CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 7 février 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9403
CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 7 février 2022 : RG n° 20/02103
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Ceci étant exposé, il doit être relevé qu'après plusieurs années de collaboration sans différends, la société Atout Diag, à l'occasion de factures demeurés impayées, soulève le caractère illicite des relations contractuelles sur le double fondement de la réglementation de l'accréditation et de l'interdiction du délit de marchandage, prêt de main-d’œuvre illicite et pratiques commerciales interdites.
Par de justes motifs que la cour adopte, les premiers juges ont caractérisé le fait que la société Atout Diag sous traitait les prestations d'analyse au microscope à des laboratoires accrédités Cofrac, condition remplie par la société BLJ. Ainsi que précisé dans les conclusions de la société BLJ, la société Atout Diag percevait de ses clients le montant de la prestation finale et sous traitait la prestation d'analyse à la société BLJ qui bénéficiait de l'accréditation Cofrac. La société Atout Diag devait ensuite rémunérer la société BLJ pour les dites prestations d'analyse. Les factures émises par BLJ rémunéraient les services ainsi fournis (mesures d'empoussièrement de fibres d'amiante) et ne portaient pas sur la refacturation du salaire de personnels dans le cadre d'un prêt de personnel illicite. Contrairement à ce que soutient la société Atout Diag, la sous-traitance n'est pas interdite dans le domaine de l'accréditation Cofrac. Selon les engagements des parties, la société BLJ refacturait à la société Atout Diag la prise en charge des frais professionnels des éleveurs délocalisés en ce compris la fourniture de leur matériel tel que les ordinateurs, les téléphones, les véhicules. Contrairement à ce que soutient la société Atout Diag les éleveurs délocalisés n'étaient pas ses salariés mais ceux de la société BLJ. Les attestations contraires de M. A., B., C., D., E. et de Mme F., salariés de la société Atout Diag et présentant un lien de subordination avec cette dernière ne présentent des garanties suffisantes d'impartialité.
Enfin, selon la norme ISO 17025 v 2005, « le laboratoire doit être équipé de tous les éléments d'équipement » pour les essais. Contrairement à ce que soutient la société Atout Diag, il n'est pas exigé qu'elle en soit propriétaire.
Il se déduit de ce qui précède que la société BLJ n'a pas détourné le mécanisme d'accréditation Cofrac en y plaçant des salariés d'une entreprise non accréditée. La société Atout Diag doit être déboutée de ses griefs relatifs à l’accréditation, au délit de marchandage et prêt de main-d’œuvre illicite.
Concernant les pratiques commerciales interdites et le grief de déséquilibre significatif au détriment de la société Atout Diag, sur le fondement de l'article L. 442-1 du code de commerce, cette dernière échoue à démontrer qu'elle aurait été victime d'un déséquilibre imposé par la société. Les griefs relatifs aux prix imposés, à la dépendance économique sous la menace d'une rupture brutale, sur l'existence d'un déséquilibre significatif, sur un refus de clientèle et une surfacturation ne sont pas étayés. Ainsi que relevé par la société BLJ, les exigences étaient liées à la nécessité d'obtenir l’accréditation Cofrac et les prestations étaient justement rémunérées.
Dans ces conditions la société Atout Biag est mal fondée à réclamer la nullité des facturations émises à son encontre par la société BLJ. »
2/ « Ceci étant exposé, la société Atout Diag fonde principalement ses demandes de remboursement sur des factures illicites car contraires à la loi et à l'ordre public, sur des facturations dépourvues de cause et sur des surfacturations. Il a été ci-dessus jugé que les relations contractuelles nouées entre les 2 sociétés ne contrevenaient pas au code du travail et ne comportaient aucun déséquilibre significatif au sens du code commerce. Les sommes ainsi acquittées par la société Atout Diag l'ont été en exécution dans de relations licites en rémunération de l'activité spécifique accomplie par la société BJL nécessitant l'accréditation Cofrac. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 10
ARRÊT DU 7 FÉVRIER 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/02103 (10 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CBMCY. Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 décembre 2019 - Tribunal de Commerce de PARIS (9ème chambre) – R.G. n° 2018000187.
APPELANTE :
SARL ATOUT DIAG
Ayant son siège social [adresse], [...], Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Anne G.-B. de la SCP G. B., avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
INTIMÉE :
SAS BJL LABORATOIRES
Ayant son siège social [adresse], [...], N° SIRET : XXX, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Aurélien A. de l'AARPI L. A., avocat au barreau de PARIS, toque : D1700
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 9 décembre 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Edouard LOOS, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Edouard LOOS, Président, Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère, Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La société BJL Laboratoires, entre autres activités, est spécialisée dans les prélèvements et l'analyse de l'air. Elle dispose d'une accréditation selon la norme NF 17025, délivrée par le Cofrac et dont les programmes correspondent aux dispositions des arrêtés du 19 août 2011 relatifs aux mesures d'empoussièrement en fibre d'amiante dans les immeubles bâtis, dont les valeurs limites sont imposées par le code du travail et le code de la santé publique.
La société Atout Diag, dont le siège social est situé à Nantes, développe une activité dans le domaine du diagnostic immobilier et ne dispose pas de l'accréditation Cofrac, indispensable pour effectuer les prélèvements et mesurages d'amiante.
Ces deux sociétés ont décidé de travailler ensemble à partir de 2011, ce qui permettait à la société Atout Diag de développer l'activité du prélèvement d'air sur les chantiers.
L'article R. 4412-103 du code du travail dispose que la stratégie d'échantillonnage, les prélèvements et les analyses doivent être effectués par le même organisme accrédité. C'est à cet effet que les deux sociétés ont conclu avec quelques techniciens des contrats de travail partiels, ces techniciens étant salariés pour 10 heures par mois par la société BJL Laboratoires et pour le reste de leur temps par la société Atout Diag.
Cet aménagement permettait à ces salariés de bénéficier en qualité de salariés de la société BJL Laboratoires de l'accréditation Cofrac dans le respect des procédures sous le contrôle de la société BJL Laboratoires qui assurait leur formation.
Un désaccord est survenu entre les deux sociétés, tant sur la nature de leur relation, que sur la facturation des prestations et le partage du temps de travail des techniciens salariés des deux entreprises.
C'est ainsi que la société Atout Diag a contesté les factures émises par la société BJL Laboratoires et, malgré une mise en demeure, en a refusé le paiement.
Par acte extrajudiciaire du 13 décembre 2017 signifié à personne habilitée, la société BJL Laboratoires assigne la société Atout Diag devant le tribunal de commerce de Paris.
* * *
Vu le jugement prononcé le 23 décembre 2019 par le tribunal de commerce de Paris qui a statué comme suit :
- Se dit compétent pour connaitre du litige,
- Condamne la Sarl Atout Diag à payer à la Sas BJL Laboratoires la somme de 182.452,50 euros Ttc, outre pénalités de retard au taux de trois fois le taux légal à compter de l'échéance de chaque facture jusqu'au 8 septembre 2017 pour les factures les plus anciennes à concurrence de 50.000 euros et jusqu'à parfait paiement pour les autres, à concurrence de la demande de 3.447,76 euros et déboutant pour le surplus ;
- Condamne la Sas BJL Laboratoires à payer à la Sarl Atout Diag la somme de 50.042,40 euros Ttc,
- Ordonne la compensation entre les sommes dues,
- Déboute la Sas BJL Laboratoires de sa demande de dommages et intérêts,
- Déboute la Sarl Atout Diag de ses demandes reconventionnelles,
- Condamne la Sarl Atout Diag à payer à la Sas BJL Laboratoires la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
- Condamne la Sarl Atout Diag aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 115,41 euros dont 19,02 euros de Tva.
- Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.
