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CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 12 avril 2023

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 12 avril 2023
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 4
Demande : 22/09354
Décision : 23/75
Date : 12/04/2023
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 9/05/2022
Décision antérieure : CASS. COM., 6 avril 2022
Numéro de la décision : 75
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N°

CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 12 avril 2023 : RG n° 22/09354 ; arrêt n° 75

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « En premier lieu, s'agissant du périmètre de la cassation, la Cour rappelle que l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce dispose que la soumission ou la tentative de soumission d'un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties engage la responsabilité de son auteur. La partie victime d'un déséquilibre significatif, au sens de ces dispositions, est en outre fondée à faire prononcer la nullité de la clause du contrat qui crée ce déséquilibre, s'agissant d'une clause illicite qui méconnaît les dispositions d'ordre public de ce texte (Cass. com., 30 sept. 2022, n°18-25.204).

Il est constant que les dispositions des articles 15.6, 15.10 des conditions générales PagePack figurent également dans les articles 13.9, 13.10, 13.13, et 13.14 des conditions générales eClick et dans les articles 10.5, 10.6, 10.9 et 10.10 des conditions générales Service Pack. La portée de la cassation de l'arrêt d'appel, en ce qu'il rejette les demandes fondées sur le déséquilibre significatif, porte en conséquence sur l'ensemble des demandes formulées sur ce fondement, en ce compris la nullité des clauses litigieuses. L'irrecevabilité sollicitée de la demande de voir prononcer la nullité des clauses déséquilibrantes, sans examen au fond, sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile, ne peut donc être ordonnée.

En second lieu, la Cour rappelle que l'article 398 du code de procédure civile dispose que le désistement d'instance [en première instance] n'emporte pas renonciation à l'action, mais seulement extinction de l'instance, et qu'en application de l'article 403 du code de procédure civile, le désistement de l'appel emporte acquiescement au jugement, mais est non avenu si, postérieurement, une autre partie interjette elle-même régulièrement appel.

La Cour constate que dans ses dernières écritures, la société JD Holding ne sollicite aucune demande indemnitaire. La Cour retient que les demandes de JD Hoding, telles qu'elles ont été formulées, ne se heurtent à aucune autorité de chose jugée. En outre, actionnaire majoritaire de la société Concept, elle n'est pas dépourvue d'intérêt à agir. La fin de non-recevoir formée à son encontre n'est donc pas constituée. »

2/ « Il est de jurisprudence constante : - que l'insertion de clauses dans une convention type ou un contrat d'adhésion qui ne donne lieu à aucune négociation effective des clauses litigieuses peut constituer le premier élément de cette pratique restrictive de concurrence (la soumission) et que le second élément (l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif) peut notamment se déduire d'une absence totale de réciprocité ou de contrepartie à une obligation, ou encore d'une disproportion importante entre les obligations respectives des parties ; - que les clauses sont appréciées dans leur contexte, au regard de l'économie du contrat et in concreto ; - que la preuve d'un rééquilibrage du contrat par une autre clause incombe à l'entreprise mise en cause, sans que l'on puisse considérer qu'il y a inversion de la charge de la preuve; - que les effets des pratiques n'ont pas à être pris en compte ou recherchés.

La mise en œuvre de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce suppose l'existence d'un rapport de force entre les cocontractants ayant permis à l'un d'eux de soumettre ou de tenter de soumettre son partenaire commercial, lors de la conclusion du contrat, à des obligations manifestement déséquilibrées. Si les contrats d'adhésion ne permettent pas a priori de négociations entre les parties, il incombe néanmoins à la partie qui invoque l'existence d'un déséquilibre significatif de rapporter la preuve qu'elle a été soumise, du fait du rapport de force existant, à des obligations injustifiées et non réciproques.

Le fait pour un concédant à la tête d'un réseau d'inscrire une clause qui instaure un déséquilibre manifeste dans les droits et obligations des parties dans un contrat-type qui s'apparente à un contrat d'adhésion et qui est proposé à tous les membres de son réseau, donne à cette clause la portée d'un principe auquel les concessionnaires ne peuvent déroger qu'au terme d'une négociation qui n'est pas souvent à leur portée. »

3/ « Pour autant, ces éléments ne peut pas remettre en cause le constat selon lequel si le concessionnaire peut résilier les contrats le liant à la société Xerox ou ne pas reconduire le contrats de concession, il est en pratique dépendant de la société concédante, car dès lors qu'il a déterminé que son intérêt était de rester dans le réseau, il a besoin de faire perdurer son activité, étant revendeur exclusif de produits Xerox et il doit, pour ce faire, souscrire auprès de la société Xerox le contrat de sous-traitance, qui forme un tout indivisible avec le contrat de concession. Or ces deux contrats d'adhésion ne donnent lieu à aucune négociation autre que financière sur les performances, les objectifs et les ristournes.

Il s'en déduit que si le concessionnaire n'est pas dépendant pour décider, en fonction de son intérêt bien compris, s'il doit entrer, rester ou au contraire quitter le réseau Xerox, il en va différemment lorsqu'il décide de rester dans le réseau, dès lors que la société concédante refuse par principe toute négociation effective sur les clauses litigieuses qui, selon elle, sont inhérentes à son modèle économique pour la distribution de ses produits et services. Dans de telles circonstances, c'est à tort qu'il est allégué que les conditions de la construction de la relation contractuelle entre Xerox et la société Concept ne s'en seraient pas trouvé affectées.

La Cour retient qu'en insérant les clauses litigieuses ayant pour objet de sanctionner un impayé par la suspension du service sur l'ensemble des contrats, y compris ceux dont les échéances ont été payées dans les conditions générales de vente PagePack annexées au contrat de concession, la société Xerox a imposé ou a tenté d'imposer à la société Concept des obligations. »

4/ « En troisième lieu, s'agissant de la condition d'absence de réciprocité des droits et obligations des parties ou la disproportion entre ces obligations, la Cour retient que les clauses selon lesquelles Xerox peut, en cas de mise en demeure infructueuse, suspendre tous les contrats de maintenance en cours (articles 15.5 et 5.6 des CG PagePack Service), ou encore suspendre tous les nouveaux contrats (articles 15.9 et 15.10) en présence d'un impayé sont susceptibles d'être à l'origine d'un déséquilibre significatif dès lors que ces obligations sont dépourvues de justification ou ne sont pas assorties de contreparties ou sont disproportionnées.

En application de la clause « hold », la société Xerox peut interrompre ses prestations de maintenance pour l'ensemble des contrats en cours, au motif qu'une société concessionnaire est redevable du paiement d'une ou de plusieurs factures, et ce pour la durée de l'impayé. Néanmoins, pendant le temps de cette suspension, le concessionnaire demeure tenu de s'acquitter auprès de la société Xerox des factures afférentes aux prestations dont l'exécution est suspendues.

En dépit de ses explications, la société Xerox ne démontre pas que le concessionnaire pourrait, au prix d'inconvénients mineurs, procurer autrement à son client la prestation de maintenance requise. Si tel était le cas, l'efficacité du dispositif serait d'ailleurs compromise, ce qui n'est pas démontré. En application de la clause « full hold », la société Xerox peut refuser de « débloquer la validation de nouveaux contrats » (mail Xerox à la société Concept du 29 avril 2015 – pièce appelantes n° 11) et « suspendre la prise en charge de toute nouvelle commande » (lettre de Xerox à la société Concept du 6 juillet 2015 - pièce appelantes n°22), la situation étant décrite ainsi qu'il suit dans un message vocal du 22 septembre 2015 du Chanel business manager de Xerox au représentant de la société Concept : « les cotations ne sont plus valables depuis août. Tu es en Full Hold. Tu ne peux plus commander des machines, tu ne peux plus rien faire » (constat d'huissier du 25 septembre 2015 - pièces appelantes n°28)

Si la société Xerox soutient que ces mécanismes sont le résultat des retards de paiement du concessionnaire, il convient de souligner que tandis que les impayés peuvent seulement concerner une minorité des contrats, voire un seul, les clauses litigieuses permettent de suspendre l'exécution de tous les contrats en cours, d'une part, et toute nouvelle commande, d'autre part. Ces clauses pénalisent fortement le concessionnaire, qui ne peut plus fournir le consommable et est impuissant à assurer la réparation d'un équipement en panne. La suspension totale a, selon les termes mêmes de la société Xérox dans son mail de mai 2015 (pièce appelantes n°13), des « conséquences dramatiques pour les clients ». Ce n'est pas parce que la société Xerox explique avoir appliqué le principe de l'exception d'inexécution à l'ensemble des obligations rassemblées par le contrat de concession dont les opérations de maintenance, que cela empêche de tenir pour manifestement déséquilibré le dispositif contractuel qui l'autorise à exiger le paiement de prestations sans en fournir aucune.

