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CA CHAMBÉRY (ch. civ. 1re sect.), 11 avril 2023

Nature : Décision
Titre : CA CHAMBÉRY (ch. civ. 1re sect.), 11 avril 2023
Pays : France
Juridiction : Chambery (CA), ch. civ. sect. 1
Demande : 21/00080
Date : 11/04/2023
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 15/01/2021
Référence bibliographique : 6302 (architecte, maître d’œuvre)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10174

CA CHAMBÉRY (ch. civ. 1re sect.), 11 avril 2023 : RG n° 21/00080

Publication : Judilibre

 

Extrait : « En premier lieu, c'est à l'issue d'une analyse pertinente que le premier juge a écarté l'application de l'article 9 du contrat de maîtrise d'œuvre, limitant la responsabilité de la société Your concept by au montant des honoraires, sur le fondement de l'article L. 132-1 et L. 132-5 du code de la consommation, considérant qu'il s'agissait d'une clause abusive. »

 

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 11 AVRIL 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/00080. N° Portalis DBVY-V-B7F-GTA5. Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON-LES-BAINS en date du 23 novembre 2020.

 

Appelants :

M. T. X.

né le [date] à [Localité 10], demeurant [Adresse 2],

Mme K. X.

née le [date] à [Localité 7], demeurant [Adresse 2]

Représentés par la SELARL LEVANTI, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS

SARL SVB - SOCIETE VIZILLOISE DE BATIMENT

dont le siège social est situé [Adresse 1], Représentée par la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES, avocats postulants au barreau de CHAMBERY, Représentée par la SCP GUIDETTI BOZZARELLI LE MAT, avocats plaidants au barreau de GRENOBLE

SARL YOUR CONCEPT BY

dont le siège social est situé [Adresse 6] (SUISSE), Représentée par Maître Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY, Représentée par la SCP CABINET BOUVARD, avocats plaidants au barreau de BONNEVILLE

 

Intimées :

SA MAAF ASSURANCES

dont le siège social est [Adresse 9], Représentée par la SAS MERMET & ASSOCIES, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS

Société SMABTP

dont le siège social est situé [Adresse 4], Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocats au barreau de CHAMBERY

Société HELVETIA ASSURANCES

dont le siège social est situé [Adresse 5] (SUISSE)

SARL BALTIC CONSTRUCTION BOIS

dont le siège social est situé [Adresse 3], Sans avocats constitué

 

Date de l'ordonnance de clôture : 2 janvier 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 31 janvier 2023

Date de mise à disposition : 11 avril 2023

Composition de la cour : - Mme Hélène PIRAT, Présidente, - Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère, - Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

Dans le cadre de la construction de leur maison d'habitation à [Localité 8] (74), M. T. X. et Mme Y. épouse X. ont signé un contrat de maîtrise d'œuvre avec la société Your concept by (SARL) le 12 février 2010 pour un montant de 40.000 euros HT, cette dernière étant assurée par la société Helvetia assurances.

Suivant devis acceptés les 10 octobre 2011 et 5 décembre 2011, la société Vizilloise de bâtiment (SARL), assurée auprès de la société Maaf assurances (SA), s'est vue confier par les époux X. les lots maçonnerie, charpente, couverture, ossature bois, plâtrerie, peinture et menuiserie pour des montants de 55.454,61 euros TTC pour la maçonnerie et 272.633,20 euros TTC pour le surplus.

Suivant marché de travaux du 2 février 2011, la société Vizilloise de bâtiment a sous-traité à la société Baltic construction bois (SARL), assurée auprès de la SMABTP, le lot n°2 « charpente, ossature bois, isolation, zinguerie, menuiserie extérieure, plâtrerie, menuiserie intérieure » pour un montant de 202.124 euros TTC.

Les époux X. se sont par ailleurs réservés la gestion et le suivi d'un certain nombre de lots : chauffage, électricité, peinture, carrelage.

Des difficultés sont intervenues entre les époux X. et les différents intervenants.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 juin 2013, la société Your concept by a notifié aux époux X. la rupture du contrat les liant en application de l'article 8 de celui-ci.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 juillet 2013, les époux X. ont mis en demeure la société Vizilloise de bâtiment et la société Your concept by de procéder à la réception de l'ouvrage le 31 juillet 2013.

En l'absence de rapprochement entre les parties, les époux X. ont saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 31 décembre 2013, a ordonné une expertise judiciaire qui a été confiée à M. Z..

L'expert a déposé son rapport le 6 octobre 2014.

Par actes d'huissier des 12, 17, 18 et 31 mars 2015, M. T. X. et Mme Y. épouse X. ont assigné la société Your concept by, son assureur la société Helvetia assurances, la société Vizilloise de bâtiment, son assureur la Maaf devant le tribunal judiciaire de Thonon-les-bains aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

Par actes des 2 et 3 juin 2015, la société Vizilloise de bâtiment a appelé en la cause la société Baltic construction bois et son assureur la société SMABTP.

