CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 28 janvier 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9400
CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 28 janvier 2022 : RG n° 19/11870
Publication : Jurica
Extrait : « Pour voir infirmer le jugement, d'abord en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement au principal de la somme de 457.219,70 euros TTC, la société Bibby Factor invoque la force probante des six « auto-factures » que lui a cédées la société Sogeprom émises au nom de la société SFR pour un total de 457.219,70 euros en soutenant qu'elle prévalent sur celles que la société SFR met aux débats pour un total de 246.838,78 euros et enregistrées sous les numéros 8AF33679 du 1er août 2016 pour 175.224,55 euros TTC au titre du mois de juillet 2016, 8AF35293 du 1er septembre 2016 pour 61.141,39 euros au titre du mois d'août 2016, 8AF36528 du 1er octobre 2016 pour 10.530,60 euros au titre du mois de septembre 2016 et 8AA09964 du 1er novembre 2016 au titre d'une régularisation pour -57,76 euros.
Au demeurant, il suit de l'article L. 123-12 du code de commerce que « Toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l'enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement », en sorte que l'attestation du directeur général de la société SFR sur l'authenticité de factures que l'entreprise a émises sur la période litigieuse et correspondant à leur enregistrement par l'outil informatique dédié à ses livres comptables prévaut nécessairement sur celles que la société Bibby Factor a reçues de la société Sogeprom, de sorte qu'elles seront écartées de la discussion et la demande de ce chef écartée.
Pour voir ensuite infirmé le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande subsidiaire en paiement de la somme de 246.838,78 euros TTC correspondant aux quatre « auto-factures » émises par la société SFR, la société Bibby Factor conteste la compensation avec l'avoir de 588.000 euros représentatif des pénalités et des rétentions du prix des trafics dont la société SFR se prévaut, en prétendant, en premier lieu, que la société SFR n'est pas fondée à opposer cette compensation pour n'avoir pas déclaré sa créance à la procédure de liquidation de la société Sogeprom.
En deuxième lieu, la société Bibby Factor conteste la rétention des reversements des trafics en soutenant, d'une première part, que la société SFR n'a pas mis en œuvre de procédure contractuelle de rétention des reversements pour les numéraux spéciaux 3298 et 3953 au titre desquels elle réclame les sommes de 118.497,54 euros et 39.991,50 euros, et en concluant, de deuxième part, que la société SFR n'établit pas la preuve des pratiques de « ping call indirects », pour chacun des numéraux spéciaux et à l'origine des pénalités et de la rétention du prix des connexions et des pénalités qu'elle a émises dans son avoir, contestant notamment les constats d'huissiers que la société SFR a fait établir sur les « ping call indirects » soit en ce qu'ils n'établissent pas la pratique prohibée, soit qu'ils portent sur des numéraux spéciaux qui ne sont pas visés par la procédure contractuelle de suspension donnant lieu à rétention des reversements.
En troisième lieu, la société Bibby Factor entend voir requalifier en clause pénale réduite à la somme de 10.000 euros, ou écarter comme constitutif d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations entre la société Sogeprom et la société SFR, au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce, les stipulations de l'article 13.3 de leur contrat sur les « sanctions financières » selon lesquelles :
« En cas de constat par SFR d'un manquement aux présentes, SFR se réserve le droit d'appliquer au client exploitant le Numéro une pénalité de cinq mille (5.000) euros : par manquement à l'Annexe « Lutte contre le trafic anormal » ;
En cas de manquements aux Recommandations Déontologiques dont relèvent les pratiques de « ping call », ces pénalités seront portées à dix mille (10.000) euros. Les parties sont convenues que lesdites pénalités seront facturées au client exploitant le Numéro ou, le cas échéant, seront déduites sur la prochaine facture pour compte de tiers de ce dernier. »
Cependant, ainsi que cela est relevé ci-dessus, les « auto-factures » cédées dont la société Bibby Factor se prévaut comme leurs causes sont écartées de la discussion.