En dépit des risques d'impayé allégués par la société Xerox, c'est elle qui a choisi d'être systématiquement désignée en qualité de sous-traitant, et la réalité des impayés auquel elle a dû faire face de la part de la société Concept n'opère aucun rééquilibrage, peu important que, dans la logique de sous-traitance qu'elle a elle-même adoptée, le concessionnaire facture aux utilisateurs le prix de la maintenance augmenté de sa marge et l'encaisse, sans réaliser aucune prestation ni livrer aucun consommable. S'il est exact que le concessionnaire est rémunéré par une commission sur le prix de la maintenance effectuée par Xerox, il n'en reste pas moins qu'il est le seul partenaire contractuel des utilisateurs que, par son travail, il a acquis à la marque, et qui, au premier chef, se retournent naturellement contre lui en cas de difficulté de maintenance. Alors qu'il est normal pour l'entrepreneur principal de maintenance qu'est le concessionnaire, d'être rémunéré sur la maintenance des machines qu'il place, une telle rémunération ne peut pas être prise en compte au titre d'un rééquilibrage en faveur du concessionnaire, sauf pour la société Xerox à démontrer son caractère particulièrement avantageux, ce qu'elle ne parvient pas à faire malgré le taux de marge annoncé (27 % en 2015).

La circonstance que la société Xerox ait institué le paiement à 30 jours des factures de maintenance au-delà d'un encours de trésorerie ne constitue pas un rééquilibrage des clauses litigieuses, dans la mesure où le délai de paiement demeure d'une durée modeste et où l'encours, selon l'article 1.3 de l'annexe F et l'article 15.8 des conditions générales PagePackService est, en définitive, à la discrétion de la société Xerox (par exemple article 1.3 annexe F : « A tout moment, le niveau d'encours accordé au concessionnaire peut être revu à la hausse ou à la baisse, ou tout encours être supprimé, à l'initiative de Xerox, en fonction de l'évolution de la situation financière du concessionnaire »).

Il ne peut être valablement soutenu que la circonstance que la maintenance soit certifiée ISO 9001 soit un rééquilibrage des clauses litigieuses, ni que la circonstance que les machines placées puissent continuer à fonctionner, au moins un certain temps, sans maintenance ait un effet de rééquilibrage.

Enfin, en dépit de l'organisation avec un compte unique par concessionnaire, qui a été déterminée par la seule société Xerox, aucune impossibilité technique ne s'oppose à ce qu'en cas d'impayé, la société Xerox arrête la prestation de maintenance uniquement pour le compte d'utilisateur affecté, et non pour d'autres.

La société Xerox, au total, ne démontre pas que les clauses litigieuses relatives à la maintenance, en elles-mêmes disproportionnées, seraient rééquilibrées par d'autres stipulations du contrat de concession. Par conséquent le jugement sera infirmé sur ce point. La nullité des articles 15.5, 15.6, 15.9 et 15.10 des conditions générales PagePack, des articles 13.9, 13.10, 13.13 et 13.14 des conditions générales eClick, et des articles 10.5, 10.6, 10.9 et 10.10 des conditions générales ServicePack est prononcée. »

5/ « Un préjudice certain est né en l'espèce de l'application des clauses litigieuses, qui a conduit à la privation de revenus liés à la vente des équipements (y compris comme il ressort des pièces fournies, des équipements en stock), à la privation des revenus à attendre de l'après-vente, puisque des clients non dépannés ou non livrés des consommables ont suspendu le paiement de leurs échéances, et de la perte de clientèle, puisque des clients mécontents ont annulé leur commande ou résilié leur contrat de maintenance. La société Xérox doit réparation à la société Concept pour ce comportement fautif. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE

ARRÊT DU 12 AVRIL 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/09354. Arrêt n° 75 (17 pages). N° Portalis 35L7-V-B7G-CFZ67. Décision déférée à la Cour : Arrêt du 6 avril 2022 - Cour de cassation - Arrêt n°244 F-D - Pourvoi N°S 20-20.887. Jugement du 3 octobre 2018 - Tribunal de commerce de PARIS, RG n°2016045271 - Arrêt du 17 juin 2020 - Cour d'appel de PARIS - RG n° 18/23452 - Arrêt du 6 avril 2022 - Cour de cassation - Arrêt n° 244 F-D - Pourvoi N°S 20-20.887.

 

APPELANTES :

SCP BTSG prise en la personne de Maître I. W. ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL DOCUMENT CONCEPT 87-23

[Adresse 2], [Adresse 7], [Localité 4]

SARL J.D. HOLDING

agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de LIMOGES sous le numéro XXX, [Adresse 1], [Localité 5], Représentées par Maître Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque D2090, avocat postulant, Assistées de Maître Patrice MIHAILOV, avocat au Barreau de PARIS, toque C93, avocat plaidant

 

INTIMÉE :

SASU XEROX

agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro YYY, [Adresse 3], [Localité 6], Représentée par Maître Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque B1055, avocat postulant, Assistée de Maître Anne-Sophie SABATIER, de la SJA AVOCATS, avocat au Barreau de Paris, Palais C1080, avocat plaidant

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre et Monsieur Julien RICHAUD, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre, Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère, Monsieur Julien RICHAUD, Conseiller, Greffière, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL.

ARRÊT : - Contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La société Xerox (ci-après dénommée « Xerox ») est spécialisée dans la fabrication et le commerce de produits et de solutions d'impression (imprimantes multifonctions, copieurs, scanners...). Elle distribue des équipements de reprographie directement, par l'intermédiaire de revendeurs agréés et par l'intermédiaire d'un réseau de concessionnaires exclusifs. Ses produits et services sont distribués quasi exclusivement auprès de clients professionnels composés d'entreprises de toutes tailles dans tous secteurs d'activité. Le re seau de concessionnaires Xerox existe depuis 35 ans.

Le contrat de concessionnaire Xerox est un contrat de distribution monomarque, sans clause d'exclusivité territoriale, par lequel le concessionnaire agit en tant qu'acheteur-revendeur pour la distribution des produits Xerox. Chaque concessionnaire exerce sur un territoire de référence sur lequel Xerox s'interdit d'installer un autre concessionnaire. Les concessionnaires peuvent vendre des produits en dehors de ce territoire et fournir des entreprises sur plusieurs sites en France, voire à l'étranger. Au terme de ce contrat, d'une durée de 36 mois, les concessionnaires sont libres de ne pas le renouveler et, le cas échéant, de devenir revendeurs d'une autre marque, aucune obligation de non-concurrence post-contractuelle n'étant prévue.

Le concessionnaire est autorisé à conclure directement avec les clients utilisateurs finaux des produits de marque Xerox des conventions relatives aux services de maintenance (les contrats dits « PagePack ») qui couvrent l'approvisionnement des consommables, la fourniture des pièces détachées, le diagnostic et la réparation des pannes, mais il s'engage à sous-traiter à Xerox la réalisation de ces services, dont le prix est composé d'un forfait facturé trimestriellement à l'avance et d'une tarification supplémentaire au-delà du forfait. Ainsi, le concessionnaire est revendeur sur le marché de détail alors que le fabricant est à la fois vendeur et prestataire après-vente de ses propres appareils sur le marché de gros.

La société Document Concept 87-23 (ci-après « la société Concept »), implantée à [Localité 4], a pour actionnaire majoritaire la société JD Holding (ci-après dénommée « JD Holding »). Elle a pour activité l'achat, la vente, la location de mate riel de bureautique informatique et consommable ainsi que le conseil en gestion et le traitement du document copie.

