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CA BASSE-TERRE (2e ch. civ.), 17 février 2023

Nature : Décision
Titre : CA BASSE-TERRE (2e ch. civ.), 17 février 2023
Pays : France
Juridiction : Basse-Terre (CA), 2e ch.
Demande : 21/00408
Décision : 23/87
Date : 17/02/2023
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 8/04/2021
Numéro de la décision : 87
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10081

CA BASSE-TERRE (2e ch. civ.), 17 février 2023 : RG n° 21/00408 ; arrêt n° 87 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « 3°/ Attendu que le texte de l'article 31 du code de procédure civile n'est que l'expression en droit positif d'un très ancien principe de droit processuel hérité de l'Ancienne France, celle d'avant la Révolution de 1789, selon lequel « nul en France ne plaide par Procureur hormi le Roi », principe et texte desquels il résulte que, hors la représentation en justice par avocat ou, à titre exceptionnel, par toute personne que la loi qualifie expressément pour ce faire, nulle autre personne que l'Etat ne peut donner mandat à un tiers à sa personne ou à la personne du représentant légal d'une personne morale à l'effet d'agir en son nom devant une juridiction civile pour quelqu'objet que ce soit ;

Attendu qu'il en ressort notamment :

- que la recevabilité de l'action en responsabilité contractuelle engagée par un associé d'une société commerciale ou même par son gérant, mais en son nom personnel et non point en cette qualité de gérant, à l'encontre d'un cocontractant de ladite société, est elle-même subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel distinct de celui qui pourrait avoir été subi par la société,

- et que, a fortiori, si, à l'encontre des appréciations sur ce point du premier juge, une fin de non-recevoir est régularisable en tout état de cause et si, par suite, leur date est indifférente aux débats relatifs à la recevabilité de l'action de M. X., les mandats qu'il justifie, fût-ce tardivement, avoir reçus des assemblées générales de la société devenue « [Localité 3] AGREGATS » (en lieu et place de ARAWAK AGREGATS Ltd, sans autre explication), et des sociétés BEST BETON GD CASE et BEST PARPAINGS réunies respectivement les 29 septembre (pour la première) et 30 septembre 2021 (pour les deux autres) n'ont pu d'aucune façon régulariser l'irrecevabilité de son action puisque cette action n'a pas été engagée, ni en première instance ni en appel, au nom de chacune de ces sociétés, mais au seul nom de M. X., sans référence à sa qualité de gérant mandaté par ces sociétés, si bien que ce dernier en excipe ici en violation du principe ci-avant rappelé selon lequel nul ne peut agir qu'en son seul nom et pour la défense de ses seuls intérêts directs et personnels si la loi ne lui confère pas expressément qualité pour agir au nom d'un tiers, personne physique ou personne morale, étant observé qu'aucune loi n'existe qui conférerait à M. X. la qualité pour agir en son nom propre pour la défense des intérêts de ses sociétés. […]

Attendu qu'il convient en conséquence, aux motifs ci-avant, de confirmer la décision déférée en ce que le tribunal y a déclaré irrecevable, pour défaut de qualité à agir, l'action de M. X. à l'encontre de la société BLANCHARD en vue de l'indemnisation des préjudices desdites sociétés, la cour y ajoutant, au titre de ces motifs, un défaut d'intérêt à agir ».

 

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 17 FÉVRIER 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/00408. Arrêt n° 87. N° Portalis DBV7-V-B7F-DJY5. Décision déférée à la cour : jugement du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre en date du 10 mars 2021, dans une instance enregistrée sous le R.G. n° 2016/00598.

 

APPELANT :

Monsieur X.

[Adresse 1], [Localité 3], Représenté par Maître Noémie Chiche Maizener, avocate au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

 

INTIMÉE :

La SARL Blanchard

Dont le siège social est [Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Maître Nadia Boucher, avocate au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

 

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue à l'audience du 12 décembre 2022 devant la cour composée de M. Frank Robail, président, Mme Annabelle Clédat et M. Thomas Habu Groud, puis mise en délibéré devant la cour mêmement composé de : Monsieur Frank Robail, président, Madame Annabelle Clédat, conseillère, Monsieur Thomas Habu Groud, conseiller, qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 13 février 2023 ; puis, par avis du greffe datant du 10 février 2023, elles ont été informées de la prorogation de ce délibéré à ce jour.