Par jugement rendu le 23 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a :

- dit que les demandes des époux X. et de la société Vizilloise de Bâtiment formées à l'encontre de la SMABTP sont recevables ;

- dit que la loi française s'applique au contrat de maîtrise d'œuvre signé le 12 février 2010 entre les époux X. et la société Your concept by ;

- prononcé la réception judiciaire des travaux à la date du 31 juillet 2013, avec les réserves formulées dans le rapport de M. H. du 11 juillet 2013 ;

- condamné la société Vizilloise de bâtiment à payer aux époux X. les sommes de 1.000 euros, 200 euros, 5.000 euros, 5.000 euros, 2.500 euros, 750 euros, 5.000 euros, 200 euros, 100 euros, 5.000 euros, 250 euros, 500 euros, 10.000 euros soit la somme totale de 35.500 euros ;

- condamné in solidum la société Vizilloise de bâtiment, la société Your concept by et la société Helvetia à payer aux époux X. les sommes de 500 euros, 10.000 euros, 30.000 euros, 5.000 euros, soit la somme totale de 45.500 euros ;

- dit que l'ensemble de ces sommes sera indexée sur l'indice des prix à la construction calculé entre le jour du dépôt du rapport, soit le 6 octobre 2014, et le jour du présent jugement ;

- déclaré nulles et nul effet les clauses d'exclusion et de limitation de responsabilité contenues à l'article 9 du contrat de maîtrise d'œuvre signé par les époux X. et la société Your concept by ;

- dit que la Maaf doit sa garantie au titre de la responsabilité contractuelle de la société Vizilloise de bâtiment uniquement pour les deux postes retenus au titre de la maçonnerie gros oeuvre soit les désordres dans les locaux du sous-sol et les tampons béton sur regards EP pour les sommes respectives de 1.000 euros et 500 euros ;

- dit que la Maaf est fondée à opposer la franchise contractuelle à la société Vizilloise de bâtiment ;

- rejeté l'ensemble des demandes formées à l'encontre de la SMABTP ;

- prononcé en conséquence la mise hors de cause de la SMABTP ;

- condamné la société Your concept by à verser aux époux X. la somme de 3.000 euros au titre du trop-perçu relatif aux honoraires du maître d'œuvre ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné in solidum les sociétés Your concept by, Vizilloise de bâtiment, Helvetia et Maaf, à verser aux époux X. la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum les sociétés Your concept by, Vizilloise de bâtiment, Helvetia et Maaf aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de M. Pianta, avocat.

Le tribunal a notamment retenu que :

* dans leurs dernières conclusions respectives, tant la société Your concept by que les époux X. n'entendent pas voir appliquer le droit suisse et sollicitent l'application de la loi française ;

* la maison était habitable au 31 juillet 2013 sachant que l'entrepreneur principal, la société Vizilloise de bâtiment n'est plus intervenue sur le chantier après cette date et que l'architecte, la société Your concept by avait résilié son contrat le 11 juin 2013 ;

* les devis de travaux de réparation ne sont pas détaillés dans l'expertise ni produits par les demandeurs, alors qu'ils s'élèvent à un montant supérieur du double de l'évaluation initiale de l'expert judiciaire, dans ces circonstances, cette évaluation initiale de l'expert sera retenue pour chaque poste de préjudice, le tribunal n'étant pas en mesure de vérifier les devis précités et leur contenu;

* une grande partie des désordres est imputable à la société Vizilloise de bâtiment, avec pour certains, une part de responsabilité incombant au maître d'œuvre ;

* aucune clause relative à des pénalités de retard n'est prévue dans les contrats signés par les époux X. tant avec la société Your concept by qu'avec la société Vizilloise de bâtiment ;

* les clauses d'exclusion de responsabilité et de limitation de responsabilité sont abusives en ce qu'elles réduisent à néant la responsabilité du maître d'œuvre et limitent les dommages et intérêts pouvant être octroyés au maître d'ouvrage au montant des honoraires perçus par l'architecte.

[*]

Par déclaration au greffe en date du 15 janvier 2021, M. T. X. et Mme Y. épouse X. interjetaient appel de cette décision en ce qu'elle a :

- dit que la MAAF doit sa garantie au titre de la responsabilité contractuelle de la société Vizilloire de bâtiment uniquement sur deux postes retenus au titre de la maçonnerie gros œuvre soit les désordres dans les locaux du sous-sol et les tampons bétons sur regards EP pour les sommes respectives de 1.000 euros et 500 euros,

- dit que la MAAF est fondée à opposer la franchise contractuelle à la société Vizilloire de bâtiment,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes (et en particulier de sa demande liée au préjudice de retard).

Le dossier était enregistré sous le numéro 21/00080.

[*]

Par déclaration au greffe en date du 4 février 2021, la société Vizilloise de bâtiment a interjeté appel de cette décision, en ce qu'elle a :

- condamné la société Vizilloise de bâtiment à payer aux époux X. les sommes de 1.000 euros, 200 euros, 5.000 euros, 5.000 euros, 2.500 euros, 750 euros, 5.000 euros, 200 euros, 100 euros, 5.000 euros, 250 euros, 500 euros, 10.000 euros soit la somme totale de 35.500 euros ;

- condamné in solidum la société Vizilloise de bâtiment, la société Your concept by et la société Helvetia à payer aux époux X. les sommes de 500 euros, 10.000 euros, 30.000 euros, 5.000 euros, soit la somme totale de 45.500 euros ;

- dit que la Maaf doit sa garantie au titre de la responsabilité contractuelle de la société Vizilloise de bâtiment uniquement pour les deux postes retenus au titre de la maçonnerie gros oeuvre soit les désordres dans les locaux du sous-sol et les tampons béton sur regards EP pour les sommes respectives de 1.000 euros et 500 euros ;

- dit que la Maaf est fondée à opposer la franchise contractuelle à la société Vizilloise de bâtiment ;

- rejeté l'ensemble des demandes formées à l'encontre de la SMABTP ;

- prononcé en conséquence la mise hors de cause de la SMABTP ;

- condamné in solidum les sociétés Your concept by, Vizilloise de bâtiment, Helvetia et Maaf, à verser aux époux X. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum les sociétés Your concept by, Vizilloise de bâtiment, Helvetia et Maaf aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de M. Pianta, avocat.

Le dossier était enregistré sous le numéro 21/00258.

