CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 6 septembre 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10476
CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 6 septembre 2023 : RG n° 21/19954 ; arrêt n° 147
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Aux termes de l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce dans sa version applicable aux faits litigieux, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d'une opération d'animation commerciale, d'une acquisition ou d'un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d'enseignes ou de centrales de référencement ou d'achat. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d'affaires ou en une demande d'alignement sur les conditions commerciales obtenues par d'autres clients. A compter du 19 mars 2014, le texte précisait que ce dernier pouvait consister en une demande d'alignement sur les conditions commerciales obtenues par d'autres clients ou en une demande supplémentaire, en cours d'exécution du contrat, visant à maintenir ou accroître abusivement ses marges ou sa rentabilité. La lettre du texte permet par la grande généralité de ses termes d'étendre son application au-delà des seuls services de coopération commerciale (« service commercial ») et à un avantage de toute nature (« un avantage quelconque »).
La Cour de cassation retient que « l'application de l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce exige seulement que soit constatée l'obtention d'un avantage quelconque ou la tentative d'obtention d'un tel avantage ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, quelle que soit la nature de cet avantage » (Cass. com., 11 janvier 2023, n° 21-11163). Elle a précisé que « le service donnant lieu à rémunération dans le cadre d'une convention commerciale doit être spécifique et aller au-delà des simples obligations résultant des opérations d'achat et de vente en donnant au fournisseur un avantage particulier de nature à faciliter la commercialisation des produits » (Cass. com., 26 septembre 2018, n°17-10173).
Il incombe au fournisseur, la société Le Roy Muribane, demanderesse conformément à l'article 1353 du code civil, de prouver qu'une contrepartie a été versée. Il appartient ensuite à la société FLPH venant aux droits de DBA, dont le rôle était de faire bénéficier Le Roy Muribane de ses services pour la distribution de ses produits dans les différents supermarchés gérés par DBA, de prouver qu'un service a été effectivement rendu (Cass. com, 3 mars 2021, n° 19-13533). »
2/ « Par conséquent, l'obtention d'un avantage sans contrepartie sur le fondement de l'article L. 442-6 I 1° (ancien) du code de commerce est établie et la société Le Roy Muribane est fondée en vertu de l'article L. 442-6 III (ancien) du même code, (Cass. com 30 septembre 2020, n° 18-11644) en sa qualité de victime des pratiques à voir constater la nullité des clauses illicites figurant aux articles 2 et 7 du contrat de référencement et de prestations de services qu'elle a conclu avec DBA les 4 janvier 2016 et 2 janvier 2017, l'article 7 fixant la rémunération de DBA en contrepartie de ses engagements. Le jugement est en conséquence infirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation des articles 2 et 7 du contrat de référencement et de prestations de services.
FLPH venant aux droits de DBA doit ainsi être condamnée à payer la somme de 46.122,33 € (HT) (TTC 55.346,78 €) avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2021, date de l'assignation,
La demande de Le Roy Muribane tendant à se voir allouer des intérêts de retard sur chaque facture, déterminés à trois fois le taux de l'intérêt légal ne peut prospérer, les conditions générales de vente de l'intéressée ne pouvant s'appliquer à la restitution d'une somme versée par elle en paiement d'une facture. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 4
ARRÊT DU 6 SEPTEMBRE 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/19954. Arrêt n° 147 (8 pages). N° Portalis 35L7-V-B7F-CEVQP. Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 octobre 2021 - Tribunal de Commerce de Rennes - RG n° 2021F00048.