D'autre part, l'inopposabilité des créances non déclarées prises en application de l'article L. 622-26 du code de commerce n'est pas invocable par les tiers à la procédure collective comme l'est l'affactureur, lequel n'a par ailleurs pas entrepris de déclarer sa propre créance.
En outre, il ne résulte pas des débats la preuve que la société Sogeprom a contesté les causes des procédures de suspension ou des refus de rétablissement de ses numéros spéciaux qui ont successivement donné lieu à des dénonciations par l'opérateur les 15 juin, 7 juillet, 3, 9 et 19 août, 1er et 2 septembre 2016, ni non plus qu'elle a contesté la résiliation de tous ses numéros spéciaux qui lui a été notifiée le 15 septembre 2016, et au terme de laquelle la société SFR (pièce n°17) détaille chronologiquement, pour chacun des numéros spéciaux, les connexions aux numéros géographiques des victimes des pratiques de « ping call indirects ».
Enfin, ainsi que le rappelle la société SFR, il suit de la décision du 16 avril 2007 n° 2007-0213 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes que, en contrepartie de l'obligation de l'opérateur entrant d'accessibilité à son réseau pour l'acheminement des communications à destination des services à valeur ajoutée, la faculté de suspendre l'accès à un numéro depuis son réseau dès lors qu'est avéré un cas de fraude, d'abus ou un manquement aux règles déontologiques.
Et tandis qu'en raison de leur accès universel, instantané et continu des services de téléphonie, l'attribution de numéros spéciaux fait peser sur les consommateurs et l'opérateur le risque de détournements frauduleux massifs, la sanction de l'article 13.3 du contrat n'est pas disproportionnée pour prévenir ce risque. Et alors qu'il n'est pas opposé de circonstances de nature à diminuer la gravité de la tromperie imputée personnellement à la société Sogeprom permettant, seule, de justifier la modération de la peine, il convient, pour ces motifs, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Bibby Factor de ces demandes. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 11
ARRÊT DU 28 JANVIER 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/11870. N° Portalis 35L7-V-B7D-CADPL. Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 mai 2019 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2017036989.
APPELANTE :
SA BIBBY FACTOR FRANCE
prise en la personne de ses représentants légaux [...], [...], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Lyon sous le numéro B XXX, représentée par Maître Patricia H. de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056, assistée de Maître Yann G., avocat au barreau de LYON, toque : 435
INTIMÉE :
SA SOCIÉTÉ FRANCAISE DU RADIOTÉLÉPHONE - SFR
prise en la personne de ses représentants légaux [...], [...], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro YYY, représentée par Maître Bruno R. de la SCP SCP R. - B. - M., avocat au barreau de PARIS, toque : L0050, assistée de Maître Alexandre E., avocat au barreau de PARIS, toque : A0771
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 novembre 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Denis ARDISSON, Président de chambre. Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Denis ARDISSON, Président de chambre, Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère, Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, Conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.
ARRÊT : - contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, - signé par M. Denis ARDISSON, Président de la chambre et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffière, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 22 mai 2019 qui a débouté la société Bibby Factor France de sa demande en condamnation de la Société Française du Radiotéléphone (« société SFR ») à lui payer les factures cédées par la société Sogeprom, débouté la société SFR de sa demande de dommages et intérêts et condamné la société Bibby Factor France à payer à la société SFR la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens ;
Vu l'appel interjeté le 11 juin 2019 par la société Bibby Factor France ;
* * *
Vu les conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 18 février 2020 pour la société Bibby Factor France aux fins d'entendre en application des articles
- réformer le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société SFR de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,
statuant à nouveau à titre principal,
- condamner la société SFR à payer, à titre principal, la somme de 457.219,70 euros TTC, ou à titre subsidiaire, toute autre somme qu'elle estimera fondée en fonction de l'argumentaire développé par la société Bibby, notamment relatif à la reconnaissance d'une dette d'un montant de 246.838,78 euros TTC, aux factures pour lesquelles des pratiques de « ping call » ne sont pas démontrées, ou pour lesquelles aucune procédure contractuelle de rétention n'a été mise en œuvre, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 novembre 2016, majorés du taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du lendemain de l'expiration d'un délai de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date des factures litigieuses, et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,