[*]

Par déclaration au greffe en date du 16 février 2021, la société Your concept by a interjeté appel de la cette décision, en ce qu'elle a :

- condamné in solidum la société Vizilloise de bâtiment, la société Your concept by et la société Helvetia à payer aux époux X. les sommes de 500 euros, 10.000 euros, 30.000 euros, 5000 euros, soit la somme totale de 45.500 euros ;

- dit que l'ensemble de ces sommes sera indexée sur l'indice des prix à la construction calculé entre le jour du dépôt du rapport, soit le 6 octobre 2014, et le jour du présent jugement ;

- déclaré nulles et nul effet les clauses d'exclusion et de limitation de responsabilité contenues à l'article 9 du contrat de maîtrise d'œuvre signé par les époux X. et la société Your concept by ;

- condamné la société Your concept by à verser aux époux X. la somme de 3000 euros au titre du trop-perçu relatif aux honoraires du maître d'oeuvre ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné in solidum les sociétés Your concept by, Vizilloise de bâtiment, Helvetia et Maaf, à verser aux époux X. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum les sociétés Your concept by, Vizilloise de bâtiment, Helvetia et Maaf aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de M. Pianta, avocat.

Le dossier était enregistré sous le numéro 21/00336.

 

Prétentions des parties

Par dernières écritures en date du 22 juillet 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. T. X. et Mme Y. épouse X. sollicitaient l'infirmation du jugement déféré et demandaient à la cour de :

- infirmer partiellement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains le 23 novembre 2020 en ce qu'il a « dit que la Maaf doit sa garantie au titre de la responsabilité contractuelle de la société Vizilloise de bâtiment uniquement pour les deux postes retenus au titre de la maçonnerie gros œuvre (…) pour les sommes respectives de 1.000 euros et 500 euros ; dit que la Maaf est fondée à opposer la franchise contractuelle à la société Vizilloise de bâtiment ; déboute les parties du surplus de leurs demandes [en particulier de sa demande lié au préjudice de retard'» ;

Et statuant à nouveau,

- condamner in solidum les sociétés Vizilloise de bâtiment, YCB, Helvetia assurance et la Maaf et la SMABTP à payer aux époux X. la somme de 146.000 euros au titre de l'indemnisation de leurs préjudices liés au retard dans la réalisation des travaux imputables aux fautes commises par les sociétés YCB, SVB et Baltic construction bois (préjudice de jouissance et préjudices immatériels) ;

- dire et juger que la Maaf doit son entière garantie y compris pour les « dommages matériels et immatériels consécutifs » ;

- condamner in solidum les sociétés citées à payer aux époux X. la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de la procédure qui comprendront en particulier les frais d'expertise judiciaire ;

- confirmer pour le surplus le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thonon-les-bains le 23 novembre 2020 et rejeter les appels des sociétés YCB et SVB.

[*]

La société Your concept by a formé un appel incident en ce que la décision déférée a retenu sa responsabilité sur plusieurs postes de préjudice.

Par dernières écritures en date du 6 juillet 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Your concept by sollicitait de la cour de :

- réformer le jugement attaqué en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Your concept by sur plusieurs postes ;

- dire et juger que la société Your concept by n'a commis aucune faute à l'origine des désordres invoqués qui sont dus à des fautes d'exécution des entreprises concernées ;

- débouter les époux X. de toute réclamation et de leur appel à l'égard de la société Your concept by ;

A titre subsidiaire,

Si la cour retenait une quelconque responsabilité de la société Your concept by,

- dire et juger que le montant de l'indemnisation ne pourra excéder la somme de 43.000 euros correspondant aux honoraires perçus, conformément au contrat liant les parties ;

- condamner la société SVB et sa compagne Maaf à relever et garantir la société Your concept by de toute condamnation au regard des fautes d'exécution commises, de nature délictuelle vis-à-vis de la société Your concept by ;

- rejeter toutes les demandes visant à ce que la société Your concept by relève et garantisse les autres défendeurs des condamnations qui seront prononcées à leur égard ;

- dire et juger qu'en cas de condamnation, la société Your concept by ne saurait supporter une part de responsabilité supérieure à 10 % ;

En toute hypothèse,

- dire et juger que les époux X. ont commis des fautes exonérant la société Your concept by de toute responsabilité ;

- débouter les époux X. de toutes leurs demandes d'indemnisation et de leur appel ;

- réformer le jugement et débouter les époux X. de leur demande de remboursement d'honoraires ;

- faire droit à la demande reconventionnelle de la société Your concept by et condamner les époux X. au paiement des honoraires restant dus, soit 6.356 euros outre intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir ;

- condamner les époux X. ou qui mieux devra au paiement d'une somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les époux X. ou qui mieux devra aux entiers dépens avec application au profit de Maître Clarisse Dormeval, avocat spécialisé à la cour, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

La société Vizilloise de bâtiment a formé un appel incident en ce que la décision déférée a limité la garantie de la société Maaf assurances, et jugé les garanties dues par la SMABTP au profit des sociétés Baltic bois construction et société Vizilloise de bâtiment non mobilisables.