APPELANTE :
SARL LE ROY MURIBANE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de Brest sous le numéro XXX [Adresse 4], [Localité 2], Représentée par Maître Marie-Catherine VIGNES de la SCP SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010, avocat postulant, Assistée de Maître Benoît LAURIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0301, avocat plaidant
INTIMÉE :
SAS FRANPRIX LEADER PRICE HOLDING
venant aux droits de la société DBA, immatriculée au RCS de Créteil, sous le numéro 390 849 479 et ayant son siège social [Adresse 1], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de Créteil sous le numéro YYY [Adresse 1], [Adresse 1], [Localité 3], Représentée par Maître Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, avocat postulant, Assistée de Maître Xavier CLEDAT, avocat au barreau de PARIS, substitué par Maître Antoine FONTAINE de la SCP LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES avocat au barreau de PARIS, toque 0238, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 24 mai 2023, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Marie-Laure Dallery, présidente de la chambre 5.4, Madame Sophie Depelley, conseillère, Monsieur Julien Richaud, conseiller, qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Laure Dallery, présidente de la chambre 5.4 dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Mianta Andrianasoloniary
ARRÊT : - Contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Marie-Laure Dallery, présidente de la chambre 5.4 et par Monsieur Maxime Martinez, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LES FAITS
La société Le Roy Muribane, spécialisée dans le commerce en gros de fruits et légumes, fournit en produits frais (depuis 1996) des supermarchés exploités en franchise sous l'enseigne Leader Price appartenant à la société DBA (Distribution Bretagne Atlantique),
Cette société en nom collectif avait pour activité la « prise de participation dans toutes sociétés exploitant un fonds de commerce à l'enseigne « Leader Price » ».
A partir de 2008, la société DBA est passée sous le contrôle de la société Pro Distribution, devenue la gérante de la société DBA jusqu'au 14 décembre 2012. A compter de cette date, la gérance a été assurée par M. [L] [S], par ailleurs secrétaire général de la société Pro Distribution, et ce jusqu'au 2 décembre 2020, date à laquelle DBA a été radiée du registre du commerce et des sociétés.
En septembre 2020, la société Pro Distribution a cédé le capital de DBA au groupe Casino.
Les magasins à l'enseigne Leader Price ont fait l'objet d'une cession au groupe Aldi.
Dans le cadre de leurs relations commerciales, la société DBA et la société Le Roy Muribane ont signé plusieurs conventions annuelles, décrivant les rémunérations dues par la société Le Roy Muribane en échange des prestations réalisées par la société DBA. La dernière convention a été signée au titre de l'année 2017.
Aucune convention n'a été signée pour les années 2018 et 2019, ni avec DBA ni avec Pro Distribution.
La société Pro Distribution a interrompu toute relation commerciale, et donc cessé tout achat auprès de la société Le Roy Muribane, à compter de la fin de l'année 2019.
Une procédure fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies opposant la société Le Roy Muribane à la société Pro Distribution est en cours devant le tribunal de commerce de Paris.
LA PROCÉDURE
Par acte introductif d'instance en date des 14 et 22 janvier 2021, la société Le Roy Muribane a assigné respectivement la société Pro Distribution et la société DBA devant le tribunal de commerce de Rennes pour voir prononcer la nullité des articles 2 et 7 des conventions annuelles conclues en 2016 et 2017 et obtenir le remboursement des sommes indûment versées à ce titre à la société DBA et à la société Pro Distribution.
Par jugement du 21 octobre 2021, le tribunal de commerce de Rennes a statué en ces termes :
« - Rejette la demande de prononcer la nullité des articles 2 et 7 du « Contrat de référencement et de prestations de services » »,
- Condamne la société Pro Distribution à payer à la société Le Roy Muribane la somme de 41.967,18 euros TTC en remboursement des factures payées au titre des années 2018 et 2019 outre les intérêts au taux légal (article 1231-6 du Code Civil) à compter de la date de l'assignation du 14 janvier 2021,
- Condamne la société Pro Distribution à payer à la société Le Roy Muribane la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Condamne la société Le Roy Muribane à payer à la société DBA la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Déboute les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires,
- Condamne la société Pro Distribution aux entiers dépens,
- Liquide les frais de greffe à la somme de 89,66 euros tels que prévu aux articles 695 et 7 1 du Code de Procédure Civile. »
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 17 novembre 2021, la société Le Roy Muruibane a interjeté appel de ce jugement.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 11 avril 2023, elle demande à la Cour de :
Vu les articles L. 441-2-1, L. 442-6 du code de commerce, codifiés depuis le 26 avril 2019 sous les articles L. 443-2 et L. 442-1 et L. 442-4du code de commerce,
Vu l'article 1315, devenu article 1353du Code civil,
- Déclarer la société Le Roy Muribane recevable et bien fondée en son appel ;
- Infirmer partiellement le jugement du 21 octobre 2021 du Tribunal de commerce de Rennes en ce qu'il dispose :
Rejette la demande de prononcer la nullité des articles 2 et 7 du contrat de référencement et de prestations de services.