GREFFIER :

- lors des débats : Mme Sonia Vicino

- lors du délibéré : Mme Armélida Rayapin.

ARRÊT : - Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. - Signé par Monsieur Frank Robail, président de chambre et par Mme Armélida Rayapin, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

La société BLANCHARD a une activité d'extraction et de commercialisation de matériaux de carrière nécessaires aux activités du bâtiment et des travaux publics, et, en cette qualité, a reçu, suivant arrêté préfectoral du 23 avril 2009, l'autorisation d'exploiter la carrière du lieudit « Espérance » à [Localité 3], laquelle se situe sur des terrains appartenant à M. X. et son frère ;

M. X. est chirurgien et gérant et associé à 50 % des sociétés BEST PARPAINGS, ARAWAK AGREGATS Ltd et BEST BETON GRAND CASE ;

Par acte sous seing privé conclu le 23 juin 2009 entre la société BLANCHARD, fournisseur, et M. X., « acheteur », ce dernier s'est engagé à se fournir en granulats auprès de la première pour une quantité minimale de 30.000 tonnes au prix unitaire de 18,50 euros HT la tonne, avec clause de révision de ce prix (article 10) et faculté de substitution de cet acheteur (article 8.2) ;

Par courrier du 11 octobre 2011, la société BLANCHARD a notifié à M. X. une augmentation et une modulation de ses tarifs à compter du 1er novembre 2011 ;

Par courrier du 12 mai 2014, la même société a informé ses clients de l'arrêt de la production de matériaux de la carrière de [Localité 3] et, partant, de ce qu'à compter du 25 suivant seuls les matériaux stockés leur seraient vendus jusqu'à épuisement des stocks ;

Par arrêté préfectoral du 2 septembre 2014, l'autorisation d'exploitation de ladite carrière a été retirée à la société BLANCHARD et transférée au groupe de sociétés JPH ;

Par acte d'huissier de justice du 23 novembre 2016, M. X. a fait assigner la société BLANCHARD devant le tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE à l'effet de la voir condamner, avec exécution provisoire, à lui payer les sommes suivantes :

- la contre-valeur en euros de la somme de 849.000 dollars au jour de la décision à venir, au titre du surcoût des consommations ARAWAK Ltd et BEST PARPAINGS, et de 735.328 euros pour celui de la société BEST BETON,

- 400.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la rupture d'approvisionnement du 12 mai 2014 au 15 octobre 2014,

- et 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Par jugement contradictoire du 10 mars 2021, le tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE :

- a rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par la SARL BLANCHARD,

- a déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir l'action de M. X. à l'encontre de la société BLANCHARD,

- a débouté la société BLANCHARD de sa demande reconventionnelle formée contre M. X. au titre des granulats non commandés,

- a condamné M. X. à payer à la société BLANCHARD la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

- et a rappelé que ce jugement est exécutoire par provision ;

[*]

Par déclaration remise au greffe par voie électronique le 8 avril 2021, M. X. a relevé appel de ce jugement, y intimant la société BLANCHARD et y limitant sa critique aux chefs de ce jugement par lesquels le tribunal :

- a déclaré son action irrecevable pour défaut de qualité à agir,

- et l'a condamné à payer à la société BLANCHARD la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;

Cet appel a été orienté à la mise en état et la SARL « SOCIETE BLANCHARD » a constitué avocat par acte remis au greffe et notifié à l'appelant par RPVA le 7 juin 2021;

L'appelant a conclu à deux reprises, par actes remis au greffe et notifiés à l'intimée par voie électronique (RPVA) respectivement les 6 août 2021 et 21 mars 2022 ;

L'intimée a conclu elle aussi à deux reprises et formé appel incident, par actes remis et notifiés par RPVA respectivement les 4 novembre 2021 et 8 juin 2022 ;

La mise en état a été clôturée par ordonnance du 19 septembre 2022, aux termes de laquelle l'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 12 décembre suivant ;

Sans opposition des parties, l'affaire a finalement été plaidée devant deux conseillers rapporteurs à cette audience du 12 décembre 2022, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, à ce jour ;

 

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :

1°/ Par ses dernières conclusions (n° 2) remises au greffe et notifiées à l'adversaire le 21 mars 2022, M. X., appelant, souhaite voir, au visa des articles 1134, 1188 et suivants du code civil en vigueur au jour du contrat du 23 juin 2009, 2224 et 2234 du même code et L. 442 -6 du code de commerce dans sa version applicable à la date des faits du litige :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit irrecevable son action pour défaut de qualité à agir,