Par dernières écritures en date du 12 juillet 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Vizilloise de bâtiment sollicitait de la cour de :

- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a retenu les garanties dues par la Maaf au profit de la concluante ;

- juger que cette garantie jouera également pour la somme de 10.000 euros concernant l'avant-toit ;

- juger que la Maaf devra relever et garantir la concluante de l'intégralité des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre tant en principal qu'en frais et dépens ;

- réformer la décision déférée en ce qu'elle a jugé les garanties dues par la SMABTP au profit de la société Baltic bois construction non mobilisable ;

- juger que la SMABTP doit garantie à la société SVB s'agissant des désordres relatifs aux lots confiés à son assuré à concurrence de l'estimation faite par l'expert soit 60.250 euros hors-taxes ;

Pour le surplus confirmer la décision déférée,

- en toute hypothèse dire que dans l'hypothèse où la société SVB serait condamnée, elle serait de toute façon relevée et garantie par SMABTP, les travaux concernant des désordres de nature décennale ;

- condamner SMABTP ou qui mieux le devra à payer à SVB une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux dépens, en ceux compris les frais d'expertise, distraits au profit de la société Girard-Madoux (SCP) avocat sur son affirmation de droit.

[*]

La société Maaf assurances a formé un appel incident en ce que la décision déférée l'a condamné à mobiliser sa garantie au titre de la responsabilité contractuelle de la société Vizilloise de bâtiment.

Par dernières écritures en date du 8 novembre 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Maaf assurances sollicitait de la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que la Maaf doit sa garantie au titre de la responsabilité contractuelle de la société Vizilloise de bâtiment ;

- condamné la Maaaf, in solidum avec les sociétés Your concept by, Vizilloise de bâtiment et Helvetia, à verser aux époux X. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Maaf, in solidum avec les sociétés Your concept by, Vizilloise de bâtiment et Helvetia aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;

Statuant à nouveau,

Constatant que,

- tant le fait dommageable constitué par les travaux, causes génératrices des dommages qui n'ont commencé à être réalisés par la société Vizilloise de bâtiment qu'en 2012 ;

- que la réclamation en 2013 ;

sont survenus après la date d'effet de la résiliation du contrat d'assurance Maaf au 31 décembre 2011 ;

- en conséquence, mettre hors de cause la Maaf assurances et rejeter l'ensemble des demandes dirigées à son encontre ;

Subsidiairement, vu la délimitation contractuelle du risque garanti pour les seules activités déclarées de « maçon béton armé » et « électricien du bâtiment »,

- confirmer le jugement sur le principe, en ce qu'il a considéré que la Maaf ne devait sa garantie qu'au titre des secteurs assurés pour 2 postes dont la réparation a été estimée à 1.000 euros et 500 euros, dont à déduire la franchise contractuelle de la société Vizilloise de bâtiment ;

- déclarer irrecevables toutes prétentions nouvelles de la SVB dirigées contre la Maaf assurances ;

Vu la résiliation du contrat d'assurance légalement obligatoire à effet au 31 décembre 2011, et les conditions de la garantie décennale n'étant pas réunies,

- juger que la responsabilité contractuelle de droit commun de la société Vizilloise de bâtiment n'est pas couverte par l'assureur Maaf et que l'inexécution des obligations relève du seul entrepreneur SVB, sous réserve de ses recours ;

- débouter en conséquence les époux X. et toutes autres parties des demandes dirigées contre la Maaf assurances ;

Constatant que l'absence de garantie est évidente depuis l'origine,

- déclarer injustifiée et abusive la 1ère instance au fond introduite à l'encontre de la Maaf, et juger qu'il en est de même de la procédure d'appel formée par les époux X., la société Vizilloise de bâtiment et la société Your concept by ;

- condamner en conséquence reconventionnellement les époux X., ou qui mieux les devra, à payer une indemnité de 5.000 euros à la Maaf assurances en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, comprenant ceux de référé, les frais d'expertise judiciaire et ceux de l'instance au fond devant le tribunal judiciaire de Thonon-les-bains et devant la cour d'appel, avec distraction au profit de la société Mermet & associés (SAS) en vertu de l'article 699 du code de procédure civile ;

Très subsidiairement, si par impossible une condamnation était aussi prononcée contre la Maaf assurances,

- confirmer le jugement en ce que le tribunal a jugé que la garantie ne pouvait concerner qu'uniquement les 2 postes retenus au titre de la maçonnerie gros œuvre, soit les désordres dans les locaux du sous-sol et les tampons béton sur regards EP pour les sommes respectives de 1000 euros et 500 euros, et que la Maaf est fondée à opposer la franchise contractuelle ;

- rejeter le surplus des demandes ;

A titre infiniment subsidiaire, et en tout état de cause, si par impossible une condamnation était prononcée contre la Maaf assurances supérieure à 1.500 euros pour les seuls postes de maçonnerie (dont à déduire la franchise de la société Vizilloise de bâtiment),

- rejeter toutes demandes au titre des dommages immatériels ;

- condamner in solidum et au besoin à concurrence de moitié chacun la société Your concept by et son assureur Helvetia d'une part ainsi que la SMABTP recherchée en sa qualité d'assureur de la société liquidée et radiée Baltic construction bois d'autre part, à la relever et garantir entièrement des plus amples condamnations en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens ;

- déclarer opposable la franchise contractuelle qui est de 10 % du montant des dommages avec un minimum de 1.243 euros et un maximum de 3.117 euros à indexer et le cas échant autoriser la Maaf assurances à la déduire de tout règlement d'indemnité qui ne pourra relever que des garanties facultatives ;

- condamner tout succombant à payer une indemnité de 5.000 euros à la société Maaf assurances en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, comprenant ceux de référé, les frais d'expertise judiciaire et ceux des instances au fond devant le tribunal judiciaire de Thonon-les-bains et devant la cour d'appel, avec distraction au profit de la société Mermet & associés en vertu de l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

Par dernières écritures en date du 13 octobre 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société SMABTP sollicitait de la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté toutes demandes dirigées à l'encontre de la SMABTP, ses garanties étant rigoureusement inapplicables ;

- débouter les époux X., la société SVB ou tous autres contestants de toutes demandes dirigées à l'encontre de la SMABTP, dont les garanties sont inapplicables ;

- A défaut de désordres clandestins à réception emportant atteinte à la solidité de l'ouvrage ou impropriété à destination, empêchant toute mobilisation de la garantie décennale,

- Faute de garantir les dépenses nécessaires à la réalisation et la finition de l'objet du marché, ainsi que les astreintes et pénalités de retard,

- En l'absence de désordre relevant de la garantie facultative avant réception, soit un dommage survenu de manière fortuite et soudaine,

- Faute, pour les maîtres de l'ouvrage, l'entreprise principale, son assureur, ou tous autres intervenants à l'opération litigieuse de qualité pour obtenir le bénéfice de ces garanties,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a ordonné la mise hors de cause de la SMABTP ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la compagnie SMABTP devait être condamnée, même de manière résiduelle,

- condamner la société Your concept by garantie par la société Helvetia et la société Vizilloise de bâtiment, garantie par la Maaf à relever et garantir SMABTP de toute condamnation ;

- n'entrer en voie de condamnation que franchise déduite ;

En tout état de cause,

- condamner les époux X., la société Vizilloise de bâtiment ou qui mieux le devra à payer à la SMABTP la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les mêmes aux entiers dépens distraits pour ceux d'appel au profit de la société Bollonjeon Arnaud Bollonjeon (SCP), avocats associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance en date du 2 janvier 2023 clôture l'instruction de la procédure.

La jonction des dossiers RG n°21/00080, RG n° 21/00258 et RG n°00336 a été annoncée à l'audience.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS ET DÉCISION :

Le jugement du 23 novembre 2020 du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains n'a pas été frappé d'appel en toutes ses dispositions, et il est donc définitivement acquis que les demandes indemnitaires de M.et Mme X. sont recevables, que leurs relations avec la société Your concept by sont soumises à la loi française, et que la réception judiciaire des travaux a été fixée le 31 juillet 2013, avec les réserves formulées dans le rapport de M. H. du 11 juillet 2013.

 

I - Sur les désordres :

A - sur la responsabilité de la société Vizilloise de bâtiment :

C'est par une exacte appréciation des circonstances de la cause que la premier juge a considéré que les désordres qualifiés de « défectuosité dans un ouvrage mal exécuté, imperfection imputable à l'entreprise chargée des travaux » relevaient de la responsabilité contractuelle de la société Vizilloise de bâtiment. Cette dernière ne conteste pas, sur le fond, sa responsabilité, ni le montant de l'indemnisation retenue en premier ressort.

Ainsi, la responsabilité de la société Vizilloise de bâtiment sera retenue en ce qui concerne :

- les locaux du sous-sol, il s'agit selon l'expert d'une défectuosité dans un ouvrage mal exécuté, une imperfection imputable à l'entreprise chargée de la maçonnerie, soit la société Vizilloise de bâtiment, le maçon ayant à sa charge les ouvrages de ventilation des locaux d'origine ;

- les tampons béton sur regards EP, il s'agit selon l'expert d'une défectuosité dans un ouvrage mal exécuté, une imperfection imputable à l'entreprise chargée de la maçonnerie, soit la société Vizilloise de bâtiment ;

- les avant-toits, il s'agit selon l'expert d'une part d'une défectuosité dans un ouvrage mal exécuté, une imperfection et d'autre part d'une non-conformité imputable à l'entreprise chargée de la maçonnerie, soit la société Vizilloise de bâtiment ;

- le manque de finitions de la charpente, couverture, zinguerie, il s'agit selon l'expert d'une défectuosité dans un ouvrage mal exécuté, une imperfection imputable à l'entreprise chargée de la maçonnerie, soit la société Vizilloise de bâtiment ;

- la structure de l'ossature bois - murs - planchers, il s'agit selon l'expert d'une défectuosité dans un ouvrage mal exécuté, une imperfection imputable à l'entreprise chargée de la charpente, soit la société Vizilloise de bâtiment ;

- les volets roulants, il s'agit selon l'expert d'une non-conformité imputable à l'entreprise chargée de la charpente et de la menuiserie extérieure, soit la société Vizilloise de bâtiment ;

- les murs extérieurs, il s'agit selon l'expert d'un inachèvement de l'ouvrage imputable à l'entreprise chargée de la charpente, soit la société Vizilloise de bâtiment ;

- s'agissant des terrasses, il s'agit selon l'expert de défectuosités dans un ouvrage mal exécuté, des imperfections imputables à l'entreprise chargée de la charpente, soit la société Vizilloise de bâtiment ;

- la console en bois lamellé, il s'agit selon l'expert d'une défectuosité dans un ouvrage mal exécuté, une imperfection imputable à l'entreprise chargée de la charpente, soit la société Vizilloise de bâtiment ;

- les seuils, tableaux et tablettes de baies, il s'agit selon l'expert de défectuosités dans un ouvrage mal exécuté, des imperfections imputables à l'entreprise chargée des menuiseries extérieures, soit la société Vizilloise de bâtiment ;

- le sens d'ouverture et le réglage des portes-fenêtres, il s'agit selon l'expert d'une défectuosité dans un ouvrage mal exécuté, une imperfection imputable à l'entreprise chargée des menuiseries extérieures, soit la société Vizilloise de bâtiment ;

- les menuiseries intérieures, il s'agit selon l'expert pour le premier désordre d'une défectuosité dans un ouvrage mal exécuté, une imperfection, et pour le second d'une non-conformité, toutes deux imputables à l'entreprise chargée des menuiseries intérieures, soit la société Vizilloise de bâtiment ;

- la plâtrerie, il s'agit selon l'expert d'une défectuosité dans un ouvrage mal exécuté, une imperfection imputable à l'entreprise chargée de la plâtrerie, soit la société Vizilloise de bâtiment ;

- s'agissant des peintures extérieures, il s'agit selon l'expert d'une défectuosité dans un ouvrage mal exécuté, une imperfection imputable à l'entreprise chargée des peintures sur les menuiseries extérieures, soit la société Vizilloise de bâtiment ;

- s'agissant des peintures intérieures, il s'agit selon l'expert d'une défectuosité dans un ouvrage mal exécuté, une imperfection imputable à l'entreprise chargée des peintures intérieures, il convient de différencier les peintures sur les menuiseries intérieures, imputables à la société Vizilloise de bâtiment et celles portant sur les murs, qui ne relèvent pas de cette dernière ;

- concernant le trémie escalier sous-sol et poteau/poutre, il s'agit selon l'expert d'une défectuosité dans un ouvrage mal exécuté, une imperfection imputable à l'entreprise chargée de la charpente ossature, soit la société Vizilloise de bâtiment ;

 

B - sur la responsabilité du maître d'œuvre :

B1 - Sur l'étendue de sa mission et la facturation :

Au terme du devis accepté par M.et Mme X. le 12 février 2010, la société Your Concept By a été chargée des missions suivantes :

« 1ère phase conception :

- études d'esquisse (ESQ) ;

- étude d'avant-projet (AVP) ;

- assistance au maître d'ouvrage pour la passation du ou des contrats de travaux (ACT).

2ème phase réalisation :

- direction de l'exécution des contrats de travaux (DET) ;

- ordonnance, pilotage et contrat de travaux (OPC) ;

- assistance apportée au maître d'ouvrage lors des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement (AOR) ;

les autres demandes d'autorisation et études complémentaires nécessaires restant à la charge de M. et Mme X. (études de sols, ingénieur béton, consultation bureau d'étude...) ».

La seconde page du contrat, plus détaillée, précisait que les honoraires seraient de 40.000 euros HT, avec 35.000 euros calculés sur la base d'un montant estimatif de travaux de 350.000 euros HT.

Il y a lieu ensuite d'observer qu'une remise de 19.000 euros a été offerte aux maîtres d'ouvrage, remise de 32 % que le maître d'œuvre n'a pas appliqué dans sa facturation. Ainsi, la société Your concept by a sollicité un acompte n°2 sur la phase 2 de 10.000 euros dès le mois de juin 2010, après un premier acompte pour la phase 1, alors que le chantier n'avait pas encore débuté et que la phase de réalisation n'était pas engagée.

Enfin, dans la mesure où la société Your concept by ne démontre pas que le volume global des marchés à gérer dépassait le montant de 350.000 euros, qu'elle n'a pas non plus totalement achevé sa mission puisqu'elle n'a pas procédé à la réception du chantier ni assisté le maître d'ouvrage dans les travaux de reprise relevant de la garantie de parfait achèvement, elle sera déboutée de sa demande de réformation du jugement de première instance en ce qu'il l'a condamnée à restituer la somme de 3.000 euros de trop perçu d'honoraires.

 

B2 - Sur l'étendue de sa responsabilité :

En premier lieu, c'est à l'issue d'une analyse pertinente que le premier juge a écarté l'application de l'article 9 du contrat de maîtrise d'œuvre, limitant la responsabilité de la société Your concept by au montant des honoraires, sur le fondement de l'article L. 132-1 et L. 132-5 du code de la consommation, considérant qu'il s'agissait d'une clause abusive.

Il résulte en second lieu de l'analyse de M. Z., expert judiciaire désigné, que la société Your concept by a concouru à la réalisation de certains désordres :

- des bétons formant support des poteaux bois du couvert d'entrée décentrés par rapport à l'axe des poteaux : en assurant une mauvaise coordination dans l'exécution des ouvrages. L'expert a en outre retenu que le signalement de l'erreur dans le compte-rendu de chantier n'exonérait pas le maître d'œuvre de sa responsabilité, et qu'il lui appartenait, en cours de chantier, de faire reprendre les ouvrages défectueux,

- avant-toit : l'expert a retenu que l'entreprise a réalisé des ouvrages non conformes aux règles de l'art, ce qui, même pour des raisons budgétaires ou économiques, n'est pas admissible. Les chéneaux encaissés ont été remplacés par de simples gouttières, ce que l'architecte n'a pas fait accepter par le maître d'ouvrage. Sur ce point, la société Your Concept By se contente d'alléguer que les époux X. ont validé ou demandé pour des raisons d'économies de ne pas mettre de protection des bois, ce qui n'est corroboré par aucune pièce. Il lui appartenait en tout état de cause, en cas de modification demandée par les maîtres d'ouvrage pouvant avoir un effet sur la solidité de l'ouvrage, d'émettre des réserves officielles mentionnant les risques encourus. L'expert mentionne sur ce point « on ne sait pas comment réagira, dans le temps, l'accrochage chéneau/planche d'égout. »

- le premier juge a également exactement retenu que le maître d'œuvre devait assumer la responsabilité du dommage lié à l'absence de réservation des volets roulants. L'argumentation d'appel, portant sur le fait que les volets roulants étaient une « option », ainsi qu'il était mentionné dans le CCTP en page 16, ne résiste pas à l'analyse approfondie de ce même document, lequel mentionne en page 11 'il faudra prévoir l'emplacement nécessaire à la mise en place de caissons pour les volets roulants.'

- enfin, la responsabilité du maître d'œuvre, qui n'a pas réfléchi au sens d'ouverture des portes-fenêtres en fonction de l'aménagement de la pièce (installations sanitaires), est engagée ainsi que l'a retenu le premier juge. La validation du maître de l'ouvrage, notée dans les derniers comptes-rendus de chantier, intervient dans un contexte de litige sous-jacent entre les parties, et de carence du maître d'œuvre, qui se contente de noter inlassablement les désordres et reprises à faire, sans qu'aucune amélioration ne soit visible d'un compte-rendu à l'autre, la liste des reprises ne faisant que s'accroître. La société Your concept by, manifestement insuffisamment présente et directive pour obtenir une quelconque action de l'entreprise, ne peut se retrancher derrière les comptes-rendus de chantier, et la validation des maîtres de l'ouvrage, qui ne relève que de l'usure et du découragement, ne suffit pas à exonérer le maître d'œuvre de sa responsabilité.

Enfin, le maître d'œuvre, qui prétend n'avoir pas pu assumer sa mission en raison du retrait de deux lots, du lot n°6 électricité, disparaissant du compte-rendu de chantier à compter de celui 25 mai 2012, puis le retrait du lot n°5 « plomberie VMC », initialement confié à la société Vizilloise de Bâtiment selon compte-rendu de chantier du 25 septembre 2012 a pu l'empêcher de suivre de façon correcte son chantier, étant précisé que la société Your concept by s'était engagée à assurer ses missions sur des travaux jusqu'à la somme de 350.000 euros HT, que ce montant n'était pas dépassé en l'absence d'éléments fournis sur ce point. L'expert a retenu en page 43 'Il faut que l'intervention des entreprises amenées par le maître d'ouvrage soit intégrée au planning de l'opération, et notamment le planning du chantier. Le chantier et le planning sont sous la responsabilité de l'architecte, celui-ci doit savoir qui intervient, pour quoi faire, à quel moment, etc. C'est au maître d'ouvrage de caler les interventions de « ses » entreprises dans le planning. Pour autant, la conduite du planning global, complet, jusqu'à la réception, est du ressort de l'architecte, puisqu'il a reçu mission pour cela. L'architecte ne peut pas dire « je ne connais pas les entreprises qui sont intervenues, j'ignore l'avancement des travaux effectués par ces entreprises, je ne contrôle pas toutes les entreprises, ce n'est pas dans ma mission, je ne peux pas établir de planning, je ne peux pas fixer de date de réception puisque je ne gère pas la totalité du chantier... » Il doit exiger du maître d'ouvrage l'intégrations de son planning au planning global, et le maître d'ouvrage de s'y conformer. »

Enfin, les validations des maîtres d'ouvrage notées sur les comptes-rendus de chantier, qui sont opposées comme exonérant l'architecte de sa responsabilité, s'apparentent davantage à des constatations sur des erreurs à rattraper commises par les entreprises, comme le défaut de réservation pour le vide-linge, qu'à une véritable acceptation des problèmes listés sans qu'aucune reprise ne soit faite.

 

II - Sur les actions directes à l'encontre des assureurs :

A - La société Helvétia :

L'assureur responsabilité civile de la société Your Concept By n'ayant pas comparu, malgré la signification de l'acte d'appel, l'analyse pertinente du premier juge sera retenue en ce que la société Helvétia doit sa garantie au maître d'œuvre, assuré jusqu'au 1er janvier 2017 selon l'attestation fournie.

 

B - La société MAAF :

La société Vizilloise de bâtiment se contente de solliciter la garantie de son assureur, la société MAAF, sur les postes retenus en première instance, drainage périphérique et tampons bétons sur regard EP, mais prétend à voir également garantir les défauts de l'avant-toit.

Les moyens soutenus par la société MAAF Assurances ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, il convient de confirmer qu'au regard de la date d'ouverture du chantier, octobre 2011, et de celle de début des travaux, décembre 2011 avec implantation en présence du lot terrassement, les travaux réalisés étaient couverts par la police d'assurance.

Le premier juge a ensuite retenu de façon exacte que la société Vizilloise de bâtiment était assurée pour les activités de 'maçon béton armé' et 'd'électricien du bâtiment (tension jusqu'à 20.000 V exclusivement)', et que les activités de charpente ou ossature bois ne pouvaient être garanties, de sorte que la garantie de l'assureur sera rejetée quant aux défauts constatés sur la réalisation de l'avant-toit.

Les garanties du contrat souscrit auprès de la société MAAF assurances portaient sur la présomption de responsabilité établie après réception, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, et sur la réparation matérielle des dommages affectant les éléments d'équipement, pendant les deux années suivant la réception. Or, en l'espèce, le contrat prévoyait que les travaux ayant fait l'objet de réserves émises à la réception et non levées n'étaient pas couverts par les garanties de l'assureur (page 6 des « garanties de votre contrat »).

En l'occurrence, le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a dit que la société MAAF Assurances doit sa garantie au titre des désordres des locaux du sous-sol et des tampons béton sur regard EP, qui ont fait l'objet de réserves.

 

C- la société SMABTP :

Sur l'irrecevabilité des demandes de M.et Mme X. :

L'irrecevabilité des demandes présentées par M.et Mme X. à son encontre est soulevée par la SMABTP.

De fait, la déclaration d'appel réalisée par les maîtres d'ouvrage le 15 janvier 2021 portait sur la restriction de la garantie de la MAAF et sur le rejet de la demande d'indemnisation du préjudice de retard dans la réalisation des travaux et mettait en cause l'intégralité des parties au premier jugement. L'appel interjeté par la société Your Concept By le 16 février 2021 n'était pas dirigé à l'encontre de la société SMABTP, et seul l'appel interjeté par la société Vizilloise de Bâtiment portait sur le rejet de la garantie de l'assureur de son sous-traitant, la société Baltic Construction Bois.