La société Concept a conclu à compter de la fin de l'année 2007 avec la société Xerox des contrats successifs de concession a durée déterminée de trois ans renouvelables, le dernier renouvellement datant du 25 avril 2014, a effet du 30 novembre 2013 expirant le 30 novembre 2016.

Au titre des services Xerox, le concessionnaire proposait trois types de contrat de maintenance dits « PagePack », « eClick » et « ServicePack », conclus directement entre le client et le concessionnaire, la maintenance e tant sous-traite e a la société Xerox qui facturait le concessionnaire.

Ces trois contrats contenaient, aux articles 15.5 et 15.9 des conditions générales PagePack, 13.9 et 13.13 des conditions générales eClick, et 10.5 et 10.9 des conditions générales ServicePack, les mêmes dispositions suivantes :

«[première clause dite « hold »] : De convention expresse entre Xerox et le Revendeur, ce dernier accepte que Xerox peut, en cas de mise en demeure infructueuse, suspendre la fourniture de tout produit ou prestation de service, que ce soit au titre du présent contrat ou au titre de quelqu'autre contrat conclu entre le Revendeur et Xerox en cas de non-respect par le Revendeur de ses obligations de paiement à l'égard de Xerox ou, plus généralement, en cas de manquement à l'une quelconque de ses obligations substantielles à l'égard de Xerox.

(...)

[seconde clause dite « full hold »] : Xerox pourra suspendre toute commande de nouveau Contrat de Maintenance,

a) en cas de non-respect par le Revendeur de ses obligations de paiement à l'égard de Xerox que ce soit au titre du présent contrat ou au titre de quelqu'autre contrat conclu entre le Revendeur et Xerox ; ou

b) en cas de dépassement de l'encours accordé au Revendeur ».

En exécution du contrat du 25 avril 2014, la société Concept gérait un parc d'environ 500 copieurs sous contrat de maintenance PagePack.

Courant mars 2015, l'arriéré des factures de maintenance PagePack dû à Xerox par la société Concept s'élevait à plus de 200.000 euros (le montant exact faisant l'objet de discussions).

Xerox, après avoir adressé à la société Concept plusieurs relances infructueuses, a réduit l'encours de crédit de cette dernière à 150.000 euros et procédé à plusieurs reprises à des suspensions partielles des contrats de maintenance (procédure « hold »), ce qui privait Concept de la possibilité de vendre de nouveaux contrats de maintenance.

Entre mars et juin 2015, 4 moratoires différents ont été proposés à la société Concept, dont aucun n'a été accepté par cette dernière.

La société Xerox a, le 3 juin 2015, suspendu ses prestations de maintenance et a mis en demeure le 8 juin 2015 la société Concept de lui régler la somme de 225 881, 36 euros. Elle a aussi annoncé devoir, à défaut de règlement dans un délai de 30 jours, résilier l'ensemble des contrats de sous-traitance de maintenance PagePack et eClick conclus entre les deux sociétés (procédure « full hold »).

Par jugement du 23 septembre 2015, la société Concept a été placée en redressement judiciaire, Maître B. étant nommé administrateur judiciaire, et Maitre W., mandataire judiciaire. Le 12 décembre 2016, le tribunal de commerce de Limoges a homologué le plan de continuation présenté, emportant cession du contrôle pour l'euro symbolique.

Par acte du 28 juin 2016 la société Concept et les SELARL B. et SCP BSTG, ès qualités, ont assigné la société Xerox devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir la nullité des clauses créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et la réparation de leur préjudice.

Par jugement du 3 octobre 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit recevable l'intervention volontaire de la société JD Holding,

- de boute la société Concept de ses demandes de dommages et intérêts fondées sur la mauvaise foi dans l'exécution du contrat,

- de boute la société Concept de son action en nullité des causes des conditions générales du contrat de concession relatives à la sous-traitance de la maintenance par la société Xerox,

- de boute la société Concept de ses demandes fondées sur le déséquilibre significatif,

- débouté la société Concept de ses demandes fondées sur la rupture brutale des relations commerciales établies,

- débouté la société JD Holding de ses demandes de dommages et intérêts,

- débouté la société Xerox de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné in solidum la société Concept et la société JD Holding à payer à la société Xerox la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné in solidum la société Concept et la société JD Holding aux dépens de l'instance.

Sur appel de la société Concept et par arrêt n°18/23452 du 17 juin 2020, la Cour d'appel de Paris a :

- donné acte a la société JD Holding de son désistement d'appel et constaté en conséquence le désistement de la Cour la concernant ;

- confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

-condamné in solidum la société JD Holding et la société Concept aux dépens d'appel,

- condamné in solidum la société JD Holding et la société Concept à payer à la société Xerox une indemnité de procédure de 10.000 euros.

Par un arrêt du 6 avril 2022, rendu à la suite du pourvoi n° S 20-20.887 formés par la société Concept, la société B., es qualités, BTSG, es qualités, et la société J.D. Holding, la chambre commerciale, économique et financière de la Cour de cassation a prononcé la cassation partielle de cet arrêt « mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de la société Concept fondées sur le déséquilibre significatif et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile » et a remis en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

La Cour de cassation a censuré l'arrêt aux motifs que :

- « pour rejeter la demande de la société Concept fondée sur le déséquilibre significatif, l'arrêt retient que le contrat a été renouvelé à plusieurs reprises et que la société Concept ne justifie pas avoir vainement cherché à en négocier les conditions ; en se déterminant par des motifs impropres à écarter la caractérisation de la soumission ou de la tentative de soumission, en l'état de souscription des contrats et de l'impossibilité d'en modifier les clauses qui étaient invoquées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision » ;

-« pour statuer encore comme il fait, l'arrêt retient que les clauses litigieuses instituant les procédures de « hold » et de « full hold » ont certes pour effet de permettre la suspension de la possibilité de conclure de nouveaux contrats de maintenance ou la suspension des contrats de maintenance en cours, en cas d'impayés malgré mise en demeure, même si ceux-ci ne concernent pas la totalité des contrats de maintenance suspendus et sans réciprocité, mais qu'elles ont pour contrepartie la marge librement fixée par la société Concept, le chiffre d'affaires réalisé en conséquence sur les prestations de maintenance et l'avantage de trésorerie en résultant. Il ajoute que ces prestations constituent le principal actif de la concession. En se déterminant ainsi, sans examiner complétement la portion entre, d'un côté, la suspension de l'intégralité des contrats en cas d'impayés sur certains d'entre eux seulement et, de l'autre, les contreparties qu'elle a relevées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. »

La socie te BTSG en a été désigné mandataire liquidateur de la société Concept par jugement en date du 6 avril 2022.

Par déclaration reçue au greffe le 9 mai 2022, la société BTSG (ci-après dénommée « BTSG ») et la société JD Holding ont saisi la Cour.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 9 janvier 2023, la société BTSG et la société JD Holding demandent à la Cour de :

- Dire que BTSG, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Concept la société JD Holding, sont recevables et bien fondés dans leurs demandes ;

- Débouter la société Xerox de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a :

* Débouté la société Concept de ses demandes fondées sur le déséquilibre significatif ;

* Débouté la société Concept de son action en nullité des clauses des conditions générales du contrat de concession relatives à la sous-traitance de la maintenance par Xerox ;

* Ordonne l'exécution provisoire ;

* Condamné in solidum Concept et la JD Holding à payer à Xerox au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 20.000 euros ;

* Condamné in solidum Concept et la JD Holding aux dépens de l'instance ;

Statuant à nouveau,

Vu les dispositions de l'article L. 442-6. I. 2° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-354 du 24 avril 2019,

- Dire que la clause des conditions générales de maintenance mise en œuvre aux dépens de la société Concept emporte un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;

- Prononcer la nullité des articles 15.5, 15.6, 15.9 et 15.10 des conditions générales PagePack, celle des articles 13.9, 13.10, 13.13 et 13.14 des conditions générales eClick, et celle des articles 10.5, 10.6, 10.9 et 10.10 des conditions générales ServicePack ;

