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CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 8 février 2023

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 8 février 2023
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 4
Demande : 20/01691
Décision : 23/16
Date : 8/02/2023
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 16/01/2020
Numéro de la décision : 16
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10103

CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 8 février 2023 : RG n° 20/01691 ; arrêt n° 16 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Selon l'article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue de droit d'agir. Les moyens invoqués par les sociétés Domino's Pizza France et Pizza Center France au soutien de leur fin de non-recevoir ne tendent en réalité qu'à critiquer le bien-fondé des prétentions de la société X. Restauration et de M. X. - à savoir si les éléments constitutifs des pratiques restrictives de concurrence au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce sont établis, et si les manquements contractuels allégués sont caractérisés à leur égard - mais sont inopérants à discuter leur droit d'agir à l'encontre de ces prétentions, c'est-à-dire leur qualité pour se défendre à son action. Dès lors, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à défendre des sociétés Domino's Pizza France et Pizza Center France sera rejetée. »

2/ « Dans le dernier état de leurs écritures, la société X. Restauration et son gérant sollicitent l'annulation du contrat de franchise, non plus au titre d'un vice du consentement, mais en ce que plusieurs clauses contractuelles doivent être annulées au titre de pratiques restrictives de concurrence vidant ainsi le contrat de sa substance (points 198 et suivants de leurs conclusions).

S'agissant de la durée de la prescription, celle-ci est fixée à cinq années par l'article L.110-4 du code de commerce. S'agissant de la détermination du point de départ du délai de prescription, il y a lieu d'appliquer l'article 2224 du code civil qui dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Comme le font valoir à juste titre les sociétés intimées, le point de départ de l'action en nullité d'un contrat est la date de conclusion du contrat. Les appelants n'apportent pas d'élément précis les concernant permettant d'établir qu'ils n'étaient pas en mesure d'apprécier à cette date la validité des clauses contractuelles dont ils réclament l'annulation, étant précisé qu'ils font valoir un certain nombre de pratiques dont ils auraient pris la mesure avec l'enquête diligentée par le ministre de l'économie mais qui ne se rattachent à aucune clause particulière du contrat (les prix, contrôle des points de vente, frais...)

Dès lors, l'action en annulation du contrat de franchise - conclu le 1er juillet 2005 et tacitement reconduit le 1er juillet 2010 - introduite le 11 mai 2016 devant le tribunal est prescrite et partant irrecevable. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 4

ARRÊT DU 8 FÉVRIER 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/01691. Arrêt n° 16 (17 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CBK6T. Décision déférée à la Cour : Jugement du 3 décembre 2019 - Tribunal de Commerce de RENNES - RG n° 2016F00217.

 

APPELANTS :

M. X.

Né le [date] à [Localité 8], [Adresse 4], [Localité 2]

EURL X. RESTAURATION

agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de la [Localité 7] sous le numéro XXX, [Adresse 4], [Adresse 6], [Localité 3], Représentés par Maître Marie-Laure BONALDI, avocat au barreau de PARIS, toque B0936, avocat postulant, Assistés de Maître Philippe LE GOFF de la SELARL CRESSARD & LE GOFF AVOCATS, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant

 

INTIMÉES :

SAS PIZZA CENTER FRANCE

agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro YYY, [Adresse 1], [Localité 5]

SAS DOMINO'S PIZZA FRANCE

agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro ZZZ [Adresse 1], [Localité 5]

SAS FRA-MA-PIZZ

agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro WWW, [Adresse 1], [Localité 5]

Représentées par Maître Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque L0044, avocat postulant, Assistées de Maître Jean-Daniel BRETZNER du Cabinet BREDIN PRAT, avocat au barreau de PARIS, toque T12 et de Maître Sandrine RICHARD, de la SELARL SIMON ASSOCIES avocat au barreau de PARIS, toque P0411, avocats plaidants.

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 23 novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de la chambre 5.4, Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre, Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère, qui en ont délibéré un rapport a été présenté à l'audience par Madame Sophie DEPELLEY dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile

Greffière, lors des débats : Madame Mianta ANDRIANASOLONIARY

ARRÊT : - Contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le réseau de restaurants « Pizza Sprint », détenu jusqu'au 25 janvier 2016 par le groupe « Pizza Sprint », a pour activité la fabrication et la distribution de pizzas sur la marché de la livraison à domicile ou à emporter.

Le groupe était composé de trois filiales détenues par la société holding Food Court Finances dirigée par M. Y. :

- la société Fra-Ma-Pizz (ci-après « le franchiseur ») qui a exploité des points de vente ou concédé l'exploitation de l'enseigne par la conclusion de contrats de franchise ;

- la société Pizza Center France (ci-après « le fournisseur ») qui était la centrale d'approvisionnement en produits alimentaires et non alimentaires du réseau ;

- la société Somainmag qui avait été constituée pour réaliser l'aménagement des points de vente du réseau et n'est plus en activité.

Le 1er juillet 2005, la société X. Restauration (ci-après « le franchisé ») a conclu un contrat de franchise avec la société Fra-Ma-Pizz pour l'exploitation d'un fonds de commerce de restauration rapide sous l'enseigne « Pizza Sprint » à [Localité 7] ([Localité 7]).

M. X. est le gérant de cette société.

Après avoir été tacitement reconduit une fois, le contrat de franchise est arrivé à son terme le 30 juin 2015, sur demande du franchisé.

Le 25 janvier 2016, la société Domino's Pizza France (ci-après « la société Domino's Pizza »), exploitant dans le même secteur le premier réseau de franchise français en nombre de points de vente, s'est portée acquéreur auprès de la société Food Court Finance de 100 % des titres composant le capital social des sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France, à l'exclusion de la société Somainmag.

