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CA CHAMBÉRY (ch. civ. 1re sect.), 3 octobre 2023

Nature : Décision
Titre : CA CHAMBÉRY (ch. civ. 1re sect.), 3 octobre 2023
Pays : France
Juridiction : Chambery (CA), ch. civ. sect. 1
Demande : 21/00146
Date : 3/10/2023
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 27/01/2021
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10467

CA CHAMBÉRY (ch. civ. 1re sect.), 3 octobre 2023 : RG n° 21/00146 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Ainsi la loi de modernisation de l'économie dite loi LME du 4 août 2008 a désigné un certain nombre de juridictions spécialisées pour connaître des litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 précité.

Les juridictions non spécialisées, saisies à tort, doivent relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel pour statuer sur l'application de ce texte.

S'agissant de l'appel, la Cour de cassation, à plusieurs reprises, a d'abord jugé qu'un appel contre une décision rendue par une juridiction non désignée statuant sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce formé devant une cour d'appel non spécialisée, était irrecevable, cette fin de non-recevoir devant être relevée d'office (Com 9 nov. 2010, n° 10-10.937, 4 sept. 2013, n°12-12.089, 31 mars 2015, n° 14-10.016). Elle a par la suite modifié sa jurisprudence en raison de l'insécurité juridique qui en résultait pour les parties quant à la détermination de la cour d'appel pouvant connaître de leur recours et quant au maintien de décisions rendues par des juridictions non spécialisées, les recours formées devant les autres cours d'appel que celle de Paris étant déclarés irrecevables.

Ainsi en application des articles L. 442-6-III et D. 442-3 du code de commerce, il est jugé que seuls les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions du premier degré spécialement désignées sont portés devant la cour d'appel de Paris, de sorte qu'il appartient aux autres cours d'appel, conformément à l'article R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire, de connaître de tous les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions situées dans leur ressort qui ne sont pas désignées par le second texte.

Il en est de même dans l'hypothèse où celles-ci ont statué, à tort, sur l'application du premier texte, de sorte qu'elles doivent alors relever d'office l'excès de pouvoir commis par ces juridictions, en statuant sur des demandes qui, en ce qu'elles ne relevaient pas de leur pouvoir juridictionnel, étaient irrecevables. (Cass., Com. 29 mars 2017, n° 15-15.337, Cass., Com. 26 avril 2017, n° 15-26.780, Cass., Com. 11 mai 2017, n°16-10.738, Cass., Com 21 mars 2018, n°16-22.612).

Par ailleurs, saisie de l'appel d'un jugement rendu par un tribunal de commerce non spécialisé situé sur son ressort, une cour d'appel non spécialisée doit déclarer l'appel recevable, constater le cas échéant, le défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal pour statuer sur un litige relevant de l'article L. 442-6 du code de commerce et statuer dans les limites de son propre pouvoir juridictionnel sur les demandes fondées sur le droit commun de la responsabilité (Cass., Com. 23 janvier 2019, n°17-16.973, Cass., Com. 23 janvier 2019, n°17-18.689).

En outre, lorsque le jugement frappé d'appel a été rendu sur le fondement des articles anciens 1134, 1146 et 1147 du code civil, et qu'il émane d'une juridiction située dans le ressort d'une cour d'appel non spécialisée, l'appel formée devant celle-ci est recevable, seules étant irrecevables les demandes nouvellement formées en appel sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce. (Cass., Com. 7 juillet 2020, n°18-24.046).

Enfin, une partie qui, dans une action en dommages et intérêts a fondé ses demandes indistinctement sur le droit commun de la responsabilité et sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, devant une juridiction de première instance, puis une cour d'appel, non désignées par les articles D. 442-2 et D. 442-3 du code de commerce pour connaître de l'application de ces dernières dispositions législatives, peut, lorsqu'elle saisit la juridiction de renvoi désignée par l'arrêt ayant prononcé la cassation de l'arrêt d'appel, renoncer à invoquer les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce et ne fonder son action que sur les seules dispositions du droit commun de la responsabilité. (Cass., Com. 13 avril 2023, n° 20-16.369).

Il sera tout d'abord observé que l'action prévue par l'ancien article L. 442-6- I est une action en responsabilité et non pas une action en nullité du contrat.

Or en l'espèce, l'action engagée par M. X., la selarl Benoit et associés, et la société Pyma est une action en nullité des contrats de franchises et des contrats subséquents fondée sur l'existence de vices du consentement. Et c'est bien sur ce fondement que les premiers juges ont prononcé la nullité des contrats en ces termes : « Quatre conditions sont nécessaires à la validité d'un contrat, à savoir la capacité de contracter, le consentement, un objet certain, et une cause licite. Il y a vice de consentement si l'erreur est déterminante dans le consentement (article 1109 du code civil). L'erreur est une cause de nullité lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.

Dans le cas du franchise de M. X., il y a erreur sur la contrepartie du contrat synallagmatique. Le Tribunal reconnaît la nullité du contrat. La nullité du contrat étant du fait de l'intimé, la société Argo groupe, elle sera condamnée à réparer le préjudice subi par l'appelant.

C'est l'ensemble du Groupe Argo qui sera condamné compte tenu que toutes les sociétés du groupe à savoir les sociétés Libertea, Bgroupe, ACPI, Primogest et Agape sont impliquées dans la cause soit directement soit indirectement. »

Si le tribunal n'a pas relevé l'irrecevabilité des demandes au visa de l'article L. 442-6 du code de commerce figurant dans le dispositif des dernières conclusions des sociétés Benoît et associés, Pyma Capital et M. X., qu'il aurait dû soulever d'office à défaut de pouvoir juridictionnel pour statuer sur ce fondement, force est de constater qu'il n'a commis aucun excès de pouvoir puisque contrairement à ce qu'affirme la société Argo groupe, il ne s'est pas fondé sur ce texte pour prononcer la nullité des contrats de franchise mais bien sur le droit commun des contrats qui était invoqué.

La demande de nullité du jugement sera ainsi rejetée.

Par ailleurs, au vu de la jurisprudence précitée, il est du pouvoir juridictionnel de la présente cour de statuer sur les dispositions du droit commun relatives à la nullité des contrats, étant précisé, au surplus, qu'aux termes de leurs dernières conclusions, qui sont les seules sur lesquelles la cour doit statuer (article 954 du code de procédure civile), le liquidateur de la société Civilis, la société Pyma capital et M. X. ne visent pas les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce. »

 

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 3 OCTOBRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/00146. N° Portalis DBVY-V-B7F-GTLY. Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce d'ANNECY en date du 11 janvier 2021.

 

Appelants :

M. X.

demeurant [Adresse 4]

Société CIVILIS PROMOTION

dont le siège social est situé [Adresse 3]

SELARL BENOIT ET ASSOCIES, es qualité de liquidateur de la société CIVILIS PROMOTION

dont le siège social est situé [Adresse 1] à [Localité 19]

SARL PYMA CAPITAL

dont le siège social est situé [Adresse 5] à [Localité 9]

Représentés par la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocats postulants au barreau de CHAMBÉRY, Représentés par la SCP BOURGEON MERESSE GUILLIN BELLET & ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de PARIS

 

Intimées :

SAS GROUPE ARGO

dont le siège social est situé [Adresse 6]

SARL ARGO GESTION

dont le siège social est situé [Adresse 2]

Société ARGO GROUPE

dont le siège social est situé [Adresse 2]

SARL ACPI

dont le siège social est situé [Adresse 6]

SAS LIBERTEA

dont le siège social est situé [Adresse 2]

SAS AGAPE

demeurant [Adresse 2]

Représentées par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBÉRY, Représentées par l'AARPI RIVIERE - DE KERLAND, avocats plaidants au barreau de BORDEAUX

 

Date de l'ordonnance de clôture : 28 novembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 décembre 2022

Date de mise à disposition : 3 octobre 2023

 

Composition de la cour : - Mme Hélène PIRAT, Présidente, - Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseillère, - Mme Claire STEYER, Conseillère, avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 19 septembre 2013, a été conclu entre la société ARGO groupe, dont la dénomination est par la suite devenue société Libertea, immatriculée au RCS d'Annecy sous le numéro XXX et M. X., directeur commercial de société, un premier contrat de franchise de promotion immobilière d'une durée de cinq ans aux termes duquel :

- Le franchiseur a « mis au point et développé un concept et un savoir faire originaux, spécifiques et substantiels, identifiés et secrets, d'accompagnement de personnes désireuses de devenir promoteur immobilier sous l'enseigne et la marque Argo »,

- La société Argo concède à M. X. l'exclusivité de la marque et de l'enseigne Argo sur une partie du département de la Haute-Garonne, divisé en trois territoires, incluant un tiers de la ville de [Localité 19] et de son agglomération et un tiers du département, moyennant un droit d'entrée de 70.000 euros HT payable au 15 septembre 2015 au plus tard ainsi qu'une redevance mensuelle de 2.500 euros HT après une période de carence de 5 mois (octobre 2013 à février 2014) et un différé de paiement pour la période allant de mars 2014 à février 2015 fixé au 15 septembre 2015 au plus tard.

- Une formation est effectuée par le franchiseur.

En janvier 2014, pour la réalisation des opérations immobilières, M. X. a créé deux sociétés : la Sarl Civilis promotion qui est une société de service administratif et la société Pyma capital qui est une société holding destinée à prendre des participations à hauteur de 30 % du capital dans les sociétés civiles de construction vente créées pour chaque réalisation d'une opération de promotion.

La société ARGO groupe a conclu avec M. X. le 21 janvier 2014 un contrat de co-promotion aux termes duquel les parties se sont engagées à investir en commun dans des programmes de construction de logements par le biais de sarl ou sociétés civiles de construction vente, 70% du capital étant détenu par ARGO groupe, 30% par M. X. ou toute société qu'il se substituerait, l'assistance d'autres sociétés du groupe Argo, étant obligatoire pour :

- L'assistance à la maîtrise d'ouvrage par la sarl ACPI ayant pour activité les honoraires de gestion, apporteur d'affaires immobilières, construction vente, promotion immobilière, qui assure les montages des opérations et leur commercialisation, moyennant des honoraires de 3% HT du chiffre d'affaires du programme,

- L'assistance comptable et la communication par la sarl Primmogest désormais dénommée sarl Argo gestion, moyennant une rémunération de 1% HT du chiffre d'affaires du programme.

Un avenant à ce contrat était régularisé le 2 décembre 2014 entre les parties.

Par ailleurs la SAS B Groupe, désormais dénommée SAS Groupe Argo, ayant pour activité le conseil et ingénierie en immobilier et finance prenait des participations dans les sociétés de projet immobilier.

Le 27 février 2015, M. X. signait deux nouveaux contrats de franchise pour les territoires 2 et 3 du département de la Haute Garonne moyennant le paiement pour chacun des territoires, d'un droit d'entrée de 70.000 euros HT outre une redevance mensuelle de 2.500 euros HT.

Le 2 mars 2015, deux autres accords de co-promotion étaient régularisés entre la société Civilis promotion et la société Argogroupe concernant respectivement les territoires 2 et 3.

La SAS Argo groupe, immatriculée au RCS d'Annecy sous le numéro YYY, a été créée le 23 décembre 2015 en vue de l'apport à cette dernière, par la SAS Libertea immatriculée au RCS d'Annecy sous le numéro ZZZ (anciennement dénommée ARGO groupe), de la branche complète de son activité de franchisage en décembre 2015 concernant la promotion immobilière d'accès au logement pour primo-accédants et de logement social sous l'enseigne et la marque « Argo ».

La société Civilis a rencontré des difficultés dans le paiement des droits d'entrée pour les territoires 2 et 3 du territoire du Rhône et les redevances afférentes.

Le 15 mars 2018, M. X. a signifié à la SAS Argo groupe qu'il ne renouvelait pas le contrat de franchise pour le territoire n°1, et le 28 mars 2018 la SAS Argo groupe l'a mis en demeure de payer les redevances dues.

Les mises en demeure sont restées sans effet puis, le 10 avril 2018, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée de la sarl Civilis promotion, la selarl Benoit et associés étant désignée en qualité de liquidateur.

Par acte du 29 juin 2018, la société Argo groupe a fait assigner M. X., la selarl Benoit et associés ès qualités de liquidateur de la société Civilis promotion devant le tribunal de commerce d'Annecy aux fins d'obtenir le paiement de sommes dues par M. X. et l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Civilis promotion d'une série de factures, outre le prononcé de la résiliation des contrats de franchise aux torts de cette dernière.

Par acte en date du 2 juillet 2018, la société Benoit et associés, M. X., les sociétés Civilis promotion et Pyma capital ont fait assigner en intervention forcée les sociétés Argo groupe, Libertea, Bgroupe, ACPI, Primmogest et Agape devant le tribunal de commerce d'Annecy.

Par jugement du 1er octobre 2019, les deux affaires ont été jointes.

Par jugement rendu le 11 janvier 2021, le tribunal de commerce d'Annecy a :

- constaté la validité de l'assignation en intervention forcée délivrée contre les sociétés Libertea, Bgroupe, ACPI, Primmogest et Agape,

- déclaré recevables les demandes formées par les concluants contre les sociétés Libertea, Bgroupe, ACPI, Primmogest et Agape,

- annulé les trois contrats de franchise datés des 19 septembre 2013 et 27 février 2015, ainsi que l'ensemble des contrats conclus en application de ces deux contrats (promotion, co-promotion, gestion),

- constaté que les contrats mis en place par la société Argo groupe forment un ensemble et que l'intrication des sociétés mises en place par M. Z., comme la structuration du groupe Argo et les contrats dont la conclusion a été imposée par ledit groupe à M. X. afin d'exploiter son activité, de sorte que l'ensemble des sociétés du groupe Argo engagent leur responsabilité in solidum à l'égard des concluants,

- condamné en conséquence in solidum, la société Argo groupe et les sociétés Libertea, Bgroupe, ACPI, Primmogest et Agape à verser les sommes suivantes :

- à M. X. 210.000 euros au titre des restitutions consécutives à l'annulation des contrats,

- à la société Civilis promotion 318.000 euros au titre des restitutions consécutives à l'annulation des contrats,

- condamné in solidum les mêmes sociétés, outre les entiers dépens à payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum, la société Argo groupe et les sociétés Libertea, Bgroupe, ACPI, Primmogest et Agape aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration au greffe en date du 27 janvier 2021, M. X., la société Civilis promotion, la selarl Benoît et associés es qualité de liquidateur de la société Civilis et la sarl Pyma capital ont interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté certaines de leurs demandes indemnitaires.

L'affaire a été enrôlée sous le numéro 21/146.

Par déclaration au greffe en date du 3 février 2021, les sociétés Argo Groupe, Libertea, Groupe Argo, ACPI, Argo gestion, et Agape ont interjeté appel de cette même décision.

L'affaire a été enrôlée sous le numéro 21/243.

Un avis de jonction a été adressé le 17 octobre 2022.

Saisie à la requête de l'ensemble des sociétés du groupe Argo, d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire, et à titre subsidiaire d'une autorisation de consigner les sommes dues, la première présidente de la cour d'appel de Chambéry, par ordonnance de référé en date du 18 mai 2021, a ordonné la consignation à la Caisse des dépôts et consignation du montant des condamnations soit la somme de 528.000 euros en principal, outre intérêts et frais et 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile par les sociétés Argo groupe, Libertea, Groupe Argo, (anciennement Bgroupe) ACPI, Argo gestion (anciennement Primmogest) et Agape,

[*]

Par dernières écritures en date du 25 novembre 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. X., la société Civilis promotion, la selarl Benoit et associés liquidateur de la société Civilis et la sarl Pyma capital sollicitent l'infirmation du jugement déféré et demandent à la cour de :

- juger que le jugement entrepris n'est affecté d'aucune cause de nullité dès lors que le tribunal de commerce d'Annecy, qui n'a pas dépassé son pouvoir juridictionnel en tranchant au fond les demandes qui lui étaient soumises par les concluants, n'a commis aucun excès de pouvoir,

- juger que la cour dispose du pouvoir juridictionnel pour trancher le présent litige,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé les contrats de franchise datés des 19 septembre 2013 et 27 février 2015 (2), ainsi que l'ensemble des contrats conclus en application de ces deux contrats (promotion, co-promotion, gestion), et condamné les sociétés du groupe Argo (les sociétés Argo groupe, Libertea, Bgroupe (devenue Groupe Argo), ACPI, Primmogest, (devenue Argo gestion) et Agape) in solidum à la restitution de toutes les sommes versées en leur application,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires formées par les appelants,

et, statuant à nouveau,

à titre principal,

- annuler les trois contrats de franchise datés des 19 septembre 2013 et 27 février 2015 (2 contrats), ainsi que l'ensemble des contrats conclus en application de ces deux contrats (promotion, co-promotion, gestion), sur le fondement de l'erreur, du dol et/ou de l'absence de cause,

- juger que les contrats mis en place par le « groupe Argo » forment un ensemble et que l'intrication des sociétés mises en place par les consorts Z., comme la structuration du « Groupe Argo » et des contrats dont la conclusion a été imposée par ledit groupe à M. X. afin d'exploiter son activité, de sorte que l'ensemble des sociétés du « Groupe Argo » engagent leur responsabilité in solidum à l'égard des concluants,

- condamner en conséquence in solidum les sociétés Argo Groupe, Libertea, Bgroupe (devenue Groupe Argo), ACPI, Primmogest (devenue Argo Gestion) et Agape à verser les sommes suivantes :

à M. X. :

- 210.000 euros au titre des restitutions consécutives à l'annulation des contrats,

- 140.000 euros au titre des dommages-intérêts complémentaires,

à la société Civilis Promotion, représentée par la selarl Benoît et associés, ès-qualités :

- 318.000 euros au titre des restitutions consécutives à l'annulation des contrats,

- 140.000 euros au titre des dommages-intérêts complémentaires,

à titre subsidiaire,

- constater la résiliation du contrat de franchise du 19 septembre 2013 et juger qu'elle a été prononcée par Argo à ses torts exclusifs,

- prononcer la résiliation des contrats de franchise du 27 février 2015 aux torts exclusifs de la société Argo groupe et des autres sociétés du groupe Argo,

- juger que les contrats mis en place par le « groupe Argo » forment un ensemble et que l'intrication des sociétés mises en place par les consorts Z., comme la structuration du « groupe Argo » et des contrats dont la conclusion a été imposée par ledit groupe à M. X. afin d'exploiter son activité, de sorte que l'ensemble des sociétés du « groupe Argo » engagent leur responsabilité in solidum à l'égard des concluants,

- condamner en conséquence in solidum les sociétés Argo groupe, Libertea, Bgroupe (devenue groupe Argo), ACPI, Primmogest (devenue Argo Gestion) et Agape à verser les sommes suivantes :

- 350.000 euros au profit de M. X.,

- 458.000 euros au profit de la société Civilis, représentée par la selarl Benoît et associés, ès-qualités,

en toute hypothèse,

- débouter les sociétés Argo groupe, Libertea, Bgroupe (devenue Groupe Argo), ACPI, Primmogest (devenue Argo gestion) et Agape de toutes leurs demandes, fins, moyens, conclusions et appel incident,

- condamner in solidum les sociétés Argo groupe, Libertea, Bgroupe (devenue Groupe Argo), ACPI, Primmogest (devenue Argo gestion) et Agape à payer :

- 1.122.930 euros au profit de la société Civilis, représentée par la selarl Benoît et associés, ès-qualités, correspondant aux sommes dues au titre des programmes immobiliers d'[Localité 11], [P], [Localité 8] et [A],

- 689.890 euros au profit de la société Pyma, correspondant aux sommes dues au titre des programmes immobiliers d'[Localité 11], [P], [Localité 8] et [A],

- condamner in solidum les sociétés Argo Groupe, Libertea, Bgroupe (devenue Groupe Argo), ACPI, Primmogest (devenue Argo Gestion) et Agape, outre aux entiers frais et dépens, à payer à Monsieur X. la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

La société Argo groupe a formé un appel incident en ce que le jugement déféré serait affecté d'une cause de nullité et en ce qu'il a annulé les contrats de franchise datés des 19 septembre 2013 et 27 février 2015, ainsi que l'ensemble des contrats conclus en application de ces deux contrats.