Après infirmation,

- juger qu'il a qualité à agir :

** en vertu d'un mandat à agir en justice des sociétés ARAWAK, BEST BETON et BEST PARPAINGS avec effet rétroactif,

** en vertu d'une stipulation pour autrui implicite bénéficiant auxdites sociétés,

- juger encore que ses demandes indemnitaires ne sont pas prescrites,

- constater :

** la violation des obligations contractuelles de la société BLANCHARD à compter du 11 octobre 2011, qui a unilatéralement augmenté et modulé ses tarifs de vente d'agrégats au 1er novembre 2011 sans respecter les prévisions du contrat d'approvisionnement en granulats du 23 juin 2009 avec lui en qualité d'acheteur pour les besoins des entreprises dans lesquelles il est associé,

** la rupture d'approvisionnement non liée à un cas de force majeure par ladite société à compter du 12 mai 2014 qui a obligé un approvisionnement en dehors de l'île de [Localité 3] entraînant des surcoûts liés au transport et aux délais de livraison,

En conséquence :

- juger :

** qu'il a qualité pour agir au nom et pour le compte des sociétés ARAWAK, BEST BETON et BEST PARPAINGS,

** que ces sociétés bénéficient du contrat du 23 juin 2009 au moyen d'une stipulation pour autrui implicite,

** que la société BLANCHARD a manqué à ses obligations contractuelles et a agi de mauvaise foi à son égard et à l'égard desdites sociétés,

** qu'elle a en conséquence abusé de son monopole sur la fourniture de granulats sur l'île de [Localité 3], l'a soumis, lui et lesdites sociétés, à un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,

** que le préavis de 13 jours accordé dans le courrier de la société BLANCHARD du 12 mai 2004 est manifestement insuffisance compte tenu de la durée de 5 ans des relations commerciales établies avec les trois sociétés ARAWAK, BEST BETON et BEST PARPAINGS,

** qu'en rompant l'approvisionnement en granulats par courrier du 12 mai 2004, la société BLANCHARD a commis une rupture brutale des relations commerciales établies,

- condamner par suite ladite société à l'indemniser, en qualité d'acheteur, des préjudices subis, savoir :

** en raison de l'augmentation tarifaire, 849.009 dollars pour le surcoût des consommations des sociétés ARAWAK Ltd et BEST PARPAINGS avec une contre-valeur en euros au jour de la décision à venir, et 735.328 euros pour celui de la société BEST BETON (sommes à parfaire après décompte exact),

** 40.000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive de l'approvisionnement en granulats,

- débouter la société BLANCHARD de toutes ses demandes,

- infirmer la décision déférée en ce qu'elle l'a condamné à payer à ladite société la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

Après infirmation, condamner la société BLANCHARD à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Pour le surplus de ses explications, il est expressément référé aux écritures dernières de l'appelant ;

 

2°/ Par ses propres dernières écritures remises et notifiées le 8 juin 2022, la SARL BLANCHARD, intimée, conclut quant à elle aux fins de voir, au visa des articles 2224 et suivants du code civil, 9, 31, 56, 122 et 126 du code de procédure civile :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré M. X. irrecevable pour défaut de qualité à agir,

- juger irrégulier le mandat dont M. X. se prévaut de la part des trois sociétés ARAWAK, BEST BETON et BEST PARPAINGS, postérieurement à l'expiration du délai de prescription de l'action conformément aux dispositions de l'article 126 du code de procédure civile,

- juger que les stipulations claires du contrat ne comportent aucune stipulation pour autrui implicite,

- déclarer irrecevable M. X. en raison de la prescription de toute action tant de lui-même que des sociétés BEST PARPAINGS, ARAWAK AGREGATS et BEST BETON,

- déclarer irrecevable toute demande de M. X. au profit de la société BEST BETON au regard de l'autorité de chose jugée résultant de l'arrêt de la cour d'appel de BASSE-TERRE du 9 septembre 2019,

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE

- déclarer mal fondé M. X. en l'intégralité de ses demandes à défaut de tout préjudice justifiable tant pour lui-même que pour le compte des sociétés dont il se prétend mandataire,

- débouter en conséquence cet appelant de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à son égard,

A TITRE RECONVENTIONNEL

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle,

- Statuant à nouveau, condamner M. X. à lui payer la somme de 1.665.000 euros correspondant au prix des granulats non commandés en violation de ses obligations contractuelles issues du contrat signé le 23 juin 2009 avec elle, cette somme portant intérêts au taux légal à compter de la notification des conclusions de première instance du 9 février 2017 portant demande reconventionnelle,

En tout état de cause, condamner M. X. à lui payer une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens ;

Pour le surplus des explications de la société BLANCHARD, il est expressément référé à ses dernières écritures ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I - Sur la recevabilité de l'appel :

Attendu qu'il ne résulte d'aucun des éléments du dossier que l'appel formé à l'encontre du jugement querellé ne l'aurait pas été dans les délais de la loi ; qu'il sera donc jugé à cet égard recevable ;

 

II - Sur la recevabilité de l'action de M. X. à l'encontre de la société BLANCHARD (appel principal) :

Attendu que la recevabilité d'une action au plan de la qualité et de l'intérêt à agir s'apprécie non seulement au regard du lien contractuel ou délictuel ou quasi-délictuel qui lie le demandeur au défendeur, mais aussi au regard de l'objet des demandes qui sont formulées par le premier à l'encontre du second, en foi de quoi l'existence d'un contrat entre demandeur et défendeur ne confère par à elle seule à celui-là qualité ou intérêt à agir contre celui-ci si l'objet des demandes portées devant la juridiction est étranger soit aux cocontractants soit à l'objet du contrat ;

Attendu que le premier critère rend recevable l'action et les demandes de M. X. à l'encontre de la société BLANCHARD, puisqu'elles sont formées et formulées sur le fondement d'un contrat conclu entre l'un et l'autre le 23 juin 2009 ;

Attendu que ce contrat, intitulé « CONTRAT D'APPROVISIONNEMENT EN GRANULATS », a en effet été conclu entre la SARL BLANCHARD en sa qualité de fournisseur, d'une part, et M.X. en sa qualité d'« acheteur » d'autre part ;

Mais attendu qu'il résulte de ses stipulations que, si sa clause 8-2 autorisait l'acheteur à « se substituer ou (...) céder tout ou partie du présent contrat à toutes personnes dont X. détient directement ou indirectement au moins 50 % du capital social » à charge pour lui d'en informer son co-contractant par LRAR, M. X. n'y a consenti qu'en son nom personnel, aucune référence n'y étant faite aux trois sociétés BEST PARPAINGS, ARAWAK AGREGATS et BEST BETON qu'il prétend aujourd'hui avoir été bénéficiaires des fournitures qui en sont l'objet ;

Attendu que la seule circonstance que le « PREAMBULE » de ce contrat stipule que « l'acheteur recherche à s'approvisionner en granulats pour ses centrales à béton, ses installations de préfabrication et ses chantiers de construction » ne permet pas d'en induire une référence à ces sociétés puisque M. X. :

- s'y est ainsi bien gardé sciemment de citer ces sociétés comme bénéficiaires des granulats concernés par le contrat,

- et mentionne « ses » centrales à béton, « ses » installations de préfabrication et « ses » chantiers de construction, à l'exclusion formelle par suite, au regard du sens élémentaire de cet adjectif possessif « ses »), des centrales à béton, installations de préfabrication et chantiers de construction pouvant appartenir auxdites sociétés, celles-ci étant pourvues d'une personnalité juridique distincte de la sienne et sa qualité d'associé-gérant ne lui permettant aucunement une quelconque confusion entre ses propres biens et ceux de ces sociétés et leurs usages, sauf délit d'abus de biens sociaux pénalement réprimé ;

Attendu qu'il n'est pas prétendu par ailleurs, et moins encore justifié, que la clause 8-2 ait été activée a posteriori dans les formes prescrites au profit desdites sociétés ;

Or, attendu qu'il résulte de l'acte introductif de première instance, des conclusions subséquentes devant le premier juge telles que rapportées au jugement déféré, et des écritures en cause d'appel de M. X., que celui-ci y affirme ouvertement agir « au nom des sociétés BEST PARPAINGS, ARAWAK AGREGATS et BEST BETON » et ainsi demander pour lui-même (puisque les demandes de condamnation sont formulées par lui et pour lui) l'indemnisation des préjudices prétendument subis exclusivement par ces sociétés en suite de la rupture du contrat à l'initiative du fournisseur, à telle enseigne :

- que son premier moyen au soutien du rejet de la fin de non-recevoir que lui oppose l'intimée et qu'a retenue le premier juge, a précisément trait à la revendication du mandat reçu de chacune de ces sociétés pour agir pour leur compte,

- et que la définition des préjudices dont il demande indemnisation ne se réfère qu'aux surcoûts d'approvisionnement subis par les sociétés susvisées en suite de la résiliation d'un contrat qui leur est étranger (cf. pages 28 avant-dernier paragraphe (« il ressort de la consommation d'agrégats par ARAWAK LTD et BEST PARPAINGS un surcoût de 849.009,35 dollars et pour BEST BETON un surcoût de 735.327,62 euros ») et page 29 second paragraphe (« En l'espèce il s'avère que la société BLANCHARD a rompu l'approvisionnement des sociétés de M. X. en suite de l'arrêté préfectoral du 2 septembre 2014 ») des dernières écritures de l'appelant);

1°/ Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 1165 du code civil en sa version antérieure au 1er octobre 2016 applicable au contrat conclu en 2009, les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes et ne profitent aux tiers que dans le cas prévu à l'article 1121 du code civil (ancien) renvoyant à la stipulation pour autrui ;

Attendu que le contrat d'approvisionnement en granulats souscrit le 23 juin 2009 entre la société BLANCHARD et M. X., ès noms, expose en son préambule, ainsi que déjà relevé ci-avant, que l'acheteur « recherch(ait) à s'approvisionner en granulats pour ses centrales à béton, ses installations de préfabrication et ses chantiers de construction », sans référence aucune aux susdites sociétés dont il était pourtant le gérant ou dirigeant et qui, pourtant, pouvaient avoir à utiliser ce type de granulats ; et que, dès lors, aucune des sociétés BEST PARPAINGS, ARAWAK AGREGATS et BEST BETON, en tant qu'elles ne sont pas parties à cette convention, ne peut prétendre avoir subi un quelconque préjudice du fait de la rupture du contrat, ce d'autant qu'il n'est ni prétendu ni justifié que M. X. soit intervenu auprès du fournisseur cocontractant pour désigner telle ou telle personne morale qu'il aurait entendu se substituer dans les termes des prévisions de l'article 8-2 du contrat ;

2°/ Attendu que c'est encore à juste titre que le premier juge rappelle en son jugement déféré que l'article 31 du code de procédure civile réserve par principe le droit d'agir en justice aux seules personnes physiques ou morales qui justifient d'un intérêt légitime, né et actuel, direct et personnel au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour ce faire ;

Attendu qu'à cet égard, la loi n'attribue le droit d'agir au nom et pour le compte d'une société civile ou commerciale, sauf exception, qu'à la personne qui en est le représentant légal, soit, au cas d'espèce, s'agissant des SARL BEST BETON GRAND CASE et BEST PARPAINGS, à leur gérant respectif et, d'agissant de la société de droit étranger ARAWAK AGREGATS Ltd, à son directeur ; que si M. X. se prétend gérant ou dirigeant de ces trois sociétés, il est constant qu'il n'a agi devant le tribunal de commerce, puis, sur appel du jugement déféré, devant cette cour, qu'en son nom personnel et non point en qualité de représentant légal de chacune d'elles ; qu'il est donc, en cette procédure, dénué de qualité à agir contre la société BLANCHARD pour réparation des préjudices prétendument subis par lesdites sociétés du fait de la rupture du contrat conclu entre lui seul, ès noms, et cette société ;

Attendu qu'il peut être ajouté qu'il est même dénué de tout intérêt à agir au sens de l'article 31 sus-rappelé, puisqu'en nom personnel il n'a aucun intérêt direct et personnel en ses réclamations au titre des préjudices prétendument subis par trois tierces personnes morales et non point par lui-même ;

3°/ Attendu que le texte de l'article 31 du code de procédure civile n'est que l'expression en droit positif d'un très ancien principe de droit processuel hérité de l'Ancienne France, celle d'avant la Révolution de 1789, selon lequel « nul en France ne plaide par Procureur hormi le Roi », principe et texte desquels il résulte que, hors la représentation en justice par avocat ou, à titre exceptionnel, par toute personne que la loi qualifie expressément pour ce faire, nulle autre personne que l'Etat ne peut donner mandat à un tiers à sa personne ou à la personne du représentant légal d'une personne morale à l'effet d'agir en son nom devant une juridiction civile pour quelqu'objet que ce soit ;

Attendu qu'il en ressort notamment :

- que la recevabilité de l'action en responsabilité contractuelle engagée par un associé d'une société commerciale ou même par son gérant, mais en son nom personnel et non point en cette qualité de gérant, à l'encontre d'un cocontractant de ladite société, est elle-même subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel distinct de celui qui pourrait avoir été subi par la société,

- et que, a fortiori, si, à l'encontre des appréciations sur ce point du premier juge, une fin de non-recevoir est régularisable en tout état de cause et si, par suite, leur date est indifférente aux débats relatifs à la recevabilité de l'action de M. X., les mandats qu'il justifie, fût-ce tardivement, avoir reçus des assemblées générales de la société devenue « [Localité 3] AGREGATS » (en lieu et place de ARAWAK AGREGATS Ltd, sans autre explication), et des sociétés BEST BETON GD CASE et BEST PARPAINGS réunies respectivement les 29 septembre (pour la première) et 30 septembre 2021 (pour les deux autres) n'ont pu d'aucune façon régulariser l'irrecevabilité de son action puisque cette action n'a pas été engagée, ni en première instance ni en appel, au nom de chacune de ces sociétés, mais au seul nom de M. X., sans référence à sa qualité de gérant mandaté par ces sociétés, si bien que ce dernier en excipe ici en violation du principe ci-avant rappelé selon lequel nul ne peut agir qu'en son seul nom et pour la défense de ses seuls intérêts directs et personnels si la loi ne lui confère pas expressément qualité pour agir au nom d'un tiers, personne physique ou personne morale, étant observé qu'aucune loi n'existe qui conférerait à M. X. la qualité pour agir en son nom propre pour la défense des intérêts de ses sociétés ;

4°/ Attendu que M. X. invoque en dernier lieu, pour fonder ses demandes indemnitaires formulées au nom des trois sociétés sus-désignées, une stipulation pour autrui implicite ;

Attendu qu'il rappelle à bon droit qu'il appartient au juge, puis à la cour de rechercher si le contrat litigieux ne renfermait pas une stipulation explicite ou implicite au profit des sociétés BEST PARPAINGS, ARAWAK AGREGATS et BEST BETON pour le compte desquelles l'action de M. X. a été engagée à l'encontre de la société BLANCHARD, tout autant que de redonner au contrat son exacte qualification au regard de la commune intention des parties qui résulterait soit d'éléments intrinsèques soit d'éléments extrinsèques à ses stipulations formelles ; que cependant, l'office du juge, dans sa quête de la commune intention des parties, a pour limites la dénaturation du contrat, laquelle est prohibée au fondement des dispositions légales qui en font la loi des parties ;

Or, attendu que c'est à juste escient que le premier juge, tout en reconnaissant qu'une stipulation pour autrui implicite peut exister dans certaines conditions, a constaté et jugé que les faits de l'espèce l'excluent nécessairement, qui la rendent impossible dès lors que le contrat du 23 juin 2009 stipule expressément, en sa clause 8.2, la faculté pour l'acheteur (M. X.) de se substituer ou de céder tout ou partie de ce contrat à toutes personnes morales dont il détient directement ou indirectement au moins 50 % du capital social à charge d'en informer son co-contractant par LRAR ;

Attendu qu'en effet, aux termes de l'article 1121 ancien du code civil, celui-là même qui est applicable au contrat de 2009, l'on peut stipuler au profit d'un tiers lorsque telle est la condition d'une stipulation que l'on fait pour soi-même ou d'une donation que l'on fait à un autre, alors même que les termes de la clause 8.2 sus-visée sont ouvertement incompatibles avec une quelconque stipulation, qu'elle soit explicite ou implicite, au profit des sociétés BEST PARPAINGS, ARAWAK AGREGATS et BEST BETON ; et que la circonstance que M. X. ait mentionné au contrat, en préambule, qu'il recherchait à s'approvisionner en granulats 'pour ses centrales à béton, ses installations de préfabrication et ses chantiers de construction', ne peut valoir stipulation pour autrui ni explicite ni implicite, puisqu'il y vise expressément, au moyen de l'adjectif possessif utilisé à trois reprises ('ses'), ses propres besoins et non point ceux de sociétés tierces, peu important que ces sociétés aient des activités identiques à celles des centrales, installations et chantiers ainsi visés et les mêmes besoins en approvisionnements ;

Attendu que c'est encore à tort que M. X. estime pouvoir démontrer la stipulation pour autrui invoquée au constat :

- de la proximité de l'activité de ces sociétés d'avec celle de la société BLANCHARD,

- de la contiguité des centrales à béton visées au contrat à l'installation de concassage du fournisseur,

- de l'application du tarif du contrat litigieux, dit 'tarif X.', aux livraisons opérées au profit de chacune des sociétés,

- et de la globalisation des factures des trois sociétés sur son compte client ;

Attendu qu'en effet, aucune de ces circonstances, non plus que le confusionnisme certain entretenu par la société BLANCHARD entre ses quatre clients (M. X., ès noms et chacune desdites sociétés), n'apparaît de nature, ni à elle seule ni dans leur addition, à contredire la stipulation expresse du contrat litigieux selon laquelle M. X. ne l'a signé que pour assurer les fournitures de 'ses' centrales, installations et chantiers, avec cette précision de la clause 8-2 qui lui ouvrait la possibilité de transférer ce contrat à telle ou telle de ces sociétés ; et que le contraire reviendrait à dénaturer les termes clairs et précis de la convention ;

Attendu qu'il convient en conséquence, aux motifs ci-avant, de confirmer la décision déférée en ce que le tribunal y a déclaré irrecevable, pour défaut de qualité à agir, l'action de M. X. à l'encontre de la société BLANCHARD en vue de l'indemnisation des préjudices desdites sociétés, la cour y ajoutant, au titre de ces motifs, un défaut d'intérêt à agir ;

 

III - Sur la demande reconventionnelle de la SARL BLANCHARD (appel incident) :

Attendu que la société BLANCHARD reproche à M. X. de ne point faire la preuve de ce qu'il ait respecté son obligation contractuelle personnelle de commandes de granulats, en son nom propre et non pas au nom de ses sociétés, pour un minimum de 30.000 tonnes par an et demande indemnisation du non-respect prétendu de cette obligation au plan quantitatif pour les années 2012, 2013 et 2014, sur la base du prix de vente desdits granulats, soit 18,50 euros la tonne ou 555.000 euros par an, soit 1.665000 euros pour l'entière période, supposant ainsi qu'aucune des commandes visées au contrat du 23 juin 2009 n'ait été passée ;

Attendu qu'il s'agit là d'une demande de dommages et intérêts fondée sur l'inexécution d'une obligation contractuelle, laquelle implique la démonstration d'une faute ou d'un manquement contractuel de M. X., d'un préjudice et d'un lien de causalité direct et certain entre faute et préjudice ;

Or, attendu que la société BLANCHARD est à cet égard demanderesse et soumise par suite au principe tiré de l'article 9 du code de procédure civile suivant lequel il incombe au demandeur de faire la preuve des faits nécessaires au succès de sa prétention ;

Attendu qu'il lui appartient par suite de faire la preuve de l'absence totale de commandes de la part de M. X. ; que si elle ne produit rien à cet égard, elle s'y trouve en large part aidée par les écritures de ce dernier aux termes desquelles il prétend et affirme que les commandes exigibles sont celles qui ont été passées par ses sociétés, reconnaissant par là même implicitement, mais nécessairement, n'avoir jamais rien commandé personnellement, alors même qu'il a été jugé ci-avant que le contrat litigieux ne concernait pas ces sociétés ; que M. X. va même jusqu'à ajouter, pour parfaire sa démonstration, qu'il « est ubuesque d'estimer qu('il) aurait besoin de 30.000 tonnes en son nom propre » ; qu'il en résulte un véritable et complet aveu de ce qu'à titre personnel M. X. n'ait jamais procédé à une quelconque commande ; qu'en revanche, le caractère « ubuesque » du contrat litigieux qu'il met en exergue pour revenir à sa thèse d'un contrat passé au bénéfice de ses trois sociétés, n'est pas établi, dès lors que le fait que l'intéressé n'ait pas usé de la faculté de substitution bel et bien offerte par l'article 8.2 du contrat, a pu n'être que le résultat d'une négligence de sa part ou de tout autre calcul étranger à la présente instance, dont il n'a pas su tirer les suites judiciaires utiles à sa thèse ;

Mais attendu que la société BLANCHARD, qui doit prouver son préjudice réel, ne produit aucun élément, ni lettre, ni courriels, ni mises en demeure ou sommations qu'elle aurait faites à M. X., par lesquels elle aurait signalé et se serait plainte, surtout pour les exercices 2012 à 2014 objets de sa demande indemnitaire, de l'absence de commandes au titre du contrat du 23 juin 2009 ; qu'en particulier, ni dans sa lettre à M. X. du 11 octobre 2011 en vue d'une augmentation tarifaire, ni dans sa lettre de résiliation du contrat du 12 mai 2014, elle n'invoque l'absence de commandes de la part du susnommé ; que cette dernière lettre est en réalité une notification impersonnelle faite « à tous les clients de BLANCHARD SARL, [Localité 3] », en ce compris les sociétés de M. X. dont elle ne conteste pas qu'elle les fournissait également en agrégats ; qu'il en résulte qu'à aucun moment avant l'engagement par M. X. de la présente instance, la société BLANCHARD n'a estimé avoir subi ou subir un quelconque préjudice de l'absence de commande du susnommé;

Attendu qu'elle ne dit pas davantage aujourd'hui la nature et la portée de ce préjudice puisqu'elle se borne, comme en première instance, à réclamer le prix des commandes non passées sur la base des prévisions minimales du contrat, soit 30.000 tonnes par an au prix unitaire de 18,50, soit, pour les 3 exercices considérés, 1 665.000 euros, sans égard à la juste appréciation du premier juge selon laquelle l'entier chiffre d'affaires manquant ne peut en aucune façon constituer son réel préjudice ;

Attendu qu'en effet, une société commerciale qui se voit privée d'un chiffre d'affaires par la faute contractuelle de son cocontractant, est de toute façon infondée à estimer son préjudice à ce chiffre d'affaires, le principe en la matière contractuelle, comme en matière délictuelle, étant celui de la réparation intégrale des préjudices, ni moins, ni plus ;

Or, attendu qu'une société commerciale qui vend des agrégats, a des charges de production, de commercialisation, de livraison, coûts des matériaux et personnels induits compris, qui se déduisent du prix de vente desdits agrégats pour aboutir à une marge brute d'exploitation dont seule la perte constitue le véritable préjudice indemnisable de l'entreprise victime ; qu'en effet, dès lors qu'aucune commande ne lui est passée pour les matériaux qu'elle produit, elle n'en a aucune charge d'exploitation et de production ;

Attendu que le premier juge l'a déjà rappelé en son jugement déféré, cependant que la société BLANCHARD persiste en appel à réclamer un préjudice lié à la perte d'un chiffre d'affaires ; qu'elle ne produit aucun élément comptable qui seul aurait permis de déterminer son réel préjudice financier liée à la marge brute ; et qu'il y a lieu par suite de constater qu'elle ne fait toujours pas ici la preuve du préjudice qu'elle prétend avoir subi de l'inexécution du contrat litigieux et, subséquemment, de confirmer le jugement déféré en ce que le tribunal l'y a déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;

 

IV - Sur les dépens et frais irrépétibles de première instance et d'appel :

Attendu que M. X. succombe en appel, tout comme en première instance, en ses demandes principales, de sorte que :

- d'une part, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il lui a imputé la charge des dépens de première instance et l'a condamné à payer à la société BLANCHARD la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de cette même instance,

- et d'autre part, ce même appelant sera condamné aux entiers dépens d'appel, ainsi que, subséquemment, à indemniser l'intimée de ses frais irrépétibles d'appel à hauteur de la somme de 5.000 euros ;

Attendu que, corrélativement, M. X. doit être débouté de ses propres demandes au titre des dépens et frais irrépétibles ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

- Dit recevable l'appel formé par M. X. à l'encontre du jugement du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE en date du 10 mars 2021,

- Confirme ce jugement en toutes ses dispositions déférées tant par l'appel principal que par l'appel incident,

Y ajoutant,

- Déboute M. X. de ses demandes au titre des dépens et frais irrépétibles d'appel,

- Condamne M. X. à payer à la SARL BLANCHARD une somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Et ont signé,

La greffière                                       Le président