9844 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par contrat – Prestations de services
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 9844 (9 février 2024)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE CIVIL ET EN DROIT COMMUN
SANCTION DIRECTE DES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS - DROIT POSTÉRIEUR À L’ORDONNANCE DU 10 FÉVRIER 2016 – LOI DE RATIFICATION DU 20 AVRIL 2018 : ARTICLE 1171 DU CODE CIVIL
PRÉSENTATION PAR CONTRAT – PRESTATIONS DE SERVICES
Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2024)
Construction : clause de dédit. Ne crée pas de déséquilibre significatif une clause de dédit qui est non équivoque, limitée, et qui permet à l'acquéreur de connaître à l'avance les conséquences de son dédit. CA Rouen (ch. civ. com.), 3 mars 2022 : RG n° 20/02032 ; Cerclab n° 9480 (contrat conclu entre sociétés commerciales ; contrat de fabrication spécifique et pose d'armatures en acier dans le cadre de la construction d'une plateforme logistique conclu avec une société ayant pour objet la gestion, l'administration ainsi que la centralisation des services généraux de toutes sociétés et plus particulièrement des sociétés filiales : clause stipulant), sur appel de T. com. Évreux, 4 mai 2020 : RG n° 2018F00101 ; Dnd. § N.B. La clause reproduite précise que « les tonnages à fabriquer ainsi que la durée de la commande devront être clairement spécifiés dans la commande » et que « tout écart de tonnage de 20 % en plus par rapport à la commande donnera lieu à application d'une majoration de 10 % du prix des tonnes en plus étant précisé que nous pouvons refuser de fournir ces tonnes supplémentaires. Tout écart de tonnage de 20 % en moins par rapport à la commande donnera lieu au règlement d'une indemnité forfaitaire de 80 % du prix des tonnes en moins. Tout écart de 20 % en plus ou en moins de la durée de la commande donnera lieu au règlement d'une majoration forfaitaire de 10 % du montant total du marché ». Selon l’arrêt, cette clause est une clause de dédit qui permet à l'acquéreur de modifier ou même de rompre unilatéralement le contrat, moyennant une contrepartie pour le vendeur, et non une clause pénale qui viendraient sanctionner la défaillance de l'une des parties.
Expert-comptable : clause de saisine de l’Ordre. La clause de la lettre de mission, qui stipule qu’« en cas de contestation par le client des conditions d'exercice de la mission ou du différend sur les honoraires, l'expert-comptable s'efforce de faire accepter la conciliation ou l'arbitrage du président du conseil régional de l'ordre avant toute action en justice », met à la charge de l'expert-comptable l'obligation de saisir le président du conseil régional de l'ordre et n'impose pas aux clients de le faire. CA Riom (3e ch. civ. com.), 6 décembre 2023 : RG n° 22/00949 ; arrêt n° 540 ; Cerclab n° 10598.
Expert-comptable : délai de forclusion à compter l’événement préjudiciable. Crée un déséquilibre significatif la clause qui ne peut être considérée comme instituant un délai raisonnable pour saisir le juge en imposant au client d’agir, à peine de forclusion, dans les trois mois « des évènements ayant causé un préjudice à l'entreprise » ; en effet, si cet évènement est porté tardivement à la connaissance du client, ce dernier ne disposera plus d'un délai raisonnable lui permettant de consulter un avocat et de bénéficier ainsi d'un accès à la justice ; les précédents judiciaires invoqués, notamment l’arrêt de la Cour de Riom du 18 septembre 2019, ne sont pas pertinents puisqu’en l’espèce les clauses litigieuses fixaient le point de départ à la date à laquelle le client avait eu connaissance du sinistre. CA Riom (3e ch. civ. com.), 6 décembre 2023 : RG n° 22/00949 ; arrêt n° 540 ; Cerclab n° 10598 (clause réputée non écrite ; action recevable comme intentée dans le délai de prescription de trois ans, mais rejetée au fond), infirmant sur ce point T. com. Montluçon, 18 mars 2022 : RG n° 2021/000134 ; Dnd (action forclose). § Les termes de cette clause ne peuvent pas non plus être considérés comme clairs puisqu’ils stipulent que le délai de prescription comme celui de forclusion ont le même point de départ. Même arrêt (texte de la clause : « La responsabilité civile du professionnel comptable ne peut être mise en jeu que dans une période contractuellement définie de trois années à compter des évènements ayant causé un préjudice à l'entreprise. Les actions en responsabilité entre le professionnel comptable devront être formées dans un délai de 3 mois à compter des évènements ayant causé un préjudice à l'entreprise à peine de forclusion. »).
Expert-comptable : délai de forclusion à compter de la découverte du litige. Sur la qualification de la clause : une clause qui a pour objet de fixer un terme à une action, stipule un délai de forclusion et non de prescription (Cass. com. 26 janvier 2016, n° 14-23285) ; une stipulation contenue dans les conditions générales d'une lettre de mission d'un expert-comptable imposant que « toute demande de dommages et intérêts » soit introduite dans les trois mois suivant la date à laquelle le client a eu connaissance, doit s'analyser en un délai de forclusion contractuellement défini entre les parties et doit recevoir application (Cass. com. 30 mars 2016, n°14-24874). CA Riom (3e ch. civ. com.), 21 septembre 2022 : RG n° 21/00452 ; Cerclab n° 9843 (mission comptable pour une Earl agricole transparente fiscalement), sur appel de TJ Moulins, 12 janvier 2021 : RG n° 19/00153 ; Dnd.
Sur la clarté de la clause. V. aussi sous l’angle de la clarté de rédaction de la clause : CA Rennes (3e ch. com.), 24 octobre 2023 : précité (mission d’expert-comptable ; clauses déterminées à l'avance et non négociées ; rejet de l’argument selon laquelle clause serait inopposable car ambiguë et peu claire, le client ne sachant pas quelle action doit être introduite dans un délai de trois mois, à savoir celle contre le membre du conseil de l'Ordre, celle contre l'expert-comptable ou celle contre la société, alors que la clause rappelle seulement le caractère règlementé de l'activité exercée, qui conduit à la responsabilité personnelle du membre de l'Ordre des experts comptables faisant partie de la société d’audit, y compris s'il devait être son préposé, qu’elle vise ensuite la faute commise par l'un quelconque des préposés ou intervenants pour le compte de la société et qu’elle se termine par « toute action », terme clair qui envisage toute action quelle qu'elle soit).
Sur l’analyse de la clause sous l’angle de Conv. EDH : la CEDH vérifie l'existence d'un recours effectif au juge ; cette effectivité induit que l'intéressé a eu connaissance de la possibilité de saisir le juge et qu'il a disposé de la capacité et du temps lui permettant en pratique d'exercer ce droit ; il convient donc de vérifier que, une fois informé, par exemple d'une décision, l'intéressé, en capacité de le faire, a disposé d'un délai suffisant pour faire valoir ses droits : un délai de trois mois imparti pour agir en justice n'est pas en soi d'une brièveté telle qu'il restreigne l'accès au juge. CA Riom (3e ch. civ. com.), 21 septembre 2022 : RG n° 21/00452 ; Cerclab n° 9843 (mission comptable pour une Earl agricole transparente fiscalement ; N.B. art. 1171 inapplicable à une faute commise en 2013), sur appel de TJ Moulins, 12 janvier 2021 : RG n° 19/00153 ; Dnd. § V. aussi sans visa explicite du texte : CA Douai (3e ch.), 6 octobre 2022 : RG n° 21/04413 ; arrêt n° 22/348 ; Cerclab n° 9865 (contrat entre une infirmière libérale et une association de gestion et de comptabilité ; fin de non-recevoir admise pour la première fois en appel ; délai de trois mois ne portant pas atteinte au droit d’agir en justice dès lors qu'il s'agit d'un délai suffisant pour saisir le juge), sur appel de TJ Avesnes-sur-Helpe, 15 juin 2021 : RG n° 19/01019 ; Dnd.
Sur l’analyse de la clause sous l’angle du déséquilibre significatif : L'éventuel déséquilibre entre les droits et obligations des parties s'apprécie in concreto au regard des parties et des circonstances en présence ; en l'espèce, s'agissant d'une clause de forclusion en matière d'expertise-comptable, la cour relève que l’association n'a aucune compétence dans ce domaine spécifique et que la mise en cause de la responsabilité de l'expert-comptable, professionnel règlementé, dans l'exercice de sa mission, requérait le recours préalable aux services d'un professionnel du chiffre pour analyser les critiques énoncées par le commissaire aux comptes ; la complexité des vérifications à effectuer, et l'investissement en temps nécessaire à cette fin, résultent sans conteste des indications du second expert-comptable que l’association a missionnée pour cela, laquelle précise en effet avoir passé 940 heures pour lui donner un avis circonstancié établissant les défaillances du premier ; dès lors, est abusive la clause litigieuse consistant, pour un professionnel de l'expertise-comptable, à imposer à un cocontractant profane de réunir les éléments techniques nécessaires dans un délai d'action réduit à trois mois au lieu du délai de droit commun de cinq ans, en ce qu’elle a pour effet de restreindre l'exercice effectif d'un recours par ce cocontractant profane, et de permettre corrélativement à l'expert-comptable d'échapper à l'engagement de sa responsabilité, ce sans qu'il soit fait valoir d'impératif particulier de nature à justifier cette réduction substantielle du délai d'action. CA Besançon (1re ch. civ. com.), 3 octobre 2023 : RG n° 21/01874 ; Cerclab n° 10422 (arrêt ne s’estimant saisi que de la fin de non-recevoir et renvoyant au tribunal pour statuer au fond), suite de CA Besançon (1re ch. civ. com.), 16 mai 2023 : RG n° 21/01874 ; Cerclab n° 10189, sur appel de T. com. Lons-le-Saulnier, 3 septembre 2021 : RG n° 2021J00009 ; Dnd.
En sens contraire : la clause instituant un délai de forclusion de trois mois pour agir en responsabilité contre l’expert-comptable, à compter de la date à laquelle la cliente a eu connaissance du sinistre, ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. CA Douai (3e ch.), 6 octobre 2022 : RG n° 21/04413 ; arrêt n° 22/348 ; Cerclab n° 9865 (contrat entre une infirmière libérale et une association de gestion et de comptabilité ; fin de non-recevoir admise pour la première fois en appel), sur appel de TJ Avesnes-sur-Helpe, 15 juin 2021 : RG n° 19/01019 ; Dnd. § V. aussi : CA Rennes (3e ch. com.), 24 octobre 2023 : RG n° 21/04305 ; arrêt n° 447 ; Cerclab n° 10517 (absence de caractère abusif de la clause qui ne remet pas en question la possibilité d'engagement par le client de la responsabilité de la société et de l’expert-comptable, ne faisant qu'instituer un délai pour introduire l'action, lequel est inséré dans des limites raisonnables et permettant un accès réel au juge), sur appel de T. com. Quimper, 25 juin 2021 : Dnd.
Garagiste : contrat entre un assureur automobile et un récupérateur d’épaves. Après avoir relevé que le contrat prévoyait que certains véhicules étaient systématiquement cédés au récupérateur, selon les conditions tarifaires fixées au contrat, et que d'autres feraient l'objet d'un appel d'offre auquel le récupérateur pourrait participer, « selon un processus communiqué ultérieurement au récupérateur », l'arrêt retient que le terme « processus », employé dans un autre article, explicite la mention relative à l'appel d'offre, et ajoute que les conditions tarifaires dépendent de l'état et de la valeur des véhicules ; la cour d’appel a pu en déduire que la clause relative à cette seconde catégorie de véhicules n'était pas potestative. Cass. com., 15 novembre 2023 : pourvoi n° 22-10818 ; arrêt n° 731 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 10600 (contrat entre un assureur et une société exploitant un centre de traitement de véhicules hors d'usage pour la récupération des véhicules accidentés de l’assureur), rejetant le pourvoi contre CA Paris (pôle 5 ch. 5), 25 novembre 2021 : Dnd.
Organisation d’exposition. Ne crée pas de déséquilibre significatif, tant sur le fondement de l’art. 1171 C. civ. que sur celui de l’art. L. 442-1 C. com., la clause d’un contrat de participation à une exposition qui prévoit l’absence de remboursement des sommes versées en cas d’impossibilité d’organiser la manifestation pour des raisons extérieures (en l’espèce Covid 19), dès lors que la participation versée par les exposants ainsi que son non remboursement sont économiquement équilibrés entre, d'une part, l'obligation pour la prestataire d'anticiper les dépenses qu'elle doit exposer pour l'organisation de la manifestation, et correspondant à la réservation de l'espace d'exposition, la mise au point et la réalisation de campagne de communication sur différents supports, la recherche et la sélection des œuvres et des galeries et encore, pour la conception de l'architecture générale de l'exposition en lien avec des professionnels (scénographes et des installateurs généraux), et d'autre part, le risque de la perte de ces dépenses en cas d'annulation de la manifestation. CA Paris (pôle 5 ch. 11), 27 janvier 2023 : RG n° 21/07493 ; Cerclab n° 10228 (contrat d’organisation d’une exposition de galeristes ; l’arrêt note que la preuve est rapportée que l’organisateur a engagé près d’1,9 millions d’euros, sur un chiffre d’affaires de 3,5 millions d’euros mais un résultat déficitaire – non expliqué par l’arrêt – de 48.000 euros), sur appel de T. com. Paris, 11 mars 2021 : RG n° 2020037956 ; Dnd
Déroge aux conditions de l'art. 1218 C. civ. la clause exonératrice qui, en apposant aux « raisons majeures » les adjectifs « imprévisibles ou économiques » suivis d'exemples, en particulier celui du « retrait d'autorisation » impliquant que « la foire ne peut avoir lieu », avec la conséquence que « les participations des exposants ne seront pas remboursées », énonce une clause de définition contractuelle exonératrice de remboursement suffisamment claire, précise et dépourvue d'équivoque, dont la portée ne dépend pas des cas de force majeure visés dans un autre article des conditions générales. CA Paris (pôle 5 ch. 11), 27 janvier 2023 : RG n° 21/07493 ; Cerclab n° 10228 (contrat d’organisation d’une exposition de galeristes qui n’a pu se tenir en raison du Covid), infirmant sur ce point T. com. Paris, 11 mars 2021 : RG n° 2020037956 ; Dnd.
Sous-traitance : illustrations. Pour une illustration : CA Paris (pôle 5 ch. 11), 17 décembre 2021 : RG n° 19/16684 ; Cerclab n° 9325 (sous-traitance entre une société de prestations de services informatiques et un développeur individuel, le contrat incluant une formation par un organisme habilité ; absence de partenariat et absence au surplus de déséquilibre significatif, compte tenu de la réciprocité des obligations de sous-traitance et de formation en l'absence d'éléments établissant le caractère potestatif, automatique, ou la non négociabilité des clauses du contrat), sur appel de TGI Paris, 28 mars 2019 : RG n° 17/14589 ; Dnd.
Sous-traitance : clause compromissoire. Crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, et doit être déclarée non écrite, la clause compromissoire d’un contrat de sous-traitance, en ce qu’elle instaure une procédure complexe et coûteuse de règlement des litiges, puisque nécessitant pour chacun de désigner un arbitre et de recourir au juge d'appui en cas de difficultés, lequel n'était effectivement pas désigné au contrat, seul l'application de l'art. 1459 CPC, alors que le donneur d’ordre a une assise financière beaucoup plus importante que le sous-traitant (dont le chiffre d’affaires en 2018 a été de 5.620 €), et que, par ailleurs, la clause stipule que les arbitres devront rendre leur sentence dans un délai de 10 mois à compter du jour où le dernier arbitre aura accepté sa mission, délai qui peut être prorogé, soit un délai de 4 mois supérieur à celui fixé à l'art. 1463 CPC, délai qui, sans être illégal, a pour effet d'augmenter la durée de la procédure de règlement du litige, ce qui est préjudiciable à une entreprise de taille modeste qui se prévaut d'impayés. CA Amiens (ch. écon.), 10 mars 2022 : RG n° 21/04192 ; Cerclab n° 9451, sur appel de T. com. Saint-Quentin, 23 juillet 2021 : Dnd.