- Dire que la société Xerox s'est fautivement fondée sur ce dispositif pour compromettre la vente des équipements neufs et interrompre la fourniture de son service après-vente, dans une mesure qui a compromis la poursuite de l'activité de la société Concept et l'a conduite à la faillite ;

- Dire que le comportement fautif de la société Xerox a causé à la société Concept un préjudice dont elle doit réparation ;

- Condamner la société Xerox à payer à titre de dommages et intérêts à la société BTSG ès qualité une somme de 1.417.296 euros et en application des dispositions des articles 1231-7 et 1343-2, anciennement 1153.1 et 1154, du code civil, assortir ces condamnations de la production d'intérêts légaux à compter de l'assignation et de leur capitalisation ;

Vu l'article L. 442-6.III du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-354 du 24 avril 2019,

- Ordonner la publication de la décision à intervenir dans les pages du quotidiens Les Echos, aux frais avancés de la société Xerox et dans la limite de 5.000 euros ;

- Débouter la société Xerox de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamner la société Xerox au paiement à la société BTSG ès qualité d'une somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 18 janvier 2023, la société Xerox demande à la Cour de :

Vu l'article 122 du code de procédure civile ;

Vu l'article L. 442-6-I-2°) du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2019-354 du 24 avril 2019 ;

- Constater que la société JD Holding s'est désistée de son appel à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Paris du 3 octobre 2018 puis de son pourvoi à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 17 juin 2020 ;

- Constater que la société JD Holding a acquiescé à ces décisions ;

- Déclarer irrecevable la société JD Holding en ses demandes pour de faut du droit d'agir ;

- Déclarer irrecevable la société BTSG en la personne de Maître W. es qualités de liquidateur judiciaire de la société Concept en ses demandes de nullité des articles 15.6, 15.10 des conditions générales PagePack ; des articles 13.9, 13.10, 13.13, et 13.14 des conditions générales eClick ; des articles 10.5, 10.6, 10.9 et 10.10 des conditions générales Service Pack pour défaut du droit d'agir : ces dispositions n'e tant pas vise es par l'arrêt de la Cour de cassation du 6 avril 2022 ;

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 3 octobre 2018 en ce qu'il a débouté la société Concept de toutes ses demandes fondées sur le déséquilibre significatif ;

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 3 octobre 2018 du chef de la condamnation prononce e au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouter la S.C.P. BTSG en la personne de Maître I. W. ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Concept de toutes ses demandes ;

Subsidiairement,

- Juger qu'il n'y a aucun déséquilibre significatif des articles 15.5 et 15.9 des conditions générales de maintenance PagePack en ce qu'elles ne font qu'appliquer le droit commun qui admet le jeu de l'exception d'inexécution entre des contrats qui forment un tout indivisible ;

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris déboutant la société Concept de toutes ses demandes fondées sur le déséquilibre significatif ;

- Confirmer le jugement du chef de la condamnation prononce e au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouter la SCP BTSG en la personne de Maître W. ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Concept de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Plus subsidiairement,

- Juger que le déséquilibre des articles 15.5 et 15.9 des conditions générales de maintenance PagePack est compensé par les nombreux avantages du contrat offerts au concessionnaire et qui effacent toute disproportion de sorte que les conditions de l'article L. 442-6-I-2°) dans sa rédaction applicable à la cause ne sont pas remplies ;

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris déboutant la société Concept de toutes ses demandes fondées sur le déséquilibre significatif ;

- Confirmer le jugement du chef de la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouter la SCP BTSG en la personne de Maître W. ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Concept de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

A titre infiniment subsidiaire,

- Juger que la SCP BTSG en la personne de Maître W. ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Concept rapporte pas la preuve d'un préjudice résultant d'un déséquilibre significatif des clauses litigieuses ;

- Confirmer le jugement déboutant la société Concept de toutes ses demandes fondées sur le déséquilibre significatif ;

- Confirmer le jugement du chef de la condamnation prononce e au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouter la SCP BTSG en la personne de Maître W. ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Concept de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

A titre encore plus subsidiaire,

- Ordonner la compensation entre toute condamnation qui serait prononcée à l'encontre de la société Xerox et la créance définitivement fixée au passif de la procédure de redressement judiciaire ouverte selon jugement du Tribunal de Commerce de Limoges du 23 septembre 2015 d'un montant de 287.655,37 € ainsi qu'avec la nouvelle créance en cours de fixation au passif de la procédure de liquidation judiciaire ouverte selon jugement du tribunal de commerce de limoges du 6 avril 2022, conforme ment à l'article L. 622-7 du code de commerce ;

En toute hypothèse :

- Condamner la société BTSG en la personne de Me W. ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Concept au paiement d'une somme de 20.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société JD Holding au paiement d'une somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Les condamner solidairement aux dépens.

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er février 2023.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

 

Sur les fins de non-recevoir soulevées :

Exposé des moyens :

Xérox demande, en premier lieu, que BTSG ès qualités soit déclarée irrecevable, pour de faut du droit d'agir, en ses demandes de nullité des articles 15.6, 15.10 des conditions générales PagePack ; des articles 13.9, 13.10, 13.13, et 13.14 des conditions générales eClick ; des articles 10.5, 10.6, 10.9 et 10.10 des conditions générales Service Pack, ces dispositions n'e tant pas vise es par l'arrêt de la Cour de cassation du 6 avril 2022. Elle fait valoir qu'hormis la question du déséquilibre significatif des articles 15.5 et 15.9 précités, tous les autres points du litige ayant opposé les parties sur les conditions d'exécution du contrat de concession sont définitivement clos.

Les sociétés JD Holding et BTSG répondent que les conditions générales PagePack sont rédigées dans les mêmes termes que les conditions générales eClick et service Pack et qu'elles sont donc susceptibles de contestation, étant entendu que la cassation a été complète sur le déséquilibre significatif, puisque l'arrêt d'appel est annulé en ce qu'il rejette les demandes de la société Concept fondées sur le déséquilibre significatif (souligné par les appelantes).

Xerox soutient, en second lieu, que la société JD Holding est intervenue volontairement devant le tribunal de commerce de Paris et a sollicité la condamnation de Xerox au paiement d'une somme de 416.518 € à titre de dommages et intérêts. Selon Xerox, ce jugement étant définitif, la société JD Holding ne peut aujourd'hui conclure devant la Cour pour en demander l'infirmation et former les mêmes demandes que celles dont elle est définitivement déboutée. Xerox considère que par ses actes de désistements successifs, la société JD Holding a acquiesce aux décisions rendues à son encontre et a renoncé à en contester les termes des condamnations en paiement prononce es à son encontre, tant par le tribunal de commerce que par la Cour d'appel. Elle doit donc être déclarée irrecevable en ses demandes pour défaut du droit d'agir, en application de l'article 122 du code de procédure civile.

La société JD Holding répond qu'en 2019, elle s'est désistée de son appel, puis ultérieurement de son pourvoi, parce que sa situation financière ne lui permettait plus de s'exposer aux risques de la procédure. La Cour d'appel avait condamné la société JD Holding au paiement in solidum avec la société Concept d'une indemnité de procédure de 10.000 euros. Il s'en suit que l'arrêt de cassation du 6 avril 2022 emporte des conséquences sur sa situation, même si JD Holding s'est a nouveau désistée de ses demandes, puisque l'arrêt de cassation partielle a annule les condamnations prononcées in solidum au titre des frais irrépétibles et des dépens. La société JD Holding observe que Xerox a renoncé elle-même dans ses dernières écritures à demander une condamnation in solidum. Elle sollicite le débouté des demandes que l'intimée forme devant la Cour de renvoi.

Réponse de la Cour :

En premier lieu, s'agissant du périmètre de la cassation, la Cour rappelle que l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce dispose que la soumission ou la tentative de soumission d'un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties engage la responsabilité de son auteur. La partie victime d'un déséquilibre significatif, au sens de ces dispositions, est en outre fondée à faire prononcer la nullité de la clause du contrat qui crée ce déséquilibre, s'agissant d'une clause illicite qui méconnaît les dispositions d'ordre public de ce texte (Cass. com., 30 sept. 2022, n°18-25.204).