Par actes extrajudiciaires du 11 mai 2016, puis du 19 septembre 2018, la société X. Restauration et M. X. ont assigné les sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France, puis la société Domino's Pizza France, devant le tribunal de commerce de Rennes pour demander la nullité du contrat de franchise - initialement pour vice du consentement, puis à raison de clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dont la nullité aurait pour effet de vider le contrat de sa substance - et, subsidiairement, pour faire prononcer sa résiliation aux torts exclusifs du franchiseur ; et obtenir les restitutions et indemnisations consécutives.

Ces instances ont été jointes.

Par jugement du 3 décembre 2019, le tribunal de commerce de Rennes a :

- Déclaré irrecevables les demandes de la société X. Restauration et de M. X. tendant à :

* Déclarer recevable et bien fondée la demande du Ministre ;

* Y faire droit en tous points ;

* Déclarer recevable et bien fondée l'intervention volontaire principale des concluants ;

* Joindre les instances engagées par les concluants à l'instance enrôlée sous le n°2017 F00131

* Annuler ou résilier le contrat de franchise aux torts de Pizza Center France.

- Déclaré irrecevables les demandes de Fra-Ma-Pizz, Domino's Pizza France et Pizza Center France tendant à :

* Rejeter la demande de jonction de la présente instance avec l'instance initiée par le Ministre (RG n°2017 F 00131) ;

* Constater que l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief à l'encontre des défenderesses dans la mesure où ce texte n'observe pas le principe de légalité des délits et des peines consacré respectivement par (i) la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et (ii) par le Pacte civil relatif aux droits politiques ;

* Constater l'absence de soumission ou de tentative de soumission au sens de l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce ;

* Constater que les demandes fondées non pas avec une clause mais sur une pratique qui aurait été instaurée par la société Fra-Ma-Pizz ne saurait relever de l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce ;

* Constater l'absence de déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce.

Et :

- Débouté X. Restauration et M. X. de leurs autres demandes ;

- Condamné in solidum X. Restauration et M. X. aux entiers dépens de l'instance

- Condamné in solidum X. Restauration et M. X. à payer à Fra-Ma-Pizz et Pizza Center la somme de 10.000 euros chacun au titre des dispositions de l'article 700 du CPC ;

- Débouté Fra-Ma-Pizz, Domino's Pizza France et Pizza Center France du surplus de leurs demandes ;

- Liquidé les frais de greffe à la somme de 133,40 euros tels que prévu aux articles 695 et 701 du CPC.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 16 janvier 2020, la société X. Restauration et M. X. ont interjeté appel de ce jugement.

Parallèlement, entre 2013 et 2016, la DGCCRF a mené une enquête sur les relations commerciales entre partenaires au sein du réseau « Pizza Sprint » à l'issue de laquelle plusieurs franchisés ont dénoncé des pratiques susceptibles de constituer des entraves au libre jeu de la concurrence.

La DGCCRF a considéré que les contrats de franchise du réseau « Pizza Sprint » contenaient des clauses qui, par leur objet ou par leurs effets, limitaient la liberté et l'autonomie commerciale des franchisés de manière telle qu'elles étaient porteuses d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens L. 442-6-I-2° du code de commerce dans sa version applicable.

Par actes des 9, 13 et 15 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances (ci-après « le Ministre » ou « le Ministre de l'économie ») a assigné les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France, Domino's Pizza France, Food Court Finance et Somainmag devant le tribunal de commerce de Rennes au visa des anciens articles L. 442-6-I-2° et L. 442-6-I-1° du code de commerce.

A cette instance sont volontairement intervenus, à titre principal, des sociétés franchisées et leur(s) gérant(s) et à titre accessoire notamment, la société X. Restauration et M. X.

Ces derniers ont sollicité en vain la jonction de l'ensemble des instances devant le tribunal de commerce de Rennes qui a donc statué séparément sur chacune d'elles.

Par jugement du 22 octobre 2019, rendu dans le cadre de l'action du Ministre, le tribunal de commerce de Rennes, s'agissant des clauses litigieuses soumises à son appréciation au visa de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce dans sa version applicable, a notamment :

- prononcé la nullité des clauses relatives à l'intuitu personae,

- prononcé la nullité des clauses relatives aux modalités de résiliation et de cessation

Par un arrêt du 5 janvier 2022, rendu sur appel du jugement susvisé, la cour d'appel de Paris, pour les contrats de franchise versés aux débats, a notamment décidé que :

- seules les clauses intuitu personae et de résiliation dans les contrats antérieurs à 2012 sont annulées ;

- les clauses d'approvisionnement et de stocks minimum ne sont pas annulées mais il a été enjoint aux sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza, au titre d'un déséquilibre significatif, de cesser la pratique consistant à insérer au contrat de franchise une clause de stock minimum couplée à une clause d'approvisionnement formellement non exclusive mais permettant par des règles de contrôle d'imposer de fait un approvisionnement exclusif ou quasi exclusif auprès d'un fournisseur appartenant au même groupe de sociétés que le franchiseur ;

- les clauses d'aménagement initial des points de vente, les clauses de résiliation des contrats postérieurs à 2012 n'ont pas été annulées ni sur le fondement du déséquilibre significatif ni sur le fondement de l'avantage sans contrepartie ;

- les pratiques relatives à la mise en œuvre du contrôle des points de vente, à la fixation des prix de vente, à la maîtrise des actions promotionnelles, à la facturation de la formation et autres Frais accessoires, n'ont pas été jugées en elles-mêmes comme générant un déséquilibre significatif ou un avantage sans contrepartie.

Le 10 janvier 2022 un pourvoi (n° R 22-10.314) a été formé contre cet arrêt devant la Cour de cassation.

