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CJUE (9e ch.), 17 novembre 2021

Nature : Décision
Titre : CJUE (9e ch.), 17 novembre 2021
Pays : France
Juridiction : Cour de Justice de l'UE (9e ch.)
Demande : C-79/21
Date : 17/11/2021
Numéro ECLI : ECLI:EU:C:2021:945
Nature de la décision : Question préjudicielle (CJUE)
Mode de publication : Site Curia (CJUE)
Date de la demande : 5/01/2021
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9317

CJUE (9e ch.), 17 novembre 2021 : Affaire C-79/21

Publication : Site Curia

 

Extraits (dispositif) : « 1) L’article 5 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, et l’exigence de transparence des clauses contractuelles, dans le cadre d’un prêt hypothécaire, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation et à une jurisprudence nationales qui dispensent le professionnel de fournir au consommateur, lors de la conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire, l’information relative à l’évolution passée de l’indice de référence, au moins au cours des deux dernières années, en opérant la comparaison par rapport à au moins un indice différent tel que l’indice Euribor, à la condition que cette législation et cette jurisprudence nationales permettent au juge de s’assurer néanmoins que, eu égard aux éléments d’information publiquement disponibles et accessibles ainsi qu’aux informations fournies, le cas échéant, par le professionnel, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, a été en mesure de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul de l’indice de référence et d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières.

2) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation et à une jurisprudence nationales qui considèrent que l’absence de bonne foi du professionnel est une condition préalable nécessaire à tout contrôle du contenu d’une clause non transparente d’un contrat conclu avec un consommateur. Il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer si, eu égard à l’ensemble des circonstances pertinentes du litige au principal, le professionnel doit être considéré comme ayant agi de bonne foi, en choisissant un indice prévu par la loi, et si la clause incorporant un tel indice est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat.

3) L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que, en cas de nullité d’une clause abusive fixant un indice de référence pour le calcul des intérêts variables d’un prêt, le juge national substitue à cet indice un indice légal, applicable en l’absence d’accord contraire des parties au contrat, lorsque ces deux indices produisent les mêmes effets, pour autant que soient respectées les conditions prévues au point 67 de l’arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch (C ‑125/18, EU:C:2020:138). ».

 

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE

NEUVUIÈME CHAMBRE

ORDONNANCE DU 17 NOVEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Dans l’affaire C‑79/21, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE introduite par le Juzgado de Primera Instancia n° 2 de Ibiza (tribunal de première instance n° 2 d’Ibiza, Espagne), par décision du 5 janvier 2021, parvenue à la Cour le 9 février 2021, dans la procédure

YB

contre

Unión de Créditos Inmobiliarios SA,

 

LA COUR (neuvième chambre), composée de Mme K. Jürimäe, présidente de la troisième chambre, faisant fonction de président de la neuvième chambre, MM. S. Rodin (rapporteur) et N. Piçarra, juges,

Avocat général : M. M. Szpunar,

Greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, et à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Ordonnance :

1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), en particulier des articles 3, 4, 6 et 7 de cette directive.

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant YB à Unión de Créditos Inmobiliarios SA au sujet d’une clause imposant l’indice de référence des prêts hypothécaires (ci-après l’« IRPH ») et son indice de substitution dans un contrat de prêt hypothécaire conclu entre ces deux parties (ci-après la « clause litigieuse »).

 

Le cadre juridique :

Le droit de l’Union :

3. Les treizième et seizième considérants de la directive 93/13 énoncent :

« considérant que les dispositions législatives ou réglementaires des États membres qui fixent, directement ou indirectement, les clauses de contrats avec les consommateurs sont censées ne pas contenir de clauses abusives ; que, par conséquent, il ne s’avère pas nécessaire de soumettre aux dispositions de la présente directive les clauses qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des principes ou des dispositions de conventions internationales dont les États membres ou la Communauté sont parties ; que, à cet égard, l’expression « dispositions législatives ou réglementaires impératives » figurant à l’article 1er, paragraphe 2 couvre également les règles qui, selon la loi, s’appliquent entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu ;

[...] considérant que l’appréciation, selon les critères généraux fixés, du caractère abusif des clauses notamment dans les activités professionnelles à caractère public fournissant des services collectifs prenant en compte une solidarité entre usagers, nécessite d’être complétée par un moyen d’évaluation globale des différents intérêts impliqués ; que ceci constitue l’exigence de bonne foi ; que, dans l’appréciation de la bonne foi, il faut prêter une attention particulière à la force des positions respectives de négociation des parties, à la question de savoir si le consommateur a été encouragé par quelque moyen à donner son accord à la clause et si les biens ou services ont été vendus ou fournis sur commande spéciale du consommateur ; que l’exigence de bonne foi peut être satisfaite par le professionnel en traitant de façon loyale et équitable avec l’autre partie dont il doit prendre en compte les intérêts légitimes ».

4. L’article 1er, paragraphe 2, de cette directive dispose :

« Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou principes des conventions internationales, dont les États membres ou [l’Union européenne] sont parties, notamment dans le domaine des transports, ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive. »

5. L’article 3 de ladite directive précise :

« 1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

2. Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.

Le fait que certains éléments d’une clause ou qu’une clause isolée aient fait l’objet d’une négociation individuelle n’exclut pas l’application du présent article au reste d’un contrat si l’appréciation globale permet de conclure qu’il s’agit malgré tout d’un contrat d’adhésion.

Si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe.

3. L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. »

6. L’article 4 de la même directive prévoit :

« 1. Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2. L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

7. Aux termes de l’article 5 de la directive 93/13 :

« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. [...] »

8. L’article 6, paragraphe 1, de cette directive est ainsi libellé :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

9. L’article 7, paragraphe 1, de ladite directive énonce :

« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »

10. L’annexe de la directive 93/13, qui contient une liste indicative de clauses qui peuvent être déclarées abusives, est ainsi libellée :

« 1. Clauses ayant pour objet ou pour effet :

[...]

l) de prévoir que le prix des biens est déterminé au moment de la livraison, ou d’accorder au vendeur de biens ou au fournisseur de services le droit d’augmenter leurs prix, sans que, dans les deux cas, le consommateur ait de droit correspondant lui permettant de rompre le contrat au cas où le prix final est trop élevé par rapport au prix convenu lors de la conclusion du contrat ;

[...]

2. Portée des points g), j) et l)

[...]

c) Les points g), j) et 1) ne sont pas applicables aux :

– transactions concernant les valeurs mobilières, instruments financiers et autres produits ou services dont le prix est lié aux fluctuations d’un cours ou d’un indice boursier ou d’un taux de marché financier que le professionnel ne contrôle pas,

[...]

d) Le point l) ne fait pas obstacle aux clauses d’indexation de prix pour autant qu’elles soient licites et que le mode de variation du prix y soit explicitement décrit. »

 

Le droit espagnol

11. L’article 1303 du Código Civil (code civil) énonce :

« Lorsqu’une obligation est déclarée nulle, les contractants doivent se restituer réciproquement les choses ayant fait l’objet du contrat, les fruits produits par ces choses et le prix assorti d’intérêts, sauf dans les cas prévus par les articles suivants. »

12. Aux termes de l’article 80 du Real Decreto Legislativo 1/2007 por el que se aprueba el texto refundido de la Ley General para la Defensa de los Consumidores y Usuarios y otras leyes complementarias (décret royal législatif 1/2007, portant adoption du texte consolidé de la loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers et d’autres lois complémentaires), du 16 novembre 2007 (BOE n° 287, du 30 novembre 2007, p. 49181, ci-après le « décret royal législatif 1/2007 »), intitulé « Exigences à l’égard des clauses n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle » :

« 1. Dans les contrats conclus avec des consommateurs et des usagers qui comprennent des clauses n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, y compris les contrats conclus par l’administration publique et les entités et entreprises qui en dépendent, ces clauses doivent respecter les exigences suivantes :

[...]

c) bonne foi et juste équilibre entre les obligations des parties, ce qui exclut, en tout état de cause, l’utilisation de clauses abusives.

[...] »

13. L’article 82 du décret royal législatif 1/2007, intitulé « Notion de clauses abusives », dispose, à son paragraphe 1 :

« Sont considérées comme abusives toutes les clauses n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle ainsi que toutes les pratiques qui ne résultent pas d’un accord exprès et qui, en dépit de l’exigence de bonne foi, créent au détriment du consommateur et de l’usager un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »

 

Le litige au principal et les questions préjudicielles :

14. YB a introduit devant le Juzgado de Primera Instancia n° 2 de Ibiza (tribunal de première instance n° 2 d’Ibiza, Espagne) une action contre l’établissement financier Unión de Créditos Inmobiliarios sollicitant, notamment, que soit constatée la nullité de la clause litigieuse, en raison de son caractère abusif, ainsi que le remboursement des montants versés au titre de cette clause.

15. En vertu de la clause litigieuse, le taux d’intérêt à payer par le consommateur varie en fonction de l’IRPH.

16. YB demande que soit constatée la nullité de ladite clause, en raison de son caractère prétendument abusif, et le remboursement des sommes indûment payées en application de cette clause, qui est une conséquence inhérente à la constatation de la nullité prévue à l’article 1303, paragraphe 1, du code civil, ainsi que, au principe énoncé à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, selon lequel les clauses abusives ne lient pas les consommateurs.

17. À cet égard, YB demande le remboursement des sommes versées au titre de la clause litigieuse, majorées des intérêts légaux pertinents. À titre subsidiaire, YB demande que l’IRPH soit rétroactivement remplacé par l’indice Euribor depuis le début du contrat concerné, ainsi que la condamnation de Unión de Créditos Inmobiliarios au remboursement du trop-perçu, majoré des intérêts légaux.

18. Unión de Créditos Inmobiliarios s’est opposé audit recours en invoquant, de manière générale, la validité de la clause litigieuse.

19. Selon la juridiction de renvoi, les tribunaux et les cours provinciales espagnols ont été nombreux à constater la nullité de clauses imposant l’indice IRPH, toutefois, il subsisterait une controverse juridique autour de l’arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch (C‑125/18, ci-après l’« arrêt Gómez del Moral Guasch », EU:C:2020:138), ainsi que des arrêts rendus le 14 décembre 2017 et le 12 novembre 2020 par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne).

20. Dans ces conditions, le Juzgado de Primera Instancia n° 2 de Ibiza (tribunal de première instance n° 2 d’Ibiza) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 3 de la directive [93/13] s’oppose–t–il à une jurisprudence nationale qui établit que le professionnel est dispensé de fournir au consommateur, lors de la conclusion du contrat de prêt, l’information relative à l’évolution passée de l’indice de référence, au moins au cours des deux dernières années, par rapport à au moins un autre indice différent, largement et habituellement utilisé dans le secteur au moment de la conclusion du contrat, comme l’était, en l’espèce, l’indice Euribor ?

2) L’article 3 de la directive 93/13 s’oppose-t-il à une jurisprudence nationale en vertu de laquelle le fait que le professionnel introduit de manière non transparente la clause [litigieuse], sans fournir l’information préalable nécessaire relative à l’évolution comparative dudit indice par rapport aux autres indices habituellement utilisés sur le marché, ne crée pas, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties ?

3) L’article 3, paragraphe 2, de la directive 93/13 s’oppose-t-il à une jurisprudence nationale qui considère qu’une clause qui introduit l’indice de référence IRPH dans un contrat de prêt sans information préalable n’est pas abusive, sans vérifier si l’établissement financier a respecté l’obligation de fournir l’information relative à l’évolution dudit indice au cours des deux années précédentes expressément prévue par le droit national ?

Dans la négative, l’absence d’information préalable implique-t-elle l’absence de bonne foi du professionnel qui a inséré la clause et, par conséquent, le caractère abusif de celle-ci ? L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 s’oppose-t-il, dès lors, à une jurisprudence nationale qui constate la bonne foi de l’établissement financier, bien qu’il n’ait pas fourni l’information exigée et qu’il ait donc inséré dans le contrat des clauses non transparentes ?

4) L’article 3, paragraphe 2, de la directive 93/13 s’oppose-t-il à une jurisprudence nationale qui considère qu’une clause qui introduit l’indice de référence IRPH dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel dispense ce dernier de l’obligation de fournir au consommateur l’information comparative et évolutive relative aux différents indices de référence existants les plus utilisés au moment de la conclusion du prêt, au motif que le consommateur peut aisément comprendre que l’indice IRPH sera toujours plus élevé que l’indice Euribor, compte tenu de la publication au Boletín Oficial del Estado (journal officiel de l’État espagnol) d’une circulaire relative au secteur bancaire de 1994, qui fixe la méthode de calcul de l’indice IRPH ? Dans la négative, le professionnel est-il tenu de communiquer et de fournir cette circulaire au consommateur lors de la conclusion du contrat de prêt ?

5) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 s’oppose-t-il à une jurisprudence nationale qui considère que l’absence de bonne foi du professionnel est une condition impérative pour contrôler le contenu d’une clause non transparente introduisant volontairement l’indice IRPH dans un contrat conclu avec un consommateur et que l’on peut assimiler le simple fait que des gouvernements utilisent l’indice IRPH au fait que le professionnel est automatiquement de bonne foi lorsqu’il impose, dans le contrat qu’il conclut avec le consommateur, l’indice qu’il a volontairement et unilatéralement choisi ?

6) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 s’oppose-t-il à l’article 82, paragraphe 1, [du décret royal législatif 1/2007], qui, pour constater le caractère abusif d’une clause, exige que celle-ci soit contraire à l’exigence de bonne foi ?

7) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 s’oppose-t-il à une jurisprudence nationale qui considère qu’il n’y a pas d’absence de bonne foi chez le professionnel qui, dans un contrat conclu avec un consommateur, introduit une clause n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle qui impose l’IRPH comme indice de référence, en conséquence de la dissimulation ou de la non–communication d’informations relatives à l’évolution passée dudit indice et de sa comparaison avec d’autres indices plus populaires au moment de la conclusion du contrat de prêt ?

8) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 s’oppose-t-il à une jurisprudence nationale qui, pour constater qu’une clause imposant l’indice IRPH est nulle en raison de son caractère abusif, exige obligatoirement et nécessairement que ladite clause n’ait pas été insérée dans le contrat de manière transparente, que le professionnel qui l’a rédigée soit de mauvaise foi et, en outre, qu’elle crée, au moment de la conclusion du contrat de prêt et au détriment du consommateur, un déséquilibre de nature strictement économique entre les droits et les obligations des parties ?

Dans l’affirmative, quelles sont les conditions minimales exigées par la directive pour constater le caractère abusif de la clause ? L’absence de transparence est-elle une condition suffisante, au sens de la directive, pour constater la nullité, conformément au principe énoncé dans la huitième disposition finale de la Ley 5/2019 (loi 5/2019), qui prévoit expressément la nullité de toute clause insérée de manière non transparente ?

9) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 s’oppose-t-il à une jurisprudence nationale qui considère qu’il n’y a pas d’absence de bonne foi chez le professionnel qui, dans un contrat conclu avec un consommateur, introduit une clause n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle imposant l’IRPH comme indice de référence, en conséquence d’un manque d’information au consommateur, au sens d’un manquement à l’obligation de porter à la connaissance de ce dernier que cet indice de référence n’est pas celui qui est normalement utilisé, que l’évolution passée dudit indice jusqu’au moment de la conclusion du contrat de prêt l’a toujours situé à un niveau plus élevé que l’indice le plus populaire à ce moment (en l’espèce, l’indice Euribor), et que la formule de calcul de l’indice IRPH a pour conséquence qu’il ne pourra jamais être égal ou inférieur à l’indice Euribor, de sorte que le consommateur paiera toujours des intérêts comparativement plus élevés que si le prêt était indexé sur l’Euribor ou sur un autre indice similaire ?

10) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 s’oppose-t-il à une jurisprudence nationale en vertu de laquelle le fait que le professionnel introduit de manière non transparente une clause imposant l’IRPH comme indice de référence, privant ainsi le consommateur du droit de comparer, d’analyser et d’évaluer [ledit indice] avant de conclure le contrat, ne crée pas, au détriment du consommateur, une atteinte significative aux droits et aux obligations des parties ?

11) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 s’oppose-t-il à une jurisprudence nationale qui considère que le fait que le professionnel a introduit de manière non transparente une clause entraînant, pour le consommateur, une charge d’intérêts sensiblement supérieure à celle qu’il aurait comparativement supportée en application des autres indices utilisés au moment de la conclusion du contrat ne crée pas, au détriment du consommateur, une atteinte significative aux droits et aux obligations des parties ?

12) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit-il être interprété en ce sens que la constatation de la nullité de la clause fixant l’IRPH comme indice de référence dans un contrat de prêt hypothécaire conclu entre un professionnel et un consommateur n’empêche pas ledit contrat de subsister sans qu’il soit nécessaire de remplacer cette clause par un autre indice de référence ?

Dans la négative, le principe de l’effet dissuasif énoncé à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 s’oppose-t-il à ce que l’indice de référence stipulé soit remplacé par un autre sous-indice IRPH qui produirait les mêmes effets (IRPH ensemble des établissements, IRPH caisses d’épargne, IRPH banques, ou IRPH confédération espagnole des caisses d’épargne), ou faut-il au contraire lui substituer l’indice de référence qui, dans le domaine des contrats de prêt entre consommateurs et établissements financiers, était le plus utilisé et le plus répandu au moment de la conclusion du contrat (en l’espèce, l’indice Euribor) ?

13) L’interprétation de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, établie par la Cour dans l’arrêt [Gómez del Moral Guasch], s’oppose-t-elle à une jurisprudence nationale qui considère, malgré l’absence de négociation et de transparence et bien que le consommateur ait subi un préjudice, qu’une clause telle que la clause litigieuse n’est pas abusive, au motif qu’il n’y a pas eu de mauvaise foi ?

14) L’article 3, paragraphe 2, de la directive 93/13 s’oppose-t-il à la Ley 5/2019 (loi 5/2019), à l’Orden EHA/2899/2011 (arrêté EHA/2899/2011, du 28 octobre 2011, relatif à la transparence et à la protection des utilisateurs de services bancaires), et à une jurisprudence nationale qui, pour les contrats de prêt conclus sous l’empire de cette réglementation, dispense le professionnel de fournir au consommateur, lors de la conclusion du contrat, l’information relative à l’évolution passée de l’indice de référence, au moins au cours des deux dernières années, par rapport à au moins un autre indice différent, largement et habituellement utilisé dans le secteur, tel que l’indice Euribor ?

15) Les articles 3, 4, 6 et 7 de la directive 93/13 s’opposent-ils à une jurisprudence nationale qui considère que l’on ne saurait constater le caractère abusif d’une clause imposant l’indice de référence dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur qui, comme en l’espèce, a été insérée dans ledit contrat de manière non transparente, au motif qu’il n’y a pas eu de mauvaise foi et que le consommateur n’a pas subi de préjudice, alors que cette clause a causé un préjudice économique que l’établissement financier pouvait prévoir et que le consommateur a ainsi été privé de son droit de comparer, d’analyser et d’évaluer [ledit indice] avant de prendre sa décision, étant entendu qu’il ne l’aurait pas accepté s’il en avait connu la portée et les termes concrets ?

16) L’article 6, paragraphe 2, de la directive 93/13 s’oppose-t-il à l’article 43 de la Ley de Enjuiciamiento Civil (code de procédure civile), dans la mesure où le renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l’Union européenne ne produit pas les effets prévus par les règles relatives aux questions préjudicielles civiles (“prejudicialidad civil”) sur d’autres procédures judiciaires similaires ou identiques dans lesquelles l’application de la réponse donnée audit renvoi peut être matériellement et juridiquement importante, ce qui prive le consommateur de protection en cas de poursuite de la procédure ? Dans l’affirmative, et indépendamment de la juridiction ou du stade d’avancement de la procédure, le juge national doit-il appliquer les règles relatives aux questions préjudicielles civiles (“prejudicialidad civil”) d’office, ou à la demande d’une partie ? »

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur les questions préjudicielles :

21. En vertu de l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à une telle question ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée. Elle peut également statuer par cette voie, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsqu’une demande est manifestement irrecevable.

22. Il y a lieu de faire application de ces dispositions dans le cadre du présent renvoi préjudiciel.

 

Sur les première à quatrième et quatorzième questions relatives à l’information préalable du consommateur :

23. Par ses première à quatrième et quatorzième questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5 de la directive 93/13 et l’exigence de transparence doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation et à une jurisprudence nationale qui dispensent le professionnel de fournir au consommateur, lors de la conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire, l’information relative à l’évolution passée de l’indice de référence, au moins au cours des deux dernières années, en opérant la comparaison par rapport à au moins un indice différent tel que l’indice Euribor.

24. À cet égard, il découle du point 56 ainsi que du point 3 du dispositif de l’arrêt Gómez del Moral Guasch que l’article 5 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, aux fins de respecter l’exigence de transparence d’une clause contractuelle fixant un taux d’intérêt variable dans le cadre d’un contrat de prêt hypothécaire, cette clause doit non seulement être intelligible sur les plans formel et grammatical, mais également permettre qu’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, soit mis en mesure de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul de ce taux et d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières. Constituent des éléments particulièrement pertinents aux fins de l’appréciation que le juge national doit effectuer à cet égard, d’une part, la circonstance que les éléments principaux relatifs au calcul de ce taux sont aisément accessibles à toute personne envisageant de contracter un prêt hypothécaire, en raison de la publication du mode de calcul dudit taux ainsi que, d’autre part, la fourniture d’informations sur l’évolution passée de l’indice sur la base duquel est calculé ce même taux.

25. Or, ainsi qu’il découle du point 55 de l’arrêt Gómez del Moral Guasch, il revient à la juridiction de renvoi de vérifier, à la lumière des éléments d’interprétation donnés dans cet arrêt et notamment de ses points 53 et 54, si, dans le cadre de la conclusion du contrat en cause au principal, l’établissement bancaire a effectivement respecté toutes les obligations d’information prévues par la réglementation nationale.

26. En effet, dans le cadre de la procédure visée à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, le juge national est seul compétent pour constater et apprécier les faits du litige au principal ainsi que pour interpréter et appliquer le droit national (arrêt du 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale, C‑698/18 et C‑699/18, EU:C:2020:537, point 46).

27. Ainsi, comme la Cour l’a déjà souligné au point 52 de l’arrêt Gómez del Moral Guasch, sa compétence porte uniquement sur l’interprétation des dispositions du droit de l’Union, en l’occurrence de la directive 93/13 (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2013, RWE Vertrieb, C‑92/11, EU:C:2013:180, point 48 et jurisprudence citée), et il appartient donc à la seule juridiction de renvoi de procéder aux vérifications nécessaires à cet égard, au regard de l’ensemble des éléments de fait pertinents, au nombre desquels figurent la publicité et l’information fournies par le prêteur dans le cadre de la négociation d’un contrat de prêt (arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, point 74 ; du 26 février 2015, Matei, C‑143/13, EU:C:2015:127, point 75, ainsi que du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703, point 46).

28. Partant, c’est également à la juridiction de renvoi, qui a seule connaissance de l’ensemble des éléments pertinents du litige au principal, de procéder à l’appréciation de l’ensemble de ces éléments, pour déterminer si, eu égard aux éléments d’information publiquement disponibles et accessibles ainsi qu’aux informations fournies, le cas échéant, par le professionnel, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, a été mis en mesure de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul de l’indice IRPH et d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières.

29. Par ailleurs, dans la mesure où, par les présentes questions, la juridiction de renvoi vise, outre l’exigence de transparence, l’article 3 de la directive 93/13, il convient de renvoyer à la réponse apportée aux cinquième à onzième, treizième et quinzième questions.

30. Il s’ensuit qu’il y a lieu de répondre aux première à quatrième et quatorzième questions que l’article 5 de la directive 93/13 et l’exigence de transparence des clauses contractuelles, dans le cadre d’un prêt hypothécaire, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation et à une jurisprudence nationales qui dispensent le professionnel de fournir au consommateur, lors de la conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire, l’information relative à l’évolution passée de l’indice de référence, au moins au cours des deux dernières années, en opérant la comparaison par rapport à au moins un indice différent tel que l’indice Euribor, à la condition que cette législation et cette jurisprudence nationales permettent au juge de s’assurer néanmoins que, eu égard aux éléments d’information publiquement disponibles et accessibles ainsi qu’aux informations fournies, le cas échéant, par le professionnel, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, a été en mesure de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul de l’indice de référence et d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières.

 

Sur les cinquième à onzième, treizième et quinzième questions relatives aux critères d’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle :

31. Par ses cinquième à onzième, treizième et quinzième questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation et à une jurisprudence nationales qui considèrent que l’absence de bonne foi du professionnel est une condition préalable nécessaire à tout contrôle du contenu d’une clause non transparente introduisant volontairement l’IRPH dans un contrat conclu avec un consommateur, que le professionnel peut être considéré comme étant de bonne foi du fait qu’il a choisi un indice prévu par la loi lors de la conclusion du contrat et que, de ce fait, il ne peut être conclu que cette clause crée un déséquilibre significatif entre les parties.

32. La réponse à cette question peut se déduire de l’arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus (C‑421/14, EU:C:2017:60). En effet, il découle du point 3, deuxième tiret, du dispositif de cet arrêt que l’article 3, paragraphe 1, et l’article 4 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que, dès lors qu’une juridiction nationale considère qu’une clause contractuelle relative au mode de calcul des intérêts applicables à un contrat de prêt hypothécaire n’est pas rédigée de manière claire et compréhensible, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de cette directive, auquel correspond en substance l’exigence de transparence visée à l’article 5 de ladite directive, il lui incombe d’examiner si cette clause est « abusive », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la même directive.

33. Il s’ensuit que la seule circonstance qu’une clause n’est pas rédigée de manière claire et compréhensible n’est pas, à elle seule, de nature à lui conférer un caractère abusif, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13.

34. À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme étant abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant de ce contrat.

35. Il importe de préciser, par ailleurs, que, selon une jurisprudence constante, la compétence de la Cour en la matière porte sur l’interprétation de la notion de « clause abusive », visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 et à l’annexe de celle-ci, ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard des dispositions de cette directive, étant entendu qu’il appartient audit juge de se prononcer, en tenant compte de ces critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce. Il en ressort que la Cour doit se limiter à fournir à la juridiction de renvoi des indications dont cette dernière est censée tenir compte afin d’apprécier le caractère abusif de la clause concernée (arrêt du 14 mars 2013, Aziz, C‑415/11, EU:C:2013:164, point 66 et jurisprudence citée).

36. Dans ce cadre, il incombe au juge national de déterminer, en tenant compte des critères énoncés à l’article 3, paragraphe 1, ainsi qu’à l’article 5 de la directive 93/13, si, eu égard aux circonstances propres au cas d’espèce, une telle clause satisfait aux exigences de bonne foi, d’équilibre et de transparence posées par cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 50 ainsi que jurisprudence citée).

37. En faisant référence aux notions de « bonne foi » et de « déséquilibre significatif » au détriment du consommateur entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne définit que de manière abstraite les éléments qui donnent un caractère abusif à une clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle (arrêt du 14 mars 2013, Aziz, C‑415/11, EU:C:2013:164, point 67 et jurisprudence citée).

38. Il en découle que la notion de « bonne foi » est inhérente à l’examen de la nature abusive d’une clause contractuelle.

39. S’agissant de la question de savoir dans quelles circonstances un tel déséquilibre est créé « en dépit de l’exigence de bonne foi », eu égard au seizième considérant de la directive 93/13, la Cour a indiqué, dans sa jurisprudence, aux juridictions nationales de vérifier si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation (voir, en ce sens, arrêts du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 50, ainsi que du 7 novembre 2019, Profi Credit Polska, C‑419/18 et C‑483/18, EU:C:2019:930, point 55 ainsi que jurisprudence citée).

40. En ce qui concerne l’examen du déséquilibre significatif créé par des clauses prévoyant, à la charge du consommateur, des frais autres que les intérêts, un tel examen ne saurait se limiter à une appréciation économique de nature quantitative, reposant sur une comparaison entre, d’une part, le montant total de l’opération ayant fait l’objet du contrat, et, d’autre part, les coûts mis à la charge du consommateur par cette clause. En effet, la Cour a déjà jugé qu’un déséquilibre significatif peut résulter du seul fait d’une atteinte suffisamment grave à la situation juridique dans laquelle le consommateur, en tant que partie au contrat en cause, est placé en vertu des dispositions nationales applicables, que ce soit sous la forme d’une restriction au contenu des droits que, selon ces dispositions, il tire de ce contrat ou d’une entrave à l’exercice de ceux-ci ou encore de la mise à sa charge d’une obligation supplémentaire, non prévue par les règles nationales (arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 51).

41. Par ailleurs, il ressort de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 que le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou des services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend (arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C‑621/17, EU:C:2019:820, point 52).

42. C’est à la lumière de ces critères qu’il appartient à la juridiction de renvoi, le cas échéant, d’apprécier le caractère éventuellement abusif de la clause litigieuse et de déterminer si, eu égard à l’ensemble des circonstances pertinentes du litige au principal, le professionnel doit être considéré comme ayant agi de bonne foi en choisissant un indice prévu par la loi.

43. Il découle de ce qui précède qu’il y a lieu de répondre aux cinquième à onzième, treizième et quinzième questions que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation et à une jurisprudence nationales qui considèrent que l’absence de bonne foi du professionnel est une condition préalable nécessaire à tout contrôle du contenu d’une clause non transparente d’un contrat conclu avec un consommateur. Il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer si, eu égard à l’ensemble des circonstances pertinentes du litige au principal, le professionnel doit être considéré comme ayant agi de bonne foi, en choisissant un indice prévu par la loi, et si la clause incorporant un tel indice est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat.

 

Sur la douzième question relative à la substitution d’une clause abusive :

44. Par sa douzième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que, en cas de nullité d’une clause abusive fixant un indice de référence pour le calcul des intérêts variables d’un prêt, le juge national substitue à cet indice un indice légal, applicable en l’absence d’accord contraire des parties au contrat, lorsque ces deux indices produisent les mêmes effets.

45. Au point 67 de l’arrêt Gómez del Moral Guasch, ainsi qu’au point 4 du dispositif de cet arrêt, la Cour a dit pour droit que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que, en cas de nullité d’une clause contractuelle abusive fixant un indice de référence pour le calcul des intérêts variables d’un prêt, le juge national substitue à cet indice un indice légal, applicable en l’absence d’accord contraire des parties au contrat, pour autant que le contrat de prêt hypothécaire concerné ne puisse subsister en cas de suppression de ladite clause abusive, et que l’annulation de ce contrat dans son ensemble exposerait le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables.

46. À cet égard, il importe de rappeler que, d’une part, l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 exclut du champ d’application de celle-ci les clauses contractuelles reflétant des « dispositions législatives ou réglementaires impératives », expression qui, à la lumière du treizième considérant de cette directive, couvre non seulement les dispositions de droit national qui s’appliquent entre les parties contractantes indépendamment de leur choix, mais également celles qui sont de nature supplétive, à savoir qui s’appliquent par défaut, en l’absence d’un arrangement différent entre les parties (voir, en ce sens, arrêts du 26 mars 2020, Mikrokasa et Revenue Niestandaryzowany Sekurytyzacyjny Fundusz Inwestycyjny Zamknięty, C‑779/18, EU:C:2020:236, points 50 à 53, ainsi que du 9 juillet 2020, Banca Transilvania, C‑81/19, EU:C:2020:532, points 23 à 25 et 28).

47. Il s’ensuit que, pour autant que la juridiction de renvoi confirme que l’indice légal de substitution soit fondé sur une disposition de droit national présentant un caractère supplétif, au sens de cette jurisprudence, cet indice relève de l’exclusion prévue à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 et n’est donc pas couverte par le champ d’application de celle-ci (voir, par analogie, arrêt du 9 juillet 2020, Banca Transilvania, C‑81/19, EU:C:2020:532, points 31 et 37).

48. Une clause contractuelle intégrant un tel indice ne saurait, par conséquent, être contrôlée au regard de son caractère prétendument abusif, dès lors qu’elle reflète un équilibre entre l’ensemble des droits et des obligations des parties à certains contrats établi par le législateur national lui-même (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, Banca Transilvania, C‑81/19, EU:C:2020:532, point 27).

49. Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la douzième question que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que, en cas de nullité d’une clause abusive fixant un indice de référence pour le calcul des intérêts variables d’un prêt, le juge national substitue à cet indice un indice légal, applicable en l’absence d’accord contraire des parties au contrat, lorsque ces deux indices produisent les mêmes effets, pour autant que soient respectées les conditions prévues au point 67 de l’arrêt Gómez del Moral Guasch.

 

Sur la seizième question relative à la suspension d’affaires connexes en attente d’une réponse à une demande de décision préjudicielle :

50. Par sa seizième question, la juridiction de renvoi considère que l’article 43 du code de procédure civile l’empêcherait de suspendre des affaires connexes à une affaire qui fait l’objet d’un renvoi préjudiciel devant la Cour et s’interroge sur la compatibilité de cet article avec l’article 6, paragraphe 2, de la directive 93/13.

51. Selon une jurisprudence constante, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 19 septembre 2019, Lovasné Tóth, C‑34/18, EU:C:2019:764, point 40 et jurisprudence citée).

52. À ce titre, il convient de rappeler que les exigences relatives au contenu d’une demande de décision préjudicielle figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure, selon lequel toute demande de décision préjudicielle contient « un exposé sommaire de l’objet du litige ainsi que des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées », « la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer en l’espèce et, le cas échéant, la jurisprudence nationale pertinente », ainsi que « l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal ».

53. Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la juridiction de renvoi est censée, dans le cadre de la coopération instaurée à l’article 267 TFUE, avoir connaissance et respecter scrupuleusement ces exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle (ordonnance du 19 mars 2020, Boé Aquitaine, C‑838/19, non publiée, EU:C:2020:215, point 17 et jurisprudence citée).

54. En l’occurrence, force est de constater que la juridiction de renvoi n’a fourni, dans sa décision de renvoi, aucune indication précise sur les raisons pour lesquelles elle considère qu’une réponse à cette question est nécessaire à la solution du litige pendant devant elle.

55. Il convient de constater que la seizième question préjudicielle ne répond manifestement pas aux exigences figurant à l’article 94 du règlement de procédure.

56. Partant, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a lieu de considérer la seizième question comme étant manifestement irrecevable.

 

Sur les dépens :

57. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

1) L’article 5 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, et l’exigence de transparence des clauses contractuelles, dans le cadre d’un prêt hypothécaire, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation et à une jurisprudence nationales qui dispensent le professionnel de fournir au consommateur, lors de la conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire, l’information relative à l’évolution passée de l’indice de référence, au moins au cours des deux dernières années, en opérant la comparaison par rapport à au moins un indice différent tel que l’indice Euribor, à la condition que cette législation et cette jurisprudence nationales permettent au juge de s’assurer néanmoins que, eu égard aux éléments d’information publiquement disponibles et accessibles ainsi qu’aux informations fournies, le cas échéant, par le professionnel, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, a été en mesure de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul de l’indice de référence et d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières.

2) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation et à une jurisprudence nationales qui considèrent que l’absence de bonne foi du professionnel est une condition préalable nécessaire à tout contrôle du contenu d’une clause non transparente d’un contrat conclu avec un consommateur. Il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer si, eu égard à l’ensemble des circonstances pertinentes du litige au principal, le professionnel doit être considéré comme ayant agi de bonne foi, en choisissant un indice prévu par la loi, et si la clause incorporant un tel indice est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat.

3) L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que, en cas de nullité d’une clause abusive fixant un indice de référence pour le calcul des intérêts variables d’un prêt, le juge national substitue à cet indice un indice légal, applicable en l’absence d’accord contraire des parties au contrat, lorsque ces deux indices produisent les mêmes effets, pour autant que soient respectées les conditions prévues au point 67 de l’arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch (C ‑125/18, EU:C:2020:138).

4) La seizième question posée par le Juzgado de Primera Instancia n o 2 de Ibiza (tribunal de première instance n o 2 d’Ibiza, Espagne) est manifestement irrecevable.

Signatures

* Langue de procédure : l’espagnol. Langue faisant foi: espagnol