Il est constant que les dispositions des articles 15.6, 15.10 des conditions générales PagePack figurent également dans les articles 13.9, 13.10, 13.13, et 13.14 des conditions générales eClick et dans les articles 10.5, 10.6, 10.9 et 10.10 des conditions générales Service Pack.

La portée de la cassation de l'arrêt d'appel, en ce qu'il rejette les demandes fondées sur le déséquilibre significatif, porte en conséquence sur l'ensemble des demandes formulées sur ce fondement, en ce compris la nullité des clauses litigieuses.

L'irrecevabilité sollicitée de la demande de voir prononcer la nullité des clauses déséquilibrantes, sans examen au fond, sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile, ne peut donc être ordonnée.

En second lieu, la Cour rappelle que l'article 398 du code de procédure civile dispose que le désistement d'instance [en première instance] n'emporte pas renonciation à l'action, mais seulement extinction de l'instance, et qu'en application de l'article 403 du code de procédure civile, le désistement de l'appel emporte acquiescement au jugement, mais est non avenu si, postérieurement, une autre partie interjette elle-même régulièrement appel.

La Cour constate que dans ses dernières écritures, la société JD Holding ne sollicite aucune demande indemnitaire.

La Cour retient que les demandes de JD Hoding, telles qu'elles ont été formulées, ne se heurtent à aucune autorité de chose jugée. En outre, actionnaire majoritaire de la société Concept, elle n'est pas dépourvue d'intérêt à agir.

La fin de non-recevoir formée à son encontre n'est donc pas constituée.

 

Sur le déséquilibre significatif allégué :

Il est rappelé que les dispositions codifiées à l'époque à l'article L. 442-6, I, 2°) du code de commerce comprennent deux conditions cumulatives nécessaires à l'annulation d'une clause créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties : une soumission ou la tentative de soumission du partenaire commercial a la clause, d'une part, et un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, d'autre part.

Exposé du moyen :

La société BTSG et la société JD Holding soutiennent que Xerox a bloqué l'activité de la concession et a contraint la société Concept à déposer le bilan en s'appuyant sur les stipulations du contrat de maintenance qui emportent un déséquilibre significatif et contreviennent aux dispositions impératives du code de commerce. Selon elles, la société

Xerox est la filiale française d'une multinationale cotée au Nasdaq, en difficulté depuis des années, qui s'applique à se réserver le plus grand profit possible, sans reculer devant une forme de violence contractuelle qui est à l'origine de nombreux contentieux avec ses concessionnaires français.

Elles font valoir, s'agissant en premier lieu de la soumission, que le contrat de sous-traitance de maintenance est un contrat d'adhésion, dont la nature même exclut la négociation. La formation du contrat intervient par simple clic, sur le portail internet de Xerox, suivant une procédure qui ne laisse matériellement aucune possibilité pratique de négociation ou d'amendement. Elles soutiennent que pour contraindre les concessionnaires à lui confier la sous-traitance de la maintenance des machines et lui adresser l'essentiel du chiffre d'affaires généré par cette activité, Xerox a verrouillé les équipements que le concessionnaire livre à ses clients, étant entendu que le code PIN fourni par Xerox est nécessaire pour activer la machine. Il n'est donc pas possible de vendre une machine et de l'installer chez le client dans une autre configuration. En pratique, Xerox refuse de répondre favorablement aux demandes formulées au titre de la fourniture de pièces de rechange, de l'information technique et plus généralement des éléments indispensables à la maintenance des équipements (pièces appelantes n°61 à 67). Les appelantes ajoutent que le renouvellement du contrat de concession n'exclut pas la soumission aux conditions générales de sous-traitance. En effet, la maintenance n'entre pas dans l'objet du contrat. En outre, dans trois autres affaires ayant opposé Xerox à ses concessionnaires (CA [Localité 8], 11 Octobre 2017, n°15/03313 ; CA [Localité 8], 12 sept. 2018, n°17/2221 ; CA Paris, 24 mars 2021, n°19/13527), la cour d'appel de Paris a constaté qu'en pratique, les concessionnaires sont dépendants de leur société concédante, car ils ont besoin de faire perdurer leur activité en étant revendeurs exclusifs de produits Xerox, si bien qu'à trois reprises, la Cour a reconnu l'existence de la soumission.

Elles font valoir, s'agissant en deuxième lieu du déséquilibre des articles 15. 9 et 15.10 des conditions générales (« hold »), qu'en cas de retard de paiement du concessionnaire, ces dispositions permettent à la société Xerox d'interdire la souscription d'un nouveau contrat de sous-traitance de maintenance, puisque comme il s'agit d'un contrat à exécution successive, elle suspend sur ce fondement la fourniture de son service. Ainsi, les créances impayées que Xerox invoque correspondent à des factures que la société Xerox a continué d'émettre pour un service qu'elle a cessé de fournir, si bien que les paiements sont dépourvus de contrepartie. Elles ajoutent que le déséquilibre de la clause procède de son caractère disproportionné, lequel s'évince des conditions de mise en œuvre. Le concessionnaire n'ayant pas accès au code PIN nécessaire à l'activation de la machine, il ne peut plus procéder à aucune livraison, ni aucune vente : son activité commerciale est contrainte à l'arrêt.

Elles font valoir, s'agissant en troisième lieu du déséquilibre des articles 15. 5 et 15.6 (éfull holdé), qu'en cas de défaut de paiement à l'échéance, la société Xerox ne suspend pas l'exécution des seuls contrats impayés mais suspend l'exécution de l'ensemble des contrats, y compris de ceux pour lesquels le concessionnaire est à jour de ses paiements. La suspension qui ne concerne qu'une fraction de son portefeuille de clients à d'importantes conséquences, puisqu'il est rapidement saturé par des réclamations auxquelles il ne peut répondre utilement, s'exposant à un discrédit durable auprès de sa clientèle. Elles ajoutent que l'argument de la société Xerox pour légitimer ce mécanisme procéderait de l'exception d'inexécution, telle que définie par l'ancien article 1184 du code civil. Cependant, cette exception autorise le débiteur à refuser l'exécution de son engagement, dans le cas où il n'en a pas reçu la contrepartie. Ainsi, elle autorise la société Xerox à suspendre la fourniture de son service dans un contrat dont les prestations sont impayées. Mais elle ne l'autorise pas à suspendre la fourniture de tout son service au motif d'un de faut de paiement enregistre dans un autre contrat.

La société Xerox répond ne manquer à aucune obligation en ne permettant pas à ses concessionnaires d'assurer la maintenance puisque ce n'est pas le modèle économique choisi, étant observé qu'elle est une marque premium et que la liberté d'organisation d'un réseau de distribution est un principe fondamental constamment protégé par les tribunaux.

Elle rappelle que le marché bureautique est très concurrentiel (la décision 19-D-29 de l'Autorité de la concurrence du 19 décembre 2016 retient que les parts de marché de Xerox pour les copieurs multifonctions sont de 6, 8 %). Elle soutient que le fait pour un co-contractant d'estimer qu'il est de son intérêt de développer son activité en qualité de concessionnaire Xerox selon ce modèle n'est pas une pression, mais une opportunité dont il lui appartient, ou pas, de se saisir.

Elle relève qu'il a déjà été jugé (CA [Localité 8] 24 mars 2021 déjà évoqué) que le contrat de concession et les conditions générales PagePack forment un ensemble contractuel indivisible. Elle ajoute que le contrat litigieux n'est pas tacitement reconductible, la signature d'un contrat de concession n'étant jamais automatique et nécessitant une démarche positive du concessionnaire. Elle observe n'avoir sans doute pas, jusqu'alors, versés aux débats suffisamment d'éléments mettant en mesure les juges du fond d'analyser les circonstances très concrètes de la signature du contrat (dans cette affaire comme dans celle ayant donné lieu à l'arrêt du 24 mars 2021 qui concernait de nombreux concessionnaires) mais s'être attachée depuis à une collecte rétrospective des éléments complémentaires de preuve, eu égard à la motivation de la décision de cassation. Elle produit donc des pièces supplémentaires (n° 53 et 54) démontrant selon elle la réalité des négociations et de la construction de la relation contractuelle entre Xerox et la société Concept. Elle affirme que le concessionnaire et Xerox se rencontrent, échangent sur l'éventualité d'un nouveau contrat, les conditions, le territoire, son potentiel, les objectifs, les éventuelles accréditations spécifiques selon la technicité des équipements, la délégation au concessionnaire de grands comptes (en principe réservé au réseau direct de Xerox) etc. Elle observe que les conditions du nouveau partenariat pour les 3 ans à venir ont fait l'objet d'échanges avec les négociateurs de Xerox dans les locaux de la société Concept le 6 novembre 2013 et que parmi les éléments exposés, ont été plus particulièrement détaillés « l'intégration d'xpps systématiquement » (« perspective d'avoir 1300 page pack en 2016 versus 716 aujourd'hui ») ; la « fidélité à XFS » (« IA 2011 : 135 %, 2012 : 290 % et YTD oct 2013 : 130 % avec beaucoup de dossiers en cours sur la fin d'année »), l'organigramme actuel et futur, « le rachat d'un parc concurrent pour faire de la croissance externe » ainsi que la position de la société Concept, qui n'était plus premier partenaire mais souhaitait le redevenir. Elle verse aussi aux débats d'autres exemples de lettres adressées aux concessionnaires, avant l'échéance contractuelle, en vue de la signature ou non d'un nouveau contrat de concession et des exemples de dossiers de candidature (pièces Xerox n°57 et 58, seules les premières pages des dossiers étant produites afin de respecter le dossier des affaires).

Elle fait valoir que la liberté de contracter chasse la soumission, et soutient que les sociétés BTSG et JD Holding ne produisent pour leur part aucun élément rapportant la preuve que la société Xerox aurait use de manœuvres destinées à imposer l'adhésion de la société Concept à son réseau ni qu'elle aurait abusé d'un quelconque rapport de force ou exerce une quelconque pression pour forcer son cocontractant a l'acceptation d'une disposition contractuelle. Elle ajoute que la société Concept est un professionnel averti, un entrepreneur responsable de ses décisions de gestion, qui a fait le choix de devenir concessionnaire Xerox. Elle soutient que les concessionnaires savent que le développement de la société Xerox dépend de leur réussite et sont très conscients du poids qu'ils représentent dans le chiffre d'affaires de cette dernière (65 %), le rapport de dépendance étant même, selon elle, inversé. Au demeurant, la société Concept s'est reconvertie sous une enseigne concurrente dès la fin du contrat de concession en 2016.

S'agissant, enfin, de l'absence selon elle de déséquilibre significatif des clauses litigieuses, elle observe que les machines sous contrat PagePack sont équipées par avance des consommables nécessaires à leur fonctionnement et que selon les statistiques de consommation du réseau Xerox, la durée de vie des toners est en moyenne de 12 mois sur les équipements A4. Xerox facture les pages produites au moyen de consommables préalablement livrés, les consommables n'étant pas facturés. Une suspension ne peut par ailleurs pas compromettre fautivement la vente de machines dès lors que celle-ci peut avoir lieu sans contrat de maintenance. Elle conteste par ailleurs qu'un code secret d'activation soit nécessaire pour faire fonctionner les équipements.

Xerox soutient que les articles 15.5 et 15.9 des conditions générales PagePack permettant à la société Xerox, en cas d'impayé du concessionnaire, de suspendre le service sur tous les contrats de maintenance PagePack en cours ou de suspendre toute nouvelle commande de contrat PagePack, ne font qu'appliquer le droit commun, qui admet le jeu de l'exception d'inexécution entre des contrats qui forment un tout indivisible. Ces clauses permettent au créancier de ne pas voir sa créance aggravée par de nouveaux contrats (article 15.9) ou par de nouvelles prestations de dépannage (article 15.5) alors que les anciens contrats et anciennes prestations ne sont toujours réglées. De plus, Xerox fait valoir qu'elle n'a suspendu la commande de nouveaux contrats et ses prestations qu'à compter de juin 2015 (soit après six mois d'impayés) et pour quelques jours seulement.

Elle ajoute que l'absence de stricte proportion est de l'essence même du mécanisme de l'exception d'inexécution, puisque cette prérogative est précisément conçue comme le moyen de contraindre le cocontractant à exécuter son obligation. Elle considère que le paiement à bonne date est primordial, d'abord parce qu'il conditionne l'équilibre économique global de la relation instaurée entre Xerox et chacun de ses concessionnaires, et ensuite parce qu'un défaut entraîne immédiatement un arriéré important au préjudice de Xerox. Elle soutient que la chronologie des faits montre qu'elle a fait preuve de patience et de compréhension à l'égard de la société Concept, et qu'elle n'avait d'autre choix que d'agir comme elle l'a fait devant une balance lourdement et longuement déficitaire, sans accord d'apurement avec le concessionnaire. Elle ajoute n'avoir jamais avoir été condamnée pour la mise en œuvre des clauses aujourd'hui incriminées, auxquelles elle n'a jamais eu recours dans une hypothèse où quelques factures seulement auraient été impayées.

Réponse de la Cour :

En application de l'article L. 442-6, I, 2° ancien du code de commerce : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (…) 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

Il est de jurisprudence constante :

- que l'insertion de clauses dans une convention type ou un contrat d'adhésion qui ne donne lieu à aucune négociation effective des clauses litigieuses peut constituer le premier élément de cette pratique restrictive de concurrence (la soumission) et que le second élément (l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif) peut notamment se déduire d'une absence totale de réciprocité ou de contrepartie à une obligation, ou encore d'une disproportion importante entre les obligations respectives des parties ;

- que les clauses sont appréciées dans leur contexte, au regard de l'économie du contrat et in concreto ;

- que la preuve d'un rééquilibrage du contrat par une autre clause incombe à l'entreprise mise en cause, sans que l'on puisse considérer qu'il y a inversion de la charge de la preuve;

- que les effets des pratiques n'ont pas à être pris en compte ou recherchés.

La mise en œuvre de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce suppose l'existence d'un rapport de force entre les cocontractants ayant permis à l'un d'eux de soumettre ou de tenter de soumettre son partenaire commercial, lors de la conclusion du contrat, à des obligations manifestement déséquilibrées. Si les contrats d'adhésion ne permettent pas a priori de négociations entre les parties, il incombe néanmoins à la partie qui invoque l'existence d'un déséquilibre significatif de rapporter la preuve qu'elle a été soumise, du fait du rapport de force existant, à des obligations injustifiées et non réciproques.

Le fait pour un concédant à la tête d'un réseau d'inscrire une clause qui instaure un déséquilibre manifeste dans les droits et obligations des parties dans un contrat-type qui s'apparente à un contrat d'adhésion et qui est proposé à tous les membres de son réseau, donne à cette clause la portée d'un principe auquel les concessionnaires ne peuvent déroger qu'au terme d'une négociation qui n'est pas souvent à leur portée.

En l'espèce et en premier lieu, la Cour retient que les articles 4.2, 4.5 et 4.6 du contrat de concession évoquent expressément les conventions relatives à la maintenance PagePack, ServicePack et eClick signées entre le concessionnaire et les utilisateurs finaux, que ses annexes F (sur l'encours et les conditions de paiements) et H (conditions générales ServicePack, PagePack et eClick) ont force obligatoire par application de l'article 11.2 dudit contrat et que l'ensemble des conditions de paiement pour les opérations de maintenance entrent donc dans les prévisions du contrat de concession.

Il s'ensuit que le contrat de concession et la sous-traitance de maintenance constituent un ensemble indivisible et qu'il est donc expressément convenu entre le concédant et le concessionnaire que l'exécution des prestations de maintenance puisse être suspendue, qu'il s'agisse d'une suspension des commandes nouvelles ou d'une suspension du service sur l'ensemble des contrats, y compris celles dont les échéances ont été payées.

C'est en sa qualité de concessionnaire Xerox que ce dernier a accès à l'offre de maintenance PagePack et le « clic en ligne » critiqué par les appelantes, lequel intervient lors de la commande réalisée sur le portail de la société Xerox, n'est en réalité que la réitération d'une acceptation des clauses litigieuses déjà exprimée à la signature du contrat de concession.

En deuxième lieu, la Cour observe que la comparaison entre le contrat de concession du 21 décembre 2010 (pièce appelantes n°2) et le contrat de concession du 1er décembre 2013 (pièce Xerox n°1) permet d'identifier un certain nombre de différences : ajout des articles 2.2 et 11.4, objectif mensuel de référence plus élevé, répartition périodique différente de l'objectif cumulé, réduction de la ristourne Concessionnaire premier partenaire, grille de ristourne de performance réduite d'un point s'agissant de la réalisation de 120 % de l'objectif, ajout d'une ristourne de constance de la performance de 1 %, création d'un bonus 3 de ristourne additionnelle de 3 %, différence de coefficient sur le territoire considéré (2, 6 sur l'exercice 2013 ramené à 2,5 sur l'exercice 2014, à comparer à 2,9 à partir du 1er décembre 2010 ramené à 2,7 à compter du 30 novembre 2010), liste des comptes délégués au concessionnaire de 2 pages en 2010, de 12 pages en 2013. La réalité de la négociation sur certains sujets se déduit par ailleurs de certains échanges entre les parties versés aux débats.

Pour autant, ces éléments ne peut pas remettre en cause le constat selon lequel si le concessionnaire peut résilier les contrats le liant à la société Xerox ou ne pas reconduire le contrats de concession, il est en pratique dépendant de la société concédante, car dès lors qu'il a déterminé que son intérêt était de rester dans le réseau, il a besoin de faire perdurer son activité, étant revendeur exclusif de produits Xerox et il doit, pour ce faire, souscrire auprès de la société Xerox le contrat de sous-traitance, qui forme un tout indivisible avec le contrat de concession. Or ces deux contrats d'adhésion ne donnent lieu à aucune négociation autre que financière sur les performances, les objectifs et les ristournes.

Il s'en déduit que si le concessionnaire n'est pas dépendant pour décider, en fonction de son intérêt bien compris, s'il doit entrer, rester ou au contraire quitter le réseau Xerox, il en va différemment lorsqu'il décide de rester dans le réseau, dès lors que la société concédante refuse par principe toute négociation effective sur les clauses litigieuses qui, selon elle, sont inhérentes à son modèle économique pour la distribution de ses produits et services. Dans de telles circonstances, c'est à tort qu'il est allégué que les conditions de la construction de la relation contractuelle entre Xerox et la société Concept ne s'en seraient pas trouvé affectées.

La Cour retient qu'en insérant les clauses litigieuses ayant pour objet de sanctionner un impayé par la suspension du service sur l'ensemble des contrats, y compris ceux dont les échéances ont été payées dans les conditions générales de vente PagePack annexées au contrat de concession, la société Xerox a imposé ou a tenté d'imposer à la société Concept des obligations.

En troisième lieu, s'agissant de la condition d'absence de réciprocité des droits et obligations des parties ou la disproportion entre ces obligations, la Cour retient que les clauses selon lesquelles Xerox peut, en cas de mise en demeure infructueuse, suspendre tous les contrats de maintenance en cours (articles 15.5 et 5.6 des CG PagePack Service), ou encore suspendre tous les nouveaux contrats (articles 15.9 et 15.10) en présence d'un impayé sont susceptibles d'être à l'origine d'un déséquilibre significatif dès lors que ces obligations sont dépourvues de justification ou ne sont pas assorties de contreparties ou sont disproportionnées.

En application de la clause « hold », la société Xerox peut interrompre ses prestations de maintenance pour l'ensemble des contrats en cours, au motif qu'une société concessionnaire est redevable du paiement d'une ou de plusieurs factures, et ce pour la durée de l'impayé. Néanmoins, pendant le temps de cette suspension, le concessionnaire demeure tenu de s'acquitter auprès de la société Xerox des factures afférentes aux prestations dont l'exécution est suspendues.

En dépit de ses explications, la société Xerox ne démontre pas que le concessionnaire pourrait, au prix d'inconvénients mineurs, procurer autrement à son client la prestation de maintenance requise. Si tel était le cas, l'efficacité du dispositif serait d'ailleurs compromise, ce qui n'est pas démontré.

En application de la clause « full hold », la société Xerox peut refuser de « débloquer la validation de nouveaux contrats » (mail Xerox à la société Concept du 29 avril 2015 – pièce appelantes n° 11) et « suspendre la prise en charge de toute nouvelle commande » (lettre de Xerox à la société Concept du 6 juillet 2015 - pièce appelantes n°22), la situation étant décrite ainsi qu'il suit dans un message vocal du 22 septembre 2015 du Chanel business manager de Xerox au représentant de la société Concept : « les cotations ne sont plus valables depuis août. Tu es en Full Hold. Tu ne peux plus commander des machines, tu ne peux plus rien faire » (constat d'huissier du 25 septembre 2015 - pièces appelantes n°28)

Si la société Xerox soutient que ces mécanismes sont le résultat des retards de paiement du concessionnaire, il convient de souligner que tandis que les impayés peuvent seulement concerner une minorité des contrats, voire un seul, les clauses litigieuses permettent de suspendre l'exécution de tous les contrats en cours, d'une part, et toute nouvelle commande, d'autre part.

Ces clauses pénalisent fortement le concessionnaire, qui ne peut plus fournir le consommable et est impuissant à assurer la réparation d'un équipement en panne. La suspension totale a, selon les termes mêmes de la société Xérox dans son mail de mai 2015 (pièce appelantes n°13), des éconséquences dramatiques pour les clientsé.

Ce n'est pas parce que la société Xerox explique avoir appliqué le principe de l'exception d'inexécution à l'ensemble des obligations rassemblées par le contrat de concession dont les opérations de maintenance, que cela empêche de tenir pour manifestement déséquilibré le dispositif contractuel qui l'autorise à exiger le paiement de prestations sans en fournir aucune.

En dépit des risques d'impayé allégués par la société Xerox, c'est elle qui a choisi d'être systématiquement désignée en qualité de sous-traitant, et la réalité des impayés auquel elle a dû faire face de la part de la société Concept n'opère aucun rééquilibrage, peu important que, dans la logique de sous-traitance qu'elle a elle-même adoptée, le concessionnaire facture aux utilisateurs le prix de la maintenance augmenté de sa marge et l'encaisse, sans réaliser aucune prestation ni livrer aucun consommable.

S'il est exact que le concessionnaire est rémunéré par une commission sur le prix de la maintenance effectuée par Xerox, il n'en reste pas moins qu'il est le seul partenaire contractuel des utilisateurs que, par son travail, il a acquis à la marque, et qui, au premier chef, se retournent naturellement contre lui en cas de difficulté de maintenance.

Alors qu'il est normal pour l'entrepreneur principal de maintenance qu'est le concessionnaire, d'être rémunéré sur la maintenance des machines qu'il place, une telle rémunération ne peut pas être prise en compte au titre d'un rééquilibrage en faveur du concessionnaire, sauf pour la société Xerox à démontrer son caractère particulièrement avantageux, ce qu'elle ne parvient pas à faire malgré le taux de marge annoncé (27 % en 2015).

La circonstance que la société Xerox ait institué le paiement à 30 jours des factures de maintenance au-delà d'un encours de trésorerie ne constitue pas un rééquilibrage des clauses litigieuses, dans la mesure où le délai de paiement demeure d'une durée modeste et où l'encours, selon l'article 1.3 de l'annexe F et l'article 15.8 des conditions générales PagePackService est, en définitive, à la discrétion de la société Xerox (par exemple article 1.3 annexe F : « A tout moment, le niveau d'encours accordé au concessionnaire peut être revu à la hausse ou à la baisse, ou tout encours être supprimé, à l'initiative de Xerox, en fonction de l'évolution de la situation financière du concessionnaire »).

Il ne peut être valablement soutenu que la circonstance que la maintenance soit certifiée ISO 9001 soit un rééquilibrage des clauses litigieuses, ni que la circonstance que les machines placées puissent continuer à fonctionner, au moins un certain temps, sans maintenance ait un effet de rééquilibrage.

Enfin, en dépit de l'organisation avec un compte unique par concessionnaire, qui a été déterminée par la seule société Xerox, aucune impossibilité technique ne s'oppose à ce qu'en cas d'impayé, la société Xerox arrête la prestation de maintenance uniquement pour le compte d'utilisateur affecté, et non pour d'autres.

La société Xerox, au total, ne démontre pas que les clauses litigieuses relatives à la maintenance, en elles-mêmes disproportionnées, seraient rééquilibrées par d'autres stipulations du contrat de concession.

Par conséquent le jugement sera infirmé sur ce point. La nullité des articles 15.5, 15.6, 15.9 et 15.10 des conditions générales PagePack, des articles 13.9, 13.10, 13.13 et 13.14 des conditions générales eClick, et des articles 10.5, 10.6, 10.9 et 10.10 des conditions générales ServicePack est prononcée.

 

Sur les mesures de réparation :

Exposé du moyen :

Les sociétés JD Holding et BTSG font valoir que la procédure « hold » a été mise en œuvre une première fois pendant deux semaines au mois de juin 2014, puis de manière pratiquement ininterrompue du mois de mars 2015 au mois d'avril 2016, et la procédure « full hold » de manière pratiquement ininterrompue du mois de juin 2015 au mois d'octobre 2015. Elle font état d'une baisse de la vente de copieurs neufs de 68 % en 2015 et de 71 % en 2016 (par rapport à 2014) et de 56 % du 1er janvier au 1er mai 2015, de 71 % du 1er juin au 22 septembre 2015 -date de l'ouverture de la procédure collective- et de 78 % du 23 septembre au 30 décembre 2015 (par rapport à 2014). Elles évoquent aussi un volume extravagant d'avoirs et de volumes pendant la période d'observation, ainsi qu'une exigence de paiement à réception, Xerox s'appuyant sur les retards que, selon les appelantes, elle provoquait pour maintenir le blocage de l'enregistrements de nouveaux contrats de maintenance et compromettre la livraison de nouveaux équipements. Elles en déduisent une marge perdue sur l'exercice 2015 mais encore sur l'exercice 2016. Le préjudice dont elles demandent l'indemnisation ressort, en conséquence, de l'addition de l'écart de marge en 2015 et en 2016 par comparaison à la marge moyenne annuelle réalisée sur les trois précédents exercices.

Elles sollicitent aussi la publication de la décision en soulignant que l'article L. 442-6, III, § 3 du code de commerce prévoit cette mesure de façon systématique depuis la réforme de 2019.

La société Xerox répond qu'il ressort des pièces produites par la société Concept que le chiffre d'affaires sur la maintenance PagePack se maintient en 2015 (1.123.112 € soit 97,2 % du chiffre d'affaires de 2014), de même que les achats de cette société en PagePack en 2015 auprès de Xerox (823.035 € soit 85,6 % des achats de 2014) et qu'en outre la marge sur maintenance PagePack en 2015 de la société Concept est égale à 300.077 € soit + 55% par rapport à 2014. Elle ajoute que les périodes de suspension alléguées sont erronées, puisque la mesure « hold » a été mise en œuvre du 5 juin au 5 octobre 2015 et la mesure de « full hold » 28 jours pour d'importants arriérés pendant 267 jours. Elle fait valoir, enfin, qu'il n'y a pas de lien de causalité entre le préjudice allégué et la mise en œuvre des clauses litigieuses.

Elle soutient par ailleurs qu'en application de l'article L. 622-7 du code de commerce, toute condamnation qui serait prononcée contre la société Xerox doit être compensée avec la créance de la société Xerox définitivement fixée au passif de la société Concept pour un montant de 287.655,37 € pour laquelle il reste dû à Xerox 268.957,77 € (seule la première échéance du plan ayant été réglée) ainsi qu'avec la créance complémentaire (134.716 €) qui est en cours de fixation, les obligations étant réciproques et dérivant d'un même contrat ou étant à tout le moins connexes.

Réponse de la Cour :

Un préjudice certain est né en l'espèce de l'application des clauses litigieuses, qui a conduit à la privation de revenus liés à la vente des équipements (y compris comme il ressort des pièces fournies, des équipements en stock), à la privation des revenus à attendre de l'après-vente, puisque des clients non dépannés ou non livrés des consommables ont suspendu le paiement de leurs échéances, et de la perte de clientèle, puisque des clients mécontents ont annulé leur commande ou résilié leur contrat de maintenance. La société Xérox doit réparation à la société Concept pour ce comportement fautif.

Il ressort des pièces fournies que des mesures de suspension sont intervenues en mars et avril 2015 (pièces appelantes n°94) et que la procédure « full hold » a été mise en jeu du mois de juin 2015 au mois d'octobre 2015.

La Cour observe que les données extraites de la comptabilité de la société Concept ne sont pas utilement contestées et qu'il convient en conséquence de retenir comme une pièce probante le tableau de synthèse figurant dans les pièces des appelantes sous le n°86.

La marge moyenne annuelle réalisée par la société Concept sur les trois exercices 2012, 2013 et 2014 s'élève à 1 086 526 euros.

La Cour retient que l'application des clauses litigieuses est intervenue en 2015 pendant une durée cumulée de 7 mois. L'écart de marge s'élevant sur l'exercice 2015 à 561.960 euros, il s'en déduit que la perte de marge imputable à cet élément générateur s'élève à 327.810 euros.

Le montant du préjudice que la société Xérox devra verser à la société BTSG, prise en la personne de Maître I. W., sera en conséquence fixé à cette somme.

La Cour constate que :

- la créance chirographaire de la société Xerox définitivement fixée au passif de la société Concept s'élève à 287.655,37 € (pièce Xerox n°39) ;

- le critère pertinent de détermination du caractère postérieur ou antérieur des créances au sens du droit des procédures collectives étant la date du fait dommageable, une compensation a vocation à intervenir à hauteur de 280.960 euros.

Enfin, eu regard de la nature et de l'ancienneté du litige et de sa solution, une publication judiciaire, qui est une mesure de réparation complémentaire, ne se justifie pas, les autres mesures ordonnées remplissant la société Concept de ses droits.

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Conformément aux articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Xerox, partie perdante, doit supporter la charge des dépens sans pouvoir prétendre à une indemnité de procédure.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société BTSG, prise en la personne de Maître I. W., les frais irrépétibles qu'elle a contrainte d'exposer en justice. La société Xérox sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

Vu l'arrêt de la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation du 6 avril 2022 pourvoi n°20-20.887 ;

La Cour statuant dans la limite de sa saisine ;

Déclare recevable les demandes de la société JD Holding et de la société BSTG, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Document Concept 87 & 23 ;

Infirme le jugement entrepris, en ce qu'il a :

- débouté la société Concept de ses demandes fondées sur le déséquilibre significatif

- condamné in solidum les sociétés Concept et JD Holding à payer à Xerox au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 20.000 euros ;

- condamné in solidum les sociétés Concept et la JD Holding aux dépens de l'instance ;

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité des articles 15.5, 15.6, 15.9 et 15.10 des conditions générales PagePack, celle des articles 13.9, 13.10, 13.13 et 13.14 des conditions générales eClick, et celle des articles 10.5, 10.6, 10.9 et 10.10 des conditions générales ServicePack ;

Condamne la société Xerox à payer à titre de dommages et intérêts à la société BTSG ès qualité une somme de 327 810 euros ;

Ordonne la compensation à hauteur de 280 960 euros entre cette somme et la créance définitivement fixée au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société Concept ouverte selon jugement du tribunal de commerce de Limoges du 23 septembre 2015 ;

Rejette la demande de publication de l'arrêt présentée par la société Xérox ;

Déboute la société Xerox de ses autres demandes ;

Condamne la société Xerox au paiement à la société BTSG ès qualité d'une somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Xerox aux dépens.

LA GREFFIERE                                         LA PRESIDENTE