Condamne la société LE ROY MURIBANE à payer à la société DBA la somme de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires.
Statuant à nouveau :
- Annuler les articles 2 et 7 des conventions annuelles conclues en 2016 et 2017 entre la société DBA et l'Appelante ;
- Condamner la société Franprix Leader Price Holding venant aux droits de la société DBA à payer à la société Le Roy Muribane la somme de 46.122,33 euros (HT) (TTC : € 55.346.78), avec intérêts de retard sur chaque facture, déterminés à trois fois le taux de l'intérêt légal, conformément aux Conditions Générales de Vente de l'Appelante ;
- Condamner la société Franprix Leader Price Holding venant aux droits de la société DBA à payer à la société LE ROY MURIBANE la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Débouter la société Franprix Leader Price Holding venant aux droits de la société DBA de toutes ses demandes, fins et conclusions.
- Condamner la société Franprix Leader Price Holding venant aux droits de la société DBA aux entiers dépens.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées 15 mai 2023, la société DBA et la société Franprix Leader Price Holding venant aux droits de DBA demandent à la Cour de :
Vu les articles 700 et 902 du code de procédure civile,
Vu l'article 1353 du code civil,
Il est demandé à la Cour de bien vouloir :
- Débouter la société Le Roy Muribane de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
- Confirmer en conséquence le jugement entrepris dans l'ensemble de ses dispositions,
En tout état de cause :
- Condamner la société Le Roy Muribane à verser aux sociétés DBA et FLPH la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Le Roy Muribane aux entiers dépens de la présente instance.
[*]
La clôture de l'instruction est intervenue par ordonnance du 16 mai 2023.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION :
Sur la nullité des articles 2 et 7 des conventions annuelles conclues en 2016 et 2017 entre la société DBA et la société Le Roy Muribane :
Sur le principe de l'obtention d'un avantage sans contrepartie :
Au soutien de la nullité qu'elle poursuit, la société Le Roy Muribane invoque l'obtention d'un avantage sans contrepartie contenu dans ces deux articles sur le fondement de l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce devenu depuis le 26 avril 2019 l'article L. 442-1-I-1°, ainsi que de l'article L442-4 du même code disposant que la partie victime des pratiques peut faire constater la nullité des clauses illicite et demander la restitution des avantages indus, outre l'article L. 441-3 devenu L. 441-9 du code de commerce disposant que la facture doit mentionner « la date de la vente ou de la prestation de service, la quantité, la dénomination précise, et le prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus ».
Elle estime que les services de la société DBA regroupés sous 4 items dans les conventions annuelles :
1. Commission de référencement et de gestion administrative centralisée
2. Réalisation de publicités et d'informations sur les lieux de vente dans les magasins.
3. Expositions et opérations événementielles.
4. Éléments techniques,
étaient fictifs, de sorte que les rémunérations versées sont dénuées de contrepartie et de cause, ce que conteste la société Franprix Leader Price Holding (ci-après FLPH) venant aux droits de DBA.
Celle-ci soutient que la société Le Roy Muribane a bénéficié :
- de services coordonnés lui permettant d'être le fournisseur des magasins du Réseau DBA pendant de nombreuses années sans avoir à renouveler régulièrement les démarches de référencement auprès de ces magasins,
- de logiciels informatiques centralisateurs, et
- d'opérations de communication indispensables à la bonne commercialisation de ses produits.
La société ajoute qu'en tout état de cause, la société Le Roy Muribane a trimestriellement informée DBA du montant de son chiffre d'affaires réalisé grâce au Réseau DBA afin que puisse être calculé le montant des commissions dues, sans jamais lui faire part d'une quelconque contestation avant de l'assigner, par pur opportunisme économique.
L'appelante, qui indique justifier du paiement des factures litigieuses, soutient :
- que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la charge de la preuve de la réalisation des services décrits dans les conventions annuelles de 2016 et 2017, incombe à DBA sur le fondement des articles L. 442-6-III du code de commerce, de l'article 1315 devenu 1353 du code civil et qu'il ne peut être mis à sa charge une preuve impossible à rapporter,
- que cette dernière a bien été incapable de rapporter la preuve des services rendus, se retranchant de manière abusive derrière le fait que ses archives avaient été transférées, et qu'ainsi seule sa société-mère, la société P.R.O. Distribution, était en mesure d'y répondre.
La société FLPH venant aux droits de DBA rétorque que la société Le Roy Muribane a reconnu dans chacun des contrats conclus avec DBA que c'est elle qui a souhaité convenir avec elle de contrats de référencement et de prestations de services et qu'elle a tiré des avantages réels et spécifiques de ces contrats.
La société appelante réplique que les conventions annuelles de distributeur qu'elle a signées jusqu'en 2017 constituent des contrats d'adhésion de sorte qu'il lui était impossible pour un fournisseur comme elle de les contester et que le paiement de factures ne suffit pas à démontrer que les services ont été rendus
Réponse de la Cour :
Aux termes de l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce dans sa version applicable aux faits litigieux, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d'une opération d'animation commerciale, d'une acquisition ou d'un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d'enseignes ou de centrales de référencement ou d'achat. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d'affaires ou en une demande d'alignement sur les conditions commerciales obtenues par d'autres clients. A compter du 19 mars 2014, le texte précisait que ce dernier pouvait consister en une demande d'alignement sur les conditions commerciales obtenues par d'autres clients ou en une demande supplémentaire, en cours d'exécution du contrat, visant à maintenir ou accroître abusivement ses marges ou sa rentabilité.
La lettre du texte permet par la grande généralité de ses termes d'étendre son application au-delà des seuls services de coopération commerciale (« service commercial ») et à un avantage de toute nature (« un avantage quelconque »).
La Cour de cassation retient que « l'application de l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce exige seulement que soit constatée l'obtention d'un avantage quelconque ou la tentative d'obtention d'un tel avantage ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, quelle que soit la nature de cet avantage » (Cass. com., 11 janvier 2023, n° 21-11163).
Elle a précisé que « le service donnant lieu à rémunération dans le cadre d'une convention commerciale doit être spécifique et aller au-delà des simples obligations résultant des opérations d'achat et de vente en donnant au fournisseur un avantage particulier de nature à faciliter la commercialisation des produits » (Cass. com., 26 septembre 2018, n°17-10173).
Il incombe au fournisseur, la société Le Roy Muribane, demanderesse conformément à l'article 1353 du code civil, de prouver qu'une contrepartie a été versée. Il appartient ensuite à la société FLPH venant aux droits de DBA, dont le rôle était de faire bénéficier Le Roy Muribane de ses services pour la distribution de ses produits dans les différents supermarchés gérés par DBA, de prouver qu'un service a été effectivement rendu (Cass. com, 3 mars 2021, n° 19-13533).
Sur l'obtention par DBA d'un avantage sans contrepartie :
La société Le Roy Muribane soutient avoir dû régler des factures trimestrielles et globales pour un montant de 4,5 % puis 5 % à compter de 2017, sans qu'aucun service précis ne soit documenté, en particulier sur les factures, ni démontré leur accomplissement effectif, de sorte que les rémunérations versées sont dénuées de contrepartie et de cause.
FLPH venant aux droits de DBA rétorque que cette dernière ne disposait d'aucune archive antérieure à sa transformation en holding en 2018, Pro Distribution qui est à l'initiative de cette transformation ayant conservé l'ensemble de ces archives. Elle indique en conséquence que DBA est devenue une coquille vide de sorte qu'elle ne peut que s'en rapporter aux écritures régularisées par Pro Distribution en première instance, cette dernière ayant joué à compter du 1er janvier 2013 le rôle d'intermédiaire effectif entre les magasins du réseau DBA et leurs fournisseurs et étant seule à même de justifier de la réalité des prestations rendues en 2016 et 2017.
Elle fait valoir que Le Roy Muribane ne justifie pas avoir contesté le paiement des sommes litigieuses autrement qu'à travers l'acte introductif d'instance, qu'elle a consenti au paiement des sommes litigieuses en pleine connaissance de cause et que DBA s'est valablement acquittée de ses obligations contractuelles à l'égard de Le Roy Muribane.
Réponse de la Cour :
La société Le Roy Muribane justifie du paiement des factures que lui a adressé la société DBA au titre de la « coopération commerciale2016- Référencements et prestations de services » et de la « coopération commerciale 2017 - Référencements et prestations de services » [ses pièces 7 (factures), 10 (factures comportent un tampon mentionnant la date et la référence du paiement.) et 18 (lettres chèques correspondantes)].
De son côté, FLPH venant aux droits de DBA ne justifie pas d'un service effectivement rendu en contrepartie des sommes versées.
A cet égard, le seul paiement des factures est insuffisant, de même que l'absence de contestation pendant plusieurs années dès lors que la demande de Le Roy Muribane en ce qu'elle porte sur les années 2016 et 2017 n'est pas prescrite, étant observé que le libellé des factures « coopération commerciale 2016- Référencements et prestations de services » et « coopération commerciale 2017 Référencements et prestations de services » est général et ne fournit aucune précision sur les prestations fournies.
En outre, est indifférente la circonstance que DBA ne soit plus en possession des justificatifs qui seraient détenus par la société Pro Distribution laquelle n'est pas partie devant la Cour, dès lors qu'il lui appartenait de conserver les justificatifs ou d'en obtenir la production.
Ainsi, s'agissant en premier lieu de la commission de référencement et de gestion administrative centralisée, si FLPH venants aux droits de DBA soutient que la négociation et la gestion administrative étaient bien toutes deux centralisées entre les mains de DBA en 2016 et en 2017 et que la société Le Roy Muribane complétait chaque semaine un cadencier avec ses propositions tarifaires qu'elle communiquait à DBA pour que celle-ci puisse le transmettre aux magasins de son réseau, la société appelante soutient que la prétendue prestation de centralisation des commandes est totalement fictive, que les prétendus services de référencement et de gestion administrative centralisée n' ont pas été réellement assurés dans son intérêt et ont été toutefois facturés à hauteur de 1,2 %, puis 1,4 % à compter de 2017sans aucune justification de l'augmentation de 0,2% de la rémunération.
Or, FLPF venant aux droits de DBA, à laquelle incombe la charge de la preuve ne produit aucune pièce de nature à établir que ces services ont été assurés au titre de la période litigieuse, alors que selon l'article 2 des contrats de référencement et de prestations de services conclus les 4 janvier 2016 et 2 janvier 2017 entre la société Le Roy Muribane et la société DBA, cette dernière devait au titre de la- Commission de référencement et de gestion administrative centralisée, la faire bénéficier de ses services centraux ainsi qu'il suit :
« Grace aux services centraux de DBA qui apportent une simplification des échanges de Leroy Muribane avec le réseau de supermarchés concernés et lui évitent le démarchage et la négociation avec chacun des magasins et lui procurent par là-même, un gain de temps et une réduction de ses coûts administratifs, Leroy Muribane souhaite bénéficier des services centraux de DBA afin de l'aider au déploiement de ses produits au sein du réseau de supermarchés géré par DBA.
La liste des services centraux dont peut bénéficier Leroy Muribane est la suivante :
* centralisation de la négociation des informations relatives aux produits et les commandes des magasins lors des opérations promotionnelles ;
* mise en place d'un développement stratégique en secteur, permettant, par la présence de chefs de secteur, de relayer la politique globale convenue par DBA avec Leroy Muribane ;
* mise à la disposition d'un interlocuteur unique (ou des interlocuteurs uniques) pour déterminer la stratégie, les produits et la quantité de produits qui seront placés dans les différents supermarchés concernés ;
* coordination par DBA des commandes de ses différentes filiales (fruits et légumes, fleurs et plantes, etc.) en une livraison unique afin de permettre au fournisseur de simplifier sa logistique journalière et de favoriser son passage en réception.
Etant ici indiqué que DBA agira pour les achats et commandes au nom et pour le compte de ses filiales ».
Or, l'accomplissement de ces services n'est pas établi.
De la même manière, s'agissant de la réalisation de publicités et d'informations sur les lieux de vente dans les magasins, la circonstance alléguée que le rayon fruits et légumes soit la vitrine des magasins à enseigne Leader Price, qui communiquent régulièrement à leur sujet auprès de leur clientèle afin d'insister sur la qualité, la fraîcheur et les circuits courts empruntés par ces produits (affiches, magasines promotionnels, etc.), ne permet pas de justifier de la réalisation de publicités et d'information dans les magasins par DBA en 2016 et en 2017.
Par conséquent, la société Le Roy Muribane qui relève notamment qu'aucun contrat d'application n'a été conclu pour la réalisation de ces publicités et opérations de promotion sur les lieux de vente, qu'elle n'a aucune connaissance de ces prétendues opérations sur les lieux de vente, décrites de manière très générale dans le contrat et dépourvues de réalisation, doit être accueillie en ce qu'elle soutient que ce service de publicités et d'informations sur les lieux de vente dans les magasins n'a pas été réellement assuré dans son intérêt, qu'il est fictif, mais a été facturé à hauteur de 1,7 %, puis 1,8 % à compter de 2017 .
Egalement, s'agissant des expositions et opérations événementielles, la preuve de leur réalisation par DBA n'est pas rapportée alors que la société Leroy Muribane soutient qu'aucun contrat d'application n'a été conclu pour la réalisation de ces opérations événementielles sur les lieux de vente, qu'elle ignore en particulier les prétendues expositions de ses produits en têtes de gondole 15 fois par an ou les opérations événementielles et de démonstration et/ou de dégustation ces produits, que ce service n'a pas été réellement rendu, mais dûment facturé.
Par conséquent, cette prestation facturée est fictive.
Enfin, s'agissant des éléments techniques pour la mise en place par DBA de toute action dans le seul but de promouvoir les produits référencés, notamment la mise à disposition par les filiales des palettes perdues, force est de constater qu'il n'est pas justifié de leur réalisation par DBA alors que la société Leroy Muribane soutient justement que ce service auquel DBA devait "veiller" qui a été facturé à hauteur de 0,6 %, puis 0,8 % à compter de 2017, est fictif.
Par conséquent, l'obtention d'un avantage sans contrepartie sur le fondement de l'article L. 442-6 I 1° (ancien) du code de commerce est établie et la société Le Roy Muribane est fondée en vertu de l'article L. 442-6 III (ancien) du même code, (Cass. com 30 septembre 2020, n° 18-11644) en sa qualité de victime des pratiques à voir constater la nullité des clauses illicites figurant aux articles 2 et 7 du contrat de référencement et de prestations de services qu'elle a conclu avec DBA les 4 janvier 2016 et 2 janvier 2017, l'article 7 fixant la rémunération de DBA en contrepartie de ses engagements.
Le jugement est en conséquence infirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation des articles 2 et 7 du contrat de référencement et de prestations de services.
FLPH venant aux droits de DBA doit ainsi être condamnée à payer la somme de 46.122,33 € (HT) (TTC 55.346,78 €) avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2021, date de l'assignation,
La demande de Le Roy Muribane tendant à se voir allouer des intérêts de retard sur chaque facture, déterminés à trois fois le taux de l'intérêt légal ne peut prospérer, les conditions générales de vente de l'intéressée ne pouvant s'appliquer à la restitution d'une somme versée par elle en paiement d'une facture.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La société FLPH venant aux droits de DBA, partie perdante, est condamnée aux dépens d'appel.
Le jugement est infirmé en ce qu'il a alloué à la société DBA une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La somme de 7.000 € est allouée sur ce fondement à la société Le Roy Muribane à la charge de la société FLPH.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement en ce qu'il :
Rejette la demande de prononcer la nullité des articles 2 et 7 du contrat de référencement et de prestations de services,
Condamne la société Le Roy Muribane à payer à la société DBA la somme de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la société Le Roy Muribane de sa demande en paiement de la somme de 46.122,33 euros (HT) (TTC : 55.346.78 €), avec intérêts de dirigée contre la société DBA ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Annule les articles 2 et 7 des conventions annuelles conclues en 2016 et 2017 entre la société DBA et la société Le Roy Muribane ;
Condamne la société Franprix Leader Price Holding venant aux droits de la société DBA à payer à la société Le Roy Muribane la somme de 46.122,33 euros (HT) (TTC : 55.346.78 €), avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2021, date de l'assignation,
Condamne la société Franprix Leader Price Holding venant aux droits de la société DBA à payer à la société Le Roy Muribane la somme de 7.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Déboute la société Franprix Leader Price Holding venant aux droits de la société DBA de ses demandes,
Condamne la société Franprix Leader Price Holding venant aux droits de la société DBA aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE