15. Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 19 janvier 2021, la société HRPE demande en substance à la Cour, au visa des articles L. 441-3, L. 441-6, L. 441-7 et L. 442-6 du code de commerce et des articles 1166, 1315 et 1382 anciens du code civil, de :
- Ecarter des débats le protocole d'accord transactionnel produit par la société Conforama sous la pièce n° 50 et toute référence et tout argument relatif à ce document.
- Confirmer le jugement du 30 juin 2015 ayant déclaré HPRE recevable en son intervention volontaire.
- Confirmer le jugement du 19 juin 2019 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a estimé justifiée à concurrence de 300.000 € la facture n°73943 du 24 mars 2006 de 1.134.714,15€.
- Débouter la société Conforama de toutes ses demandes, fins et prétentions.
- Dire et juger HPRE recevable en son action.
- Dire et juger que le droit français s'applique au présent litige.
- Dire et juger que tant les contrats de coopération commerciale conclus en 2005 et les 10 janvier et 20 mars 2006 que les trois factures n° 73943 du 24 Mars 2006 de 1.134.714,15 €, n° 74607 du 20 Juin 2006 de 490.825,07 € et n° 74689 du 5 Juillet 2006 de 208.835,67 € ne sont pas conformes aux dispositions des articles L. 441-3, L. 441-6 et L. 442-6 du code de commerce.
- Dire et juger que la société CONFORAMA FRANCE n'apporte aucune justification permettant de vérifier la réalité, la nature et 1a valeur des prestations mentionnées sur les trois factures n°73943 du 24 Mars 2006 de 1.134.714,15 €, n°74607 du 20 Juin 2006 de 490.825,07 € et n°74689 du 5 Juillet 2006 de 208.835,67 €.
- Dire et juger que la société Mab Ltd détenait à l'encontre de la société CONFORAMA FRANCE deux créances respectivement de 300.000 € au 7 Juillet 2006 et de 865.530,85 € au 20 Juillet 2006.
- Dire et juger que les facture n°73943 du 24 Mars 2006 de 1.134.714,15 €, n°74607 du 20 Juin 2006 de 490.825,07 € et n°74689 du 5 Juillet 2006 de 208.835,67 € sont dépourvues de contrepartie et qu'elles ne peuvent être opposées à la société Mab Ltd ou à la société HPRE en compensation.
- Fixer en conséquence à 1.152.718,25 € sauf à parfaire la créance de la société Mab Ltd à l'encontre de la société CONFORAMA FRANCE au 20 Juillet 2006.
- Dire et juger que cette somme est productive d'intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé devant le Tribunal de Commerce de PARIS délivrée à la société CONFORAMA FRANCE le 27 Avril 2007.
- Ordonner la capitalisation des intérêts.
- Condamner la société CONFORAMA FRANCE à régler à la société HPRE la somme de 60.000 € sur le fondement de l'article 700 Code de Procédure Civile et aux dépens de l'instance.
[*]
16. Par avis notifié par voie électronique le 26 juin 2020, le ministère public conclut à la confirmation des deux jugements dont appel.
[*]
17. La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux décisions déférées et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
18. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 janvier 2021.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
III - MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur les exceptions :
Sur le rejet d'une pièce des débats :
19. La société ICV demande le rejet des débats de la pièce n° 50 intitulée « Protocole d'accord transactionnel occulte conclu entre les sociétés ICV et HPRE » en invoquant le respect du principe de loyauté dans la communication des pièces et le droit des personnes morales au secret des correspondances, qui interdit, selon elle, à tout tiers qui n'aurait pas été destinataire desdites correspondances de produire ces dernières au cours d'une instance judiciaire. Elle fait valoir qu'en l'espèce la société Conforama a nécessairement obtenu ce document de manière déloyale, n'étant pas partie à cet accord, qui est confidentiel, et ne disposant pas de l'accord des parties, qui ne le lui ont pas communiqué, pour le diffuser. Elle souligne que le courriel du 29 juin 2017 envoyé à la société Conforama et qui contenait le protocole litigieux n'est pas une lettre officielle entre avocats, de sorte qu'il est couvert par le secret des correspondances entre avocats et que cela n'est pas altéré par le fait que ce courriel provienne de l'assistante du cabinet d'avocat.
20. La société HPRE s'oppose à la production du protocole d'accord versé aux débats par la société Conforama, au motif que cette dernière aurait obtenu ce document de manière déloyale, puisqu'elle n'y est pas partie, qu'elle ne dispose pas de l'accord des parties pour le diffuser et qu'elle n'explique pas les conditions de son obtention.
21. La société Conforama conteste avoir obtenu ce protocole d'accord de manière déloyale, expliquant que c'est la secrétaire du conseil de la société ICV qui l'a transmise fortuitement au conseil de la société Conforama en pièce jointe à un email du 30 juin 2017, qu'elle qualifie de pièce de procédure, qui avait pour objet de le mettre en copie de sa correspondance au tribunal de commerce, avec ses annexes. Elle ajoute que la production de cette pièce n'est pas déloyale au motif que cet accord n'est pas confidentiel mais occulte, ce qui empêche une quelconque atteinte aux droits et obligations des parties signataires à ce document. Elle considère que ce document n'est pas confidentiel car il ne contient aucune clause de confidentialité et qu'il n'est pas couvert par le secret professionnel ou la confidentialité des correspondances entre avocats car les envois par des personnels non-avocats ne sont pas couverts par la confidentialité des correspondances entre avocats, selon l'avis n° 2015-043 du CNB du 31 décembre 2015.
22. La société Conforama souligne enfin que la production de ce document est légitime, notamment en ce que sa récente découverte permet de contribuer à la manifestation de la vérité à laquelle elle doit apporter son concours en application de l'article 10 du code de procédure civile, en permettant d'établir la connivence procédurale entre les sociétés ICV et HPRE. Elle indique en effet que les sociétés HPRE et ICV ont dissimulé une entente entre elles pour écarter l'application des règles de procédure civile au regard de la prescription et de la recevabilité à agir, cette déloyauté procédurale devant être sanctionnée. Elle affirme que les sociétés ICV et HPRE ont conclu un accord occulte qui a été dissimulé au tribunal et à la Cour, qui acte du défaut d'intérêt à agir de la société ICV et constitue une fraude à la loi. Elle fait valoir que ce comportement est constitutif d'un abus de droit ou à tout le moins d'une connivence procédurale déloyale contraire au procès équitable, qui doit conduire la Cour à juger les demandes des sociétés ICV et HPRE irrecevables.
23.Le Ministère public n'a pas fait connaître ses observations sur ce point qui a été soulevé après la communication de son avis.
Sur ce,
24. Aux termes de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention « officielle », les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel.
25. Aux termes de l'article 3-1 du règlement intérieur national de la profession d'avocat, tous les échanges entre avocats, verbaux ou écrits quel qu'en soit le support (papier, télécopie, voie électronique), sont par nature confidentiels. Les correspondances entre avocats, quel qu'en soit le support, ne peuvent en aucun cas être produites en justice, ni faire l'objet d'une levée de confidentialité.
26. Il résulte de ces textes dont l'importance a été soulignée par la cour européenne des droits de l'homme pour garantir effectivement le respect du secret professionnel, combinés avec les articles 6 § 1 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que sauf si elles portent la mention « officielle », les correspondances entre avocats et/ou entre un avocat et son client ne peuvent être produites en justice, sans aucune exception, et ne peuvent être légitimées par l'exercice des droits de la défense, sauf pour la propre défense de l'avocat.
27. Dès lors, quand bien même les correspondances entre avocats seraient échangées par courriel entre la secrétaire d'un avocat et un avocat, portant clairement comme objet le nom des parties et du dossier concerné et précisant la nature des pièces jointes, comme en l'espèce « courrier au tribunal de commerce », « protocole d'accord transactionnel régularisé », ces correspondances sont couvertes par le même secret, dès lors qu'elles ne portent pas la mention « officielle ».
28. En l'espèce, la société Conforama a produit en pièce n° 50 un document dont il résulte qu'elle l'a obtenu par courriel de son avocat, Maître M., qui lui-même l'avait reçu du cabinet de Maître B. le 30 juin 2017, mentionnant expressément qu'il s'agissait d'une transmission concernant un dossier « Industria Conciara V / Mab Lt + HPRE » et qu'un « protocole d'accord transactionnel » était joint, sans toutefois mentionner le caractère « officielle » de ladite transmission.
29. Or, tant le courriel lui-même que les pièces jointes au courriel, quand bien même il ne serait pas indiqué le caractère confidentiel desdites pièces et serait transmis par le biais de la secrétaire de Maître B., sont couverts par le secret professionnel de l'avocat et ne peuvent être produits en justice.