Par dernières écritures en date du 18 novembre 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Argo groupe demande à la cour de :

à titre principal,

- annuler le jugement du tribunal de commerce d'Annecy,

- renvoyer les parties à mieux se pourvoir,

à titre subsidiaire,

- déclarer la société Argo groupe recevable et bien fondée en ses demandes,

- débouter M. X., la société Pyma et la selarl Benoit et associés es qualité de toutes leurs demandes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. X., la société Pyma et la selarl Benoit et associés de leurs demandes de dommages et intérêts et de leurs demandes de paiement de diverses sommes pour certains programmes immobiliers,

- réformer le jugement pour le surplus,

- prononcer la résiliation des contrats de franchise aux torts exclusifs de M. X. et de sa société Civilis promotion en liquidation judiciaire (selarl Benoit es qualité),

- condamner M. X. à payer à la société Argo groupe la somme de 31.500 euros HT au titre des factures impayées (15.000 euros HT dus lors de la rupture, 16.500 euros HT au titre de la rupture anticipée), avec intérêt égal à trois fois le taux d'intérêt appliqué par la BCE à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, à compter de la date de mise en demeure du 13 mars 2018,

- condamner M. X. à payer à la société Argo groupe la somme de 720 euros, représentant 18 fois l'indemnité forfaitaire de recouvrement afférente aux 18 factures impayées,

- condamner M. X. au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les conditions ayant entouré le non renouvellement du contrat initial,

- fixer la créance de la société Argo groupe au passif de la liquidation judiciaire de la société Civilis promotion à la somme de 112.500 euros HT,

- débouter M. X., la société Civilis promotion prise en la personne de son liquidateur, et la société Pyma capital de toutes leurs demandes,

- subsidiairement, si la nullité d'un ou plusieurs contrat était retenue, ordonner la compensation entre les sommes pouvant être dues de part et d'autre,

- condamner solidairement M. X. et la selarl Benoit es qualité à payer à la société Argo groupe la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, avec pour les dépens d'appel application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Audrey Bollonjeon, avocat associé de la Selurl Bollonjeon.

[*]

La Sarl ACPI, la SAS Agape, la sarl Argo gestion, la SAS Groupe argo et la SAS Libertea ont formé un appel incident en ce que le jugement déféré a constaté la validité de l'assignation en intervention forcée délivrée à leur encontre.

Par dernières écritures en date du 28 novembre 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la sarl ACPI, la SAS Agape, la sarl Argo gestion, la SAS Groupe Argo et la SAS Libertea demandent à la cour de :

- réformer la décision entreprise et notamment en ce qu'elle a :

- constaté la validité de l'assignation en intervention forcée délivrée contre les sociétés Libertea, Bgroupe, ACPI, Primmogest, Agape,

- déclaré recevables les demandes formées par les concluants entre les sociétés Libertea, Bgroupe, ACPI, Primmogest, Agape,

- annulé les trois contrats de franchise datés des 19 septembre 2013 et 27 février 2015, ainsi que l'ensemble des contrats conclus en application de ces deux contrats (promotion, co-promotion, gestion),

- constaté que les contrats mis en place par la société Argo groupe forment un ensemble et que l'intrication des sociétés mises en place par M. Z., comme la structuration du groupe Argo et les contrats dont la conclusion a été imposée par ledit groupe à M. X. afin d'exploiter son activité de sorte que l'ensemble des sociétés du groupe Argo engagent leur responsabilité in solidum à l'égard des concluants,

- condamné en conséquence in solidum la société Argo groupe et les sociétés Libertea, Bgroupe, ACPI, Primmogest, Agape à verser les sommes suivantes :

- à M. X. 210.000 euros au titre des restitutions consécutives à l'annulation des contrats,

- à la société Civilis promotion 318.000 euros au titre des restitutions consécutives à l'annulation des contrats,

- condamné in solidum les mêmes sociétés, outre les entiers dépens, à payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la société Argo groupe et les sociétés Libertea, Bgroupe, ACPI, Primmogest et Agape aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

statuant à nouveau,

- dire et juger qu'il n'est pas démontré que les sociétés Agape, Libertea, Groupe Argo, ACPI et Argo gestion aient participé à la négociation du contrat de franchise et qu'elles aient par quelque agissement que ce soit induit en erreur M. X. ou la société Civilis pour le conduire à signer un contrat de franchise,

- juger qu'en l'absence de toute démonstration d'intervention et de faute dans une éventuelle intervention de l'un ou l'autre des requérants, n'ont pas engagé leur responsabilité dans la signature du contrat de franchise auxquels ils ne sont pas parties,

- constater qu'il n'est démontré aucun règlement intervenu de M. X. ou de la société Civilis, de la société Pyma à aucun des concluants,

- en conséquence les débouter de toute demande tendant à la restitution de quelque somme perçue au titre du contrat de franchise, ni d'aucun contrat,

- juger que s'il est prononcé l'annulation des contrats de franchise, seuls les contrats-désignés et justifiés par les demandeurs seront annulés,

- juger qu'en l'absence de démonstration de signature d'aucun contrat entre M. X. et l'une ou l'autre de ces sociétés, il ne peut être prononcé la condamnation d'annulation de contrats non déterminés et non désignés,

- juger qu'il en est de même entre la société Civilis avec les concluants,

sur les préjudices,

à titre principal,

- rejeter l'ensemble des nouvelles pièces comme communiquées tardivement et en violation des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, sur la loyauté des débats,

subsidiairement,

- débouter les sociétés Civilis et Pyma de leurs demandes relativement aux honoraires de gestion ou de maîtrise d'ouvrage déléguée comme indues pour défaut de levée des conditions suspensives convenues au contrat cadre et défaut d'exécution de la mission,

à titre infiniment subsidiaire,

- limiter le préjudice aux pertes de bénéfice et non au chiffre d'affaires,

- débouter la société Pyma de sa demande quant aux dividendes et quote-parts de résultat d'opérations qui n'ont pu être engagées que postérieurement à la rupture de la franchise et pour lesquelles elle n'a pas rempli des conditions pour être associée, sans qu'il y ait eu aucune manœuvre ni volonté de la société Argo ou de les écarter, étant précisé que la demande fait double emploi avec la procédure pendante entre la société Domaine d’E. et le franchisé,

- à titre infiniment subsidiaire, juger l'absence de démonstration de tout préjudice en relation causale avec une faute commise par l'une de ces sociétés et en conséquence, confirmer la décision du tribunal de débouter M. X., la société Pyma de toute demande à titre de dommages et intérêts et réformant la décision, débouter la société Civilis de toute demande de dommages et intérêts en l'absence de preuve de préjudice,

- condamner in solidum M. X. et la société Pyma au paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive à chacun des concluants,

- les condamner in solidum au paiement d'une somme de 10.000 euros pour chacun des concluants sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ces derniers au profit de Me Audrey Bollonjeon, avocat associé de la selurl Bollonjeon, en vertu des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance en date du 21 novembre 2022 clôture l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 13 décembre 2022.

En cours de délibéré la cour a sollicité la production d'un extrait Kbis à jour de la société Argo groupe qui a été produit par le conseil de cette dernière et dont il ressort que la nouvelle dénomination sociale de la société Argo groupe immatriculée sous le n°YYY est « Seigvie groupe » depuis le 1er février 2023.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs et décision :

A titre liminaire, sur la communication tardive de pièces :

En application de l'article 954 du code de procédure civile, d'une part la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions, que s'ils sont invoqués dans la discussion, étant précisé qu'elle ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

Dans le dispositif de leurs dernières conclusions en date du 28 novembre 2022 déposées le jour de la clôture qui a été reportée à plusieurs reprises à la demande des parties, les sociétés ACPI, Agape, Argo gestion, Groupe Argo et Libertea demandent, s'agissant des préjudices invoqués par M. X. et ses sociétés, de voir écarter « l'ensemble des nouvelles pièces comme communiquées tardivement et en violation des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, sur la loyauté des débats. »

Force est de constater qu'elles n'invoquent aucun moyen à l'appui de leur prétention, étant précisé en outre qu'elles avaient conclu le 21 novembre 2022, en communiquant 10 nouvelles pièces pour répondre à l'argumentation de M. X. et de ses sociétés.

Le contradictoire ayant été respecté, la demande sera rejetée.

 

I - Sur la nullité du jugement :

La société Argo groupe (devenue Seigvie groupe) fait valoir que le jugement déféré doit être annulé dans la mesure où les premiers juges ont commis un excès de pouvoir en prononçant la nullité des contrats souscrits sur le fondement de l'article ancien L. 442-6 du code de commerce (devenu L. 442-1) après avoir retenu l'existence d'un déséquilibre significatif alors que cette action ne peut être exercée que devant des juridictions commerciales désignées par l'annexe 4-2-1 du livre IV du même code, dont le tribunal de commerce d'Annecy ne fait pas partie, et elle soutient par ailleurs que seule la cour d'appel de Paris est compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions.

Les sociétés ACPI, Agape, Argo gestion, Groupe Argo et Libertea font assomption de cause avec l'argumentation de la société Argo Groupe (Seigvie groupe).