* * *

Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 9 octobre 2022, la société X. Restauration et M. X. demandent à la Cour de :

- Déclarer recevable et bien fondée l'appel de la société X. Restauration et de Monsieur X. ;

Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- Déclaré irrecevables les demandes de la Société X. Restauration et de Monsieur X. tendant à :

* Déclarer recevable et bien fondée la demande du Ministre de l'Economie ;

* Y faire droit en tous points ;

* Déclarer recevable et bien fondée l'intervention volontaire principale des concluants ;

* Joindre les instances engagées par les concluants à l'instance enrôlée sous le n° 2017 F 00131

* Annuler ou résilier le contrat de franchise aux torts de Pizza Center France ;

- Débouté la Société X. Restauration et de Monsieur X. de ses demandes

- Condamné in solidum la société X. Restauration et Monsieur X. à payer à Fra-Ma-Pizz et Pizza Center la somme de 10.000 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- Déclaré irrecevables les demandes de Fra-Ma-Pizz, Domino's Pizza France et Pizza Center France tendant à :

* Rejeter la demande de jonction de la présente instance avec l'instance initiée par M. le Ministre de l'Economie et des Finances (RG n° 2017 F 00131) ;

* Constater que l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief à l'encontre des défenderesses dans la mesure où ce texte n'observe pas le principe de légalité des délits et des peines consacré respectivement par (i) la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et (ii) par le pacte civil relatif aux droits politiques ;

* Constater l'absence de soumission ou de tentative de soumission au sens de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce ;

* Constater que les demandes fondées non pas avec une clause mais sur une pratique qui aurait été instaurée par la société Fra-Ma- Pizz ne sauraient relever de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce ;

* Constater l'absence de déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce ;

- Débouté les Sociétés Fra-Ma-Pizz, Domino's Pizza France et Pizza Center France de leurs demandes

Statuant à nouveau, en conséquence :

- Prononcer l'annulation de chacune des clauses affectées d'un déséquilibre significatif, au sens de l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce ;

- Constater que l'annulation de l'ensemble de ces clauses vident les contrats de leur substance et, en conséquence, annuler les contrats de franchise,

- A défaut, prononcer leur résiliation aux torts exclusifs de la Société Fra-Ma-Pizz ;

- Débouter les sociétés Pizza Center France, Fra-Ma-Pizz, Domino's Pizza France, de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause

1°) Concernant la société X. Restauration

a) Au titre de la restitution des redevances

- Condamner in solidum les Sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à lui verser la somme de 61.122,89 €,

b) Au titre de pertes de marge sur les approvisionnements

- Condamner in solidum les Sociétés Pizza Center France, Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à lui verser la somme de 295.006 €,

c) Au titre des prestations de marketing

- Condamner in solidum les Sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à lui verser les sommes de 8.700 € et 58.987,83 €,

2°) Concernant M. X.

a) Au titre de la perte de revenus

- Condamner in solidum les Sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à lui verser la somme de 100.000 €,

b) Au titre du préjudice moral

- Condamner in solidum les Sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à lui verser la somme de 30.000 €

- Ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal par années entières conformément à l'article 1343-2 du Code civil, à dater de l'assignation ;

- Condamner in solidum les Sociétés Pizza Center France, Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à verser à chacun des concluants la somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Les condamner in solidum aux dépens, parmi lesquels seront compris l'ensemble des frais d'exécution (y compris les émoluments de l'huissier en application de l'article A444-32 du Code de commerce).

[*]

Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 24 octobre 2022, les intimées demandent à la Cour de :

Vu les articles 2, 9, 30 et suivants, 122, 132 et 132 du Code de procédure civile,

Vu les articles 1101, 1116, 1134, 1147, 1152, 1178, 1184, 1224, 1304 alinéa 1, 1353 alinéa 1 et 2044 du Code civil,

Vu les articles L.110-4, L.511-1 et suivants du Code de commerce,

Vu les articles L. 442-6-I-1° et L. 442-6-I-2° et L. 442-6-III (ancien) du code de commerce,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats,

- Déclarer les sociétés Domino's Pizza France, Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France recevables et bien fondées en l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

- Dire et juger irrecevable et mal fondé l'appel interjeté par la société X. Restauration et Monsieur X., et en conséquence débouter X. Restauration et Monsieur X. de l'ensemble de leurs demandes, fins, et prétentions,

CE FAISANT :

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rennes le 3 décembre 2019 en ce qu'il a :

* déclaré irrecevables les demandes de Fra-Ma-Pizz, Domino's Pizza France et Pizza Center France tendant à :

- rejeter la demande de jonction de la présente instance avec l'instance initiée par Mr le Ministre de l'Économie et des Finances (RG n°2017F00131) ;

- constater que l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief à l'encontre des Concluantes dans la mesure où ce texte n'observe pas le principe de légalité des délits et des peines consacré respectivement par (i) la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et (ii) par le Pacte civil relatif aux droits politiques ;

- constater l'absence de soumission ou de tentative de soumission au sens de l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce ;

- constater que les demandes fondées non pas avec une clause, mais sur une pratique qui aurait été instaurée par la société Fra-Ma-Pizz ne sauraient relever de l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce ;

- constater l'absence de déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce ;

* débouté les sociétés Fra-Ma-Pizz, Domino's Pizza France et Pizza Center France du surplus de leurs demandes, notamment de celles relatives aux fins de non-recevoir, aux incidents soulevés et aux demandes reconventionnelles.