30. Il y a lieu par conséquent de les écarter des débats et de supprimer dans les conclusions des parties toutes les références à ladite pièce.
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de la société HPRE pour faire rétablir la procédure suspendue devant le tribunal de commerce :
31. La société Conforama fait valoir au visa de l'article 379 du code de procédure civile que la société HPRE n'avait pas qualité pour faire rétablir la procédure pendante devant le tribunal de commerce, étant tiers à l'instance. Elle souligne que dans son jugement du 30 juin 2015, le tribunal de commerce de Paris n'a pas répondu à ce moyen et ajoute qu'une intervention volontaire suppose que la procédure soit en cours et ne peut produire d'effet quant au rétablissement de l'affaire, de sorte que la procédure qui s'est ensuite poursuivie est irrégulière. Elle en conclut que l'intervention volontaire de la société HPRE est irrecevable et que tant le jugement du 30 juin 2015 que le jugement du 19 juin 2019 doivent être infirmés.
32. En réponse, la société HPRE fait valoir que le rétablissement de l'instance suspendue pouvant intervenir à la diligence du juge, rien n'empêchait le tribunal de commerce de rétablir la procédure le 30 juin 2015, quand bien même cela s'est fait sur sa suggestion. Elle ajoute que la jurisprudence rendue en matière de radiation, invoquée par la société Conforama, est inapplicable au sursis à statuer car dans le cas d'une radiation, le juge ne peut avoir l'initiative du rétablissement de l'affaire, contrairement au sursis à statuer.
33. La société ICV acquiesce au jugement du 30 juin 2015 et n'entend pas s'associer à l'appel formé par la société Conforama.
34. Le ministère public n'a pas émis d'avis sur cette question.
Sur ce,
35. Aux termes de l'article 379 du code de procédure civile, le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. À l'expiration du sursis, l'instance est poursuivie à l'initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d'ordonner, s'il y a lieu, un nouveau sursis.
36. En l'espèce, l'instance introduite devant le tribunal de commerce de Paris ayant fait l'objet d'une jonction et d'un sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, et ce dernier arrêt ayant été rendu le 17 mai 2011, l'instance pouvait dès lors être poursuivie à l'initiative des parties ou à la diligence du juge.
37. La société HPRE ayant saisi le tribunal de commerce de Paris le 20 décembre 2013 par lettre sollicitant le rétablissement afin de pouvoir former une demande d'intervention volontaire dans l'instance suspendue et joignant ses conclusions, c'est à juste titre, indépendamment de l'absence de qualité de partie de la société HPRE à solliciter un tel rétablissement, que le juge a, de son propre chef, ordonné ce rétablissement.
38. Il y a lieu par conséquent de rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée sur ce fondement.
Sur l'intérêt à agir de la société HPRE :
39. La société Conforama soutient que l'action oblique de la société HPRE contre la société Conforama en contestation des factures émises par Conforama à l'égard de la société Mab Ltd est prescrite depuis le 19 juin 2013. Elle indique que l'instance ayant été introduite par la société ICV par assignation du 9 septembre 2008, la loi du 17 juin 2008 instaurant un délai de prescription de 5 ans s'applique, de sorte que l'action oblique de la société HPRE était prescrite depuis le 19 juin 2013, celle-ci n'ayant accompli aucun acte interruptif de prescription dans ce délai et ayant fait parvenir ses conclusions d'intervenant volontaire le 5 mai 2014, soit au-delà du délai de cinq ans.
40. La société Conforama conteste que l'instance engagée par la société ICV en référé le 27 avril 2007, soit avant la loi du 17 juin 2008, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ait interrompu la prescription, le juge des référés s'étant déclaré incompétent le 15 juin 2007, et ayant renvoyé le dossier au fond.
41. Elle soutient que les mesures conservatoires et d'exécution accomplies par la société HPRE en 2006 et 2011 ne sont pas des actes interruptifs de prescription car ils n'ont pas été accomplis dans le cadre de l'action oblique à l'égard de la société Conforama mais dans le cadre de sa propre action en recouvrement des sommes lui étant dues par la société Mab Ltd.
42. Enfin, la société Conforama fait valoir que l'interruption de la prescription de l'action oblique par l'assignation du 9 septembre 2008 de la société ICV ne peut profiter à la société HPRE car l'assignation ne profite qu'à celui qui l'a introduite et que la prescription n'est interrompue que relativement au droit invoqué dans l'assignation. Elle ajoute que le droit d'agir du créancier qui exerce une action oblique s'apprécie en conséquence individuellement et personnellement.
43. La société Conforama rappelle que l'intervenant volontaire doit disposer d'un intérêt propre à agir pour que son intervention soit jugée recevable, surtout s'il est intervenant à titre principal, qu'il ne peut intervenir à l'action s'il n'est pas en mesure d'agir lui-même contre la partie défenderesse. Elle conclut que l'action de la société HPRE étant prescrite, son intervention n'est pas recevable.
44. En réponse, la société HPRE fait valoir que son intervention est accessoire et non principale et qu'elle dispose d'un intérêt légitime à intervenir dans l'instance introduite par la société ICV visant à ce qu'il soit statué sur le montant de la créance de Mab Ltd à l'encontre de la société Conforama France afin de voir déterminer les sommes qui lui reviendraient dans le cadre de son action oblique, dans la mesure où elle détient une créance certaine liquide et exigible à l'encontre de Mab Ltd pour un montant de 5.930.000 $ US et donc, un droit propre.
45. Elle souligne que ses conclusions d'intervention volontaire ont été adressées au tribunal de commerce dès le 20 décembre 2013 et que son action n'était pas prescrite à cette date puisqu'elle intervient dans une action engagée par assignations en référé et au fond, respectivement du 27 avril 2007 et du 09 septembre 2008, signifiées par la société ICV à la société Conforama aux fins de fixation de la créance de Mab Ltd, qui ont interrompu la prescription et que la société HPRE, en tant que créancier se joignant à l'action oblique, peut se prévaloir de cette interruption. Elle souligne que le créancier agissant par voie oblique intervient non pas de son propre chef mais du chef de son débiteur et que dès lors il ne saurait y avoir plusieurs délais de prescription. Elle fait ainsi valoir qu'elle bénéfice de cette interruption car les deux actions tendent toutes les deux au même but, celui de reconstituer le patrimoine de la débitrice commune par la fixation de la créance de cette dernière à l'encontre de la société Conforama. Elle souligne que la demande en justice interrompt la prescription jusqu'à l'extinction de l'instance et qu'à la date du 20 décembre 2013, l'instance n'était pas éteinte puisque aucune décision n'avait tranché le fond du litige, de sorte que son intervention volontaire est recevable.
46. La société HPRE ajoute que la loi du 17 juin 2008 ne s'applique pas à la présente procédure au motif que l'action a été introduite par l'assignation en référé du 27 avril 2007, soit avant l'entrée en vigueur de cette loi. La société HPRE considère ainsi que la prescription de son action n'aurait pu être acquise que le 5 juillet 2016.
47. A titre subsidiaire, la société HPRE fait valoir que les demandes formées par elle devant le juge de l'exécution et les actes d'exécution forcée ont interrompu la prescription.
48. Concernant les demandes formées par HPRE devant le juge de l'exécution, elle fait valoir que l'action oblique portée devant le Juge de l'Exécution le 20 avril 2009 visant à se voir attribuer les sommes que la société Conforama devrait à Mab Ltd incorporait implicitement mais nécessairement la demande de voir établir le compte entre Mab Ltd et Conforama, ce qui aurait pour conséquence d'interrompre la prescription sur cette action, même si le juge de l'exécution n'était pas compétent pour entendre cette demande. Elle ajoute que cet acte a interrompu la prescription durant toute la durée de l'instance, et n'a recommencé à courir au plus tôt que le 15 novembre 2012 date de l'arrêt de la cour d'appel de Paris ;
49. Concernant les mesures d'exécution forcée, la société HPRE fait valoir que la sommation interpellative du 30 octobre 2006 ainsi que la notification de l'acte de conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution du 17 novembre 2011 ont toutes deux interrompu la prescription. Elle allègue que la mise en œuvre de cette saisie-attribution est interdépendante de l'action oblique de sorte qu'il n'y a pas lieu de considérer que ce faisant, HPRE a agi dans l'unique but de recouvrer sa propre créance et non celle de Mab Ltd.
50. La société ICV acquiesce au jugement du 30 juin 2015 et n'entend pas s'associer à l'appel formé par la société Conforama.
51. Le ministère public indique que l'assignation en référé du 27 avril 2007 et l'assignation du 9 septembre 2008 aux fins de fixation de la créance de la société Mab Ltd, délivrées à la requête de la société ICV, ont nécessairement interrompu la prescription de l'action oblique, qui n'était pas acquise lorsque la société HPRE a déposé ses conclusions d'intervention volontaire le 20 décembre 2013. Il précise que l'instance introduite par ICV au titre de l'action oblique par l'assignation en référé du 27 avril 2007 l'a été avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 et qu'en vertu de l'article 26 de cette loi, l'action était soumise aux dispositions de l'ancien article L. 110-4 du code de commerce, prévoyant un délai de prescription de 10 ans, de sorte que la prescription était acquise le 19 juin 2018 et non le 19 juin 2013 comme le soutient la société Conforama.
52. Le ministère public ajoute qu'en tout état de cause, l'action portée par la société HPRE devant le juge de l'exécution le 20 avril 2009 a interrompu la prescription avant qu'elle ne soit acquise, ce dernier fut-il incompétent pour connaître de l'action oblique, compte tenu des dispositions de l'article 2241 du code civil. Il ajoute qu'il en est de même de la notification de conversion de la mesure conservatoire en date du 17 novembre 2011, au regard de l'article 2244 du code civil, une saisie-attribution étant un acte d'exécution forcée selon les articles R. 211-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.
53. Le ministère public souligne que la société HPRE avait un intérêt légitime à intervenir dans l'instance, détenant une créance certaine, liquide et exigible à l'encontre de la société Mab Ltd pour un montant de 5,93 millions de dollars américains.
Sur ce,
54. Sur la recevabilité de la société HPRE à intervenir dans l'instance engagée par la société ICV, il y a lieu de distinguer d'après les articles 328 à 330 du code de procédure civile si l'intervention de la société HPRE est principale ou accessoire, cette qualification étant contestée, et si l'action de la société HPRE bénéficie de l'effet interruptif de prescription de l'action en référé introduite par la société ICV le 27 avril 2007.
55. Aux termes de l'article 329 du code de procédure civile, l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme.
56. Aux termes de l'article 330 du même code, l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie.
57. Si le sort de l'intervention accessoire est lié à celui de l'instance principale, l'introduction de la demande originaire interrompant la prescription de l'intervention accessoire, tel n'est pas le cas pour l'intervention à titre principal où l'intervenant émet une prétention à son profit, pour son propre compte, distincte de celles de la partie originaire, même si la prétention peut avoir le même fondement et le même objet. Sa demande est alors indépendante de celle formée par la partie initiale, et suit un régime de prescription autonome de l'instance originaire. L'intérêt pour intervenir à titre principal est le même que celui exigé pour agir, et celui-ci s'apprécie à la date à laquelle l'action est engagée.
58. En l'espèce, la société HPRE soutient que son intervention est accessoire et bénéficie de la prescription de l'instance principale engagée par la société ICV.
59. Or, il résulte des conclusions d'intervention volontaire transmises par la société HPRE après rétablissement de la procédure et régularisées devant le tribunal de commerce de Paris le 5 mai 2014, que la société HPRE est intervenue à l'instance introduite par la société ICV au visa des articles 325 et 329 du code de procédure civile, au titre d'une intervention à titre principal et non au visa de l'article 330 du même code, au titre d'une intervention accessoire.
60. De plus, la société HPRE, en intervenant à l'instance introduite par la société ICV, a formé une demande en son nom personnel et pour son propre compte et non accessoire à la demande d'ICV, ayant contesté la validité des créances et des saisies formées par la société ICV et la société Eurotrac, menant jusqu'à l'annulation desdites saisies.
61. Il résulte des pièces de la procédure que la société HPRE, indiquant détenir personnellement à l'encontre de la société Mab Ltd une créance certaine liquide et exigible, suite à la décision de justice du comté de Randolph en Caroline du Nord portant condamnation de la société Mab Ltd à lui payer la somme de 5.930.000 € outre les intérêts, décision revêtue de l'exequatur, a fait procéder à une saisie conservatoire entre les mains de la société Conforama le 25 août 2006 et demandé l'annulation de toutes les autres saisies antérieures pratiquées par les autres créanciers de Mab Ltd.
62. Elle a fait valoir un droit propre pour la protection de ses propres intérêts, soutenant que la société Mab Ltd n'a pas contesté comme elle aurait dû le faire la validité des saisies diligentées par les sociétés Eurotrac et ICV, alors qu'il s'est avéré que la cour d'appel de Paris les a déclarées caduques par arrêt du 15 novembre 2012, suite à la contestation des saisies par HPRE devant le tribunal de grande instance de Meaux.
63. Elle en veut pour preuve que sa propre saisie venant en concurrence avec les saisies antérieures pratiquées par les sociétés Eurotrac et ICV entre les mains de Conforama, elle avait un intérêt propre à agir pour contester lesdites saisies et devenir ainsi le seul créancier saisissant d'une part, et pour venir seule en concours sur les sommes dues par Conforama à la société Mab Ltd, pour son unique bénéfice.
64. Il en résulte que son intervention doit être qualifiée d'intervention à titre principal et non accessoire, et ne peut bénéficier des causes interruptives de prescription liées à l'action de la société ICV, et notamment de l'action en référé que la société ICV avait introduite pour voir désigner un expert le 27 avril 2007, action qui au demeurant est antérieure à la loi 17 juin 2008 et donc antérieure à la modification de l'article 2241 du code civil, à une époque où l'action en référé n'était pas interruptive de prescription puisque c'est la loi du 17 juin 2008 qui a introduit l'effet interruptif de l'action en référé, ce nouvel article n'étant applicable qu'à compter du 19 juin 2008 et non le 27 avril 2007. En tout état de cause, seule la société ICV pourrait, le cas échéant, bénéficier d'une telle interruption à son propre profit, puisque l'intervention de la société HPRE n'est pas accessoire.
65. La société ICV avait d'ailleurs soutenu la prescription de l'intervention de la société HPRE devant le tribunal de commerce de Paris, même si elle n'a pas maintenu ses demandes en cause d'appel.
66. La recevabilité de l'action de la société HPRE au regard de la prescription doit être appréciée à la date à laquelle celle-ci a engagé son action, sous forme d'intervention à titre principal, soit au plus tôt le 20 décembre 2013. Or, à compter du 19 juin 2008, tant l'article L. 110-4 du code de commerce que l'article 2224 du Code civil, fixent la durée de la nouvelle prescription en matière contractuelle et mobilière à une durée de cinq ans, cette nouvelle prescription s'appliquant à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, à savoir le 19 juin 2008, ou à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
67. En l'espèce il n'est pas contesté que tant la société ICV que la société HPRE ont eu connaissance des faits qui ont justifié l'exercice de leur action oblique contre la société Conforama avant le 19 juin 2008 puisqu'elles ont fait pratiquer des saisies conservatoires entre les mains de la société Conforama en 2006, la saisie pour la société HPRE étant la dernière, faite le 25 août 2006, lesdites saisies conservatoires n'ayant pas un effet interruptif de la prescription à cette date.
68. En conséquence, sauf acte interruptif de prescription, l'action de la société HPRE par voie d'intervention principale en date du 20 décembre 2013 était prescrite.
69. De plus fort, si par application de l'article 1166 du code civil (ancien) les créanciers peuvent être admis en concours à l'action engagée par le premier créancier agissant par voie oblique, et être admis à demander la distribution de la somme obtenue, une telle action ne peut se faire que par la voie de l'intervention à titre accessoire pour en bénéficier, ce qui n'était pas le cas de l'intervention formée par la société HPRE à titre principal.
70. La société HPRE soutient encore que ses demandes formées devant le juge de l'exécution en 2009 et 2011 ont interrompu la prescription.
71. Or, il résulte du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Meaux en date du 13 janvier 2011 et de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris en date du 15 novembre 2012 infirmant ce jugement que l'action formée par la société HPRE devant le juge de l'exécution par assignation en date du 20 avril 2009 avait pour unique objet de faire constater la nullité et la caducité des procédures de saisie conservatoire des créances diligentées par les sociétés Eurotrac et ICV, entre les mains de Conforama France pour les sommes que celle-ci détenait pour le compte de Mab Ltd. L'action engagée par la société HPRE devant le JEX contre les sociétés ICV et Eurotrac ne comportait aucune demande à l'encontre de la société Conforama, cette dernière étant d'ailleurs déclarée par la cour dénuée d'intérêt à agir dans cette procédure.
72. La cour d'appel de Paris a annulé les saisies pratiquées par les sociétés ICV et Eurotrac, laissant la société HPRE seul créancier saisissant.
73. Il en résulte qu'en aucun cas l'action engagée devant le juge de l'exécution par la société HPRE n'avait pour objet une action oblique contre la société Conforama, mais seulement contre ICV et Eurotrac. Elle n'a dès lors pas pu avoir un effet interruptif de prescription à l'égard de l'action engagée pour la première fois par la société HPRE contre Conforama par la régularisation de ses conclusions d'intervention volontaire en date du 5 mai 2014.
74. Enfin la société HPRE soutient que la signification le 17 novembre 2011 à la société Conforama d'un acte de conversion en saisie attribution de la saisie conservatoire pratiquée en 2006 pour obtenir le paiement de sa créance contre la société Mab Ltd serait interruptive de prescription à son égard au regard de l'action oblique engagée ultérieurement contre la société Conforama.
75. Or, l'acte d'huissier du 17 novembre 2011 constitue un acte d'exécution forcée à l'encontre de la seule société Mab Ltd et non à l'encontre de la société Conforama, le recouvrement de la créance contre la société Mab Ltd étant distinct, tant dans son objet que dans son fondement, de l'action oblique exercée contre la société Conforama.
76. Dès lors, nonobstant le fait que l'article 2244 du code civil a été modifié le 1er juin 2012 pour permettre la prise en compte des mesures conservatoires et leur conférer un effet interruptif de prescription, à supposer que cela puisse s'appliquer à la saisie pratiquée entre les mains de la société Conforama même si elle ne la concernait pas directement, la version de l'article 2244 du code civil applicable au 17 novembre 2011 et à la saisie pratiquée en 2006 ne conférait d'effet interruptif qu'aux actes d'exécution forcée à l'encontre du débiteur concerné par l'action.
77. Or, il n'y a eu aucun acte d'exécution forcée à l'encontre de la société Conforama, ni même aucune mesure conservatoire susceptible d'interrompre la prescription de l'action engagée par la société HPRE contre la société Conforama.
78. L'action de la société HPRE étant dès lors prescrite, il y a lieu d'infirmer la décision des premiers juges et de déclarer la société HPRE irrecevable à agir.
Sur l'action oblique engagée par la société ICV :
Sur la qualité et l'intérêt à agir de la société ICV :
79. La société Conforama fait valoir en premier lieu que la société ICV n'a pas la capacité à agir en justice au motif que cette société a été mise en liquidation amiable le 31 octobre 2008 et qu'elle ne justifie pas du maintien de son existence légale. Elle soutient que devant le tribunal de commerce de Paris, la société ICV a produit dans une note en délibéré un document en langue italienne pour justifier du maintien de son existence légale, document qui n'a pas été traduit et qui ne pouvait dès lors fonder la décision des juges. Elle ajoute qu'en tout état de cause, la société ICV ne justifie pas du fait que M. S. aurait toujours la capacité de la représenter en justice, dans la mesure où a été nommé le 9 juin 2016 pour une durée indéterminée M. P. en qualité de liquidateur.
80. La société Conforama soutient également que l'annulation de la saisie pratiquée par la société ICV par l'arrêt rendu le 15 novembre 2012 par la cour d'appel de Paris lui a fait perdre son intérêt à agir au motif que l'action oblique ne pourra que profiter à la société HPRE, qui demeure seul créancier saisissant entre les mains de la société Conforama. Elle souligne qu'il importe peu que la société ICV ait eu un intérêt à agir au jour de l'introduction de l'instance, sa demande pouvant devenir sans objet en cours d'instance.
81. La société Conforama soutient également que la société ICV a violé la règle selon laquelle « nul ne peut se contredire au détriment d'autrui » en modifiant intégralement ses prétentions sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la société HPRE en cours d'instance, à son préjudice. Elle expose ainsi que la société ICV a contesté la recevabilité de l'intervention d'HPRE devant le tribunal de commerce alors qu'elle conclut désormais à sa recevabilité.
82. Elle explique que la société ICV, qui n'a plus d'intérêt à agir, ne s'est pas désistée de son action à seule fin de permettre à la société HPRE, intervenante volontaire, de poursuivre ses demandes, démontrant ainsi leur connivence procédurale rendant leur action irrecevable.
83. En réponse, la société ICV fait valoir qu'elle a toujours capacité à agir dans la mesure ou les opérations de liquidation amiable n'ont pas été clôturées et que M S. dispose toujours du pouvoir de la représenter, ayant reçu un tel pouvoir de M. P. le 5 septembre 2011. Elle précise qu'elle a fait parvenir une note en délibéré au tribunal de commerce le 15 mars 2019 incluant un extrait K-Bis à jour de la société ICV et que cette pièce ayant été transmise à la demande expresse du tribunal, elle ne disposait pas du délai nécessaire pour en demander une traduction assermentée.
84. Elle ajoute qu'elle justifie d'un intérêt à agir, ayant une créance certaine, liquide et exigible qui résulte du jugement du Tribunal de Commerce de Montpellier du 14 mars 2007. Elle ajoute que l'intérêt à agir s'apprécie au jour de la demande en justice et qu'à cette date (le 9 septembre 2008), ses saisies conservatoires n'avaient pas été annulées. Elle ajoute que sa demande en justice n'est pas conditionnée à l'existence d'une saisie conservatoire.
85. Elle conteste par ailleurs toute connivence procédurale avec la société HPRE et conteste que la décision qui résulterait de cette instance n'aurait vocation à ne profiter qu'à la société HPRE. Elle fait valoir qu'elle était libre d'organiser la mise en œuvre de son action avec la société HPRE, sans que cela ne constitue une collusion blâmable.
86. Le ministère public conclut à la confirmation du jugement sur l'existence légale et la capacité à agir de la société ICV. Il indique que la note en délibéré de la société ICV produite devant le tribunal de commerce de Paris le 15 mars 2019 révèle que la société ICV dispose du statut « in liquidazione » sans que ne soit précisé la clôture de la liquidation et que si M. S. apparaît comme actionnaire majoritaire à 60 %, M. P. a été nommé liquidateur pour une durée indéterminée à compter du 9 juin 2016.
87. Il conclut également à l'intérêt à agir de la société ICV au motif que la société ICV dispose d'une créance certaine, liquide et exigible d'un montant de 1.465.476,46 EUR à l'encontre de la société Mab Ltd et que l'annulation de la saisie est inopérante sur ce point.
Sur ce,
88.Sur la qualité à agir de la société ICV, il résulte des pièces versées aux débats, tant en première instance qu'en appel, et notamment du document équivalent en Italie à l'extrait Kbis, mis à jour le 24 mars 2020, que ladite société a été mise en liquidation amiable le 31 octobre 2008 et que Monsieur S. a été désigné comme représentant du liquidateur, Monsieur P., que même non traduit, ce document est parfaitement compréhensible de la cour, et indique que la société ICV est toujours en liquidation, qu'ainsi la société ICV justifie de son existence légale et de sa capacité à ester en justice.
89. C'est par des motifs précis et pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu la qualité à agir de la société ICV.
90. Concernant l'intérêt à agir de la société ICV, il est constant que celui-ci doit être apprécié à la date à laquelle l'action a été introduite, l'article 31 du code de procédure civile disposant que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. L'intérêt légitime au succès d'une prétention n'exige pas que le créancier soit titulaire à la date de l'introduction de la demande, d'un titre exécutoire, et n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.
91. De même l'intérêt à agir, dans le cadre d'une action oblique, n'est pas subordonné à la validité ou à la régularité des actes d'exécution forcée engagés pour le recouvrement d'une créance, mais à la seule qualité de « créancier » de la partie poursuivante. En effet, aux termes de l'article 1166 du code civil dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, les « créanciers » peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne.
92. En l'espèce, il est établi que la société ICV est créancière de la société Mab Ltd par l'effet du jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 14 mars 2007, devenu définitif, lui conférant une créance certaine, liquide et exigible à hauteur de 1.465.476,46 € en principal.
93. Le fait que la société ICV ait vu sa saisie conservatoire annulée en raison d'irrégularités de procédure et non parce qu'elle avait été prise avant la décision du tribunal de commerce de Montpellier, est sans effet sur la validité de son titre exécutoire datant du 14 mars 2007, sur la base duquel elle a introduit son action oblique, le 9 septembre 2008 devant le tribunal de commerce de Paris.
94. Les premiers juges ayant retenu le caractère certain, liquide et exigible de la créance de la société ICV lors de l'assignation qui a saisi le tribunal de commerce de la présente action, c'est à juste titre qu'ils l'ont déclarée recevable à agir, le fait que sa saisie ait été annulée étant inopérante pour l'appréciation de son intérêt à agir.
95. Sur la collusion procédurale alléguée entre les sociétés ICV et HPRE, outre qu'elle est devenue sans objet, elle n'est pas établie compte tenu de l'intérêt propre à agir de la société ICV, de l'intervention tardive de la société HPRE et de l'inexistence avérée d'un conflit d'intérêts entre ces sociétés, l'allégation de connivence déloyale étant inopérante.
96. De plus, et quand bien même il a été relevé que la société ICV a modifié ses écritures entre la première instance et l'appel et n'a plus soutenu l'irrecevabilité de l'action de la société HPRE en cause d'appel, il ne peut en être déduit qu'elle se serait contredite au détriment de la société Conforama et que les sociétés intimées auraient porté atteinte aux droits de la société Conforama par un comportement frauduleux qui entrainerait l'irrecevabilité de leur action au visa de l'article 122 du code de procédure civile, l'intérêt à agir de la société ICV étant indépendant de la validité de sa saisie et de toute action subséquente de la société HPRE. La seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui n'emporte en tout état de cause pas nécessairement fin de non-recevoir.
97. Dès lors, il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges qui ont déclaré que la société ICV avait un intérêt à agir.
Sur la recevabilité de l'action oblique de la société ICV :
Sur l'existence légale de la société Mab Ltd :
98. La société Conforama soutient tout d'abord que les sociétés ICV et HPRE sont irrecevables en leur action oblique aux lieu et place de la société Mab Ltd, cette dernière ayant perdu toute existence légale et ne disposant plus de la capacité d'ester en justice à la suite de sa dissolution le 21 décembre 2006 et de sa radiation du registre des sociétés de l'État de Caroline du Nord le 25 janvier 2007. Elle souligne que cette radiation n'a pu intervenir qu'après clôture des opérations de liquidation et que la société Mab Ltd n'a plus de représentant depuis le 25 janvier 2007 et qu'il est donc établi qu'elle n'a plus aucune existence légale. Elle ajoute que l'attestation de Madame M. ne permet pas de conclure qu'elle a la capacité de représenter la société Mab Ltd dans ses opérations de liquidation.
99. En réponse, la société ICV indique que la société Mab Ltd est toujours dans sa phase de liquidation amiable et volontaire, et qu'en vertu des lois de l'État de Caroline du Nord, sa personnalité morale survit pour les besoins de sa liquidation. Elle ajoute que la réalité de ces lois est parfaitement démontrée par les pièces versées aux débats. Elle souligne que l'ancien avocat de la société Mab Ltd a toujours le pouvoir de recevoir à son nom les actes de signification et les conclusions annexées. Elle explique de plus que la société Mab Ltd ne fait l'objet d'aucune procédure collective et que le principe de monopole de l'action du représentant des créanciers visée à l'article L. 622-9 du Code de commerce ne s'applique pas à la société Mab, de droit américain.
100. Le ministère public indique que la société Mab Ltd poursuit son existence légale, au motif qu'elle n'a pas été radiée du Registre des Sociétés de l'État de Caroline du Nord puisque son immatriculation est toujours visible sur ledit registre. Il ajoute qu'il résulte du droit de l'État de la Caroline du Nord que la personnalité morale d'une société dissoute survit pour les besoins de sa liquidation.
Sur ce,
101. Il y a lieu de rappeler que le créancier agissant sur le fondement de l'article 1166 du code civil applicable à l'époque des faits, bénéficie d'une action en justice appartenant à son débiteur. Cette action a uniquement pour effet de faire entrer le bénéfice de la condamnation éventuelle dans le patrimoine de ce dernier, et non de le condamner à payer une somme au créancier poursuivant, ce dernier obtenant simplement la possibilité de reconstituer le patrimoine sur lequel il entend agir pour le recouvrement de sa créance par toute voie d'exécution légalement admissible.
102. L'appréciation de la capacité à défendre de la société Mab Ltd doit dès lors être faite au regard des seuls besoins de ladite reconstitution, et le cas échéant, si elle a été liquidée ou radiée, comme le soutient la société Conforama au vu des documents attestant de la dissolution de ladite société le 21 décembre 2006 et de sa radiation du registre des sociétés de l'État de Caroline du Nord le 25 janvier 2007, au regard de la possibilité ou non, selon la loi applicable à ladite société d'avoir ou non une existence légale pour les besoins de ladite reconstitution.
103. En l'espèce, le droit de l'État de Caroline du Nord s'applique aux conditions de dissolution de la société Mab Ltd.
104. Selon l'acte de dissolution produit par la société ICV, en date du 21 décembre 2006 et selon les extraits du « North Carolina Corporate Dissolution Law » dont la société ICV fournit les textes en anglais que la cour comprend et des extraits traduits des articles pertinents, il en résulte que la personnalité morale d'une société dissoute survit pour les besoins de sa liquidation.
105. Ainsi, l'article § 55-14-05 de cette dernière loi dispose que « (a) une société dissoute poursuit son existence d'entreprise mais ne peut exercer aucune activité sauf s'il convient de liquider ses affaires, y compris : réunion de ses actifs, disposition de ses propriétés qui ne seront pas distribuées en nature aux actionnaires, décharger ou prendre des dispositions pour s'acquitter de son passif, distribuer ses biens restants parmi ses actionnaires selon leurs intérêts, et faire tous les autres actes nécessaires pour liquider ses affaires. »
106. Il résulte enfin de l'attestation de Madame M. en date du 15 mars 2019, dont la signature a été authentifiée, qu'elle a été désignée pour intervenir à la dissolution et à la liquidation de la société Mab Ltd. succédant à M. Lynch, agent de la société Mab Ltd. et que ses fonctions n'ont pas cessé.
107. Enfin, il résulte des extraits fournis qu'il n'y a pas de limitation temporelle à ladite dissolution et le représentant ainsi désigné dispose du pouvoir de représenter la société en justice.
108. C'est dès lors à juste titre, et pas des motifs précis et pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu la validité de l'existence légale de la société Mab Ltd.
Sur la forclusion de l'action en contestation des factures :
109. La société Conforama soutient que la société Mab Ltd n'a jamais contesté la réalité des prestations facturées et qu'elle est aujourd'hui forclose en application de l'article 4.2 de l'accord-cadre de coopération commerciale du 10 janvier 2006 selon lequel cette dernière disposait d'un délai de 15 jours à réception des factures pour les contester, faute de quoi, la créance de Conforama était réputée certaine, liquide et exigible et pouvait donner lieu à paiement par compensation.
110. Elle conteste que cette clause puisse être écartée pour appliquer les délais de prescription de l'article L. 110-4 du code de commerce qui serait d'ordre public et soutient qu'il est de jurisprudence constante que les parties à un contrat ont la possibilité d'encadrer le droit d'action en justice par le biais de la forclusion. Elle conteste par ailleurs la qualification de clause abusive de cette disposition, et fait valoir que la distance géographique entre la société Mab Ltd et la France, lieu de réalisation des prestations, n'empêchait pas la société Mab Ltd de formuler des contestations en temps utile à l'encontre desdites factures.
111. La société ICV soutient que la clause 4.2 de l'accord-cadre de coopération commerciale du 10 janvier 2006 n'est pas applicable, au motif d'une part que le délai de prescription aménagé conventionnellement ne peut prévoir un délai plus court que le délai d'un an. Elle ajoute que l'aménagement conventionnel de la prescription est exclu pour les actions en paiement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts, comme c'est le cas selon elle pour l'accord-cadre.
112. Elle ajoute qu'en tout état de cause, son action oblique est recevable sur le fondement de l'article L. 442-6-III du code de commerce.
113. Elle fait encore valoir qu'elle dispose d'un recours de nature délictuelle tiré de la possibilité pour le tiers à un contrat qui justifie d'un dommage d'invoquer un manquement contractuel. Elle fait valoir que les rabais qui seraient indument imputés sous forme de marges arrières sur les livraisons de Mab Ltd constituent des manquements qui lui causent un préjudice en ce qu'elle serait privée de saisir le prix des livraisons.
114. Le Ministère public estime que les sociétés ICV et HPRE ne peuvent se voir opposer ni la prescription, ni la forclusion. Il explique à cet égard que la loi du 17 juin 2008, autorisant un aménagement conventionnel à la prescription, n'est applicable qu'aux actions introduites après le 19 juin 2008 et que les instances en cours à cette date sont jugées conformément à la loi ancienne. Il souligne que l'instance ayant été introduite le 27 avril 2007 et n'ayant pas été éteinte par sa radiation intervenue en vertu du sursis à statuer prononcé le 24 septembre 2010, elle demeure soumise à la loi ancienne.
Sur ce,
115. Il résulte des pièces versées aux débats que la société Conforama et la société Mab Ltd, étaient liées par divers accords de coopération commerciale à compter de 2004 et notamment par les contrats suivants :
- un « Contrat fournisseur » (« Conforama suppliers Agreement ») signé en Suisse, en date du 15 juillet 2004, entre la société IHTM, société de droit suisse, agissant pour l'ensemble des sociétés du groupe Conforama et la société Mab Ltd ;
- des « Conditions générales d'achat de Conforama » (« Conforama General conditions of Purchase and Supply ») en date du 15 octobre 2004, auxquelles le contrat fournisseur fait expressément référence, signées pour le compte de la société Conforama France par la société IHTM pour l'ensemble des sociétés du Groupe Conforama et par la société Mab Ltd ;
- des accords de coopération commerciale entre la société Conforama France et la société Mab Ltd, dont les derniers, objets du présent litige datent des 1er janvier 2005, 10 janvier 2006 et 20 mars 2006.
116. L'action oblique engagée par la société ICV porte sur une contestation de la facturation des « marges arrières » par la société Conforama que la société Mab Ltd aurait négligé de faire à l'encontre de la société Conforama, notamment la contestation des créances déclarées par Conforama résultant de l'application du contrat cadre de coopération commerciale, dans le cadre des accords commerciaux susrappelés, au titre desquels la société Conforama a procédé à la compensation de trois factures datées de 2006 qu'elle soutient que la société Mab Ltd restait lui devoir.
117. Or, à la suite des saisies pratiquées par les sociétés ICV et HPRE, la société Conforama a tout d'abord déclaré qu'elle restait devoir une somme de 867.881,52 € à la société Mab Ltd, tout en faisant déjà état d'une précédente saisie d'un montant de 124.836,80 € de la société Eurotrac. Elle a ensuite déclaré détenir une créance sur la société Mab Ltd, dans son dernier état avec un solde positif en faveur de la société Conforama, d'un montant de 692 880,79 €, au titre de trois factures des 24 mars 2006 (n°73943), 20 juin 2006 (n° 74607) et 5 juillet 2006 (n°74689).
118. Ce sont ces factures pour des prestations qu'elle dit inexistantes que la société ICV estime que la société Mab Ltd aurait dû contester afin de reconstituer son patrimoine saisissable et que la société Conforama soutient qu'elles ne pourraient plus être contestées, ni par la société Mab Ltd, ni, comme venant aux droits de leur débiteur, par les créanciers poursuivants par le biais de l'action oblique, et ce par application du délai de forclusion conventionnel de 15 jours prévu par les contrats liant les parties, et notamment par l'article 4.2 du contrat cadre de coopération commerciale signé par les parties le 10 janvier 2006, aux termes duquel : « le fournisseur dispose à peine de forclusion, d'un délai de 15 jours ouvrables à compter de la réception de chaque facture pour en contester, si besoin est, tout ou partie des éléments. À peine d'irrecevabilité, les contestations devront être formulées par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à Conforama. La lettre de contestation doit expliquer le ou les motifs de la contestation et être accompagnée d'une copie de la ou des factures concernées. Passé le délai de 15 jours ouvrés et à défaut de contestation, la créance de Conforama sur le fournisseur sera réputée certaine, liquide et exigible (sous réserve que le délai de paiement soit expiré) et pourra donner lieu à paiement par compensation si Conforama le demande. »
119. La forclusion de quinze jours résultant de l'article 4.2 susrappelé, ne constitue pas un délai de prescription. Elle concerne le délai pour contester chacune des factures à compter de leur réception. Elle est distincte de la prescription des obligations en matière commerciale, prévue à l'article L.110-4 du code de commerce, ou de celle prévue à l'article 2254 du code civil, dont le délai est de cinq ans depuis la loi du 17 juin 2008, retenue ci-dessus à l'encontre de la société HPRE pour déclarer son action oblique prescrite.
120. A supposer que ladite forclusion puisse être déclarée opposable à la société Mab Ltd en application de son contrat avec la société Conforama, elle ne pourrait, le cas échéant, être opposée à la société ICV que dans le cadre de la discussion au fond sur le bien-fondé de l'action oblique et non in limine litis, ladite forclusion n'étant pas une déchéance du droit d'agir en justice, mais une déchéance du délai pour contester la nature des prestations facturées ou leur quantum, dont la validité est en outre discutée au regard du droit applicable à la contestation des factures.
121. Dès lors, la discussion sur l'aménagement conventionnel de la prescription, qu'il soit ou non admis compte tenu de la date des faits, est sans intérêt pour le présent litige, et inopérant.
122. En conséquence, la forclusion invoquée par la société Conforama, dont la validité et l'opposabilité à la société Mab Ltd et à la société ICV restent contestées, ne constitue pas, comme le soutient à tort la société Conforama, un motif d'irrecevabilité de l'action oblique, avant tout débat au fond.
123. Il y a lieu par conséquent de confirmer la décision des premiers juges sur ce point.
Sur la négligence de la société Mab Ltd à agir :
124. La société Conforama soutient que les sociétés ICV et HPRE sont irrecevables en leur action oblique en ce qu'elles manquent à établir la carence ou la négligence de la société Mab Ltd dans l'exercice de ses droits et actions. Elle ajoute que la mise en demeure du 19 juin 2007 (réitérée le 5 décembre 2007) adressée par la société ICV à la société Mab Ltd n'établit pas une telle inertie fautive. Elle explique à cet égard que cette lettre n'a jamais été reçue par la société Mab Ltd, puisqu'elle n'était pas adressée au mandataire habilité pour recevoir les notifications, et qu'en tout état de cause, celle-ci était tardive puisque ce mandataire avait cessé ses fonctions le 6 février 2007.
125. La société ICV fait valoir que la société Mab Ltd a été négligente dans le recouvrement de sa créance, qu'elle était en particulier informée de ses demandes compte tenu de ses mises en demeure dès le 19 juin 2007et 5 décembre 2007.
126. Le ministère public estime que la société Mab Ltd s'est montrée négligente dans le recouvrement de ses créances, de sorte que le recours des sociétés HPRE et ICV est bien fondé. Il retient ainsi que par trois fois, la société ICV a contesté auprès de la société Mab Ltd la réalité des prestations facturées par la société Conforama et lui a demandé d'agir à son encontre et que cette dernière n'a entrepris aucune diligence et n'est intervenue dans aucune des procédures diligentées dans cette affaire.
Sur ce,
127. Il est constant que l'action oblique n'est ouverte au créancier qu'en cas d'inaction du débiteur ou de péril de la créance, que tel est le cas lorsqu'un débiteur ne fait aucune diligence pour préserver son patrimoine ou qu'étant mis en demeure de le faire, il n'entreprend aucune diligence et met ses biens en péril.
128. En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que la société ICV a mis la société Mab Ltd en demeure par deux fois les 19 juin et 5 décembre 2007, lui intimant d'agir à l'encontre de la société Conforama sur le fondement de l'article L. 411-3 du code de commerce en soutenant que les factures litigieuses ne correspondaient à aucune prestation réelle.
129. Or, la société Mab Ltd a procédé à un paiement partiel le 30 juin 2006 puis, ayant fait l'objet d'une liquidation amiable le 21 décembre 2006, n'a pas réagi à ces deux mises en demeure et n'a plus manifesté d'intérêt à ces créances.
130. En conséquence, la société Mab Ltd a bien été négligente de sorte que cette condition est satisfaite, à supposer qu'elle puisse aussi être une condition de recevabilité de l'action oblique.
Sur l'absence de contestation des factures par la société Mab Ltd :
131.La société Conforama soutient que la société Mab Ltd n'a jamais contesté la réalité des prestations de coopération commerciale facturées par la société Conforama, qu'elle a vérifiées et formellement validées, qu'elle a donc renoncé à les contester et s'est ainsi reconnue débitrice des sommes facturées. Elle conclut que cette renonciation fait obstacle à l'action oblique des sociétés HCE et ICV. Elle ajoute que ni la société HPRE ni la société ICV ne caractérisent de ce fait une inertie fautive de la société Mab Ltd.
132.La société ICV soutient que la société Mab Ltd n'a pas renoncé de manière expresse et univoque à la remise en cause de la réalité des prestations facturées. Elle ajoute qu'il n'est pas démontré que la société Mab Ltd aurait validé les prestations commerciales de Conforama.
Sur ce,
133.L'absence de contestation des factures relève, tout comme la forclusion invoquée pour former une contestation, de la discussion au fond sur l'action oblique engagée par la société ICV, et n'est pas une condition de recevabilité de ladite action.
134.C'est dès lors à juste titre que le tribunal de commerce a déclaré la société ICV recevable en son action contre la société Conforama.
Sur le fond :
Sur l'action oblique :
135. La société Conforama conteste le bien-fondé de l'action oblique des sociétés ICV et HPRE. Elle soutient la validité de sa créance sur la société Mab Ltd au titre de la coopération commerciale d'un montant total de 1.330.728,98 € venant en compensation de la créance de la société Mab Ltd d'un montant de 852.718,25 €. Elle indique que le principe de compensation était prévu à l'article 4.2 du contrat cadre de coopération commerciale du 10 janvier 2006 et que la société Mab Ltd a reconnu et accepté tant la facturation litigieuse de la société Conforama ainsi que la compensation des créances respectives entre les parties par courriels des 29 et 30 juin 2006, le compte de la société Mab Ltd ouvert dans ses livres présentant en conséquence une situation comptable débitrice de 478.010,73 €. Elle soutient qu'elle était ainsi créancière de la société Mab Ltd au jour de la saisie conservatoire pratiquée par la société ICV (le 20 juillet 2006), puis par la société HPRE (le 25 août 2006).
136. Elle soutient que les dispositions du code de commerce ne sont pas applicables, au motif que ses relations avec la société Mab Ltd étaient gouvernées par les « principes généraux du droit tels qu'appliqués aux relations commerciales internationales ainsi que par les usages en matière de commerce international »,tel que stipulé à l'article 17 du contrat fournisseur du 15 juillet 2004, ou encore selon l'article 11 des conditions générales d'achat de Conforama du 14 octobre 2004 qui contient des stipulations similaires, et notamment par les Principes Unidroit. Elle soutient que tous les contrats forment un ensemble indivisible et qu'en prévoyant la loi applicable au sein du contrat fournisseur, les parties ont consenti à l'application de ces principes et usages à leur litige, en excluant l'application de la loi française. Elle fait valoir que la référence à l'article 1289 du code civil dans le contrat-cadre du 10 janvier 2006 ne concerne que la compensation conventionnelle et non les autres dispositions de cet accord. Elle conteste l'application de la Convention de Rome du 19 juin 1980 au motif que ce règlement ne s'applique qu'entre parties européennes, ce que n'est pas la société Mab Ltd. Elle ajoute que les contrats ne sont pas critiquables au regard des usages du commerce international.
137. La société Conforama fait valoir à titre subsidiaire que les sociétés ICV et HPRE sont mal fondées à se prévaloir des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce qui réservent une action en annulation au Ministre de l'Economie et qu'en tout état de cause, les accords commerciaux sont conformes aux dispositions de l'article L. 442-6-I, 1° et 2° du code de commerce. Elle soutient notamment que les services visés aux contrats de coopération commerciale sont suffisamment définis et constituent bien des services de coopération commerciale. Ainsi, s'agissant du contrat de coopération commerciale conclu pour l'année 2005, elle souligne que les services qu'elle a facturés à la société Mab Ltd répondent aux trois caractéristiques de la coopération commerciale visées dans le code de commerce, à savoir qu'ils ne relèvent pas des obligations d'achat et de vente, qu'ils sont rendus à l'occasion de la revente des produits ou des services aux consommateurs et qu'ils sont de nature à favoriser la commercialisation des produits ou services. Elle souligne que répond en particulier à ces critères la prestation facturée de « présence des produits en magasin », qui garantit l'exposition des produits dans environ 90 % des magasins, qui n'est pas un service relevant des fonctions normales du distributeur. C'est aussi selon elle le cas de la prestation « réalisation d'études et d'analyse de marchés ». S'agissant du contrat cadre de coopération commerciale du 10 janvier 2006 et de son contrat d'application du 20 mars 2006, la société Conforama fait valoir que les prestations sont précisément décrites, conformément aux exigences de l'article L. 441-7 du code de commerce, de sorte que le tribunal a retenu à tort une absence de mention de ces services dans les contrats.
138. La société Conforama ajoute que les factures sont conformes aux dispositions de l'article L. 411-3 du code de commerce en ce qu'elles désignent précisément les services rendus et facturés, en identifiant les promotions publicitaires permettant d'informer les consommateurs sur les produits concernés par renvoi à un contrat nommément visé, tout comme pour les périodes concernées. Elle ajoute que la lettre de la DRCCRF du 14 mars 2008, sur laquelle les sociétés ICV et HPRE fondent leur contestation, est sans valeur probante s'agissant d'une analyse non contradictoire et n'ayant fait suite à aucune enquête.
139. Elle ajoute que le non-respect des dispositions des articles L. 441-3 et L. 441-7 du code de commerce ne saurait entrainer l'annulation des factures contestées ni la restitution des sommes facturées, ni remettre en cause la réalité de la prestation accomplie et facturée, compte tenu de l'absence de contestation par la société Mab Ltd de ses factures, qui vaut reconnaissance de la réalité des prestations. Elle rappelle à cet égard que la société Mab ltd a accepté par courriers des 29 et 30 juin 2006 la facture n°73943 du 24 mars 2006 d'un montant de 1.134.714,15 €
140. Elle ajoute avoir exécuté ses obligations en termes d'exposition en magasin, arguant que la mise en avant des produits Mab Ltd dans ses catalogues publicitaires diffusés au niveau national implique nécessairement la présence desdits produits dans tous les magasins de l'enseigne. Elle produit par ailleurs ses catalogues publicitaires qui, selon elle, établissent que les prestations de coopération publicitaire prévues au contrat de coopération commerciale et rappelle que la preuve est libre en matière commerciale.
141. Elle ajoute que la rémunération de la coopération publicitaire n'est pas disproportionnée par rapport aux services rendus, en ce que cette facturation constituait un taux global de 10,5% pour l'année 2005 et 7,2 % pour l'année 2006 par rapport au chiffre d'affaires réalisé par Mab Ltd ces deux années. Elle ajoute que le caractère proportionné de la rémunération doit s'apprécier en fonction de la valeur du service rendu et non au regard du prix du produit.
142. En réponse, la société ICV fait valoir que le droit français est applicable en vertu des règles de droit international privé applicables. Elle ajoute que le contrat cadre de coopération commerciale du 10 janvier 2006 fait référence à l'article 1289 du code civil, soumettant ainsi le contrat aux dispositions du code civil et au droit français.
143.Elle explique que la pratique des « marges arrières » consistant à imputer aux fournisseurs le prix de prestations de services sous forme de coopération commerciale est strictement encadrée et que l'absence de contrepartie réelle doit donner lieu en application de l'article L. 442-6 du Code de commerce à la nullité des contrats de coopération commerciale et à la restitution des sommes indûment facturées. Elle soutient que le libellé des factures de coopération commerciale de la société Conforama ne satisfait pas aux obligations légales et souligne que les mentions « 3eme et 4eme trimestre 2005, présence catalogue publicitaire, opération promotionnelle magasins » n'identifient pas la nature exacte, la date et le prix de chaque prestation permettant de s'assurer qu'ils ont été effectivement rendus. Elle ajoute que la prestation « détention de gamme » est par essence le choix fait par l'acheteur de ne représenter qu'une partie des produits de la gamme et qu'en conséquence, il est nécessaire que les produits choisis soient spécifiquement mentionnés et définis sur les factures, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Elle soutient que la société Conforama n'établit pas la réalité des prestations facturées ni leur valeur et conteste que l'email du 29 juin 2006 de la société Mab Ltd prouve l'accord de cette dernière pour compenser les créances respectives des parties. Elle ajoute que la société Conforama est mal fondée à se prévaloir de sa propre facturation pour établir la réalité des prestations, nul ne pouvant se constituer sa propre preuve. Elle conclut ainsi que les factures des 24 mars, 20 juin et 5 juillet 2006 ne sont pas fondées et qu'elles ne peuvent alors lui être opposées. Elle fait valoir que la créance de la société Mab Ltd sur la société Conforama est de 867.881,52 €.
144. A titre reconventionnel, la société ICV demande la désignation d'un expert afin de faire rechercher si des prestations ont été réellement rendues par la société Conforama à la société Mab Ltd, à déterminer leur date éventuelle, ainsi que leur valeur, de même que l'uniformité de prix avec celle des autres fournisseurs.
145. Le ministère public estime le droit français applicable en l'absence de disposition contractuelle contraire, les prestations ayant été effectuées en France. Il ajoute que si les principes généraux du droit peuvent être appliqués lorsque les parties l'ont choisi, la société Conforama n'en rapporte pas la teneur, ne mettant pas la Cour en mesure de rechercher le contenu du droit applicable.
Sur ce,
146. La juridiction française étant saisie d'une contestation portant sur des factures relatives à des contrats signés entre une société française et une société américaine, il appartient au juge français de rechercher la loi applicable au litige en se fondant sur ses propres règles de conflit régissant les obligations contractuelles, en l'espèce la convention de Rome du 19 juin 1980, compte tenu des dates auxquelles les contrats litigieux ont été signés, nonobstant la nationalité américaine de son co-contractant, ladite convention ayant un caractère universel.
147. Aux termes de l'article 3 § 1 de la Convention de Rome « le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat ».
148. A défaut de choix l'article 4§1 prévoit que « dans la mesure où la loi applicable au contrat n'a pas été choisie conformément aux dispositions de l'article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits (…) ». Selon le §2 de cette disposition « Sous réserve du paragraphe 5, il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ou, s'il s'agit d'une société, association ou personne morale, son administration centrale. »
149. La convention de Rome accorde une importance cruciale à l'autonomie de la volonté, en laissant en vertu de la règle de base énoncée à l'article 3 § 1, la liberté de choix aux parties. Toutefois, en l'absence de choix des parties, le droit applicable est déterminé sur le fondement de l'article 4 de ladite convention qui prévoit comme critère fondamental l'application de la loi du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits.
150. C'est en application de cette règle que les premiers juges ont, à juste titre retenu l'application du droit français auxdits contrats de coopération commerciale, distincts des contrats « Fournisseur », en indiquant que « la prestation en cause est rendue sur le territoire français et qu'en l'absence de dispositions contractuelles autres, elle relève en conséquence de la loi française ».
151. Il résulte en effet des éléments versés au dossier et notamment de l'objet desdits contrats, à savoir la promotion commerciale par le biais de publicité ou de catalogues mis à la disposition des clients ou sur internet, de visibilité des produits en magasin dans toute la France, que les contrats litigieux avaient le plus de liens étroits avec la France.
152. C'est sur la base de cette règle de conflit et sans faire référence à leur caractère de loi de police, que les premiers juges ont retenu l'application de l'article L. 441-3 du code de commerce, en vigueur à l'époque des faits, aux termes duquel « tout achat de produits de prestations de services pour une activité professionnelle doivent faire l'objet d'une facturation. Le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou la prestation du service (...) », et ont fait application de l'article L. 441-7 du même code régissant le contrat coopération commerciale, aux termes duquel ledit contrat est « une convention par laquelle un distributeur ou un prestataire de services s'oblige envers un fournisseur à lui rendre, à l'occasion de la revente de ces produits ou services aux consommateurs, des services propres à favoriser leur commercialisation qui ne relèvent pas des obligations d'achat et de vente. »
153. Pour retenir l'inopposabilité des factures litigieuses, les premiers juges ont fait application de l'article L. 442-6, II du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, qui dispose que « sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers, la possibilité :
a) De bénéficier rétroactivement de remises, de ristournes ou d'accords de coopération commerciale » ;
154. En effet, le non-respect des règles de transparence imposées par les articles L. 441-3 et suivants du code de commerce dans leur version applicable aux faits du litige constitue non seulement un délit pénal, mais également une violation des dispositions d'ordre public prévues par ces textes destinées à réglementer les conditions dans lesquelles les conventions conclues entre fournisseurs et distributeurs ou prestataires de services doivent être rédigées en mentionnant notamment les obligations réciproques auxquelles les parties se sont engagées, et notamment les services de coopération commerciale ne relevant pas des obligations d'achat et de vente ainsi que toutes les obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur.
155. Il résulte de ces dispositions impératives qu'en matière de contrats de coopération commerciale la charge de la preuve de la réalisation des obligations spécifiques et de la réalité des services fournis pèse sur le distributeur et que la seule production de factures ne suffit pas pour justifier de leur réalisation.
156. C'est dès lors à juste titre et à la lumière des dispositions légales applicables à l'époque des faits que les premiers juges ont, par des motifs précis et pertinents que la cour adopte, analysé les contrats de coopération commerciale signés entre la société Conforama France et la société Mab Ltd, comme des conventions soumises à ces dispositions impératives et considéré que les factures produites, ainsi que les justificatifs fournis ne respectaient pas lesdites dispositions et que la société Conforama ne rapportait pas la preuve des prestations concernées.
157. C'est en vain que la société Conforama soutient que la société Mab Ltd aurait accepté lesdites factures, notamment en validant deux avoirs sur la facture n°73943 du 24 mars 2006 relative à la coopération commerciale des 3ème et 4ème trimestre 2005, et en validant un paiement de 300.000 € le 30 juin 2006, ou serait forclose à les contester pour n'avoir pas respecté le délai de 15 jours fixé contractuellement, alors que les dispositions applicables relèvent d'une réglementation impérative qui ne peuvent être écartées, même d'un commun accord, et qu'en outre, en l'espèce, compte tenu de la date très tardive de l'émission desdites factures, clairement rétroactives, et de leur imprécision sur les prestations concernées, ces factures ne pouvaient ni avoir date certaine, ni être régularisées a posteriori, ces irrégularités ayant été en outre confirmées par la lettre de la DRCCRF du 14 mars 2008 qui a retenu que « les factures de coopération commerciale des années 2005 et 2006 ne respectent pas les règles de transparence imposées par l'article L. 441-3 du code de commerce et que les contrats de coopération commerciale 2006 ne sont pas conformes aux dispositions de l'article L. 441-7 du code de commerce (absence de précision du contenu des services proposés dans le contrat cadre avant le 15 février, contrat d'application rédigé a posteriori pour le service de présence sur internet), et que Conforama n'a pas fourni les éléments justifiant la réalisation des services qu'elle a facturés à Mab Ltd, alors qu'elle y est obligée par les articles 1315 du code civil et L. 442-6, III du code de commerce ».
158. Les premiers juges ont également relevé que les prestations facturées faisaient ressortir un taux moyen de coopération commerciale de 14 % dépassant même 20 % pour certains produits, taux particulièrement élevé dont les premiers juges ont retenu à juste titre le caractère manifestement disproportionné, au regard notamment du peu de références considérées et du coût relatif de ces prestations pour Conforama.
159. Il en résulte que les factures litigieuses ne peuvent valablement venir en compensation des sommes que la société Conforama a reconnu devoir à la société Mab Ltd, en exécution du contrat de fourniture, compte tenu de l'irrégularité des contrats de coopération commerciale.
160. L'action engagée par la société ICV sur le fondement de l'action oblique étant destinée à contester la validité des factures produites par la société Conforama, la cour n'est pas saisie d'une demande en paiement ou en remboursement de sommes déjà payées.
161. C'est dès lors à juste titre, mais par des motifs propres que la cour substitue, que les premiers juges ont déduit la somme de 300.000 € de la créance de la société Mab Ltd, compte tenu du paiement déjà fait par la société Mab le 30 juin 2006, dont cette dernière n'a pas sollicité le remboursement et dont la société ICV n'avait pas demandé le remboursement aux lieu et place de la société Mab Ltd, la cour et les premiers juges n'en étant pas saisis. C'est pour les mêmes motifs que la cour ne peut faire droit à la demande d'ajout d'une créance qui n'aurait pas été facturée par la société Mab Ltd.
162. C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont écarté les factures litigieuses, les déclarant inopposables à la société Mab et aux créanciers poursuivants, et retenu que la créance de la société Mab Ltd à l'encontre de la société Conforama pouvait être arrêtée, à la date du 20 juillet 2006, à la somme de 852.718,25 euros
Sur les autres demandes :
163. La société Conforama succombant en toutes ses demandes, sa demande d'indemnisation pour procédure abusive est devenue sans objet.
164. Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le tribunal de commerce à l'égard de la société ICV, mais devra être infirmé concernant la société HPRE qui ne peut recevoir d'indemnisation à ce titre, son action étant irrecevable.
165. L'équité commande en appel d'allouer à la société ICV la somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
IV - DISPOSITIF :
Par ces motifs, la cour,
1 - Ordonne le rejet des débats de la pièce n° 50 ;
2 - Ordonne la cancellation de tous les paragraphes des conclusions faisant mention soit de la pièce n° 50 soit de toute référence à ladite pièce ou à son contenu ;
3 - Confirme les décisions entreprises en toutes leurs dispositions sauf en ce qu'elles ont déclaré la société HPRE recevable à agir, et lui ont alloué une indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Les infirmant sur ces points et statuant à nouveau ;
4 - Déclare la société HPRE prescrite et en conséquence irrecevable à agir ;
y ajoutant,
5 - Condamne la société Conforama à payer à la société ICV la somme de 50.000 € au titre de l'indemnisation, en cause d'appel, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
6 - La condamne aux dépens.
La greffière Le président
Clémentine GLEMET François ANCEL