Le liquidateur de la société Civilis, M. X. et la société Pyma capital font valoir que la mention des articles L. 442-6 du code de commerce dans le dispositif des dernières conclusions notifiées en première instance, constituait une erreur de plume, qu'il n'était pas demandé de retenir la responsabilité des sociétés du groupe Argo telle que prévue par ces textes, mais l'annulation des contrats pour vice du consentement et que le tribunal de commerce ne s'est pas appuyé sur ces textes pour la prononcer.

L'article ancien L. 442-6 du code de commerce, applicable aux faits de l'espèce, énonce :

I. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait par tout producteur commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :(')

2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;(')

III. - L'action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'économie pour le président de l'Autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui relèvent de sa compétence une pratique mentionnée au présent article.(...)

Les litiges relatifs à l'application du présent article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret. »

L'article D. 442-3, devenu l'article D. 442-2, du code de commerce énonce que pour l'application du précédent texte, les tribunaux judiciaires compétents en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 et précise :

« La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est la cour d'appel de Paris. »

Ainsi la loi de modernisation de l'économie dite loi LME du 4 août 2008 a désigné un certain nombre de juridictions spécialisées pour connaître des litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 précité.

Les juridictions non spécialisées, saisies à tort, doivent relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel pour statuer sur l'application de ce texte.

S'agissant de l'appel, la Cour de cassation, à plusieurs reprises, a d'abord jugé qu'un appel contre une décision rendue par une juridiction non désignée statuant sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce formé devant une cour d'appel non spécialisée, était irrecevable, cette fin de non-recevoir devant être relevée d'office (Com 9 nov. 2010, n° 10-10.937, 4 sept. 2013, n°12-12.089, 31 mars 2015, n° 14-10.016).

Elle a par la suite modifié sa jurisprudence en raison de l'insécurité juridique qui en résultait pour les parties quant à la détermination de la cour d'appel pouvant connaître de leur recours et quant au maintien de décisions rendues par des juridictions non spécialisées, les recours formées devant les autres cours d'appel que celle de Paris étant déclarés irrecevables.

Ainsi en application des articles L. 442-6-III et D. 442-3 du code de commerce, il est jugé que seuls les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions du premier degré spécialement désignées sont portés devant la cour d'appel de Paris, de sorte qu'il appartient aux autres cours d'appel, conformément à l'article R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire, de connaître de tous les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions situées dans leur ressort qui ne sont pas désignées par le second texte.

Il en est de même dans l'hypothèse où celles-ci ont statué, à tort, sur l'application du premier texte, de sorte qu'elles doivent alors relever d'office l'excès de pouvoir commis par ces juridictions, en statuant sur des demandes qui, en ce qu'elles ne relevaient pas de leur pouvoir juridictionnel, étaient irrecevables. (Cass., Com. 29 mars 2017, n° 15-15.337, Cass., Com. 26 avril 2017, n° 15-26.780, Cass., Com. 11 mai 2017, n°16-10.738, Cass., Com 21 mars 2018, n°16-22.612).

Par ailleurs, saisie de l'appel d'un jugement rendu par un tribunal de commerce non spécialisé situé sur son ressort, une cour d'appel non spécialisée doit déclarer l'appel recevable, constater le cas échéant, le défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal pour statuer sur un litige relevant de l'article L. 442-6 du code de commerce et statuer dans les limites de son propre pouvoir juridictionnel sur les demandes fondées sur le droit commun de la responsabilité (Cass., Com. 23 janvier 2019, n°17-16.973, Cass., Com. 23 janvier 2019, n°17-18.689).

En outre, lorsque le jugement frappé d'appel a été rendu sur le fondement des articles anciens 1134, 1146 et 1147 du code civil, et qu'il émane d'une juridiction située dans le ressort d'une cour d'appel non spécialisée, l'appel formée devant celle-ci est recevable, seules étant irrecevables les demandes nouvellement formées en appel sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce. (Cass., Com. 7 juillet 2020, n°18-24.046).

Enfin, une partie qui, dans une action en dommages et intérêts a fondé ses demandes indistinctement sur le droit commun de la responsabilité et sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, devant une juridiction de première instance, puis une cour d'appel, non désignées par les articles D. 442-2 et D. 442-3 du code de commerce pour connaître de l'application de ces dernières dispositions législatives, peut, lorsqu'elle saisit la juridiction de renvoi désignée par l'arrêt ayant prononcé la cassation de l'arrêt d'appel, renoncer à invoquer les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce et ne fonder son action que sur les seules dispositions du droit commun de la responsabilité. (Cass., Com. 13 avril 2023, n° 20-16.369).

Il sera tout d'abord observé que l'action prévue par l'ancien article L. 442-6- I est une action en responsabilité et non pas une action en nullité du contrat.

Or en l'espèce, l'action engagée par M. X., la selarl Benoit et associés, et la société Pyma est une action en nullité des contrats de franchises et des contrats subséquents fondée sur l'existence de vices du consentement.

Et c'est bien sur ce fondement que les premiers juges ont prononcé la nullité des contrats en ces termes :

« Quatre conditions sont nécessaires à la validité d'un contrat, à savoir la capacité de contracter, le consentement, un objet certain, et une cause licite.

Il y a vice de consentement si l'erreur est déterminante dans le consentement (article 1109 du code civil). L'erreur est une cause de nullité lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.

Dans le cas du franchise de M. X., il y a erreur sur la contrepartie du contrat synallagmatique. Le Tribunal reconnaît la nullité du contrat. La nullité du contrat étant du fait de l'intimé, la société Argo groupe, elle sera condamnée à réparer le préjudice subi par l'appelant.

C'est l'ensemble du Groupe Argo qui sera condamné compte tenu que toutes les sociétés du groupe à savoir les sociétés Libertea, Bgroupe, ACPI, Primogest et Agape sont impliquées dans la cause soit directement soit indirectement. »

Si le tribunal n'a pas relevé l'irrecevabilité des demandes au visa de l'article L. 442-6 du code de commerce figurant dans le dispositif des dernières conclusions des sociétés Benoît et associés, Pyma Capital et M. X., qu'il aurait dû soulever d'office à défaut de pouvoir juridictionnel pour statuer sur ce fondement, force est de constater qu'il n'a commis aucun excès de pouvoir puisque contrairement à ce qu'affirme la société Argo groupe, il ne s'est pas fondé sur ce texte pour prononcer la nullité des contrats de franchise mais bien sur le droit commun des contrats qui était invoqué.

La demande de nullité du jugement sera ainsi rejetée.

Par ailleurs, au vu de la jurisprudence précitée, il est du pouvoir juridictionnel de la présente cour de statuer sur les dispositions du droit commun relatives à la nullité des contrats, étant précisé, au surplus, qu'aux termes de leurs dernières conclusions, qui sont les seules sur lesquelles la cour doit statuer (article 954 du code de procédure civile), le liquidateur de la société Civilis, la société Pyma capital et M. X. ne visent pas les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce.

 

II - Sur la nullité des contrats de franchise :

Le contrat de franchise est un contrat synallagmatique à exécution successive par lequel une entreprise dénommée franchiseur confère à une ou plusieurs autres entreprises dénommées franchisées le droit de réitérer, sous l'enseigne du franchiseur, à l'aide de ses signes de ralliement de la clientèle et de son assistance continue, le système de gestion préalablement expérimenté par le franchiseur et devant, grâce à l'avantage concurrentiel qu'il procure, raisonnablement permettre à un franchisé de faire des affaires profitables.

Ainsi la franchise est un contrat par lequel une entreprise ayant expérimenté un succès commercial octroie à une autre les clés susceptibles de dupliquer ce succès.

Le franchiseur doit permettre au candidat à la franchise de s'engager en pleine connaissance de cause. Il doit démontrer que lui-même a réussi à générer une activité profitable et que celle-ci est reproductible grâce au savoir-faire spécifique qu'il a mis en place, et ce dans le secteur concédé au franchisé.

 

1. Sur le contrat signé le 19 septembre 2013 concernant le territoire n°1 du département de la Haute Garonne :

1-1 Sur le document d'informations précontractuelles :

Les articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce imposent la fourniture d'un document d'informations précontractuelles (DIP) permettant de s'engager en pleine connaissance de cause « à toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité ».

Le document à produire par le franchiseur au franchisé, selon l'article L. 330-3 du code de commerce doit notamment préciser :

- l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise,

- l'état et les perspectives de développement du marché concerné,

- l'importance du réseau d'exploitants,

- la durée,

- les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat,

ainsi que le champ des exclusivités.

L'article R. 330-1, 4° du code de commerce précise que « le document prévu au premier alinéa de l'article L. 330-3 contient les informations suivantes : (') la date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.

Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou des services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché. »

Par ailleurs ces informations doivent être sincères (article L. 330-3).

Ce document doit notamment préciser « l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement ».

La présentation de l'état général et local du marché implique la fourniture par le franchiseur de données brutes telles que les principales données chiffrées en lien avec ledit marché (chiffre d'affaires global, nombre d'acteurs, démographie de la clientèle, répartition sur le territoire, etc...), la structure de l'offre et de la demande, la présentation des principaux concurrents, ainsi que les perspectives d'évolution à court et à moyen terme, étant précisé que cette présentation ne saurait être confondue avec la réalisation d'une véritable étude de marché et l'établissement de comptes d'exploitation prévisionnels que la loi ne met pas à la charge du franchiseur (Cass., Com 19 janvier 2010, pourvoi 09-10.980, Cass., Com 11 février 2003, n°01-03.932).

En l'espèce, il sera au préalable souligné que, contrairement aux affirmations de la société Argo, M. X., diplômé d'une école supérieure de commerce et précédemment responsable commercial au sein d'un groupe de courtage en assurances spécialisé en construction n'avait aucune formation, ni expérience en matière de promotion immobilière laquelle conjugue quatre missions indissociables :

- Le développement (trouver des terrains, les acquérir, en vérifier la constructibilité et obtenir cette dernière).

- La commercialisation (vendre les biens du programme immobilier à un ou plusieurs acquéreurs, la vente étant formalisée par un contrat de réservation).

- La construction en faisant appel aux services de prestataires externes (architecte, bureaux d'études, contrôleurs, entreprises du BTP etc.) et en opérant un contrôle permanent sur le déroulement des travaux.

- La finance (s'assurer de la rentabilité économique du programme de promotion et planifier la gestion financière ainsi que la trésorerie de l'opération).

D'ailleurs, son profil correspond aux critères retenus par M. Z. : « Nos candidats ne doivent pas forcément avoir une expérience du bâtiment ou de la promotion immobilière mais ils doivent avoir une intelligence globale qui leur permet de mener à bien tous leurs programmes. Nous intégrons ce mois-ci notre premier franchisé à [Localité 19]. Après avoir fait Sup de Co, il a exercé dans l'univers des assurances dans la promotion-construction. C'est un profil parfait pour nous » (extrait interview du 9 juillet 2013 sur l'observatoire de la franchise, pièce Argo n°25).

En outre, il a été le premier franchisé du groupe Argo, de sorte qu'il ne pouvait se référer à l'expérience d'autres franchisés et qu'il ne pouvait ainsi s'appuyer que sur les seules données fournies par le franchiseur.

S'il résulte du dossier que le DIP fourni par la société ARGO groupe à M. X. mentionne bien l'identité, l'ancienneté, l'expérience du franchiseur, et les principales clauses du contrat de franchise dont la conclusion est envisagée, l'information concernant l'état du marché et ses perspectives se borne à l'énoncé des poncifs suivants : « un déficit de logement est constaté en France alors qu'une demande de logements dans le logement social est très soutenue. Nous rappelons qu'Argo est positionné sur ce créneau. Tous les indicateurs de nos partenaires (Domofrance, Foyer de Gironde, Vilogia, Logement français…) révèlent un besoin élevé dans les années à venir, les perspectives de développement sont donc importantes. »

Ces explications très générales, et qui ne font que rappeler une évidence à savoir un manque de logements sociaux en France, ne correspondent en rien aux exigences du texte.

Elles n'indiquent en rien à M. X. en quoi il lui sera possible concrètement de construire de tels logements dans son secteur de la Haute-Garonne.

Ainsi :

- La construction de logements en France se heurte au manque de foncier, à des contraintes réglementaires quant à la qualité des bâtiments et à des réglementations d'urbanisme sévères. Il ne suffit donc pas de dire qu'une demande existe en matière de logements pour en conclure qu'une activité de promoteur est envisageable, l'absence de terrains disponibles étant de nature à empêcher toute construction même (et surtout) dans un secteur tendu, et ce quelques soient les efforts déployés par un promoteur.

- La construction de logements sociaux se heurte au surplus à des difficultés spécifiques, à savoir la nécessité d'obtenir un coût moindre de construction, malgré les règles imposées, le coût élevé du foncier se répercutant nécessairement dans le prix final rendant l'obtention d'une rentabilité plus incertaine. Par ailleurs, les promoteurs sont confrontés à la résistance des collectivités locales, souvent enclines à préférer des logements en accès à la propriété ou mixtes, les logements sociaux étant intégrés alors dans des programmes classiques, alors que le concept Argo est la construction de logements sociaux dans des immeubles dédiés à cet effet.

A cet égard, il résulte de la capture d'écran du 6 juillet 2013 relative à la foire aux questions (FAQ) sur le site internet d'Argo que tous les territoires concédés ne sont pas équivalents :

« Dans quels départements cherchez-vous des franchisés ?

Argo souhaite s'implanter partout en France. Certaines régions sont plus propices au logement social compte tenu des prix du foncier. Contactez-nous : nous vous dirons si le département qui vous intéresse est porteur pour votre activité. (pièce X. n°2.6)

Force est de constater que le DIT fourni à M. X. ne fait aucunement mention des obstacles à surmonter en matière de logement social, ni des particularités du département de la Haute Garonne, ni encore de la justification économique du découpage territorial de ce département.

M. X. a ainsi contracté au vu des perspectives très optimistes de la société ARGO groupe sur son secteur sans qu'il soit véritablement informé des difficultés qui seraient rencontrées et sans qu'il lui soit donné les outils pour les surmonter.

Il s'agit là d'une erreur excusable, portant sur un élément déterminant et substantiel, caractérisant un vice du consentement.

 

1-2 Sur la transmission d'un savoir-faire propre au franchiseur et de nature à procurer au franchisé un avantage concurrentiel :

La mise à disposition au franchisé par le franchiseur d'un savoir-faire est l'un des éléments essentiels du contrat de franchise. Ce savoir-faire doit lui permettre d'acquérir un avantage concurrentiel : c'est toute la finalité du contrat de franchise et la raison pour laquelle le franchisé accepte de supporter un certain nombre d'obligations financières.

Ce savoir-faire est défini par la Cour de cassation comme un ensemble d'informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience du franchiseur et testées par celui-ci, ensemble qui est secret, substantiel et identifié (Cass., Com 8 juin 2015, n°15-22.318).

Ce savoir-faire ne peut se résumer aux règles de l'art (Cass., Com. 26 juin 2007, n° 06-13.211), au mode d'emploi d'une machine ou d'un logiciel, ou à un agrégat d'informations aisément accessibles et largement connues.

En l'espèce, la société ARGO groupe ne démontre pas avoir communiqué à M. X. les instruments nécessaires pour lui permettre de réaliser des opérations de promotion.

Certes la société ARGO groupe a pu mener à bien de multiples programmes immobiliers de construction de logements sociaux dans la région bordelaise. Mais le franchiseur n'a pas développé un savoir-faire spécifique tels qu'il puisse être reproductible dans d'autres régions françaises, lesquelles ont chacune leurs particularités et donner au franchisé un avantage concurrentiel lui permettant de s'implanter sans difficulté majeure.

Ainsi, la documentation produite, dont du reste la majeure partie a été élaborée bien postérieurement à la signature du contrat (pour certains documents en 2016, 2017) ne démontre pas l'existence d'un mode de production de logements à un prix sensiblement inférieur à ceux pratiqués couramment sur le marché.

Il est indiqué que : « en général le type de projet rentable pour le logement social est une construction d'un immeuble R+1 ou R+2 sans attique, sans ascenseur, sans sous-sols et avec des prestations de second œuvre simplifié. La surface moyenne de ces logements oscille entre 62 m² et 67 m² en fonction des demandes et obligations. Le nombre de logements vendus en bloc par programme est de 20 à 50 lots, au-dessus de ce chiffre quelques autres problèmes se poseront à nous. »

Or ces pratiques sont courantes chez les promoteurs immobiliers, et aucune de ces recommandations, de par leur généralité et leur banalité, ne constitue une originalité et une spécificité telles qu'elles puissent être considérées comme transmettant un modus operandi propre à la société Argo groupe, qu'elle aurait développé après de multiples expériences.

Il n'a par ailleurs pas été indiqué à M. X. la marche à suivre pour convaincre efficacement les décideurs en matière de logement social sur le secteur (maires, organismes d'HLM) alors que la pratique est de réaliser des immeubles mixtes intégrant l'accès à la propriété et des logements sociaux.

Ainsi le franchiseur a manqué à son obligation de délivrer à son franchisé une méthode autre que celle suivie par n'importe quel promoteur normalement avisé, même si les conseils donnés sont pertinents et de bon sens, comme constituer un dossier foncier à partir du cadastre et du zonage de parcelle à construire, établir un bilan prévisionnel, rédiger un compromis de vente, connaître les différentes facettes du métier de promoteur (la conception du programme, la commercialisation, la construction, la gestion financière ainsi que les différents intervenants dans l'acte de bâtir (géomètre, architecte, bureaux d'études, etc.).

Plus particulièrement, alors qu'il est insisté sur la nécessité de « définir un territoire en fonction des besoins en logement social », aucune méthode n'est proposée pour ce faire, sinon de « trouver une ou trois villes de prédilection afin de réitérer un programme immobilier par an. » De même la recommandation selon laquelle « pour connaître son territoire, il faut s'imprégner de celui-ci, sillonner les rues, boire le café au bistrot du coin, discuter avec les gens, les commerçants » est bien trop vague pour permettre à un futur promoteur d'être opérationnel, alors que par exemple, aucune coordonnée d'agent immobilier ou d'apporteur d'affaires sur le secteur donné en franchise avec laquelle le franchiseur aurait eu des contacts fructueux n'est donnée.

Si des exemples sont donnés, avec des cartes, ils ne concernent pas le secteur concédé à M. X., mais la seule région bordelaise et sont de peu d'utilité.

Par ailleurs, et ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la formation initiale du franchisé représentait huit journées au cours desquelles sont repris les conseils et techniques indispensables à tout promoteur concernant la conception de programme de promotion, la construction, la gestion financière, la connaissance du métier des principaux intervenants à l'acte de construire, soit une formation très générale qui ne constitue pas un outil permettant à un franchisé néophyte de bénéficier d'un avantage concurrentiel déterminant, étant précisé au surplus que cette formation initiale est intervenue pour le moins tardivement au début de l'année 2015 (pièce Argo n°27).

Cette absence de transmission d'un savoir-faire spécifique est confirmée par l'attestation de M. Y., ex-franchisé du [département] qui indique notamment (pièce franchisé n° 53):

« Exerçant le métier de lotisseur depuis plus de 20 ans, j'ai voulu développer mon activité avec de la promotion immobilière.

L'offre que proposait le groupe Argo et son dirigeant M. Z. paraissait alléchante et proposait une association sous forme de co-promotion classique à 70/30 et la promesse d'un appui financier et d'un savoir-faire.

A la signature du contrat de franchise déjà très contraignant se sont adossés toute une série de contrats me liant à l'ensemble des filiales du groupe Argo. (...)

Après avoir repris ma liberté du groupe Argo, j'ai décidé de continuer dans le métier de la promotion immobilière avec des logements revendus en privé à des particuliers et certains en bloc à des bailleurs.

La revente de logements en bloc à des bailleurs n'est pas une invention, ni un concept, ni un savoir-faire mais une pratique courante des promoteurs dont Argo s'est inspiré chez ses concurrents (Groupe Amétis, Alila etc.). » (souligné par le rédacteur).

Selon les articles 1108 et 1131 du code civil dans leur rédaction applicable aux faits de l'espèce, la cause des obligations souscrites par chaque partie réside dans les obligations assumées par l'autre, l'absence de cause provoquant, là encore, la nullité du contrat.

Faute de transmission d'un savoir-faire spécifique et d'une méthode permettant la construction de logements sociaux à un prix sensiblement inférieur au marché toulousain, le contrat est dépourvu de cause et doit être déclaré nul. Le jugement déféré sera confirmé en ce sens.

 

1-3 Sur l'absence de rentabilité des franchises :

Le groupe Argo sur son site internet en 2013 donnait les perspectives suivantes en vue de recruter de futurs franchisés (pièce franchisé n° 2.7) :

« Argo est le promoteur immobilier de la holding Argogroupe ([Localité 7]). Il est spécialisé dans l'accès au logement par le locatif social et la primo-accession.

Une centaine de logements par an

Basé à [Localité 10], Argo construit des maisons et des appartements simples et solides, à prix attractif : ils sont 10 à 15% moins chers que les prix du marché.

Il réalise une centaine de logements par an avec deux collaborateurs. Il se développe et recrute pour atteindre les 200 logements sous 3 ans. Les principaux partenaires financiers d'Argo : Crédit agricole, Banque populaire, Crédit du Nord.

Devenir promoteur immobilier

Depuis 2013, Argogroupe a lancé une activité de franchiseur pour permettre à des managers expérimentés de devenir promoteurs immobiliers. A terme le réseau Argo devrait compter 50 franchisés et couvrir la plupart des régions françaises. »

Sur le site « toute-la-franchise.com » le groupe Argo se présentait comme étant le premier franchiseur de France de promotion immobilière et faisait état pour les franchisés d'un chiffre d'affaires réalisable après deux années de 4 millions d'euros et en régime de croisière 7 à 10 millions d'euros (pièce franchisé n°2.6)

Or d'une part, le découpage artificiel du département de la Haute-Garonne en trois territoires comprenant chacun un tiers de la ville de [Localité 19] et son agglomération, s'il permettait à la société ARGO groupe de percevoir une triple rémunération composée de droits d'entrée et royalties, pénalisait en revanche fortement le franchisé.

En effet, s'agissant de logements sociaux ces derniers sont nécessairement implantés en milieu urbain et non pas en secteur rural ou touristique.

A cet égard, il sera observé, au vu des plans annexés aux contrats de franchise, que les quatre programmes immobiliers initiés par M. X. et sa société Civilis sont tous situés dans l'agglomération de la métropole toulousaine :

Les résidences d'[Localité 11] à [Localité 11] (territoire n°3)

Le domaine d'Athena à [Localité 20] (territoire n°3)

Le domaine de Poséidon à [Localité 8] (territoire n°1)

Le domaine de Canopée à [A] (territoire n°3)

Il en est de même du seul programme immobilier monté par le groupe Argo dans le département de la Haute Garonne après la rupture des relations contractuelles, à savoir « Les villas de [Localité 18] » à [Localité 12]. (pièce Argo n°96)

Il est d'ailleurs symptomatique que lors d'une interview donnée sur le site internet de l'observatoire de la franchise en janvier 2016, M.  ., président du groupe Argo, fasse état non pas du franchisé de Haute Garonne mais du franchisé de [Localité 19] comme des franchisés de [Localité 14], [Localité 16], [Localité 15] etc...

Il en résulte que la concession d'un tiers du département de la Haute-Garonne se résumait de fait à un tiers de la ville de [Localité 19] et de son agglomération.

D'autre part, s'agissant de la rémunération, cette dernière était présentée ainsi sur le site internet Argo (pièce franchisé n°2.5) :

« Chaque programme mené par un promoteur franchisé génère deux types de revenus :

Des honoraires facturés par sa Sarl de gestion de programmes immobiliers à la société de promotion. Ils s'élèvent à un tiers de la marge brute, plafonné à 7 %.

Une partie de la marge brute réalisée par la société de promotion. Cette marge s'élève en moyenne à 14% du chiffre d'affaires HT du programme.

Exemple pour un franchisé en rythme de croisière :

S'il a réalisé 50 logements sociaux pour un chiffre d'affaires total de 7 millions d'euros HT et qu'il détient 30 % de la société de promotion, il percevra 784.000 euros. »

Ainsi, dans le cadre des contrats de co-promotion signés entre ARGOGroupe et M. X. puis sa société Civilis, la rémunération du franchisé résultait tout d'abord des honoraires de gestion facturés par l'intermédiaire de sa société Civilis à hauteur de 7 % du chiffre d'affaires de la société de construction vente créée en co-promotion.

Or ces honoraires étaient exigibles par tranches, et le premier paiement (20 %) n'intervenant qu'à l'achèvement des fondations, mettait ainsi nécessairement le franchisé en difficulté financière sur le plan de sa trésorerie alors que dans le même temps, il devait régler au franchiseur les droits d'entrée et les redevances.

S'agissant de l'autre rémunération résultant de la participation du franchisé par l'intermédiaire de sa société Pyma au capital de la société de construction vente soit 30% de la marge finale, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, cette marge restait hypothétique compte tenu de la concurrence dans ce secteur et de l'objectif de vente à des coûts inférieurs de 10 à 15% à ceux de la concurrence.

Il résulte des comptes sociaux de la société Civilis les éléments comptables suivants :

Au 30 juin 2014 :

CA : 0 euros

Perte : 56.739 euros

Résultat d'exploitation : - 56.439 euros

Au 30 juin 2015

CA : 0 euros

Perte : 86.969 euros

Résultat d'exploitation : - 86.969 euros

Au 30 juin 2016

CA : 0

Perte : 153.049 euros

Résultat d'exploitation : - 151.839 euros

Il est fait état sans que les justificatifs ne soient produits d'un chiffre d'affaires au 30 juin 2017 de 155.180 euros et d'un bénéfice de 7.106 euros avec un résultat d'exploitation de ' 20 639 euros.

Le tribunal de commerce de Toulouse qui a ordonné l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée de la société Civilis a retenu dans son jugement du 10 avril 2018, l'existence d'un passif exigible de 529.826 euros dont 475.826 euros de compte courant de l'associé unique, et un actif disponible inexistant.

Cette absence de rentabilité du concept Argo pour les franchisés est corroborée par l'existence des procédures en nullité qui ont été introduites par cinq des huit franchisés d'Argo :

- L'une initiée par M. W. a donné lieu à un arrêt de la présente cour en date du 9 octobre 2018, devenu définitif après rejet du pourvoi en cassation exercé par la société Libertea, arrêt qui a prononcé la nullité du contrat de franchise pour vices du consentement.

- Trois procédures dont celle-ci sont pendantes devant la présente cour.

- Une autre procédure en nullité est pendante devant les juridictions du Pas de Calais.

Enfin les trois franchisés restants n'ont pas renouvelé leur contrat à l'issue de ce dernier.

A cet égard, il sera relevé que la société Argo groupe ne justifie pas et ne soutient même pas qu'elle aurait perduré dans ce modèle avec de nouveaux franchisés.

La société Argo groupe produit une consultation du 18 juin 2020, de M. V., expert-comptable, qu'elle avait missionné dans le cadre de l'affaire ayant opposé la société Libertea à M. W. et fait valoir qu'au vu des calculs de cet expert, l'activité de franchisé au sein du groupe Argo était rentable.

Il résulte tout d'abord du calcul effectué par cet expert que le franchisé doit disposer d'un apport pour financer les dépenses des deux premières années au cours desquelles il travaillera à perte compte tenu des délais nécessaires à la mise en route d'un programme immobilier, ce qui était d'ailleurs annoncé dans l'annonce précitée figurant sur le site internet « toute la franchise.com » :

« Investissement global : de 130.000 euros à 230.000 euros - Pouvoir couvrir ses propres besoins pendant 18 à 24 mois. »

Par ailleurs, il a effectué un prévisionnel, basé sur la réalisation de trois programmes par an de 34 logements chacun, avec un début de facturation des prestations 20 mois après la souscription du contrat de franchise, données manifestement fournies par le franchiseur qui paraissent irréalistes et ne correspondent pas à la réalité.

Il sera enfin souligné d'une part l'état de dépendance dans lequel les franchisés se trouvaient à l'égard du franchiseur, d'autre part le défaut d'exécution loyale par ce dernier de ses obligations.

Il est évident que le métier de promoteur immobilier ne s'improvise pas, de sorte que si les contrats de franchise n'obligent pas les franchisés à signer en plus des contrats de co-promotion, et à verser des honoraires aux sociétés du groupe Argo par l'intermédiaire des sociétés de construction, ils sont en pratique obligés de le faire, compte tenu de leur méconnaissance du métier.

Comme l'ont retenu les premiers juges, le contrat de franchise nécessite de la part du franchisé une parfaite connaissance du métier de promoteur le rendant moins dépendant du franchiseur ainsi que des ressources financières suffisantes pour porter les projets dans le temps, ce qui n'était pas le cas.

Cet état de dépendance a permis également à la société Argo de modifier les règles contractuelles à son avantage ainsi que le montre le témoignage de M. Y. ex-franchisé du Haut-Rhin :

« Grâce à mon expérience et mes nombreux contacts et réseaux j'ai eu la chance de trouver rapidement un terrain à bâtir pour une première opération (La Résidence du Lilas à [Localité 13]).

J'ai donc réalisé l'intégralité du montage de l'opération à savoir :

Rechercher et négocier un terrain à bâtir ;

Recherche des intervenants locaux, architecte, maître d'œuvre, bureau étude, entreprises de BTP etc.... ;

Dépôt du permis de construire ;

Recherche et négociation de la vente de ce bâtiment auprès d'un bailleur social.

Puis quelques semaines avant signature de cette première affaire (achat foncier et signature de l'acte VEFA), M. Z. a fait soudainement part à l'ensemble des franchisés associés de son envie de nous voir démissionner de nos postes de gérants dans les sociétés de co-promotion déjà immatriculées, évoquant un problème de responsabilité que les établissements bancaires souhaiteraient nous faire engager.

Quelques semaines plus tard, M. Z. nous a à nouveau fait part d'une nouvelle envie de reprendre sa liberté et a formellement demandé à tous les franchisés de démissionner des mandats d'associés dans les sociétés de co-promotions (détenues à 30 %).

Pour ma part, afin de m'obliger à accepter ces démissions, M. Z. m'a clairement expliqué que soit j'acceptais ces propositions, soit les programmes que j'avais initiés et montés se réaliseraient sans moi.

M. Z. oblige ses franchisés associés à signer les fonciers (terrains de construction) sous une société de son groupe dont le franchisé associé n'a pas de lien. Ce qui lui permet de garder la maîtrise du foncier et donc de l'opération.

Je n'ai eu d'autres solutions que d'accepter afin de limiter mes pertes (Droit d'entrée, redevance payée et temps passé au montage de l'opération)

Vous trouverez ci-joint le détail des résultats financiers de l'opération de la résidence du lilas à [Localité 13]. Je laisserai le tribunal juger du sens du partage de mon bienfaiteur. »

C'est ainsi qu'il précise que, sur cette opération d'un montant de 4.242.780 euros HT, montée en douze mois et livrée après 18 mois de chantier, ses honoraires se sont montés à la somme de 225.261 euros HT soit, après déduction du droit d'entrée d'un montant de 100.000 euros HT et des redevances à hauteur de 36 600 euros HT, une somme de 101.623,24 euros.

Il mentionne que le groupe Argo, outre les redevances, a perçu une somme totale de 1.208.909 euros se décomposant de la manière suivante :

127.284 euros d'honoraires pour ACPI, 63.642 euros pour Primogest et 1.017.983 pour Argogroupe correspondant à la marge de l'opération.

A cet égard, s'agissant de M. X., il sera constaté que sa société Pyma n'a pas été associée dans les sociétés de promotion constituées pour les programmes de :

- [P] (société le Domaine d'Athena immatriculée le 29 janvier 2018, VEFA du 13 mai 2022 pour un prix HT de 3.495.782 euros )

- [Localité 8] (société le Domaine de Poséidon immatriculée le 29 janvier 2018, VEFA du 14 décembre 2018 pour un prix HT de 3.269.856 euros puis du 22 janvier 2019 pour un prix HT de 1.036.653 euros)

- [A] (société le Domaine de Canopée - VEFA du 27 septembre 2019 pour un prix HT de 1.444.680 euros puis du 29 octobre 2019 pour un prix HT de 4.499.104 euros ),

De même aucun contrat de gestion n'a été signé pour ces programmes au profit de la société Civilis, ce en violation des accords de co-promotion régularisés entre les parties, le groupe Argo ayant ainsi bénéficié du travail effectué en amont par M. X. pour trouver le foncier, déposer le permis de construire, ainsi que trouver le bailleur social acheteur du programme, et ce sans bourse déliée.

Le jugement qui a prononcé la nullité du contrat de franchise du 19 septembre 2013 sera confirmé.

 

2 - Sur les deux contrats de franchise du 27 février 2015 :

Il en sera de même pour ces deux derniers contrats pour les mêmes raisons et causes que celles concernant le premier contrat.

En effet, à cette époque-là M. X. n'avait pas encore réussi à débuter de programme immobilier puisque la première VEFA est intervenue en décembre 2016 pour la résidence d’E. avec création de la Sarl la résidence d’E. en février 2016 et par ailleurs le contrat de co-promotion concernant le territoire n°1 n'a été signé que le 21 janvier 2014, période à laquelle M. X. a également créé sa société de gestion et sa société de participation dans le capital des sociétés de promotion, soit quatre mois après la signature du premier contrat de franchise.

A la date du 27 février 2015, il ne pouvait avoir mesuré les vices affectant son engagement.

A cet égard, le groupe Argo fait valoir en vain que M. X. ne peut soutenir que son consentement a été vicié alors qu'en 2018 il avait donné son accord pour le renouvellement du contrat concernant le territoire n°1.

La réalité est autre : son accord avait été donné sous réserve d'une modification de l'ensemble des conditions des contrats.

En effet, il ressort des échanges de courriels entre les parties et des pièces du dossier, les éléments de fait suivants :

La situation financière de la société Civilis s'est dégradée à compter l'année 2015 et M. X. justifie d'emprunts personnels en mai 2015, septembre 2016 et octobre 2017 pour renflouer la société (pièce franchisé n°7.3)

A partir d'octobre 2016, il a alerté le franchiseur à plusieurs reprises des difficultés rencontrées et sollicité que soient revus les contrats en vue d'un rééquilibrage à son profit. De nombreux rendez-vous téléphoniques et en présentiel se sont déroulés et un protocole d'accord a été élaboré que M. X. n'a pas accepté dans la mesure où il ne prévoyait pas une des modalités de l'accord intervenu concernant le rachat des parts de la société Les résidences [Localité 11]. (pièce franchisé 5.10)

Le contrat du 13 septembre 2013 concernant le territoire n°1, était conclu pour une durée de cinq ans à compter du 1er octobre 2013. Il était renouvelable par tacite reconduction pour une nouvelle durée de cinq ans à défaut de notification de son terme, laquelle devait intervenir au moins six mois avant la date d'échéance du 1er octobre 2018, soit avant le 31 mars 2018.

A plusieurs reprises, M. X. a relancé le franchiseur sans succès et faute de retour de ce dernier, il adressait une mise en demeure à ce dernier par lettre recommandée avec AR en date du 15 mars 2018 faisant part de ses griefs, chiffres à l'appui.

Il précisait :

« Je suis légitimement très inquiet de l'évolution de notre partenariat. Vous ne tirez aucune conséquence des difficultés rencontrées, de l'absence de faisabilité du contrat pour moi, de mon absence de gain. Vous n'avez de cesse de formuler des promesses pour gagner du temps mais vous n'y donnez aucune suite concrète.

Je vous ai demandé de formaliser nos accords dans un mail du 5 mars 2018.

Il m'a été répondu au téléphone que vous alliez vous occuper de tout cela, mais que cela prendrait du temps et que vous envisagiez de me faire des propositions début avril. Vous continuez à gagner du temps sans prendre les mesures essentielles qui s'imposent.

Vous comprendrez dans ce contexte qu'il est impossible, et même « suicidaire » de me réengager pour 5 ans. »

Il terminait ainsi :

« Le déséquilibre est injustifiable et inacceptable. La situation n'est plus tenable.

Je me dois de tirer les conséquences de ce constat : soit vous traduisez par des actes et des écrits vos promesses de rééquilibrer réellement et concrètement la relation avant le 30 mars prochain., soit je serai contraint de considérer que les contrats de franchise sont entachés de nullité. » (pièce franchisé n°5.12)

En réponse par courriers recommandés avec accusé de réception en date du 23 mars 2018, la société Argo adressait à M. X. et à la société Civilis des mises en demeures d'avoir à régler les arriérés de redevance (pièces franchisé 5.16 et 5.17)

Par courrier recommandé avec accusé réception du 26 mars 2018, M. X. notifiait la rupture des relations contractuelles et déclarait l'état de cessation des paiements de la société Civils au greffe du tribunal de commerce le 4 avril 2018.

Le jugement qui a également annulé les deux contrats du 27 février 2015 sera confirmé.

 

3 - Sur les sociétés du groupe Argo concernées par la nullité des contrats de franchise :

Seules deux sociétés du groupe Argo sont concernées par la nullité des contrats de franchise  : la société Argo groupe, devenue Seigvie groupe, immatriculée au RCS d'Annecy sous le numéro YYY et la société Libertea initialement dénommée ARGO groupe immatriculée au même RCS sous le numéro ZZZ.

En effet, ainsi qu'il a été indiqué dans l'exposé des faits, les contrats de franchise ont été signés entre la société ARGO groupe (Libertea) et M. X. puis la société Civilis, respectivement en septembre 2013 et février 2015.

La société Argo groupe (Seigvie groupe) a été immatriculée au RCS d'Annecy sous le numéro YYY à la suite de l'apport qu'elle a reçu le 23 décembre 2015 de la société ARGO groupe devenue Libertea de « la branche complète et autonome d'activité de franchisage d'un fonds de commerce sis [Adresse 2] à [Localité 7] au prix évalué à 270.000 euros - Précédent propriétaire : la société Libertea ZZZ RCS Annecy » (extrait RCS Argo groupe, pièce Argo n°1)

En l'absence de production par les sociétés Argo groupe (Seigvie groupe) et Libertea, des conditions dans lesquelles cette transmission a été consentie, notamment en ce qui concerne les éventuels litiges résultant des franchises que la société ARGO groupe (Libertea) a créées puis cédées à cette nouvelle entité, les deux sociétés seront tenues in solidum des conséquences de la nullité des contrats de franchise, étant précisé que ces sociétés ne cessent dans leurs écritures d'entretenir une ambiguïté et une confusion entre les termes « Argo groupe » et « Libertea », cette dernière étant présentée comme une simple société holding, alors qu'il résulte de l'extrait RCS en date du 11 avril 2018 que son activité à cette date était :

« Conseil et ingénierie en immobilier finance, le conseil en management, développement commercial et gestion, toute activité d'assistance de PME et PMI, de formation professionnelle, toutes opérations d'assistance de PME et PMI, de formation professionnelle, toutes opérations d'analyses, de prestations de services ; et notamment celles liées à la perception d'honoraires de gestion sur programmes immobiliers, la prise de participations ou d'intérêts dans toutes sociétés civiles, commerciales, industrielles ou financières, l'acquisition de valeurs mobilières de toute nature, la gestion de ces participations et des valeurs mobilières. Marchand de biens, lotisseur et promotion immobilière. »

La société Libertea ne peut donc sérieusement soutenir comme elle le fait, qu'elle n'aurait jamais pris part aux négociations des contrats de franchise, leur signature ou encore leur exécution puisqu'elle est le franchiseur initial qui a élaboré le concept, créé le réseau de franchise Argo et signé les contrats.

 

4 - Sur les demandes indemnitaires :

Le liquidateur de la société Civilis, M. X. sollicitent le remboursement des droits d'entrée et des redevances payées au titre des contrats de franchise outre des dommages intérêts pour le temps perdu et les gains manqués.

Ils sollicitent par ailleurs avec la société Pyma, le paiement des sommes qui auraient dû être perçues au titre des programmes immobiliers d'[Localité 11], [P], [Localité 8] et [A].

 

4-1 Sur les restitutions du fait de la nullité des contrats de franchise :

La nullité des contrats étant prononcée aux torts des sociétés Argo groupe (Seigvie groupe) et Libertea, ces dernières ne peuvent en aucun cas exiger au titre de restitutions réciproques, le paiement de la valeur du savoir-faire qu'elles indiquent avoir transmis à la société Civilis et M. X., savoir-faire dont il a été indiqué qu'il n'avait rien de spécifique à la société Libertea et qu'il ne permettait pas aux franchisés d'avoir une activité rentable.

Par ailleurs, leurs demandes relatives à une résiliation des contrats de franchise aux torts de la société Civilis deviennent sans objet.

En revanche, ces sociétés seront condamnées in solidum à restituer le montant des droits d'entrée versés par M. X. et la société Civilis ainsi que les redevances soit :

Pour M. X. une somme de 70.000 euros HT au titre du droit d'entrée et 105.000 euros HT au titre des redevances payées soit un total de 175.000 euros HT.

Pour la société Civilis une somme de 140.000 euros HT au titre de droit d'entrée concernant les territoires n°2 et n°3 outre celle de 125.000 euros HT au titre des redevances payées, soit un total de 265.000 euros HT.

 

4-2 Sur les sommes réclamées par le liquidateur de Civilis et par la société Pyma au titre des programmes immobiliers d'[Localité 11], [Localité 20] [Localité 8] et [Localité 17] :

Le liquidateur de Civilis, réclame une somme de 1.122.930 euros TTC correspondant aux diligences effectuées dans le cadre des programmes immobiliers d'[Localité 11], [P], [Localité 8] et [A] tandis que la société Pyma réclame une somme de 689.890 euros au titre de sa participation dans lesdits programmes.

Si M. X. justifie par les pièces qu'il produit qu'il est à l'origine de ces programmes, force est de constater qu'aucune convention entre les parties ne stipule d'honoraires d'apporteur d'affaire à la charge du franchiseur.

Un seul contrat de maîtrise d'ouvrage déléguée a été conclu entre la société Résidence des Eaunes et la société Civilis qui a donné lieu au paiement d'honoraires par la société de construction, lesquels font l'objet d'un contentieux entre ces deux parties pendant devant les juridictions bordelaises.

La société Pyma n'a pas été associée dans les trois autres programmes et par ailleurs aucun contrat de délégation de maîtrise d'ouvrage n'a été régularisé au profit de la société Civilis, ce malgré plusieurs demandes de M. X. auprès du franchiseur pour les programmes [P], [Localité 8] et [A] (pièce franchisé n°35-7).

La demande ne peut dès lors qu'être rejetée.

En revanche, au regard des manquements du franchiseur à ses obligations résultant des accords de co-promotion, et du préjudice qui en est résulté pour la société Civilis et M. X., il y a lieu de faire droit aux demandes indemnitaires du liquidateur de Civilis et de M. X. en allouant à chacun d'eux une somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du manque à gagner en résultant, que la société Seigvie groupe et Libertea seront condamnées in solidum à régler.

 

III - Sur la demande de nullité des autres contrats :

Le liquidateur de Civilis, M. X. et la société Pyma demandent à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a annulé l'ensemble des contrats conclus en application des trois contrats de franchise (promotion, co-promotion et gestion) et condamné in solidum les sociétés du Groupe Argo (Argo groupe devenue Seigvie groupe, Libertea, Bgroupe devenue Groupe Argo, ACPI, Primmogest devenue Argo gestion et Apage) in solidum à la restitution de toutes les sommes versées en leur application, en raison de l'ensemble que constituent ces contrats, de l'intrication de ces sociétés mises en place par M. Z. et de la structuration du Groupe Argo lui-même.

Or d'une part, une demande de nullité d'un contrat ne peut être présentée valablement et utilement sans que ce contrat soit précisément désigné.

D'autre part :

- Les contrats de prestation d'assistance à maîtrise d'ouvrage ont été conclus entre la société ARGO groupe et la société ACPI de sorte que la société Civilis qui n'est pas partie à ces contrats n'a pas qualité à en demander la nullité.

- Les contrats de gestion Primmogest ont été conclus entre la société Primmogest (devenue Argo gestion) et les sociétés de construction créées pour chaque programme immobilier qui ne sont pas dans la cause.

Il en est de même du contrat de maîtrise d'ouvrage déléguée conclu entre la société Civilis et la société de construction les résidences d'[Localité 11], étant précisé, au surplus, qu'il est justifié de l'existence d'une procédure en cours devant les juridictions bordelaises entre cette société et la société Civilis.

Enfin, il existe une incohérence dans le fait de solliciter la nullité des contrats de co-promotion conclus entre la société Civilis et la société ARGO groupe à la suite des contrats de franchise tout en reprochant leur inexécution et en formant des demandes indemnitaires afférentes à cette inexécution.

Le jugement qui a fait droit à la demande de nullité de l'ensemble des contrats et condamné in solidum les sociétés ACPI, Agape, Argo gestion et Groupe Argo à indemniser le préjudice de M. X. et des sociétés Civilis et Pyma sera infirmé. Ces sociétés seront mises hors de cause.

 

IV- Sur la demande indemnitaire des sociétés ACPI, Agape, Argo gestion et Groupe Argo et Libertea :

Ces sociétés réclament la condamnation in solidum de M. X. et de la société Pyma à leur payer chacune 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise ou d'erreur grossière équipollente au dol, abus de droit qui est d'autant moins constitué en l'espèce que la légitimité de cette action à l'encontre desdites sociétés a été reconnue par la juridiction du premier degré.

 

V - Sur les mesures accessoires :

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit du liquidateur de la société Civilis promotion, de M. X. et de la société Pyma et de rejeter les autres demandes d'indemnité procédurale.

La société Seigvie groupe et la société Libertea qui succombent en leur appel sont tenues aux dépens de première instance et d'appel

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Rejette la demande des sociétés ACPI, Agape, Argo gestion, Groupe Argo et Libertea tendant à voir écarter les dernières pièces produites par la selarl Benoit es qualité de liquidateur de la société Civilis promotion, la société Pyma capital et M. X.,

Rejette la demande de la société Seigvie groupe (Argo groupe) tendant à voir prononcer la nullité du jugement déféré,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevables les demandes formées par la selarl Benoit es qualité de liquidateur de la société Civilis promotion, la société Pyma capital et M. X. contre les sociétés Libertea, Bgroupe (Groupe Argo), Primmogest (Argo gestion), ACPI et Libertea,

Confirme le jugement en ce qu'il a annulé le contrat de franchise du 19 septembre 2013 et les deux contrats de franchise du 27 février 2015,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne in solidum la société Seigvie groupe (Argo groupe) et la société Libertea à verser à M. X. la somme de 175.000 euros HT au titre des restitutions consécutives à l'annulation des contrats de franchise, outre celle de 80.000 euros à titre de dommages-intérêts,

Condamne in solidum la société Seigvie groupe (Argo groupe) et la société Libertea à verser à la selarl Benoit es qualité de liquidateur de la société Civilis promotion la somme de 265.000 HT au titre des restitutions consécutives à l'annulation des contrats de franchise, outre celle de 80.000 euros à titre de dommages-intérêts,

Déboute la selarl Benoit es qualité de liquidateur de la société Civilis promotion, la société Pyma capital et M. X. de leur demande en annulation des autres contrats (promotion, co-promotion, gestion)

Déboute la selarl Benoit es qualité de liquidateur de la société Civilis promotion, la société Pyma capital et M. X. de leur demandes dirigées à l'encontre des sociétés Argo gestion (Primmogest), Agape, Groupe Argo (Bgroupe) et ACPI,

Déboute la selarl Benoit es qualité de liquidateur de la société Civilis promotion et la société Pyma capital de leurs demandes respectives en paiement des sommes de 1.122.930 euros TTC et 689.890 euros TTC au titre des programmes immobilier d'[Localité 11], [Localité 20], [Localité 8] et [Localité 17],

Déboute les sociétés Libertea, Argo gestion, Agape, Groupe Argo et ACPI de leur demande indemnitaire dirigée à l'encontre de M. X. et de la société Pyma capital ainsi que de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société Seigvie (Argo groupe) et la société Libertea aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne in solidum la société Seigvie (Argo groupe) et la société Libertea à payer à la selarl Benoit es qualité de liquidateur de la société Civilis promotion, la société Pyma capital et M. X., ensemble, la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier,                           La Présidente,