Néanmoins, dans la mesure où la déclaration d'appel des époux X. ne portait pas sur le chef du jugement ayant rejeté les demandes formulées contre la SMABTP et l'ayant mis hors de cause, ce pan du litige n'a pas été dévolu à la cour d'appel, de sorte que les maîtres d'ouvrage sont bien irrecevables à formuler des demandes contre l'intimée.

 

Sur le fond :

La garantie de la société SMABTP est toutefois sollicitée par la société Vizilloise de bâtiment, appelante sur lesdits chefs du jugement, sur les postes de :

- charpente-couverture-zinguerie (avant-toits), présentant un inachèvement des ouvrages, défectuosité dans un ouvrage mal exécuté d'une part et d'autre part, une non-conformité,

- ossature bois-murs-planchers, désordres dus pour le pare-pluie à une défectuosité dans un ouvrage mal exécuté, une imperfection imputable à l'entreprise chargée de la charpente, désordres sur les volets roulants dus à une non-conformité imputable à l'entreprise, absence de bardage dû à un inachèvement, et désordres de la terrasse dus à un ouvrage mal exécuté, imperfections imputables à l'entreprise en charge des travaux,

- menuiseries extérieures, dommage dû à une défectuosité dans un ouvrage mal exécuté,

- menuiseries intérieures, dommage dû à une défectuosité dans un ouvrage mal exécuté,

- plâtrerie isolation, dommage dû à une défectuosité dans un ouvrage mal exécuté.

La société SMABTP garantissait la société Baltic construction bois à raison de la garantie légale du constructeur sur le fondement de l'article 1792 du code civil, laquelle n'est pas mise en jeu dans le présent litige, ainsi que la responsabilité civile de l'entreprise. Or, si les travaux réalisés entraient bien dans les activités déclarées, et donc assurées, l'article 41 du « guide du sociétaire et conditions générales » énonce en page 57 que sont exclues : « les dépenses nécessaires à la réalisation ou la finition de l'objet de votre marché ainsi que celles visant à remédier à une non-conformité de vos prestations contractuelles ; » ainsi que « les réserves à la réception de l'ouvrage ou des travaux au sens de l'article 1792-6 du code civil. »

La demande de garantie de la société SMABTP sera donc rejetée, car les désordres relèvent tous de réserves formulées à la réception de l'ouvrage et engageant la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur, lequel n'est pas couvert pour des travaux non réalisés dans les règles de l'art.

 

III - Sur l'indemnisation du retard :

Ainsi que l'a retenu le premier juge, aucun engagement contractuel n'avait été pris par le maître d'œuvre et les entreprises titulaires de lots pour une date d'achèvement des travaux. Toutefois, le compte-rendu de chantier du 17 décembre 2012 mentionnait « important : suite aux accords passés entre les parties et au règlement de Mr X., il est convenu que la date de réception du chantier devra avoir lieu pour le 28 février 2013 dernier délai et que au-delà, une pénalité de 100 euros/jour sera appliquée. Seules des conditions météo qui empêcheraient de travailler sur le site ou de livrer sur ce dernier pourront être retenues comme cas de force majeure et ne déclencheront pas de retard. »

Le premier jugement a retenu que la maison était habitable le 31 juillet 2013 et a prononcé la réception judiciaire à cette date, ce qui met en évidence un retard de 153 jours entre le 28 février 2013 et la réception. Au vu de l'importance des désordres présentés dans la construction, tous liés à des malfaçons des entreprises et en grande partie à une insuffisance du maître d'œuvre, il convient de prononcer une condamnation in solidum de la société Vizilloise de Bâtiment et de la société Your Concept By à payer aux époux X. une somme de 15.300 euros de dommages et intérêts.

 

IV - Sur les demandes accessoires :

Les sociétés Your Concept By et Vizilloise de Bâtiment supporteront in solidum les dépens de l'instance d'appel, avec distraction au profit de la SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon et de la SAS Mermet & associés.

Il ne paraît enfin pas inéquitable de faire droit aux demandes de M. et Mme X. à hauteur de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, qui seront supportés in solidum par les deux succombantes dans leur appel.

La société Vizilloise de bâtiments sera par ailleurs condamnée à payer une indemnité procédurale de 1.500 euros à la société MAAF et à la société SMABTP

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement par décision réputée contradictoire :

Ordonne la jonction des dossiers RG n°21/00080, RG n° 21/00258 et RG n°00336,

Déclare irrecevables les demandes de M. T. X. et Mme Y. épouse X. à l'encontre de la SMABTP ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf :

- en ce qu'il a dit que la MAAF doit sa garantie au titre de sa responsabilité contractuelle (...) et dit que la MAAF est fondée à opposer la franchise contractuelle à la société Vizilloise de bâtiment,

- en ce qu'il a condamné in solidum la société MAAF aux dépens et à la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Met hors de cause la société Maaf,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la société Vizilloise de bâtiment et la société Your concept by à payer à M. T. X. et Mme Y. épouse X. la somme de 15 300 euros de dommages et intérêts en indemnisation du retard et du préjudice de jouissance,

Condamne in solidum la société Vizilloise de bâtiment et la société Your concept by à payer à M. T. X. et Mme Y. épouse X. la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la société Vizilloise de bâtiment à payer à la société MAAF assurances Iard et la société SMABTP la somme de 1.500 euros à chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société Vizilloise de bâtiment et la société Your concept by aux dépens de l'instance d'appel, avec distraction au profit de la SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon et de la SAS Mermet & associés.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier,                                       La Présidente,