Vu l'appel déclaré le 23 janvier 2020 par la société Atout Diag,
Vu les conclusions signifiées le 26 novembre 2021, par la société Atout Diag,
Vu les conclusions signifiées le 21 novembre 2021 par la société BJL Laboratoires,
[*]
La société Atout Diag demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
Vu les articles 1131, 1133, 1134 anciens du code civil, aujourd'hui 1103, 1104, 1162, 1163, 1164, 1165 du Code civil, les articles 1193, 1194, 1217 du code civil (1134, 1147 anciens), l'article 1131, aujourd'hui 1128 du code civil, l'article 1142 aujourd'hui 1221 du code civil, l'article 1146 devenu 1231 du code civil, l'article R. 1334, les articles R. 4412-127 et R. 4412-140 renvoyant à l'article R. 1334-25 du Code de Santé publique, les articles R. 4412-96, R. 4412-103, 8241-1, 8241-2 et R.4412-103 du code du travail, l'article L. 442-6 du code du commerce devenu L. 442-1 du code du commerce, la Norme Française EN ISO/CEI 17025.
- Se déclarer compétent pour statuer sur la demande principale et reconventionnelle sur le fondement de l'article D. 442-3 du code de commerce pour l'application de l'article L. 442-1 du code de commerce anciennement L. 442-6 du code de commerce,
A défaut et en cas de non-application des articles D. 442-3, L. 442-1 anciennement L. 442-6 du code de commerce, se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Nantes, le siège d'Atout Diag défenderesse en 1ère instance, le siège de cette société se situant dans la juridiction de ce tribunal.
Subsidiairement,
- Débouter la société BJL Laboratoires des fins de non-recevoir soulevées en cause d'appel au titre de demandes nouvelles ou du principe de l'estoppel
Statuant sur l'appel principal,
- Reformer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elles ont condamné BJL Laboratoires à payer à Atout Diag la somme de 50.042,50 euros.
- Déclarer illicites et sans cause les facturations, objet de la demande principale, pour un montant de 247.000 euros.
En conséquence, dire nulles et de nul effet les facturations émises par BJL Laboratoires,
- Débouter la société BJL Laboratoires de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- Recevoir la société Atout Diag en sa demande reconventionnelle et la déclarer bien fondée.
- Déclarer nulle et de nul effet la relation d'affaires établie par BJL Laboratoires à l'égard de Atout Diag.
- Ordonner les restitutions par suite de la déclaration de nullité.
- Ordonner une expertise judiciaire des comptes de la société BJL Laboratoires à l'effet de déterminer les marges perçues par ladite société dans les relations qu'elle a créés avec la société Atout Diag, en violation de la réglementation sur les entreprises relevant de l'activité d'analyse et de prélèvement et soumises à ce titre à la réglementation Cofrac, prévue aux articles du code du travail et de la santé publique mentionnés dans le présent dispositif.
- Designer à cet effet tel expert judiciaire qu'il plaira à la juridiction saisie avec pour mission de faire les comptes entre les parties compte tenu de la déclaration de nullité de la relation d'affaires objet de la demande reconventionnelle.
- Donner acte à la société Atout Diag de ce qu'elle se propose de faire l'avance des frais d'expertise.
- Condamner la société BJL Laboratoires au remboursement des factures indues d'analyse d'air, stratégie d'échantillonnage, filtres, location de pompes d'empoussièrement, formations soit la somme de 581 107,80 euros suivant détail ci-après : formations : 10.050,00 euros
les analyses d'air......................................... 114.686,00 euros
les stratégies d'échantillonnage.................... 131.519,00 euros
les filtres.......................................................146.600,00 euros
les pompes d'empoussièrement................... 176.250,00 euros
Total.............................................................. 579.105,00 euros
- Dire et juger que la société BJL Laboratoires a procédé à des pratiques commerciales illicites créant un déséquilibre économique significatif au détriment de la société Atout Diag en violation des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce devenu L. 442-1 du code de commerce,
- La condamner auxdites sommes, pour pratique commerciale interdite, ou inexécution fautive du contrat sur le fondement des articles 1193, 1194, 1217 du code civil (1134, 1147 anciens) et à payer 200.000 euros à Atout Diag à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble apporté à la relation commerciale établie, et sur le fondement des articles 1162, 1163, 1164, 1165 du code civil.
- condamner BJL Laboratoires à payer à Atout Diag la somme de 50.042,40 euros au titre de factures dont elle est redevable à Atout Diag et confirmer le jugement sur ce point.
Très subsidiairement,
- Constater que le compte présenté par la société BJL Laboratoires est erroné et qu'elle a reconnu que le montant réellement dû était de 151.267,37 euros suivant sa lettre du 6/10/2017.
- La débouter toujours à titre subsidiaire du surplus de ses demandes et condamner ladite société au paiement de la somme de 50.042,40 euros au titre de factures qu'elle doit à la société Atout Diag.
- Ordonner la compensation judiciaire.
- Dire et juger qu'après compensation le montant des sommes doit être ramené à 89.957,28 euros.
- Déclarer nulle et inopposable invoquée par BJL Laboratoires en l'absence d'adhésion au document invoqué par cette société, ou de signature de conditions générales de vente, ou d'acceptation tacite.
- Débouter la société BJL Laboratoires de son appel incident et de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
- Débouter BJL Laboratoires de sa demande d'expertise.
- Condamner la société BJL Laboratoires à payer à la société Atout Diag la somme de 20.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la Scp G. B. en application de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
La société BJL Laboratoires demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit
Vu l'article 32-1, 122 du code de procédure civile ; les anciens articles 1134 (aujourd'hui 1103 et 1104), 1142 (aujourd'hui 1221), 1146 (aujourd'hui 1231) et suivants du code civil ; les articles 1165, 1240 du code civil ; les articles 12, 12.1 et 14 des conditions générales de vente de la société BJL Laboratoires,
Se déclarer compétente ;
- Déclarer la Sarl Atout Diag mal fondée en son appel ;
- Confirmer le jugement:
* en ce qu'il s'est dit compétent pour connaître du litige et en ce qu'il a :
* Condamné la Sarl Atout Diag à payer une somme au titre des factures impayées, outre les pénalités de retard au taux de de 3 fois le taux d'intérêt légal à compter de l'échéance de chaque facture ;
* Débouté la Sarl Atout Diag de ses demandes reconventionnelles ;
* Condamné la Sarl Atout Diag à payer à la SAS BJL Laboratoires la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile.
* Débouté la Sarl Atout Diag de ses demandes plus amples et contraires ;
* Condamné Atout Diag aux entiers dépens ;
* Ordonné l'exécution provisoire en première instance ;
- Déclarer la société BJL Laboratoires recevable et bien fondée en son appel incident,
Y faisant droit,
- Infirmer le jugement en ce qu'il a :
* Condamné la société Atout Diag à payer en principal la seule somme de 182.452,50 euros à la société BJL Laboratoires ;
* Réduit les modalités de calcul des pénalités de retard à compter de l'échéance de chaque facture jusqu'au 08/09/2017 pour les factures les plus anciennes à concurrence de 50.000 euros et jusqu'à parfait paiement pour les autres à concurrence de la demande de 3.447,76 euros et déboutant pour le surplus ;
* Condamné BJL Laboratoires à payer à la Sarl Atout Diag la somme de 50.042,40 euros et ordonne la compensation entre les sommes dues ;
* Débouté la Sarl BJL Laboratoires de sa demande de dommages et intérêts ;
* Débouté la Sarl BJL Laboratoires de ses demandes plus amples et contraires ;
Statuant à nouveau,
- Déclarer la société Atout Diag irrecevable en ses demandes au regard des contradictions que présentent les arguments soulevés par l'appelant dans ses conclusions d'appel avec les conclusions de première instance dans sa présentation des faits, ainsi que dans les conclusions que la société Atout Diag a pu prendre le 10/11/2017 devant le Tribunal de Commerce de Brest, et l'en débouter ;
-Débouter la société Atout Diag de sa demande de désignation d'un expert comme étant mal fondée ;
- Condamner la société Atout Diag à payer à la société BJL Laboratoires la somme de 247.301,39 euros au titre des factures impayées par la société Atout Diag datées du 11/08/2016 au 20/10/2017 outre les pénalités de retard au taux de 3 fois le taux d'intérêt légal à compter de l'échéance de chaque facture jusqu'au parfait paiement ;
- Réduire toute compensation de cette condamnation à hauteur seulement de 45.662,40 euros (et non 50.042,40 euros) correspondant aux créances initialement réclamées par Atout Diag
- Condamner la société Atout Diag à payer à la société BJL Laboratoires :
* 33.000 euros de dommages et intérêts au regard des devis émis sous en-tête Atout Diag correspondant à une violation de la réglementation Cofrac (dont le préjudice est estimé à 5.000 euros) et à un véritable parasitisme de BJL Laboratoires (dont le préjudice est estimé à 2% de l'augmentation du chiffre d'affaires d'Atout Diag entre 2012 et 2015, soit 28.000 euros)
* 50.000 euros au titre de la présente procédure abusive ;
* 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Les entiers dépens
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
a) Sur la compétence :
Chaque partie demandant à la cour de se déclarer compétente, le jugement déféré doit nécessairement être confirmé de ce chef ;
b) Sur les créances de la société BJL Laboratoires :
La société Atout Diag fait valoir que dans un courrier en date du 6/10/2017, la société BJL Laboratoires reconnaissait que le montant réellement dû était de 151.267,37 euros ; que de plus l'examen des factures dont le paiement est demandé, est illicite sur le double fondement de la réglementation de l'accréditation et de l'interdiction du délit de marchandage, prêt de main-d''uvre illicite et pratiques commerciales interdites. Toutes les factures relèvent en effet du domaine de l'accréditation, et ne pouvaient être mises à la charge de la société Atout Diag. Les factures d'analyse présentées correspondent à des sur facturations contestées par la Sarl Atout Diag au titre de l'article L. 442-1 du code de commerce qui réprime les pratiques commerciales illicites créant un déséquilibre économique significatif entre les cocontractants. Les factures de locations de pompes et de vente de filtres se heurtent à l'interdiction d'ordre public de la réglementation Cofrac qui exige que la société accréditée soit propriétaire du matériel nécessaire à son activité et sont dépourvues de licéité également pour défaut de cause. En aucun cas, Atout Diag n'a mis en place une relation de sous-traitance à l'égard de BJL Laboratoires. BJL Laboratoires avait un lien direct avec la clientèle qui lui avait été totalement transférée, et elle établissait elle-même les devis destinés à ladite clientèle directement ou par le canal de ses salariés.
La société BJL Laboratoires soutient sur le fondement l'article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, que la société Atout Diag recevait des commandes de ses clients et réalisait des prélèvements avec les salariés embauchés à temps partiel par BJL Laboratoires. Elle sous-traitait ensuite les prestations d'analyse à BJL Laboratoires puis facturait l'intégralité de la prestation aux clients. C'est bien Atout Diag qui facturait la prestation finale aux clients comme en attestent les devis à l'attention des clients finaux et le mail émis par Atout Diag. En aucun cas, BJL Laboratoires ne facturait les clients, elle se contentait d'apposer son en-tête sur les devis établis par Atout Diag. Il n'est nullement indiqué que le Laboratoire doit avoir la propriété des équipements qu'il utilise. Atout Diag qui n'a pas procédé au paiement de nombreuses factures en reste redevable. Elle soutient sur le fondement des articles 1103, 1104, 1221 et 1231 du code civil que les prestations relatives à ces factures ont été livrées et n'ont jamais été contestées par Atout Diag. Conformément à l'article 12.1 des conditions générales de vente et à l'article L. 441-6 du code du commerce, des pénalités de retard au taux de trois fois le taux d'intérêt légal sont applicables à compter du premier jour suivant la date de règlement figurant sur la facture. Les conditions générales prévoyaient un paiement à 30 jours à compter du jour suivant la date d'émission de la facture. Atout Diag qui n'a pas procédé au paiement de nombreuses factures en reste redevable.
Ceci étant exposé, il doit être relevé qu'après plusieurs années de collaboration sans différends, la société Atout Diag, à l'occasion de factures demeurés impayées, soulève le caractère illicite des relations contractuelles sur le double fondement de la réglementation de l'accréditation et de l'interdiction du délit de marchandage, prêt de main-d’œuvre illicite et pratiques commerciales interdites.
Par de justes motifs que la cour adopte, les premiers juges ont caractérisé le fait que la société Atout Diag sous traitait les prestations d'analyse au microscope à des laboratoires accrédités Cofrac, condition remplie par la société BLJ. Ainsi que précisé dans les conclusions de la société BLJ, la société Atout Diag percevait de ses clients le montant de la prestation finale et sous traitait la prestation d'analyse à la société BLJ qui bénéficiait de l'accréditation Cofrac. La société Atout Diag devait ensuite rémunérer la société BLJ pour les dites prestations d'analyse. Les factures émises par BLJ rémunéraient les services ainsi fournis (mesures d'empoussièrement de fibres d'amiante) et ne portaient pas sur la refacturation du salaire de personnels dans le cadre d'un prêt de personnel illicite. Contrairement à ce que soutient la société Atout Diag, la sous-traitance n'est pas interdite dans le domaine de l'accréditation Cofrac. Selon les engagements des parties, la société BLJ refacturait à la société Atout Diag la prise en charge des frais professionnels des éleveurs délocalisés en ce compris la fourniture de leur matériel tel que les ordinateurs, les téléphones, les véhicules. Contrairement à ce que soutient la société Atout Diag les éleveurs délocalisés n'étaient pas ses salariés mais ceux de la société BLJ. Les attestations contraires de M. A., B., C., D., E. et de Mme F., salariés de la société Atout Diag et présentant un lien de subordination avec cette dernière ne présentent des garanties suffisantes d'impartialité.
Enfin, selon la norme ISO 17025 v 2005, « le laboratoire doit être équipé de tous les éléments d'équipement » pour les essais. Contrairement à ce que soutient la société Atout Diag, il n'est pas exigé qu'elle en soit propriétaire.
Il se déduit de ce qui précède que la société BLJ n'a pas détourné le mécanisme d'accréditation Cofrac en y plaçant des salariés d'une entreprise non accréditée. La société Atout Diag doit être déboutée de ses griefs relatifs à l’accréditation, au délit de marchandage et prêt de main-d’œuvre illicite.
Concernant les pratiques commerciales interdites et le grief de déséquilibre significatif au détriment de la société Atout Diag, sur le fondement de l'article L. 442-1 du code de commerce, cette dernière échoue à démontrer qu'elle aurait été victime d'un déséquilibre imposé par la société. Les griefs relatifs aux prix imposés, à la dépendance économique sous la menace d'une rupture brutale, sur l'existence d'un déséquilibre significatif, sur un refus de clientèle et une surfacturation ne sont pas étayés. Ainsi que relevé par la société BLJ, les exigences étaient liées à la nécessité d'obtenir l’accréditation Cofrac et les prestations étaient justement rémunérées.
Dans ces conditions la société Atout Biag est mal fondée à réclamer la nullité des facturations émises à son encontre par la société BLJ.
Par de justes motifs que la cour adopte les premiers juges ont chiffré la créance de la société BLJ à la somme de 182.452,50 euros outre les pénalités de retard. Il n'y a pas lieu de recourir à une expertise.
c) Sur la créance de la société Atout Diag :
* Sur le moyen qualifié d’« estoppel » :
La société BJL Laboratoires demande à la cour de dire la société Atout Diag irrecevable en ses demandes en raison des contradictions que présentent ses arguments soulevés dans ses conclusions d'appel avec les conclusions de première instance dans sa présentation des faits ainsi que dans ses conclusions devant le tribunal de commerce de Brest. Elle invoque ainsi le principe de l'Estoppel.
La société atout Diag s'y oppose.
Ceci étant exposé, le principe de l'Estoppel suppose des contradictions dans des litiges opposant les mêmes parties. Le contenu des conclusions qui ont été déposées par la société Atout Diag devant le tribunal de commerce de Brest dans un litige l'opposant à la société Equantec Expertises, en la présence de la société BLJ Laboratoires ne remplit pas cette condition.
Concernant le contenu des conclusions déposées par la société Atout Daig devant les premiers juges, la société Atout Daig présente des demandes identiques à celles réclamées devant les premiers juges. Si l'argumentation soulevée n'est pas strictement similaire, aucune contradiction majeure n'est susceptible de rendre ces demandes irrecevables en application du principe de l'estoppel.
* Sur le montant de la créance :
La société Atout Diag réclame la condamnation de la société BJL à lui rembourser des factures indues d'analyse d'air, stratégie d'échantillonnage, filtres, location de pompes d'empoussièrement, formations soit la somme de 581.107,80 euros suivant détail ci-après : formations : 10.050,00 euros
- les analyses d'air.........................................114.686,00 euros
- les stratégies d'échantillonnage...................131.519,00 euros
- les filtres......................................................146.600,00 euros
- les pompes d'empoussièrement...................176.250,00 euros
Total..............................................................579 105,00 euros
La société BJL s'y oppose.
Ceci étant exposé, la société Atout Diag fonde principalement ses demandes de remboursement sur des factures illicites car contraires à la loi et à l'ordre public, sur des facturations dépourvues de cause et sur des surfacturations. Il a été ci-dessus jugé que les relations contractuelles nouées entre les 2 sociétés ne contrevenaient pas au code du travail et ne comportaient aucun déséquilibre significatif au sens du code commerce. Les sommes ainsi acquittées par la société Atout Diag l'ont été en exécution dans de relations licites en rémunération de l'activité spécifique accomplie par la société BJL nécessitant l'accréditation Cofrac.
Néanmoins les premiers juges ont relevé que dans un courriel du 29 août 2017 la société BLJ reconnaissait devoir à la société Atout Diag la somme de 45.662,40 euros et que la société BLJ ne justifiait pas s'être acquittée de 2 factures d'un montant respectif de 1.980 euros et 2.400 euros émises à son encontre par la société Atout Diag. Le jugement déféré doit également être confirmé en ce qu'il a condamné la société BJL à verser à la société Atout Diag la somme de 50.042,40 euros et ordonné la compensation entre créances réciproques.
d) Sur les autres demandes :
La solution du litige conduit à débouter la société Atout Diag de sa demande de dommages et intérêts pour trouble apporté à la relation commerciale.
La société BJL réclame 33.000 euros de dommages et intérêts pour violation de la règlementation Cofrac et parasitisme. Le préjudice invoqué par la société BJL, s'il existe, serait en réalité subi par les clients de la société Atout Diag qui n'auraient pas été informés de ce qu'une partie de la facturation portait sur une prestation réalisée par la société BJL.
Cette demande doit dès lors être rejetée.
La société BJL ne prouve pas, au-delà de son caractère infondé, que l’appel de la société Atout Diag présenterait un caractère abusif devant être sanctionné par l'octroi de dommages et intérêts.
Une indemnité complémentaire doit être allouée à la société BJL sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE la Sarl Atout Diag à payer à la Sas BJL Laboratoires la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes autres demandes ;
CONDAMNE la Sarl Atout Diag aux dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS