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CA VERSAILLES (4e ch.), 13 septembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (4e ch.), 13 septembre 2021
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 4e ch.
Demande : 17/08762
Date : 13/09/2021
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 15/12/2017
Référence bibliographique : 6493 (VEFA, clause relative aux retards de livraison)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9417

CA VERSAILLES (4e ch.), 13 septembre 2021 : RG n° 17/08762

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Cet événement n'est toutefois pas une cause contractuelle de suspension légitime du délai de livraison. L'abandon du chantier par une entreprise sélectionnée par la société France Terre n'est pas extérieure à l'activité de cette société ; en outre, il s'agit d'un aléa de chantier dont rien ne démontre qu'il aurait été, en l'espèce, imprévisible et irrésistible. Dès lors, quelles que soient les perturbations dans le déroulement du chantier qui en découlent, l'abandon du chantier ne peut pas, en lui-même, être pris en considération au titre des causes légitimes du retard de livraison. »

2/ « S'agissant de la durée de la suspension, l'article 26.1.4 précité indique que les retards résultant du redressement ou de la liquidation judiciaire ne pourront excéder un délai de trois mois.

La société Élysées résidence 5 soutient que ce délai de trois mois est valable pour l'ensemble des procédures de redressement ou liquidation pouvant survenir au cours de la construction, tandis que selon la société France Terre, chaque procédure judiciaire ouvre un délai de suspension de trois mois.

Force est de constater que la disposition précitée est peu claire. Dans ce cas, il appartient au juge de l'interpréter en recherchant la commune intention des parties et à défaut de pouvoir la déterminer, la clause obscure s'interprète en faveur du créancier. En l'espèce, en l'absence de mention expresse en ce sens, il ne peut être considéré que le maximum de trois mois s'applique à chaque événement constitutif d'une cause légitime de retard.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que c'est un délai maximal de trois mois qui, en tout état de cause, pourra s'appliquer à l'ensemble des procédures collectives pouvant affecter les intervenants à la construction.

La société France Terre ne peut pas utilement prétendre que cette clause serait abusive et créerait un déséquilibre à son détriment alors que c'est elle-même qui a proposé et rédigé le contrat. Le contrat de vente est effectivement un contrat d'adhésion, mais la partie à protéger en considération de la particularité de ce type de convention est l'acquéreur, pas le vendeur.

Enfin, il est de nouveau souligné que le contrat, qui fait la loi des parties, prévoit comme causes exclusives de suspension les événements qu'il énonce.

C'est donc en vain que la société va rechercher dans la jurisprudence des exemples dans lesquels les juridictions ont retenu comme cause de suspension une procédure collective alors que le contrat de vente ne le prévoyait pas. »

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

QUATRIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/08762. N° Portalis DBV3-V-B7B-SAUC. Code nac : 54Z. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 8 décembre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE (3e ch.) : R.G. n° 17/01056.

LE TREIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTE :

Société ÉLYSEES RÉSIDENCES 5

représentée par la Société HSBC REIM, Ayant son siège [Adresse 1], [Adresse 1], Représentant : Maître Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, avocat postulant, au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617, Représentant : Maître Eric MARTIN IMPERATORI de l'AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocat plaidant, au barreau de PARIS, vestiaire : T03

 

INTIMÉS :

Monsieur L. ès qualité d'administrateur judiciaire provisoire de la société SCCV FRANCE TERRE ISLE ADAM 2 CHANTEPIE MANCIER

[Adresse 3], [Adresse 4]

SOCIÉTÉ FRANCE TERRE ISLE ADAM 2 CHANTEPIE MANCIER

domiciliée en l'étude de Maître [H] L. ès qualité d'administrateur provisoire domicilié [Adresse 3], [Adresse 4], Représentant : Maître Katy CISSE de la SCP FINKELSTEIN/DAREL/AZOULAY/ROLLAND/CISSE, avocat postulant, au barreau de VAL D'OISE vestiaire : 10 - Représentant : Maître Hannah-annie MARCIANO, avocat plaidant, au barreau de PARIS, vestiaire : D0273

 

PARTIE INTERVENANTE :

SOCIÉTÉ CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE D'ILE DE FRANCE

Ayant son siège [Adresse 1], [Adresse 1], Représentant : Maître Armelle DE CARNE DE CARNAVALET, avocat postulant et plaidant, au barreau de VERSAILLES – N° du dossier 18/1655 - vestiaire : 415

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Juin 2021, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel ROBIN, Président, et Madame Pascale CARIOU, Conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur Emmanuel ROBIN, Président, Madame Pascale CARIOU, Conseiller, Madame Valentine BUCK, Conseiller.

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Élysées résidence 5 est une société civile de placement immobilier qui commercialise des parts sociales auprès de personnes physiques dans le cadre du dispositif de la loi dite « Scellier ». À l'occasion de cette activité, elle a conclu les 27 juin et 19 septembre 2011 avec la société France Terre Isle Adam 2 Chantepie Mancier (ci-après la société France Terre) une vente en l'état futur d'achèvement portant sur dix lots de copropriété à usage d'habitation et dix emplacements de parking dans un ensemble immobilier composé de deux bâtiments situé [Adresse 2]). La Caisse d'épargne et de prévoyance d'Île-de-France a délivré pour ce programme la garantie financière d'achèvement exigée par l'article R. 261-21b du code de la construction. De multiples péripéties, dont le placement en redressement judiciaire de la société gérant la société France Terre ont retardé les opérations de construction. Maître L. a été désigné en qualité d'administrateur provisoire de la société France Terre et la livraison, prévue initialement le 30 septembre 2013, est finalement intervenue le 3 août 2016.

Lors du paiement des appels de fonds nos 5 et 6, la société Élysées résidence 5 a opéré une retenue de 290.654,10 euros sur le montant qu'elle restait devoir, en invoquant la clause de compensation contractuelle avec les indemnités de retard qu'elle estimait lui être dues.

Maître L. et la société France Terre ont alors fait assigner la société Élysées résidence 5 pour obtenir le paiement de la somme en principal de 290.654,10 euros, augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 3 août 2016.

Par jugement du 8 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Pontoise a condamné la société Élysées résidence 5 à payer à la société France Terre la somme de 290.654,10 euros, augmentée des intérêts au taux contractuel depuis le 3 août 2016, condamné la société France Terre à payer à la société Élysées résidence 5 la somme d'un euro à titre de pénalité de retard et ordonné la compensation entre ces sommes.

Par déclaration au greffe du 15 décembre 2017, la société Élysées résidence 5 a interjeté appel de cette décision. La Caisse d'épargne et de prévoyance d'Île-de-France est intervenue volontairement en cause d'appel par acte du 20 juillet 2018. Par ordonnance du 9 juillet 2019, le conseiller de la mise en état a déclaré que ses conclusions, signifiées le 10 décembre 2018, étaient irrecevables et dit qu'elle était privée de la possibilité de conclure à nouveau.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 23 mars 2021 et l'affaire a été fixée à l'audience de la cour du 14 juin 2021, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

* * *

Par ses conclusions du 1er octobre 2019, la société Élysées résidence 5 demande à la cour d'infirmer le jugement, subsidiairement, si la cour la condamnait au paiement d'une somme quelconque, de l'assortir des intérêts à compter du 24 mai 2017 et non du 3 août 2016 et d'ordonner qu'elle soit versée entre les mains de Maître Z., notaire. Plus subsidiairement, elle demande que soit ordonnée la compensation judiciaire entre l'échéance du prix dû à la livraison et le paiement des pénalités de retard dues par la société France Terre. Elle sollicite par ailleurs une somme de 484.970 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du retard dans l'achèvement des travaux outre une somme de 30.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par leurs conclusions du 23 mars 2021, Maître L. et la société France Terre demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Élysées résidence 5 à payer la somme de 290.654,10 euros augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 3 août 2016, de l'infirmer en ce qu'il les a condamnés à payer à la société Élysées résidence 5 un euro à titre de pénalité de retard, en ce qu'il a ordonné la compensation judiciaire entre ces deux sommes et en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes aux fins d'indemnisation. Ils sollicitent une somme de 1.000 euros par jour de retard à compter du 3 août 2016 jusqu'à la libération effective de l'intégralité des sommes restant dues au titre de la vente et concluent au rejet des demandes de la société Élysées résidence 5, dont celle relative à la compensation judiciaire. Ils sollicitent enfin une somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre la condamnation de l'appelante aux dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur l'intervention volontaire de la Caisse d'épargne :

Il convient de recevoir la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Île-de-France en son intervention volontaire.

 

Sur la demande en paiement au titre du solde du prix de vente :

Sauf la compensation invoquée par la société Élysées résidence 5, le montant du solde de prix réclamé par le vendeur n'est pas contesté.

Pour faire droit à la demande en paiement de la somme de 290.654,10 euros, outre les intérêts au taux contractuel, et fixer à un euro les pénalités de retard le tribunal a considéré pour l'essentiel que :

- la société Élysées résidence 5 ne pouvait se prévaloir de la compensation entre le prix de vente qu'elle restait devoir et des pénalités de retard contestées en leur principe et en leur montant par la société France Terre,

- le défaut de paiement de la société Élysées résidence 5 a été une cause de retard majeur et elle a en outre refusé un certain temps de prendre livraison des appartements pourtant achevés,

- certains des événements à l'origine du retard sont constitutifs de cas de force majeure,

- l'article 1231-5 alinéa 3 et 4 du code civil autorise le juge à réduire le montant des pénalités prévues à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier.

 

La suspension du délai de livraison

Selon la société Élysées résidence 5, les causes légitimes de suspension du délai de livraison s'élèvent à 77,5 jours, au titre d'intempéries de janvier 2012 à février 2013, et à 48 jours, en raison du placement en redressement judiciaire de la société Sepia.

La société France Terre revendique un délai de 48 jours supplémentaires au titre des difficultés rencontrées avec la société Sepia ainsi que d'autres événements constitutifs de force majeure qu'il convient d'examiner successivement.

* * *

En application de l'article 26.1.4 du contrat de vente « seront exclusivement considérés comme des causes légitimes de suspension du délai de livraison : les intempéries (...) ; la grève générale (..) ; les injonctions administratives ou judiciaires de suspendre ou arrêter les travaux (...) ; les troubles résultant d'hostilités, révolutions, cataclysme ; les retards résultant du redressement judiciaire (...).Ces retards ne pourront excéder trois mois ; retards de paiement de l'acquéreur tant en ce qui concerne la partie principale, que les intérêts de retard et les éventuels travaux supplémentaires ou modificatifs que le vendeur aurait accepté de réaliser ».

 

1) Les intempéries

Les parties s'entendent sur les 77,5 jours d'intempéries entre janvier 2012 et février 2013.

 

2) L'abandon du chantier par la société Sepia et la société Terverte

Outre les 48 jours de suspension au titre de la procédure de redressement judiciaire de la société Sepia, la société demande la prise en compte de 48 jours supplémentaires de suspension au titre de l'abandon du chantier par cette société.

Cet événement n'est toutefois pas une cause contractuelle de suspension légitime du délai de livraison. L'abandon du chantier par une entreprise sélectionnée par la société France Terre n'est pas extérieure à l'activité de cette société ; en outre, il s'agit d'un aléa de chantier dont rien ne démontre qu'il aurait été, en l'espèce, imprévisible et irrésistible. Dès lors, quelles que soient les perturbations dans le déroulement du chantier qui en découlent, l'abandon du chantier ne peut pas, en lui-même, être pris en considération au titre des causes légitimes du retard de livraison.

S'agissant de la société Terverte, la société affirme que l'abandon du chantier serait lié à une grève. Faute d'élément probant, cette affirmation ne saurait être retenue.

C'est donc tort que le tribunal a retenu les abandons de chantier des sociétés Sepia et Terverte comme causes légitimes de suspension.

 

3) Les procédures de liquidation et de redressement judiciaire

S'agissant de la durée de la suspension, l'article 26.1.4 précité indique que les retards résultant du redressement ou de la liquidation judiciaire ne pourront excéder un délai de trois mois.

La société Élysées résidence 5 soutient que ce délai de trois mois est valable pour l'ensemble des procédures de redressement ou liquidation pouvant survenir au cours de la construction, tandis que selon la société France Terre, chaque procédure judiciaire ouvre un délai de suspension de trois mois.

Force est de constater que la disposition précitée est peu claire. Dans ce cas, il appartient au juge de l'interpréter en recherchant la commune intention des parties et à défaut de pouvoir la déterminer, la clause obscure s'interprète en faveur du créancier. En l'espèce, en l'absence de mention expresse en ce sens, il ne peut être considéré que le maximum de trois mois s'applique à chaque événement constitutif d'une cause légitime de retard.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que c'est un délai maximal de trois mois qui, en tout état de cause, pourra s'appliquer à l'ensemble des procédures collectives pouvant affecter les intervenants à la construction.

La société France Terre ne peut pas utilement prétendre que cette clause serait abusive et créerait un déséquilibre à son détriment alors que c'est elle-même qui a proposé et rédigé le contrat. Le contrat de vente est effectivement un contrat d'adhésion, mais la partie à protéger en considération de la particularité de ce type de convention est l'acquéreur, pas le vendeur.

Enfin, il est de nouveau souligné que le contrat, qui fait la loi des parties, prévoit comme causes exclusives de suspension les événements qu'il énonce.

C'est donc en vain que la société va rechercher dans la jurisprudence des exemples dans lesquels les juridictions ont retenu comme cause de suspension une procédure collective alors que le contrat de vente ne le prévoyait pas.

L'emploi du terme « exclusif » doit être respecté et la clause doit s'interpréter strictement dans l'intérêt du créancier.

La prise en compte d'un délai de 48 jours au titre de la procédure de liquidation concernant la société Sepia n'est pas contestée.

La société Élysées résidence 5 conteste la prise en compte par le tribunal de la liquidation judiciaire de la société TRBG chargée du lot Terrassement/ Gros oeuvre / Fondations par jugement du 26 juin 2013 au titre des causes légitimes de suspension pour une durée de 3 mois.

Il apparaît effectivement que l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire est postérieure à l'abandon du chantier par la société TRGB et à la résiliation du contrat qui s'en est suivi. Or une fois que l'entreprise a quitté le chantier, le fait qu'elle soit placée en liquidation ne peut plus être considéré comme une cause de suspension du délai de livraison.

Il n'y a donc pas lieu de retenir le placement de la société TRGB en liquidation judiciaire comme cause de suspension légitime du délai de livraison.

C'est à bon droit que le tribunal a retenu la procédure ayant concerné la société Fouillouze comme cause légitime de suspension du délai de livraison.

En effet, s'il est exact que la société France Terre ne démontre pas avoir transmis le justificatif de cette liquidation avant la procédure judiciaire, alors que le contrat de vente lui imposait de le faire sans délai, cette carence ne remet pas en cause la réalité de la suspension du chantier imputable à la procédure collective, qui doit par conséquent être prise en compte.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a retenu à ce titre un délai de suspension de trois mois.

C'est à bon droit que le tribunal, relevant que cette situation avait empêché le maître d'ouvrage de poursuivre son activité, a retenu la procédure de liquidation de la société France Terre comme cause légitime de suspension du délai de livraison.

Au surplus, la durée maximum de suspension du délai de livraison en raison de l'ouverture de procédures collectives, soit trois mois, est atteinte du seul fait de celles ouvertes à l'égard des sociétés Sepia et Fouillouze.

Il y a donc lieu de retenir une durée de trois mois de suspension au titre des procédures ayant affecté les sociétés Sepia, Fouillouze et Groupe France Terre.

 

4) La vacance de la gérance de la société France Terre

La vacance de la gestion de la société du 4 novembre 2014 au 13 mars 2015 n'est pas une cause de suspension prévue au contrat et ne peut pas être retenue à ce titre et ce malgré les répercussions que cette situation a pu avoir sur le déroulement de la construction.

Il n'y a donc pas lieu de retenir une suspension du délai de livraison à ce titre.

 

5) Les intempéries de 2016

Le tribunal, tout en admettant qu'elles n'ont pas été régulièrement déclarées, a retenu les intempéries survenues entre le 1er mai et le 30 juin 2016, pour une durée de 7 jours et 6 heures.

La société France Terre sollicite la confirmation du jugement sans contester cependant que le formalisme attaché à la prise en compte des intempéries n'a pas été respecté. En effet, le contrat de vente prévoit qu'elles doivent faire l'objet d'une déclaration visée par le maître d'oeuvre, accompagnée des justificatifs de la station météorologique la plus proche, ce qui n'a pas été le cas. Il n'est pas non plus démontré qu'il se soit agi d'intempéries au sens de l'article L. 731-2 du code du travail ayant conduit à l'interruption du travail, contrairement aux exigences du contrat de vente.

Ces intempéries ne peuvent donc pas être prises en compte.

 

6) Le retard de paiement de la société Élysées résidence 5

Il est constant que la société Élysées résidence 5 n'a pas procédé au règlement des échéances 4 et 5 puisqu'elle a décidé unilatéralement de déduire des sommes qu'elle restait devoir les indemnités de retard contractuellement prévues. Sur ces échéances payables à l'achèvement et à la livraison, qui s'élevaient à la somme totale de 568.348,42 euros, la société Élysées résidence 5 a réglé la somme de 277.694,32 euros.

Il ressort du contrat de l'article 26.1.4 du contrat de vente ci-dessus rappelé que le retard de paiement de l'acquéreur est une cause légitime de suspension du délai de livraison.

Toutefois, les échéances partiellement réglées par la société Élysées résidence 5 sont des échéances payables à l'achèvement des travaux et à la livraison des parties privatives et communes. Il ne peut donc pas être soutenu que ces fonds ont manqué au promoteur pour achever le programme puisque, par définition, c'est l'achèvement de la construction qui déclenchait l'exigibilité des échéances 5 et 6.

Le paiement partiel des échéances 5 et 6 ne peut donc pas être considéré comme étant une cause de suspension du délai de livraison.

 

7) Les cas de force majeure

Le tribunal a retenu comme constitutifs de cas de force majeure les sinistres survenus en novembre 2015 ayant affecté trois des appartements acquis par la société Élysées Résidence 5 ainsi que la non-conformité de la dalle extérieure. L'appelante conteste cette qualification les estimant ni imprévisibles ni irrésistibles. La société France Terre sollicite la confirmation du jugement et la prise en compte d'un délai de cinq mois au titre des sinistres affectant les appartements et de trois mois au titre du défaut d'étanchéité de la terrasse.

Les sinistres invoqués sont des infiltrations d'eau dans trois appartements, qui ont conduit à la mise en œuvre de la garantie dommages ouvrage. Ils sont imputables à des travaux défectueux (étanchéité de la terrasse) et à l'inachèvement des travaux d'étanchéité suite à la faillite de la société Sepia.

Ces événements ne sont pas extérieurs à l'activité de la société France Terre ; ils relèvent de défauts d'exécution qui sont des aléas de chantier prévisibles et aucun élément ne démontrent qu'ils n'auraient pu être évités ; ils ne peuvent donc pas être considérés comme constitutifs d'un cas de force majeure.

Il n'y a donc pas lieu de considérer ces sinistres comme une cause légitime de suspension du délai de livraison.

De même, la nomination de Maître L. en qualité d'administrateur provisoire de la société ne saurait justifier juridiquement la prise en compte d'un délai supplémentaire de six mois. En effet, cet événement n'est pas extérieur à l'activité de la société France Terre. Il ne peut donc pas être pris en compte au titre des cas de force majeure.

Par conséquent, il convient de prendre en compte au titre des causes légitimes de suspension un total de 5,6 mois.

 

La compensation contractuelle

La société Élysées résidence 5 soutient qu'elle était fondée à faire application de la clause de compensation entre le solde du prix et les pénalités de retard de livraison.

La société France Terre soutient que cette clause ne pouvait trouver à s'appliquer dès lors que les parties étaient en désaccord sur ces pénalités, le promoteur estimant que le retard de livraison était totalement justifié par les différents événements ci-dessus relatés.

* * *

En application de l'article 26.1.5 du contrat de vente « en cas de non-respect de l'obligation d'achever et de livrer les biens et les parties communes dans le délai déterminé ci-dessus, sauf survenance d'un cas de force majeure ou plus généralement d'une cause légitime de suspension du délai d'achèvement et de livraison, il est expressément convenu que le vendeur sera redevable de plein droit envers l'acquéreur d'une pénalité de retard égale à : DIX SEPT EUROS (17 €) par m² carrez et par mois, tout mois commencé étant dû. Cette indemnité s'imputera de plein droit sur les fractions du prix venant à échéance à la date contractuellement fixée pour l'achèvement du bien. Le paiement de cette indemnité ne dispensera en aucune manière le vendeur de ses obligations au titre du présent contrat ».

Par cette clause, les parties ont mis en place un mécanisme de compensation conventionnelle qui déroge au mécanisme de compensation légale, en ce qu'il prévoit de compenser leurs dettes et créances réciproques quand bien même elles ne répondraient pas aux conditions de liquidité, d'exigibilité et de certitude. Contrairement à ce que soutient la société France Terre, la dérogation ne porte pas uniquement sur le critère de l'exigibilité de la créance mais instaure un mécanisme de compensation propre aux parties.

En l'espèce, il apparaît que la créance d'indemnités de retard n'était pas certaine puisque la société France Terre revendiquait, dès la date d'exigibilité des échéances 5 et 6, l'existence de causes légitimant la totalité du retard de livraison.

Néanmoins, les parties ayant entendu s'affranchir conventionnellement des conditions légales de compensation et l'article 26.1.5 précité n'ayant pas expressément conditionné le jeu de la compensation à l'accord du vendeur sur le calcul des pénalités de retard, il ne peut pas être reproché à la société Élysées Résidence d'avoir fait application de cette disposition contractuelle.

 

Le calcul des indemnités de retard

Le tribunal a estimé que les indemnités de retard pouvaient être réduites par application de l'article 1231-5 du code civil et les a ramenées à la somme symbolique d'un euro.

La société sollicite la confirmation du jugement en se référant aux motifs adoptés par celui-ci.

La société Élysées résidence 5 sollicite l'application pure et simple de la clause contractuelle.

* * *

En application de la clause 26.1.5. qui fixe les indemnités de retard à 17 euros par m2 et par mois, les pénalités de retard s'élèvent à la somme totale de 236.398,66 euros ainsi calculée :

- Retard de livraison : 30 mois

- Retard légitime : 5,6 mois

- Retard indemnisable : 24,4 mois

24,4 mois x 569,91 m2 x 17 euros/mois.m2 = 236.398,66 euros.

Cette clause est par nature une clause pénale qui peut être réduite par le juge s'il l'estime manifestement excessive ou dérisoire.

En l'espèce, cette indemnité est manifestement excessive au regard des circonstances de l'espèce, notamment, d'une part, des différents événements qui, sans pouvoir être considérés comme ayant légitimement suspendu le délai de livraison, n'en sont pas moins indépendants de la volonté du vendeur et en outre non fautifs et, d'autre part, des diligences accomplies postérieurement à l'ouverture d'une procédure collective à l'égard du gérant de la société France Terre pour remplir néanmoins les obligations de cette société et livrer les biens immobiliers dans les meilleurs délais.

Il importe toutefois de prendre en considération les préjudices subis par l'acquéreur, qui avait acquis les biens afin de réaliser un investissement locatif.

Au vu de ces éléments, il apparaît justifié de ramener le montant des pénalités de retard à la somme de 200.000 euros.

 

Le compte entre les parties

Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner la société Élysées résidence 5 au paiement de la somme de 90.654,10 euros due au titre du solde du prix de vente après déduction des pénalités de retard.

Le contrat de vente prévoit qu'en cas de retard dans le paiement, il sera appliqué une pénalité de 1% par mois de retard.

Il s'agit également d'une clause pénale qui peut être réduite dans les conditions ci-dessus rappelées.

En l'espèce, il est justifié de faire application du seul taux d'intérêt légal sur la somme due après déduction des pénalités de retard.

Les intérêts légaux commenceront à courir à compter du 3 août 2016, date d'exigibilité des échéances nos 5 et 6.

 

Sur la demande de versement entre les mains de Maître Z. :

La société Élysées Résidence 5 demande à ce que, en cas de condamnation au paiement d'une somme quelconque, elle soit autorisée à verser ladite condamnation entre les mains de Maître [Z] Z., notaire.

Toutefois, cette demande contenue dans le seul dispositif des conclusions, ne repose sur aucun fondement juridique. Il ne peut donc y être fait droit.

 

Sur la demande aux fins d'indemnisation :

La société France Terre sollicite une somme de mille euros par jour de retard à compter du 3 août 2016 jusqu'à libération effective de l'intégralité des sommes restant dues au titre de la vente.

S'agissant de la période courant du 3 août 2016 jusqu'au présent arrêt, elle s'apparente à des intérêts de retard. La condamnation au paiement étant déjà assortie des intérêts au taux légal et la société France Terre ne démontrant pas subir un préjudice distinct de celui qui résulte du seul retard dans le paiement, ni la mauvaise foi de la société Élysées résidence 5, la demande sur cette période doit être rejetée conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil.

S'agissant de la période courant de cet arrêt jusqu'au paiement effectif des sommes dues, elle s'apparente à une astreinte, laquelle n'apparaît pas justifiée. En outre, les sommes au paiement desquelles la société Élysées résidence 5 est condamnée sont automatiquement assorties des intérêts légaux dès le prononcé de la condamnation.

 

Sur la demande reconventionnelle de la société Élysées résidence 5 :

La société Élysées résidence 5 sollicite une somme de 335.606 euros au titre du préjudice résultant de la perte brute des loyers entre la date de livraison contractuellement prévue et la date de livraison effective.

Le préjudice allégué découle directement du retard livraison, lequel est réparé forfaitairement par la clause pénale contractuelle.

En l'absence de faute contractuelle démontrée à l'encontre du vendeur induisant un préjudice distinct, la demande ne saurait prospérer.

La société Élysées résidence 5 sollicite encore une somme de 142.344 euros au titre des différentiels entre les loyers du marché et les loyers des baux signés en raison de l'état de l'immeuble à la livraison.

Cependant, faute de démontrer que l'état dégradé de l'immeuble par rapport aux prévisions contractuelles, notamment l'inachèvement des espaces verts, est imputable à une faute de la société, la demande ne peut qu'être rejetée.

Il est enfin demandé une somme de 7.020 euros au titre de l'installation de barrières de sécurité dans cinq appartements disposant de terrasses non achevées.

Cependant, la société Élysées résidence 5 ne démontre pas la nécessité de ces installations dans des appartements situés au rez-de-chaussée.

La demande sera par conséquent rejetée.

 

Sur les demandes accessoires :

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La société Élysées résidence 5 sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés directement, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En revanche, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

REÇOIT la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Île-de-France en son intervention volontaire ;

INFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la société Élysées résidence 5 aux dépens et rejeté les demandes d'indemnité au titre des frais exclus des dépens ;

Statuant à nouveau,

CONSTATE que la créance de la société France Terre Isle Adam 2 Chantepie Mancier au titre du solde du prix de vente s'élève à la somme de 290.654,10 euros ;

RÉDUIT à la somme de 200.000 euros le montant des pénalités de retard dues par la société France Terre Isle Adam 2 Chantepie Mancier ;

CONSTATE la compensation des créances réciproques à la date d'exigibilité du solde du prix de vente ;

RÉDUIT au taux légal le taux d'intérêt applicable au solde du prix de vente ;

CONDAMNE, en conséquence, la société Élysées résidence 5 à payer la société France Terre Isle Adam 2 Chantepie Mancier la somme de 90.654,10 euros au titre du solde du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 3 août 2016 ;

DÉBOUTE la société France Terre Isle Adam 2 Chantepie Mancier et la société Élysées résidence 5 de leurs demandes complémentaires ;

CONDAMNE la société Élysées résidence 5 aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ;

DIT n'y avoir lieu à indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Monsieur Emmanuel ROBIN, Président et par Monsieur Boubacar BARRY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,                               LE PRÉSIDENT,