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rennes le 3 décembre 2019 en ce qu'il a :

* déclaré irrecevables les demandes de Monsieur X. et de la société X. Restauration tendant à :

- déclarer recevable et bien fondée la demande du Ministre de l'Économie ;

- y faire droit en tous points ;

- déclarer recevable et bien fondée leur intervention volontaire principale ;

- joindre les instances engagées par eux à l'instance enrôlée sous le n°2017 F 00131 ;

-annuler ou résilier le contrat de franchise aux torts de Pizza Center France ;

* débouté Monsieur X. et la société X. Restauration de leurs autres demandes, et notamment celles relatives à la résiliation du contrat de franchise conclu avec la société Fra-Ma-Pizz aux torts de la société Fra-Ma-Pizz et aux demandes indemnitaires de Monsieur X. et la société X. Restauration ;

* condamné in solidum Monsieur X. et la société X. Restauration à verser au titre des dispositions de l'article 700 du CPC ;

* condamné in solidum Monsieur X. et la société X. Restauration aux entiers dépens de l'instance.

ET, STATUANT À NOUVEAU :

I/ SUR LES INCIDENTS :

(i) Constater que la société Domino's Pizza France n'a pas qualité pour défendre,

(ii) Constater que la société Pizza Center France n'a pas qualité pour défendre,

- En conséquence, déclarer irrecevables les demandes à l'encontre des sociétés Domino's Pizza France et Pizza Center France,

(iii) Constater que la demande d'annulation du contrat de franchise relatif au point de vente de [Localité 7] conclu le 1er juillet 2005, renouvelé le 1er juillet 2010, par la société X. Restauration avec la société Fra-Ma-Pizz est prescrite, l'assignation ayant été délivrée le 11 mai 2016,

- En conséquence, déclarer irrecevables les demandes de la société X. Restauration et Monsieur X. fondées sur l'annulation du contrat de franchise conclu avec la société Fra-Ma-Pizz relatif au point de vente de [Localité 7],

(iv) Constater que Monsieur X. n'a pas intérêt à agir, faute de préjudice direct, personnel et distinct,

- En conséquence, déclarer irrecevables les demandes de Monsieur X. ;

II/ SUR CE, AU FOND :

II. A/ SUR LES DEMANDES DES FRANCHISÉS

A titre préalable, si par extraordinaire la cour d'appel de céans considérait que les sociétés Domino's Pizza France et Pizza Center France ont qualité pour défendre dans le cadre de la présente instance, il lui est demandé de :

(i) Constater que les conditions de mise en cause de la responsabilité de la société mère pour les faits de sa filiale ne sont pas remplies et que le principe de l'autonomie de la personnalité morale fait, en toute hypothèse, obstacle à la mise en cause de la responsabilité de la société mère et/ou d'une autre société du groupe,

- En conséquence, débouter les Franchisés de leur demande de condamnation in solidum à l'encontre des société Domino' Pizza France et Pizza Center France,

II. A. 1/ SUR LE REJET DES DEMANDES D'ANNULATION DES CLAUSES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L. 442-6-I-2° DU CODE DE COMMERCE (DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF)

a/ À TITRE PRINCIPAL

(i) Constater que l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief à l'encontre des concluantes dans la mesure où ce texte n'observe pas le principe de légalité des délits et des peines consacré respectivement par (i) la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté fondamentales et par (ii) le Pacte civil relatif aux droits politiques,

- En conséquence, débouter les franchisés de leurs demandes formulées à ce titre,

b/ À TITRE SUBSIDIAIRE

(i) Constater l'absence de soumission ou de tentative de soumission au sens de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce,

- En conséquence, débouter les franchisés de leurs demandes fondées sur L. 442-6-I-2° du code de commerce,

Si la cour d'appel de Paris venait à considérer que la démonstration de l'existence d'une soumission ou tentative de soumission exigée par l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce est caractérisée :

(ii) Constater que les demandes des franchisés fondées non sur une clause mais sur une pratique qui aurait été instaurée par la société Fra-Ma-Pizz ne saurait relever de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce,

(iii) Constater, l'absence de déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce en ce qui concerne :

- la clause d'aménagement des points de vente ;

- la clause d'approvisionnement ;

- la clause sur le stock minimum ;

- la prétendue surfacturation des actions commerciales ;

- la prétendue facturation hors contrat du « forfait marketing », des « frais divers » et des « frais de port et de conditionnement » ;

- les modalités de contrôle des points de vente (contrôles qualité et hygiène, des tests de « client-mystère » et visites des animateurs réseau) ;

- le prétendu défaut de formation continue des franchisés et la prétendue double facturation de la formation initiale ;

- la clause sur la gestion et administration du personnel ;

- la clause sur la gestion et l'administration de l'activité commerciale (outils informatiques) ;

- la clause sur le respect de l'évolution du réseau ;

- la clause sur l'information du franchiseur ;

- la clause de non-concurrence applicable pendant la durée du contrat de franchise ;

- la clause sur l'obligation d'assurances ;

- la clause sur l'obligation de confidentialité et discrétion ;

- la clause de non-concurrence post-contractuelle ;

- En conséquence, débouter les franchisé de l'ensemble de leurs demandes fondées sur L. 442-6-I-2° du code de commerce,

II. A. 2/ SUR LE REJET DE LA DEMANDE D'ANNULATION DU CONTRAT DE FRANCHISE

a/ À TITRE PRINCIPAL

(i) Constater l'impossibilité pour la société X. Restauration de solliciter l'annulation du contrat de franchise conclu avec la société Fra-Ma-Pizz sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce,

- En conséquence, débouter la société X. Restauration de sa demande d'annulation du contrat de franchise conclu avec la société Fra-Ma-Pizz sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce,

b/ À TITRE SUBSIDIAIRE

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel de céans considérait que la société X. Restauration a la faculté de solliciter l'annulation du contrat de franchise conclu avec la société Fra-Ma-Pizz sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce :

(i) Constater que la demande d'annulation du contrat de franchise ne saurait uniquement résulter de la nullité de clauses de ce contrat, si nombreuses soient elles, faute pour la société X. Restauration de démontrer que ces clauses ont constitué la volonté impulsive et déterminante du consentement des parties à contracter,

- En conséquence, débouter la société X. Restauration de sa demande d'annulation du contrat de franchise conclu avec la société Fra-Ma-Pizz,

II. A. 3/ SUR LE REJET DE LA DEMANDE DE RÉSILIATION DU CONTRAT DE FRANCHISE

(i) Constater que le contrat de franchise liant la société X. Restauration à la société Fra-Ma-Pizz est arrivé à son terme le 30 juin 2015,

(ii) Constater que les griefs fondant la demande de la société X. Restauration de résiliation dudit contrat de franchise conclu avec la société Fra-Ma-Pizz portent sur des faits postérieurs à la cessation dudit contrat,

(iii) Constater l'absence de manquement de la société Fra-Ma-Pizz à ses obligations contractuelles,

- En conséquence, débouter la société X. Restauration de sa demande de résiliation du contrat de franchise conclu avec la société Fra-Ma-Pizz aux torts exclusifs de Fra-Ma-Pizz,

II. A. 4/ À TOUTES FINS UTILES, SUR LE REJET DES DEMANDES DES FRANCHISÉS SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L. 442-6, I, 1° DU CODE DE COMMERCE (AVANTAGE SANS CONTREPARTIE)

(i) Constater l'absence d'avantage sans contrepartie au sens de l'article L. 442-6, I, 1° du code de commerce,

- En conséquence, débouter les franchisés de l'ensemble de leurs demandes fondées sur L. 442-6, I, 1° du code de commerce,

II. A. 5/ SUR LE REJET DES DEMANDES FINANCIÈRES DES FRANCHISÉS

(i) A titre préalable, dire et juger que Domino' Pizza France est totalement étrangère aux faits qui fondent les griefs formulés par la société franchisée et son gérant, de sorte qu'aucune demande de condamnation « in solidum » ne peut être formulée à son encontre,

- En conséquence, rejeter la demande de condamnation in solidum à l'encontre de la société Domino' Pizza France,

Dans l'hypothèse extraordinaire où la cour d'appel de céans prononcerait l'annulation du contrat de franchise, il lui est demandé de :

(ii) Considérer que les sommes dues par Fra-Ma-Pizz au titre de la restitution en nature se compensent totalement avec les sommes dues par la société X. Restauration au titre de la restitution par équivalent,

- En conséquence, prononcer la compensation entre les sommes que Fra-Ma-Pizz et la société X. Restauration pourraient se devoir en exéution de l'arrêt à intervenir,

En toutes hypothèses :

(iii) Rejeter les demandes financières de la société X. Restauration et Monsieur X. fondées sur la résiliation du contrat de franchise conclu avec la société Fra-Ma-Pizz,

(iv) Constater que la société X. Restauration et Monsieur X. ne justifient pas le fondement de leurs demandes d'indemnisation (nullité ou résiliation),

(v) Constater que la société X. Restauration et Monsieur X. échouent dans la preuve d'une faute de Fra-Ma-Pizz, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute invoquée et le préjudice allégué,

- En conséquence, rejeter l'ensemble des demandes financières formulées par la société X. Restauration et Monsieur X.,

II. B/ SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES DES CONCLUANTES

(i) Constater qu'en intentant la présente procédure, la société X. Restauration et Monsieur X. ont commis un abus manifeste du droit d'ester en justice qui doit être sanctionné,

- En conséquence, condamner in solidum la société X. Restauration et Monsieur X. au paiement de la somme de 100.000 euros aux sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France au titre de la procédure abusive engagée à leur encontre et de la somme de 3.000 euros au titre d'une amende civile,

II. C/ EN TOUTE HYPOTHÈSE :

(i) Rejeter l'ensemble des prétentions et demandes des franchisés non rejetées par le jugement dont il est fait appel du Tribunal de commerce de Rennes 3 décembre 2019 (RG n°2016 F 00217),

(ii) Condamner in solidum la société X. Restauration et Monsieur X. à verser à Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza France la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

(iii) Condamner in solidum la société X. Restauration et Monsieur X. à supporter les dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP AFG, aux offres de droit.

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022.

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

I - Sur la qualité à défendre des sociétés Domino's Pizza France et Pizza Center France :

Au visa des articles 32 et 122 du code de procédure civile, les sociétés Pizza Center France et Domino's Pizza France font valoir qu'elles n'ont pas qualité pour se défendre face aux demandes d'annulation ou de résiliation du contrat de franchise, et aux demandes indemnitaires subséquentes, de sorte que les prétentions formulées à leur encontre sont irrecevables. A ce titre, elles soutiennent être totalement étrangères aux faits qui fondent les griefs allégués puisqu'elles n'ont pas conçu le contrat litigieux, ni participé aux discussions qui ont précédé sa conclusion, ni apposé leur signature sur ce contrat. Elles affirment n'avoir accompli aucune des actions propres à permettre de leur imputer un rôle dans la violation de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, ni avoir eu un « rôle actif » direct ou indirect dans les manquements contractuels allégués. Elles rappellent que le principe d'autonomie des personnes morales membres d'un même groupe ne cède que s'il est démontré qu'il n'existe en réalité qu'une seule personne morale et/ou une confusion des patrimoines.

Réponse de la Cour,

Selon l'article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue de droit d'agir.

Les moyens invoqués par les sociétés Domino's Pizza France et Pizza Center France au soutien de leur fin de non-recevoir ne tendent en réalité qu'à critiquer le bien-fondé des prétentions de la société X. Restauration et de M. X. - à savoir si les éléments constitutifs des pratiques restrictives de concurrence au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce sont établis, et si les manquements contractuels allégués sont caractérisés à leur égard - mais sont inopérants à discuter leur droit d'agir à l'encontre de ces prétentions, c'est-à-dire leur qualité pour se défendre à son action.

Dès lors, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à défendre des sociétés Domino's Pizza France et Pizza Center France sera rejetée.

Le jugement sera confirmé sur ce point sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la société X. Restauration et de M. X. en ce qu'elles tendent à annuler ou résilier le contrat de franchise aux torts de Pizza Center France.

 

II - Sur la demande d'annulation du contrat de franchise :

La société franchisée et son gérant ont été déboutés de leur demande d'annulation du contrat de franchise par le tribunal de commerce qui, se référant à sa décision rendue dans l'instance initiée par le Ministre de l'économie, a considéré que la nullité des seules clauses relatives à l'intuitu personae et aux modalités de résiliation et cession du contrat au titre du déséquilibre significatif ne permet pas de vider de sa substance le contrat.

Au titre de leur appel, la société X. Restauration et M. X. demandent l'infirmation du jugement sur ce point et sollicitent de la Cour aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions de :

- Prononcer l'annulation de chacune des clauses affectées d'un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce

- Constater que l'annulation de l'ensemble de ces clauses vident les contrats de leur substance et, en conséquence, annuler les contrats de franchise,

Ils font valoir pour l'essentiel d'une part que l'impossibilité pratique pour eux de fixer librement leurs prix de vente justifie le prononcé de la nullité du contrat de franchise (point 89 de leurs conclusions) et d'autre part qu'un grand nombre de clauses du contrat de franchise doivent être annulées sur le fondement du déséquilibre significatif ou de l'avantage sans contrepartie et que l'annulation de toutes ces clauses vidant le contrat de sa substance, celui-ci doit être annulé (points 198 et suivants de leurs conclusions).

A cet effet, il est soutenu que sont nulles les clauses suivantes du contrat :

- la clause d'intuitu personae,

- la clause de résiliation et la clause relative à la cessation du contrat de franchise, - la clause relative à l'aménagement du point de vente des franchisés,

- la clause d'approvisionnement exclusif,

- la clause imposant de détenir un stock minimum,

- la mise en œuvre du contrôle des points de vente,

- la fixation des prix de vente et la maîtrise des actions promotionnelles par Fra-Ma-Pizz,

- les facturations de frais accessoires non justifiées.

En réplique, les sociétés Fra-Ma-Pizz, Domino's Pizza et Pizza Center France relèvent d'abord que l'article L. 442-6-I-2° sur lequel le franchisé fonde sa demande de nullité de contrat offre uniquement la possibilité pour un plaideur d'obtenir l'annulation des clauses générant un déséquilibre significatif et non l'annulation mécanique de l'intégralité du contrat.

Ensuite, elles soutiennent que son action est prescrite en ce que le point de départ de la prescription est la conclusion du contrat de franchise en application de l'article 2224 du code civil.

Sur le fond, elles font essentiellement valoir que les conditions d'application de l'article L. 442-6, I 2° précité ne sont pas réunies pour les clauses et pratiques litigieuses, d'une part l'élément de soumission n'est pas démontré dans le cadre du contrat de franchise et d'autre part aucun déséquilibre significatif n'est démontré dans les droits et obligations des parties pour aucune des clauses ou pratiques litigieuses. Elles soutiennent que les conditions d'application de l'article L. 442-6, I, 1° ne sont pas davantage remplies. Elles ajoutent qu'en toute hypothèse, il n'est pas démontré que les clauses litigieuses aient été essentielles et déterminantes du consentement du franchisé.

Réponse de la Cour,

* Sur la prescription de l'action en annulation :

Dans le dernier état de leurs écritures, la société X. Restauration et son gérant sollicitent l'annulation du contrat de franchise, non plus au titre d'un vice du consentement, mais en ce que plusieurs clauses contractuelles doivent être annulées au titre de pratiques restrictives de concurrence vidant ainsi le contrat de sa substance (points 198 et suivants de leurs conclusions).

S'agissant de la durée de la prescription, celle-ci est fixée à cinq années par l'article L.110-4 du code de commerce.

S'agissant de la détermination du point de départ du délai de prescription, il y a lieu d'appliquer l'article 2224 du code civil qui dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Comme le font valoir à juste titre les sociétés intimées, le point de départ de l'action en nullité d'un contrat est la date de conclusion du contrat. Les appelants n'apportent pas d'élément précis les concernant permettant d'établir qu'ils n'étaient pas en mesure d'apprécier à cette date la validité des clauses contractuelles dont ils réclament l'annulation, étant précisé qu'ils font valoir un certain nombre de pratiques dont ils auraient pris la mesure avec l'enquête diligentée par le ministre de l'économie mais qui ne se rattachent à aucune clause particulière du contrat (les prix, contrôle des points de vente, frais...)

Dès lors, l'action en annulation du contrat de franchise - conclu le 1er juillet 2005 et tacitement reconduit le 1er juillet 2010 - introduite le 11 mai 2016 devant le tribunal est prescrite et partant irrecevable.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

 

III - Sur les manquements au titre du contrat de franchise :

Pour rejeter la demande de résiliation et les demandes indemnitaires de la société X. Restauration et de Monsieur X., le tribunal a retenu que les manquements contractuels allégués étaient tous postérieurs à l'acquisition du réseau « Pizza Sprint » par la société Domino's Pizza France en date du 25 janvier 2016, soit après la cessation du contrat de franchise litigieux arrivé à son terme le 30 juin 2015.

La société franchisée et son gérant soutiennent que la société Fra-Ma-Pizz a été défaillante dans l'exécution de ses obligations et notamment :

- n'a pas respecté ni garantie l'indépendance des franchisés dans la gestion de leurs activités,

- n'a pas assuré son obligation d'assistance,

- a été défaillante dans la transmission et l'actualisation de son savoir-faire,

- a laissé périr l'enseigne,

- a surfacturé de nombreux frais injustifiés.

Ils font valoir que l'ensemble de ces manquements - et pas seulement ceux postérieurs à la cession - engage la responsabilité contractuelle de la société Fra-Ma-Pizz, et la société franchisée sollicite la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchiseur, outre des dommages et intérêts en réparation des préjudices causés par ces fautes. Soutenant que la société Domino's Pizza France a contribué de façon indirecte à la réalisation du dommage, il est sollicité sa condamnation in solidum au paiement des sommes réclamées en réparation des préjudices invoqués.

La société Fra-Ma-Pizz conteste l'ensemble des manquements allégués et fait valoir pour l'essentiel qu'elle a respecté ses obligations de franchiseur.

La société Domino's Pizza France conteste toute faute de nature à engager sa responsabilité, les relations contractuelles s'étant achevées avant l'opération d'acquisition.

 

III - 1 - Sur le grief tiré du non-respect des obligations relatives à la transmission et actualisation du savoir-faire, l'assistance et le maintien de l'importance du réseau :

La société franchisée et son gérant exposent qu'à la suite de l'acquisition de l'ensemble des titres composant le capital social des sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center par la société Domino's Pizza France le 26 janvier 2016, l'intention de cette dernière était à court terme la conversion du réseau Sprint Pizza à l'enseigne Domino's Pizza. Selon le franchisé, bien que l'annonce ait été faite de la poursuite des contrats de franchise pour ceux qui ne souhaitaient pas rejoindre le réseau concurrent Domino's Pizza, la stratégie n'en demeurait pas moins de faire disparaître le réseau Pizza Sprint. Ils relèvent à cet effet un nombre restreint d'animateurs de réseau sans expérience suffisante, l'absence de plan marketing ou de projet de développement de la communication sur les réseaux sociaux, un savoir-faire ne faisant plus l'objet d'une actualisation, à savoir l'évolution du site internet, la diversification des modes de distribution ou la mise au point de nouvelles recettes, confinant à sa disparition. Ils observent que le franchiseur ne s'est plus employé à développer son réseau et que celui-ci est passé de janvier 2016 à juillet 2018 de 89 magasins à 9. Ils ajoutent qu'ils ont rencontré des difficultés logistiques à la suite de la reprise de la centrale d'achat par la société Transgourmet et qu'ils n'ont plus bénéficié de l'assistance du franchiseur. Ils en déduisent que le franchiseur a ainsi manqué à ses obligations contractuelles de nature à engager sa responsabilité.

Les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza répliquent pour l'essentiel que, outre le fait que les manquements allégués sont postérieurs à la fin de la relation contractuelle, le franchiseur a bien respecté ses obligations contractuelles jusqu'à la cessation des contrats de franchise, à savoir l'obligation de formation continue, l'obligation de marketing/communication par diverses campagnes de publicités, l'obligation d'assistance telle que l'organisation de comité de pilotage, la possibilité de commande en ligne et le maintien de l'usage de l'enseigne et des signes distinctifs. Elles soutiennent que le savoir-faire n'a pas disparu, qu'il a toujours été transmis et que le nombre de point de vente composant le réseau de franchise est indifférent au savoir-faire. En revanche elles prétendent que le franchiseur n'est pas tenu à une obligation d'actualisation du savoir-faire ni de maintenir l'importance du réseau. Elles insistent sur le fait qu'aucun changement d'enseigne n'a été imposé aux franchisés, que les conversions constatées se sont toujours faites sur la base du volontariat.

Réponse de la Cour,

Le débat relatif à la transmission du savoir-faire, à l'obligation d'assistance et au maintien de l'importance du réseau porte sur des griefs postérieurs à l'opération d'acquisition du réseau « Pizza Sprint » par Domino's Pizza en date du 25 janvier 2016, qui ne peuvent être utilement invoqués à titre de manquements contractuels, s'agissant d'une relation contractuelle achevée le 30 juin 2015.

Dès lors, ces prétendus manquements sont impropres à fonder la résiliation du contrat et une demande de restitution des redevances.

Le jugement sera confirmé sur ces points.

 

III - 2 - Sur le grief tiré du respect de l'indépendance du franchisé dans la gestion de ses activités :

La société franchisée et son gérant dénoncent, en divers points de leurs dernières conclusions, des pratiques du franchiseur Fra-Ma-Pizz limitant de manière abusive leur autonomie dans la gestion de leur activité, à savoir : la fixation des prix, la maîtrise des actions promotionnelles, l'aménagement et le contrôle du point de vente.

Cependant la Cour constate que la société franchisée et son gérant n'invoquent ces pratiques qu'au soutien de leur demande d'annulation du contrat de franchise et qu'elles ne sont explicitement alléguées ni au titre de la résiliation du contrat de franchise (points 209 à 248 de leurs conclusions), ni au titre de l'indemnisation d'un préjudice particulier (points 253 et suivants de leurs conclusions).

Aussi l'examen de la Cour se limitera au grief tiré de l'obligation d'approvisionnement, seul celui-ci étant spécifiquement invoqué au titre de la demande de résiliation du contrat et de l'indemnisation d'un préjudice particulier de pertes sur marge.

 

* Sur l'obligation d'approvisionnement

La société franchisée et son gérant font principalement valoir que le réseau Pizza Sprint fonctionnait avec une centrale d'achat : la société Pizza Center France, exerçant sous l'enseigne Logis Pizza, conçue au seul profit du groupe franchiseur au détriment du franchisé. Ils expliquent que le nom et l'existence de cette centrale d'achat ne figurait ni dans le DIP ni dans le contrat de franchise dans lequel il était seulement indiqué que le franchiseur sélectionnait chaque année des listes de produits et de fournisseurs. Ils relèvent qu'en réalité, seule Logis Pizza était retenue et que le franchisé de fait était tenu de s'approvisionner auprès de cette société, au travers de divers contrôle ou menace de résiliation du contrat de la part du franchiseur. Or, ils soutiennent que cette centrale d'achat fonctionnait 'à l'envers', en ce que au lieu de permettre au franchisé de bénéficier d'économies d'échelle liées au groupement des achats, il était au contraire contraint de s'approvisionner à des prix 40% supérieur au niveau du marché, remettant en cause la rentabilité du point de vente. Ils font observer que cette pratique confinait à la fraude concernant le pâton, indispensable à la fabrication des pizzas.

Les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza répliquent pour l'essentiel, d'une part, qu'il ne pèse aucune obligation d'approvisionnement exclusif sur la société franchisée auprès des fournisseurs référencés par le franchiseur. Elles précisent que la clause d'approvisionnement du contrat de franchise offre la possibilité au franchisé, s'il le souhaite de s'approvisionner auprès de fournisseur extérieur sous réserve de respecter la procédure contractuellement fixée, faculté que le franchisé a fait le choix de ne pas mettre en œuvre pendant de nombreuses années. D'autre part, elles soutiennent que les prix pratiqués par Pizza Center France étaient cohérents au regard des prix du marché sans pratique de marge excessive et qu'il n'est versé aux débats aucun élément de nature à prouver l'existence de prix supérieurs pratiqués par Pizza Center France ou Transgourmet,

outre que, pour qu'une telle comparaison soit possible, il conviendrait de comparer des produits précisément identifiés et qui seraient réellement comparables. Elles précisent qu'il a bien existé une recette de pâton spécifique et fourni à titre exclusif par grain d'orgel à Fra-Ma-Pizz jusqu'à l'année 2017.

Réponse de la Cour,

Le raisonnement tenu par la société X. Restauration a pour point de départ les clauses de stock minimum et d'approvisionnement du contrat de franchise dans une rédaction qui n'est pas celle du contrat litigieux (points 139 et 157 de leurs conclusions) et porte sur des faits en partie postérieurs à la fin de la relation contractuelle avec la société Fra-Ma-Pizz et Pizza Center (notamment points 147 à 157 et 240 et suivants des conclusions).

Par ailleurs, il n'est pas produit de pièces spécifiques à la situation de la société X. Restauration, qui se contente de produire les bilans comptables des années 2009 à 2015 ne permettant pas d'établir un montant d'achat de marchandises auprès de la société Pizza Center.

A défaut d'élément justifiant d'un préjudice et d'un manquement contractuel spécifique à l'égard de la société X. Restauration, celle-ci sera déboutée de sa demande de résiliation du contrat et d'indemnisation d'un préjudice lié à une perte de marge sur les approvisionnements.

Le jugement sera confirmé sur ces points.

 

IV - Sur les autres demandes de la société X. Restauration et de M. X. :

Sur la demande au titre des prestations de marketing de la société X. Restauration

La société X. Restauration fait valoir qu'une somme de 150 euros par mois était facturée au titre d'un pack marketing, alors que la prestation était incluse dans le contrat de franchise de base, soit l'équivalent de 8 700 euros sur la durée du contrat et qu'en outre cette prestation a été sur-facturée à hauteur de 58 987,83 euros. Elle demande la condamnation in solidum des sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à lui payer ces sommes.

Toutefois la société X. Restauration ne produit aux débats aucun élément permettant de mettre en évidence une sur-facturation ou le paiement de somme ne correspondant à aucune prestation.

La société franchisée sera déboutée de sa demande et le jugement sera confirmé sur ce point.

 

Sur les demandes de M. X.

Les manquements contractuels invoqués n'étant pas établis, M. X. sera débouté de ses demande au titre d'une perte de revenus et d'un préjudice moral.

Le jugement sera confirmé sur ces chefs de préjudice.

 

V - Sur la demande d'indemnité pour procédure abusive de la société Fra-Ma-Pizz :

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles des sociétés intimées pour procédure abusive et autre titre d'une amende civile, dès lors que si la société X. Restauration et M. X. se sont mépris sur l'étendue de leur droit, ils n'ont pas fait dégénérer en abus leur droit à l'exercice d'une action en justice ni en première instance ni en appel.

 

VI - Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société X. Restauration et M. X. aux dépens de première instance, et à payer aux sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center la somme de 10.000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société X. Restauration et Monsieur X., succombant en appel, seront condamnés aux dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société X. Restauration et M. X. seront déboutés de leurs demandes et condamnés in solidum à payer aux sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza France la somme globale de 5.000 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a :

- déclaré irrecevables les demandes de la société X. Restauration et de M. X. tendant à annuler ou résilier le contrat de franchise aux torts de Pizza Center France,

- débouté la société X. Restauration et M. X. de leur demande d'annulation du contrat de franchise,

Statuant à nouveau de ces chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare recevables les prétentions formulées par la société X. Restauration et M. X. à l'encontre des sociétés Domino's Pizza France et Pizza Center France,

Déclare irrecevable comme prescrite l'action en annulation du contrat de franchise de la société X. Restauration,

Déboute la société X. Restauration et M. X. de l'ensemble de leurs autres demandes,

Condamne la société X. Restauration et M. X. in solidum aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon la procédure de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société X. Restauration et M. X. in solidum à payer aux sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza France la somme globale de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIERE                                         LA PRESIDENTE