- condamner la société SFR à payer la somme de 240 euros d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
à titre subsidiaire, si la cour considère que les factures acquises seraient des faux et que les factures réellement dues sont celles transmises par la société SFR,
- condamner la société SFR à payer la somme de 246.838,78 euros TTC avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 novembre 2016, majoré du taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du lendemain de l'expiration d'un délai de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date des factures litigieuses et capitalisation des intérêts par année entière, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,
- condamner la société SFR à payer la somme de 120 euros d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
à titre subsidiaire si des factures n'étaient pas jugées fondées pour des pratiques de « ping call »,
- dire que la société SFR a manqué à son obligation de loyauté et d'information à l'égard du factor,
- dire que ce manquement a conduit la société Bibby à acquérir des créances litigieuses,
- dire que la société SFR engage sa responsabilité vis-à-vis de la société Bibby,
- condamner la société SFR à payer des dommages et intérêts à hauteur du montant des factures dont le paiement sera rejeté,
- débouter la société SFR de ses entières demandes,
- condamner la société SFR à payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction, pour ceux la concernant, au profit de Maître Patricia H. de la société 2H avocats conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
* * *
Vu les conclusions transmises par par le réseau privé virtuel des avocats le 2 décembre 2020 pour la Société Française du Radiotéléphone afin d'entendre, en application des articles des articles 1134 et suivants du code civil dans sa version applicable au litige, 1200, 1346-5 et 1353 du code civil, 32-1 du code de procédure civile :
- débouter la société Bibby Factor des fins de son appel,
- confirmer le jugement du 22 mai 2019 en toutes ses dispositions à l'exception de celle rejetant la demande en condamnation de la société Bibby Factor au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner la société Bibby Factor à verser à la société SFR la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner la société Bibby Factor à verser à la société SFR la somme de 30.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Bibby Factor à tous les dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la société d'avocats R., B. M. conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR,
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties.
Il sera succinctement exposé que, par contrat du 23 mai 2015, la société Sogeprom, qui avait pour objet la promotion de la publicité commerciale au moyen de numéros de téléphonie, a conclu, pour l'accès à ses clients, avec la société SFR la souscription à quinze numéros spéciaux surtaxés permettant l'accès aux abonnés des opérateurs de télécommunications, la société SFR ayant la charge de collecter et de reverser à la société Sogeprom les flux financiers générés par les connexions de ses clients.
En exécution d'une convention d'affacturage qu'elle a passée le 26 février 2015 avec la société Sogeprom, et qu'elle a notifiée à la société SFR le 8 juin 2015, la société Bibby Factor a présenté à la société SFR et obtenu le paiement des factures que la société Sogeprom détenait sur elle.
Puis à la suite de la dénonciation de plus de 14000 plaintes de « ping call indirects » - consistant dans des messages ou des appels pilotés par des robots incitant l'abonné à rappeler, sur la base d'un message commercial attractif, un numéro surtaxé - que la société SFR a enregistrées sur sa plateforme et qu'elle a pu rattacher aux numéros spéciaux alloués à la société Sogeprom, l'opérateur a, entre juin et août 2016, suspendu à six reprises certains numéros avant de dénoncer, le 15 septembre 2016, la résiliation de tous les numéros ouverts pour le compte de la société Sogeprom ainsi que l'application des pénalités contractuelles et la rétention des facturations de connexions au titre desquelles la société SFR a émis le 1er octobre 2016 une facture portant sur un 'avoir de reversement' de 588.000 euros TTC.
La société SFR s'étant opposée aux mises en demeure que la société Bibby Factor lui a délivrées les 6, 13, 14 et 21 novembre 2016 de régler les six factures de reversement des trafics du 4 juillet au 4 août 2016 que la société Sogeprom lui avait cédées, et rapportées aux trafics associés aux numéros spéciaux 3298, 3415, 3684, 3953 et 3972, pour la somme totale de 457.219.60 euros, la société Bibby Factor l'a assignée en paiement le 16 juin 2017, la société Sogeprom étant par ailleurs placée en liquidation judiciaire le 7 décembre 2016 par le tribunal de commerce d'Agen.
1. Sur la régularité de la subrogation de l'affactureur dans les droits de l'adhérente :
La société SFR conclut à l'inopposabilité de la subrogation de la société Bibby Factor dans les créances de la société Sogeprom en soutenant, en premier lieu, qu'elle n'a pas eu connaissance de l'acte de subrogation avant que l'assignation en paiement ne lui ait été délivrée.
Au demeurant, il résulte des productions la preuve que le 8 juin 2015 la société Bibby Factor a dûment sa notifié sa convention d'affacturage à la société SFR et alors au surplus, d'une part, que les bordereaux régulièrement communiqués pour la mise en paiement des factures font apparaître clairement la subrogation de la société Bibby Factor, et d'autre part, que la société SFR a accepté sans discontinuer le paiement à la société Bibby Factor des factures de reversement que la société Sogeprom a émises, avant de refuser celles cédées qu'elle a revendiquées à compter du 6 novembre 2016, le moyen sera écarté.
En second lieu, la société SFR soutient avoir la qualité de fournisseur à l'égard de la sociétés Sogeprom et se prévaut de la stipulation de l'article 2.4 de la convention d'affacturage selon laquelle elle exclut du contrat les créances que la société Sogeprom détient sur ses « fournisseurs ».
Néanmoins, la fourniture de l'accès à la boucle locale convenue entre les sociétés SFR et Sogeprom est distincte, y compris dans la part marginale de sa contrepartie, de l'obligation de l'opérateur de télécommunications de collecter et de reverser le prix des communications téléphoniques des clients de la société Sogeprom, de sorte que dans leur objet, les factures de reversement de la société SFR n'entrent pas dans l'exclusion du contrat d'affacturage, et le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a retenu ce motif pour débouter la société Bibby Factor de sa demande.
2. Sur le bien-fondé des « auto-factures » de reversement et les exceptions opposables à l'affactureur :
Pour voir infirmer le jugement, d'abord en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement au principal de la somme de 457.219,70 euros TTC, la société Bibby Factor invoque la force probante des six « auto-factures » que lui a cédées la société Sogeprom émises au nom de la société SFR pour un total de 457.219,70 euros en soutenant qu'elle prévalent sur celles que la société SFR met aux débats pour un total de 246.838,78 euros et enregistrées sous les numéros 8AF33679 du 1er août 2016 pour 175.224,55 euros TTC au titre du mois de juillet 2016, 8AF35293 du 1er septembre 2016 pour 61.141,39 euros au titre du mois d'août 2016, 8AF36528 du 1er octobre 2016 pour 10.530,60 euros au titre du mois de septembre 2016 et 8AA09964 du 1er novembre 2016 au titre d'une régularisation pour -57,76 euros.
Au demeurant, il suit de l'article L. 123-12 du code de commerce que « Toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l'enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement », en sorte que l'attestation du directeur général de la société SFR sur l'authenticité de factures que l'entreprise a émises sur la période litigieuse et correspondant à leur enregistrement par l'outil informatique dédié à ses livres comptables prévaut nécessairement sur celles que la société Bibby Factor a reçues de la société Sogeprom, de sorte qu'elles seront écartées de la discussion et la demande de ce chef écartée.
Pour voir ensuite infirmé le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande subsidiaire en paiement de la somme de 246.838,78 euros TTC correspondant aux quatre « auto-factures » émises par la société SFR, la société Bibby Factor conteste la compensation avec l'avoir de 588.000 euros représentatif des pénalités et des rétentions du prix des trafics dont la société SFR se prévaut, en prétendant, en premier lieu, que la société SFR n'est pas fondée à opposer cette compensation pour n'avoir pas déclaré sa créance à la procédure de liquidation de la société Sogeprom.
En deuxième lieu, la société Bibby Factor conteste la rétention des reversements des trafics en soutenant, d'une première part, que la société SFR n'a pas mis en œuvre de procédure contractuelle de rétention des reversements pour les numéraux spéciaux 3298 et 3953 au titre desquels elle réclame les sommes de 118.497,54 euros et 39.991,50 euros, et en concluant, de deuxième part, que la société SFR n'établit pas la preuve des pratiques de « ping call indirects », pour chacun des numéraux spéciaux et à l'origine des pénalités et de la rétention du prix des connexions et des pénalités qu'elle a émises dans son avoir, contestant notamment les constats d'huissiers que la société SFR a fait établir sur les « ping call indirects » soit en ce qu'ils n'établissent pas la pratique prohibée, soit qu'ils portent sur des numéraux spéciaux qui ne sont pas visés par la procédure contractuelle de suspension donnant lieu à rétention des reversements.
En troisième lieu, la société Bibby Factor entend voir requalifier en clause pénale réduite à la somme de 10.000 euros, ou écarter comme constitutif d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations entre la société Sogeprom et la société SFR, au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce, les stipulations de l'article 13.3 de leur contrat sur les « sanctions financières » selon lesquelles :
« En cas de constat par SFR d'un manquement aux présentes, SFR se réserve le droit d'appliquer au client exploitant le Numéro une pénalité de cinq mille (5.000) euros : par manquement à l'Annexe « Lutte contre le trafic anormal » ;
En cas de manquements aux Recommandations Déontologiques dont relèvent les pratiques de « ping call », ces pénalités seront portées à dix mille (10.000) euros. Les parties sont convenues que lesdites pénalités seront facturées au client exploitant le Numéro ou, le cas échéant, seront déduites sur la prochaine facture pour compte de tiers de ce dernier. »
Cependant, ainsi que cela est relevé ci-dessus, les « auto-factures » cédées dont la société Bibby Factor se prévaut comme leurs causes sont écartées de la discussion.
D'autre part, l'inopposabilité des créances non déclarées prises en application de l'article L. 622-26 du code de commerce n'est pas invocable par les tiers à la procédure collective comme l'est l'affactureur, lequel n'a par ailleurs pas entrepris de déclarer sa propre créance.
En outre, il ne résulte pas des débats la preuve que la société Sogeprom a contesté les causes des procédures de suspension ou des refus de rétablissement de ses numéros spéciaux qui ont successivement donné lieu à des dénonciations par l'opérateur les 15 juin, 7 juillet, 3, 9 et 19 août, 1er et 2 septembre 2016, ni non plus qu'elle a contesté la résiliation de tous ses numéros spéciaux qui lui a été notifiée le 15 septembre 2016, et au terme de laquelle la société SFR (pièce n°17) détaille chronologiquement, pour chacun des numéros spéciaux, les connexions aux numéros géographiques des victimes des pratiques de « ping call indirects ».
Enfin, ainsi que le rappelle la société SFR, il suit de la décision du 16 avril 2007 n° 2007-0213 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes que, en contrepartie de l'obligation de l'opérateur entrant d'accessibilité à son réseau pour l'acheminement des communications à destination des services à valeur ajoutée, la faculté de suspendre l'accès à un numéro depuis son réseau dès lors qu'est avéré un cas de fraude, d'abus ou un manquement aux règles déontologiques.
Et tandis qu'en raison de leur accès universel, instantané et continu des services de téléphonie, l'attribution de numéros spéciaux fait peser sur les consommateurs et l'opérateur le risque de détournements frauduleux massifs, la sanction de l'article 13.3 du contrat n'est pas disproportionnée pour prévenir ce risque. Et alors qu'il n'est pas opposé de circonstances de nature à diminuer la gravité de la tromperie imputée personnellement à la société Sogeprom permettant, seule, de justifier la modération de la peine, il convient, pour ces motifs, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Bibby Factor de ces demandes.
3. Sur les dommages et intérêts au titre de l'abus de procédure, les dépens et les frais irrépétibles :
Si la société Bibby Factor succombe à l'action, il n'est pas établi la preuve qu'elle a dégénéré en abus, en sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société SFR de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.
Il s'en suit encore que le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles, et statuant de ces chefs en cause d'appel, elle sera condamnée aux dépens et à payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société Bibby Factor France aux dépens dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la société Bibby Factor France à payer à la Société Française du Radiotéléphone la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT