CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 19 janvier 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10021
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 19 janvier 2023 : RG n° 22/08825 ; arrêt n° 2023/073
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Le premier juge devait donc se prononcer sur la demande de madame X. de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'action indemnitaire pendante devant le tribunal judiciaire de Toulon, demande à laquelle la BPMED a acquiescé. Or, il a statué sur les contestations de madame X. et sur l'orientation de la procédure de saisie immobilière ; il a donc modifié l'objet du litige délimité par les parties en violation du « principe dispositif ». Ainsi, le manquement du premier juge aux devoirs de son office prévus par les articles 4 et 5 du code de procédure civile, constitue une seconde cause d'annulation du jugement déféré. Par conséquent, la demande d'annulation du jugement déféré est fondée et la nullité du jugement sera donc prononcée. »
2/ « Par conséquent, le sursis à statuer sur l'orientation de la procédure de saisie immobilière et les contestations du débiteur saisi sera prononcé dans l'attente de l'issue de l'action en responsabilité pendante devant le tribunal judiciaire de Toulon.
Enfin, en l'état du sursis à statuer prononcé pour le motif précité, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire de sursis à statuer dans l'attente du renvoi préjudiciel de la Cour de Cassation à la CJUE. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-9
ARRÊT DU 19 JANVIER 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/08825. Arrêt n° 2023/073. N° Portalis DBVB-V-B7G-BJTAE. Jonction avec R.G. n° 22/07921. N° Portalis DBVB-V-B7G-BJP6I. ARRÊT MIXTE. Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution de TOULON en date du 12 mai 2022 enregistré au répertoire général sous le R.G n° 21/00053.
APPELANTE :
Madame X.
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), de nationalité Française, demeurant [Adresse 4], représentée et assistée par Maître Guillaume TATOUEIX, avocat au barreau de TOULON
INTIMÉE :
Ste Coopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE MÉDITERRANÉE
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2], assignée à jour fixe le 20/07/22 à personne habilitée, représentée par Maître Régis DURAND de l'AARPI DDA & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON, substitué par Maître Jean-Baptiste DURAND, avocat au barreau de TOULON, assistée de Maître Renaud ESSNER de la SELARL CABINET ESSNER, avocat au barreau de GRASSE,
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Agnès DENJOY, Président, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, Madame Virginie BROT, Conseillère.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023. Signé par Madame Agnès DENJOY, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La Banque Populaire Méditerranée (ci-aprés dénommée BPMED ) poursuit à l'encontre de madame X. suivant commandement du 23 avril 2021, la vente de biens et droits immobiliers dans un ensemble immobilier dénommé « L. C. » sis sur la Commune du [Localité 5] ([Localité 5]) [Adresse 3], cadastré section BX n° [Cadastre 1] pour 3ha 05a 23ca, dans le bâtiment C dénommé S., les lots n° 390 correspondant à un appartement de type 3B et n° 391 correspondant à une cave, pour paiement d'une somme totale de 37.090,09 € en vertu de la copie exécutoire de l'acte reçu le 22 mai 2014 par Maître A., notaire associée au [Localité 5], contenant prêt à la société Loxao avec cautionnement solidaire et hypothécaire de madame X.
Par exploit du 2 juillet 2021, madame X. faisait assigner la BPMED devant le tribunal judiciaire de Toulon aux fins notamment de condamnation de celle-ci au paiement d'une somme de 40.000 € à titre de dommages-intérêts au titre d'une perte de chance de ne pas s'engager, en invoquant un manquement de la banque à son devoir de mise en garde.
Par exploit du 19 juillet 2021, la BPMED faisait assigner madame X. à comparaître à l'audience d'orientation en sollicitant la vente forcée de l'appartement dont cette dernière est propriétaire au [Localité 5] et qui constitue son domicile.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 9 février 2022, madame X. demandait au juge de l'exécution de :
- à titre liminaire, surseoir à statuer dans l'attente d'une décision sur l'action en responsabilité contre la banque actuellement pendante, et subsidiairement dans l'attente de l'issue du renvoi préjudiciel à la CJUE opéré par la Cour de Cassation,
- à titre principal, constater le caractère abusif de la déchéance contenue dans l'acte de prêt du 22 mai 2014 et en conséquence, déclarer nulle la procédure,
- à titre subsidiaire, constater la caducité du commandement de payer valant saisie,
- à titre très subsidiaire, constater le défaut d'information de la caution et réouvrir les débats pour recalcul de la créance,
- à titre infiniment subsidiaire, constater le caractère erroné du calcul du TEG et ordonner la réouverture des débats,
- à titre très infiniment subsidiaire, lui octroyer des délais de grâce,
- à très très infiniment subsidiaire, autoriser la vente amiable du bien au prix plancher de 250.000 €,
- en tout état de cause, condamner la BPMED à lui payer une indemnité de 2.000 € pour frais irrépétibles et les entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 09 mars 2022, la banque demandait au juge de l'exécution de :
- rejeter la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue du renvoi préjudiciel de la Cour de Cassation devant la CJUE sur la validité des clauses de déchéance du terme de plein droit,
- lui donner acte qu'elle acquiesce à la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'aboutissement de l'action en responsabilité initiée à son encontre dans une procédure connexe par devant le Tribunal judiciaire de Toulon,
Par jugement d'orientation du 12 mai 2022, le juge de l'exécution :
- rejetait l'ensemble des prétentions de madame X.,
- retenait comme montant de la créance du créancier poursuivant, décompte d'intérêts arrêté au 27 janvier 2020, la somme de 37.090,09 €, en principal, intérêts et frais, sans préjudice de tous autres dus, notamment des frais judiciaires et de ceux d'exécution,
- taxait le montant des frais préalables à la somme de 3.405,85 €, somme qui sera versée par l'acquéreur en plus du prix de vente,
- autorisait madame X. à poursuivre la vente amiable des droits et biens immobiliers saisis dans les conditions prévues aux articles R. 322-21 à R. 322-25 du code des procédures civiles d'exécution,
- disait que le prix de vente ne pourra être inférieur à 250.000 €,
- disait que la réalisation de la vente sera examinée à l'audience du 8 septembre 2022 à 9 heures, tenue par le juge de l'exécution en matière de saisie immobilière ;
- disait qu'il devra être justifié au plus tard à l'audience d'examen de la réalisation de la vente fixée ci-dessus que l'acte de vente amiable est conforme aux conditions fixées ci-dessus et que le prix de vente a été consigné conformément aux dispositions des articles L. 322-4 et R. 322-23, auprès de la Caisse des dépôts et consignations afin qu'intervienne un jugement constatant la réalisation des conditions de la vente produisant les effets notamment précisés à l'article R. 322-25 du même code ;
- rappelait que :
- les frais d'accès sont versés directement par l'acquéreur sujet du prix de vente et non pas être consigné à la Caisse des dépôts et consignations ;
- l'acte notarié de vente ne sera établi que sur consignation du prix de vente à la Caisse des dépôts et consignations et sur justification du paiement des frais de la vente et des frais taxés par l'acquéreur en sus du prix de vente, les frais taxés étant versés directement au créancier poursuivant ;
- le débiteur doit accomplir les diligences nécessaires à la conclusion de la vente amiable et rendre compte au poursuivant, sur sa demande, des démarches accomplies à cette fin, faute de quoi, il pourra demander la reprise de la procédure sur vente forcée ;
- aucun délai supplémentaire ne sera accordé, sauf compromis écrit de vente et pour réitération de l'avant par la forme authentique ;
- la présente décision suspend le cours de la procédure de saisie ;
- Rejetait la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonnait l'emploi des dépens en frais taxé de vente ;
- Disait que la présente décision sera notifiée par le créancier poursuivant à la partie saisie et aux créanciers inscrits,
Le premier juge statuait sur les écritures de la BPMED du 28 janvier 2022 et autorisait la vente amiable du bien immobilier saisi après avoir rejeté :
- la demande de sursis à statuer aux motifs d'une bonne administration de la justice et du caractère autonome des règles de saisie immobilière sur lesquelles une action en responsabilité demeure sans effet,
- la demande de caducité du commandement du 23 avril 2021 publié le 4 juin suivant,
- la demande de déchéance du droit aux intérêts au taux conventionnel fondée sur le défaut d'information annuelle de la caution respectée par le BPMED et sur le taux de calcul du TEG, l'acte de prêt souscrit par une société commerciale n'étant pas soumis au droit de la consommation,
- la demande de délais de grâce en l'absence de preuve de la capacité financière de madame X. de payer sa dette par le paiement de 24 mensualités.
Le 1er juin 2022, madame X. interjetait appel du jugement précité, lequel était inscrit sous le numéro de rôle 22/07921. Le 20 juin 2022, elle procédait à une seconde déclaration d'appel inscrite sous le numéro de rôle général 22/08825.
Le jugement d'orientation était signifié à madame X., le 9 juin 2022. L'appel formé par déclaration du 20 juin 2022 l'a bien été dans le délai de 15 jours prévu à l'article R 311-7 du code des procédures civiles d'exécution. Le 21 juin 2022, madame X. déposait requête aux fins d'être autorisée à assigner à jour fixe.
Le 20 juillet 2022, madame X. faisait assigner la BPMED à comparaître à l'audience de la cour d'appel d'Aix en Provence du 23 novembre 2022 à 14h15.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 novembre 2022, madame X. demande à la cour de :
- déclarer recevable l'appel interjeté à l'encontre du jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Toulon du 12 mai 2022,
Vu les articles 4, 5 et 455 du code de procédure civile,
- prononcer l'annulation pure et simple du jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Toulon en date du 12 mai 2022,
Et vu l'effet dévolutif de l'appel,
Statuant au fond,
In limine litis,
- Constater que la BPMED demande elle-même qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'aboutissement de la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Toulon,
En toute hypothèse,
- Surseoir à statuer en l'attente de la décision à intervenir sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde ou, subsidiairement, toujours in limine litis,
- Surseoir à statuer en l'état du renvoi préjudiciel ordonné par la Cour de Cassation,
A titre principal
Vu les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne du 17 mai 2022,
- Constater le caractère abusif de la clause de déchéance contenue dans l'acte de prêt du 22 mai 2014 ;
En conséquence,
- Dire et juger que la BPMED ne justifie pas d'une créance certaine, liquide et exigible au sens de l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution,
- Déclarer nulle et de nul effet la procédure de saisie immobilière diligentée par la BPMED suivant commandement du 23 avril 2021 ;
- Ordonner la radiation au Service de la Publicité foncière du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 23 avril 2021,
A titre subsidiaire,
Vu l'article R. 321-6 du code des procédures civiles d'exécution,
- Constater la caducité du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 23 avril 2021,
En conséquence,
- Déclarer nulle et de nul effet la procédure de saisie immobilière diligentée par la BPMED à l'encontre de madame X.,
- Ordonner la radiation au Service de la Publicité foncière du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 23 avril 2021,
A titre très subsidiaire,
- Constater que la BPMED ne justifie pas de l'information de la caution, madame X., prévue à l'article L. 313-22 code monétaire et financier,
- Ordonner en conséquence la réouverture des débats en enjoignant à la BPMED de recalculer sa créance en imputant les paiements effectués par la débitrice principale au principal de la dette,
A titre infiniment subsidiaire,
- Constater le caractère erroné du taux effectif global contenu dans l'acte de prêt du 22 mai 2014,
- Ordonner en conséquence la réouverture des débats en enjoignant à la BPMED de recalculer l'ensemble de la dette en modifiant le tableau d'amortissement avec les intérêts aux seuls taux légaux,
A titre très infiniment subsidiaire,
Vu l'article 1343-5 du Code civil,
- Ordonner le report de la dette dans un délai de 2 ans ou autoriser, en tout état de cause, madame X. à se libérer de sa dette en 24 versements mensuels ;
A titre très très infiniment subsidiaire,
Vu les articles R. 322-21 et R. 322-22 du code des procédures civiles d'exécution,
- Autoriser madame X. à poursuivre la vente amiable du bien objet des poursuites suivant:
Dans un ensemble immobilier dénommé « L. C. » sis sur la Commune du [Localité 5] ([Localité 5]) [Adresse 3], cadastré section BX n° 18 pour 3ha 05a 23ca, dans le bâtiment C dénommé S., les lots n° 390 correspondant à un appartement de type 3B et n° 391 correspondant à une cave.
- Fixer à la somme de 250.000 € le montant du prix en deçà duquel l'immeuble ne pourra être vendu,
Si par impossible, la cour d'appel ne fait pas droit à la demande d'annulation du jugement du 12 mai 2022 et ne statue donc pas au fond par application de l'effet dévolutif de l'appel,
Il lui est demandé de bien vouloir :
- Réformer le jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Toulon en date du 12 mai 2022 en ce qu'il a :
* Rejeté l'ensemble des prétentions de Madame X.,
* Retenu comme montant de la créance du créancier poursuivant, décompte d'intérêts arrêté au 27 janvier 2020, la somme de 37.090,09 €, en principal, intérêts et frais, sans préjudice de tous autres dus, notamment des frais judiciaires et de ceux d'exécution ;
* Taxé le montant des frais préalables à la somme de 3.405,85 €, somme qui sera versée par l'acquéreur en plus du prix de vente,
Et statuant à nouveau,
In limine litis,
- Constater que la BPMED demande elle-même qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'aboutissement de la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Toulon,
En toute hypothèse,
- Surseoir à statuer en l'attente de la décision à intervenir sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde, ou subsidiairement, toujours in limine litis,
- Surseoir à statuer en l'état du renvoi préjudiciel ordonné par la Cour de Cassation,
A titre principal,
Vu les arrêts la Cour de justice de l'Union européenne en date du 17 mai 2022,
- Constater le caractère abusif de la cause de déchéance contenue dans l'acte de prêt du 22 mai 2014,
En conséquence, Dire et juger que la BPMED ne justifie pas d'une créance certaine, liquide et exigible au sens de l'article L 111-2 du code des procédures civiles d'exécution,
- Déclarer nulle et de nul effet la procédure de saisie immobilière diligentée par la BPMED suivant commandement du 23 avril 2021,
- Ordonner la radiation au Service de la Publicité foncière du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 23 avril 2021,
Vu l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution,
- Déclarer irrecevable la demande de confirmation du jugement du 12 mai 2022 par la BPMED dans ses conclusions devant la cour d'appel du 8 septembre 2022,
Et statuant toujours sur la demande subsidiaire de réformation formée par Madame X.,
A titre subsidiaire,
Vu l'article R. 321-6 du code des procédures civiles d'exécution,
- Constater la caducité du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 23 avril 2021, en conséquence,
- Déclarer nulle et de nul effet la procédure de saisie immobilière diligentée par la BPMED à l'encontre de Madame X.,
- Ordonner la radiation au Service de la Publicité foncière du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 23 avril 2021,
A titre très subsidiaire,
- Constater que la BPMED ne justifie pas de l'information de la caution, Madame X. prévue par l'article L313-22 code monétaire et financier,
- Ordonner en conséquence la réouverture des débats en enjoignant à la BPMED de recalculer sa créance en imputant les paiements effectués par la débitrice principale au principal de la dette;
A titre infiniment subsidiaire,
- Constater le caractère erroné du taux effectif global contenu dans l'acte de prêt du 22 mai 2014,
- Ordonner en conséquence la réouverture des débats en enjoignant à la BPMED de recalculer l'ensemble de la dette en modifiant le tableau d'amortissement avec les intérêts aux seuls taux légaux,
A titre très infiniment subsidiaire,
Vu l'article 1343-5 du Code civil,
- Ordonner le report de la dette dans un délai de 2 ans ou autoriser en tout état de cause, madame X. à se libérer de sa dette en 24 versements mensuels ;
- Confirmer le jugement dont appel pour le surplus ;
En toutes hypothèses,
- Condamner la BPMED à payer à madame X. une somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle fonde sa demande de nullité du jugement déféré sur la violation des articles 455, 542, 4 et 5 du code de procédure civile, ou pour excès de pouvoir, le juge n'ayant pas statué sur les dernières écritures de la BPMED du 9 mars 2022 et ayant modifié l'objet du litige en l'état de l'acquiescement du créancier poursuivant à la demande de sursis à statuer.
Elle relève que les parties forment la même demande de sursis à statuer dont l'opportunité résulte, en tout état de cause, du montant limité de sa dette et de l'objet indemnitaire de l'action en responsabilité pour manquement du prêteur à son devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteur, aide-ménagère devenue dirigeante non avertie d'une Sarl par l'effet d'un montage orchestrée par la banque, peu important le caractère professionnel du prêt.
Elle fonde aussi sa demande de sursis à statuer sur le renvoi à la CJUE, par arrêt du 16 juin 2021 de la Cour de cassation, de cinq questions préjudicielles dont l'une porte sur la validité des clauses de déchéance du terme de plein droit sans formalité. A défaut, elle soutient que la cour, doit retenir le caractère abusif de la clause ne profitant qu'au prêteur, une première défaillance présentant un degré de gravité suffisant pour fonder des poursuites, et prononcer la nullité de la saisie immobilière pour défaut d'exigibilité de la créance.
Elle invoque la caducité du commandement sur le défaut de publication dudit acte dans le délai de deux mois.
Elle fonde sa demande de déchéance du droit aux intérêts au taux contractuel sur le défaut d'information annuelle de la caution à compter de l'année 2018 en violation des dispositions de l'article L. 313-2 du code de la consommation et sur le défaut de mention de la nature des frais pris en compte dans le calcul du TEG, selon les dispositions de l'article R. 314-4 du même code. Elle conteste la prescription de sa demande au motif qu'elle n'était pas, en sa qualité de profane, en mesure de détecter l'erreur à la signature du contrat de prêt.
Enfin, elle sollicite l'octroi de 24 mois de délais de paiement et à défaut, l'autorisation de vendre amiablement le bien immobilier saisi en l'état d'un mandat de vendre du 22 décembre 2021 au montant de 280.000 €.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 novembre 2022, la BPMED demande à la cour de :
Vu l'appel tendant à la nullité du jugement sollicitée comme ne visant pas les dernières conclusions de la concluante aux termes desquelles elle ne s'opposait pas au sursis à statuer dans l'attente de l'aboutissement de la procédure initiée par madame X. à l'encontre de la banque devant le tribunal judiciaire de Toulon.
- Donner acte à la banque qu'elle s'en rapporte à justice sur ce moyen de nullité.
Dans l'hypothèse où ce moyen serait accueilli :
- Statuant à nouveau dans le cadre de la dévolution,
- Surseoir à statuer dans l'attente de l'aboutissement de la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Toulon,
En tant que de besoin, statuer au fond sur les autres contestations,
- Débouter madame X. de toutes ses demandes fins et conclusions à l'exclusion de la demande de vente amiable.
A titre subsidiaire, au cas où la nullité du jugement ne serait pas prononcée,
Vu la demande de réformation du Jugement
- Dire l'appel recevable mais non fondé,
- Confirmer la décision dont appel,
- Renvoyer l'affaire devant la JEX immobilier pour contrôle des modalités de la vente amiable ordonnée et le cas échéant fixation de l'audience de vente forcée.
La BPMED s'en rapporte à justice sur la demande de nullité du jugement déféré au motif qu'il n'a pas statué sur ses dernières écritures du 9 mars 2022 et rappelle qu'en cas de nullité, la dévolution s'opère pour le tout.
Elle acquiesce à la demande de sursis à statuer dans l'attente du jugement du tribunal judiciaire de Toulon sur l'action en responsabilité pendante fondée sur le manquement du prêteur à son devoir de mise en garde.
Pour le surplus, elle demande la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté :
- la demande de sursis à statuer dans l'attente du renvoi préjudiciel devant la CJUE sur la validité des clauses d'exigibilité de plein droit des créances en l'état d'un prêt professionnel souscrit par une société commerciale,
- l'existence d'une clause abusive de déchéance du terme de plein droit entre deux sociétés commerciales,
- la déchéance du droit aux intérêts pour défaut d'information de la caution pour un cautionnement hypothécaire alors de plus qu'elle a exécuté cette obligation, et invoque la prescription de la demande de nullité du TEG de 5 ans à compter de la conclusion du contrat,
- la caducité du commandement régulièrement publié dans les deux mois de sa signification,
- l'octroi de délais de paiement en l'état de délais de fait déjà octroyés à madame X. et du défaut de preuve de ses capacités financières à payer sa dette en 24 mensualités.
Elle précise ne pas émettre de prétentions nouvelles mais seulement répondre aux contestations de madame X., les moyens de défense, même non soumis au premier juge, étant toujours recevables en appel.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La jonction sera prononcée entre les instances 22/08825 et 22/07921qui sont connexes pour porter sur le sort du même immeuble.
1/ Sur la demande de nullité du jugement :
Selon les dispositions de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel tend à faire réformer ou annuler par la cour d'appel un jugement rendu par une juridiction du premier degré.
Selon les dispositions de l'article 455 alinéa 1 du code précité, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date.
Selon les dispositions de l'article 458 du code précité, ce qui est prescrit par les articles 447, 451, 454, en ce qui concerne la mention du nom des juges, 455 (alinéa 1er) et 456 doit être observé à peine de nullité.
En application de l'article 455 alinéa 1er précité, s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date.
En l'espèce, le jugement déféré mentionne le 28 janvier 2022 comme date des dernières écritures de la BPMED avec un exposé succinct de ses prétentions, de rejet des demandes de madame X. à l'exclusion de celle de vente amiable, et de poursuite de la procédure de saisie immobilière.
Ainsi, il ne mentionne pas les dernières écritures de la BPMED du 9 mars 2022 aux termes desquelles il saisissait le juge de l'exécution des demandes très différentes suivantes :
« REJETER la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'aboutissement du renvoi préjudiciel de la Cour de cassation devant la Cour de Justice de l'Union Européenne,
DONNER acte à la concluante qu'elle acquiesce à la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'aboutissement de l'action en responsabilité initiée à son encontre dans une procédure connexe devant le tribunal judiciaire de Toulon RG 21/03751 ».
Ainsi, le premier juge n'a pas mentionné la date des dernières écritures de la BPMED notifiées le 9 mars 2022, en violation des dispositions de l'article 455 précité, et n'a pas rappelé dans le jugement déféré les prétentions et moyens qu'elles contenaient. Ce premier manquement à l'office du juge constitue une cause de nullité du jugement.
Par ailleurs, en application des dispositions des articles 4 et 5 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.
Le premier juge devait donc se prononcer sur la demande de madame X. de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'action indemnitaire pendante devant le tribunal judiciaire de Toulon, demande à laquelle la BPMED a acquiescé. Or, il a statué sur les contestations de madame X. et sur l'orientation de la procédure de saisie immobilière ; il a donc modifié l'objet du litige délimité par les parties en violation du « principe dispositif ».
Ainsi, le manquement du premier juge aux devoirs de son office prévus par les articles 4 et 5 du code de procédure civile, constitue une seconde cause d'annulation du jugement déféré.
Par conséquent, la demande d'annulation du jugement déféré est fondée et la nullité du jugement sera donc prononcée.
Par l'effet dévolutif de l'appel, la cour est saisie de l'entier litige et doit statuer sur les demandes des parties dans leur ordre de présentation.
2/ Sur l'exception de sursis à statuer :
Les articles 73 et 74 du code de procédure civile disposent que constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.
Les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.
L'article 378 du code de procédure civile dispose que la décision de sursis à statuer suspend le cours de l'instance jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.
En l'espèce, madame X. soulève in limine litis devant la cour une exception de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'action indemnitaire exercée à l'encontre de la BPMED par assignation du 2 juillet 2021 ; l'exception est donc recevable.
Dans le dispositif de ses dernières écritures notifiées le 10 novembre 2022, la BPMED demande à la cour de « surseoir à statuer dans l'attente de l'aboutissement de la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Toulon ». En l'absence de limitation de l'objet du sursis à statuer, il porte sur l'orientation de la procédure de saisie immobilière et sur les contestations de madame X.
Ainsi, le juge du second degré n'est tenu, en application des dispositions de l'article 5 du code de procédure civile, que sur ce qui lui est demandé et l'action en responsabilité peut influer sur la créance.
Par conséquent, le sursis à statuer sur l'orientation de la procédure de saisie immobilière et les contestations du débiteur saisi sera prononcé dans l'attente de l'issue de l'action en responsabilité pendante devant le tribunal judiciaire de Toulon.
Enfin, en l'état du sursis à statuer prononcé pour le motif précité, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire de sursis à statuer dans l'attente du renvoi préjudiciel de la Cour de Cassation à la CJUE.
3/ Sur l'irrecevabilité des autres demandes de la BPMED :
Selon les dispositions de l'article R. 311-5 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation, aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elle ne porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'acte.
Il s'en déduit que l'effet dévolutif de l'appel d'un jugement d'orientation doit être qualifié de limité et que le juge d'appel doit connaître des mêmes demandes que le premier juge ; toute autre demande doit donc être qualifiée de nouvelle et par voie de conséquence être déclarée irrecevable.
En l'espèce, les dernières conclusions du 9 mars 2022 de la BPMED, dont le premier juge était saisies, mentionnent uniquement les demandes suivantes :
- de rejet de la demande de sursis dans l'attente du résultat du renvoi préjudiciel à la CJUE,
- de donner acte à la concluante qu'elle acquiesce à la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'action indemnitaire pendante devant le tribunal judiciaire de Toulon.
Ainsi, la BPMED ne demandait pas au premier juge de statuer sur les contestations de madame X. et de les rejeter. Or, en application de l'article R. 311-5 précité, opposable au débiteur saisi comme au créancier poursuivant, le juge d'appel doit connaître des mêmes demandes que le premier juge.
Par conséquent, les demandes de la BPMED de statuer au fond sur les autres contestations et de débouter madame X. de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'exclusion de la demande d'autorisation de vente amiable, sont irrecevables.
En définitive, le sursis à statuer sur l'orientation de la procédure de saisie immobilière et les contestations du débiteur saisi sera ordonnée et les dépens de première instance et d'appel seront réservés.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant après débats en audience publique et après en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
ORDONNE la jonction entre les instances n° 22/7921 et 22/08825 sous le numéro 22/08825,
PRONONCE la nullité du jugement déféré,
STATUANT à nouveau au titre de l'effet dévolutif de l'appel,
ORDONNE le sursis à statuer sur les contestations de madame X. et l'orientation de la procédure de saisie immobilière dans l'attente de l'issue de l'action en responsabilité exercée contre la Banque Populaire Méditerranée et pendante devant le tribunal judiciaire de Toulon,
DIT que les parties devront justifier au greffe de la chambre 1-9 de la cour d'appel d'Aix en Provence de l'issue de la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Toulon dans un délai de 6 mois, sous peine de radiation de la présente instance prononcée d'office, et que dans ce cas, l'appel pourra être réinscrit au rôle sur, demande de la partie la plus diligente, et justificatif de l'issue de la procédure précitée,
DECLARE irrecevables les demandes de la Banque Populaire Méditerranée de statuer au fond et de débouter madame X. de toutes ses demandes sauf celle d'autorisation de vente amiable,
RESERVE les dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE