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CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 13 septembre 2023

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 13 septembre 2023
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 4
Demande : 21/06146
Décision : 23/149
Date : 13/09/2023
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 31/03/2021
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10478

CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 13 septembre 2023 : RG n° 21/06146 ; arrêt n° 149

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « C'est par des motifs justes et pertinents adoptés que le tribunal a retenu, sur le fondement des articles 2224 du code civil et L 110-4 du code de commerce que la société RNI avait connaissance des faits lui permettant d'exercer son action dès l'établissement des factures, la preuve contraire n'étant pas rapportée, que seule l'assignation en référé qu'elle a fait délivrer à la société Nokia le 21 avril 2016 devant le tribunal d'Aix-en-Provence a interrompu le délai de prescription de 5 ans, de sorte que les demandes de la société RNI pour la période antérieure au 21 avril 2011 sont irrecevables comme prescrites.

Il sera ajouté que la société NCI ne justifie pas d'un cas de force majeure pour prétendre que le délai de prescription a été suspendu puisqu'en effet, elle invoque une situation de dépendance à l'égard de son principal client représentant 90 % de son chiffre d'affaires, disant qu'il existait un déséquilibre significatif l'empêchant d'agir alors qu'un évènement de force majeure est un évènement qui doit être notamment extérieur à celui qui l'invoque et imprévisible, conditions non remplies en l'espèce. » 

2/ « La société RNI ne démontre pas l'existence d'un déséquilibre significatif qu'elle invoque. En effet, elle ne justifie d'aucune soumission ou tentative de soumission à son égard émanant de la société Nokia.

L'appelante soutient que son préjudice financier résulte des écarts entre les temps d'intervention des sous-traitants figurant sur les bons de commande de la société Nokia et les temps réellement passés établis par les notes d'honoraires de ses sous-traitants. […] Par conséquent, RNI qui supporte la charge de la preuve ne justifie pas de la réalité et du montant des écarts qu'elle invoque entre les factures qu'elle a émises envers Nokia que cette dernière a réglées à partir des bons de commande qu'elle a elle-même établis et les services prestés à Nokia. La société RNI sera en conséquence déboutée de sa demande d'indemnisation du préjudice financier dont elle se prévaut et le jugement confirmé de ce chef. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 4

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/06146. Arrêt n° 149 (8 pages). N° Portalis 35L7-V-B7F-CDNDH. Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 février 2021 - Tribunal de Commerce de Marseille - RG n° 2020F00712.

 

APPELANTE :

SAS RIVIERA NETWORKS INC

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 4], [Adresse 4], [Localité 1], Immatriculée au rcs d'Aix-en-Provence sous le numéro XXX, Représentée par Maître Marie-Sophie LANGERON, avocate au barreau de PARIS, toque A 493

 

INTERVENANTE VOLONTAIRE EN REPRISE D'INSTANCE et comme telle INTIMÉE :

SA ALCATEL- LUCENT INTERNATIONAL venant aux droits de la société NOKIA SOLUTIONS AND NETWORKS

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé [Adresse 3], [Adresse 3], [Localité 2], Immatriculée au rcs d'Evry sous le numéro YYY, Représentée par Maître Marie-Hélène DUJARDIN, avocate au barreau de PARIS, toque D 2153, avocat postulant, Assistée de Maître Jean DAMERVAL, avocat au barreau de PARIS, toque P 116, avocat plaidant

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 juin 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure Dallery, présidente de la chambre 5.4, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Mme Marie-Laure Dallery a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Marie-Laure Dallery, présidente de la chambre 5.4, Madame Sophie Depelley, conseillère, Monsieur Julien Richaud, conseiller.

Greffière lors des débats : Madame Carole Trejaut

ARRÊT : Contradictoire ; Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Madame Marie-Laure Dallery, présidente de la 5.4, et par Monsieur Maxime Martinez, greffier, auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LES FAITS

La société Riviera Networks Inc (ci-après « RNI ») qui a pour activité l'informatique appliqué aux télécommunications et à l'ingénierie de projet, de programmation et de réseau, a signé le 24 février 2006 avec la société Nokia Solutions and Networks France (ci-après Nokia) qui a pour activité principale la fourniture d'équipements et de systèmes aux opérateurs de télécommunications, un contrat cadre de prestations de services pour une durée renouvelable d'un an.

Ce contrat prévoyait l'émission de bons de commande par la société Nokia définissant le contenu des prestations, leur calendrier d'exécution, leur prix, leur lieu d'exécution.

La société RNI intervenait par l'intermédiaire de ses salariés et de prestataires sur les différents sites d'opérateurs clients de la société Nokia puis facturait cette dernière sur la base des bons de commandes établis par cette dernière et émis après la réalisation des prestations.

La société Nokia a mis fin au contrat le 31 aout 2012.

Après avoir effectué en 2014, un contrôle de cohérence entre ses prestations de service, les bons de commande et les facturations émises entre 2009 et 2012, la société RNI a adressé le 21 mars 2014 à la société Nokia un courrier faisant état « d'écarts significatifs » entre les prestations effectuées et celles facturées, puis le 14 avril 2014, contenant sommation de lui payer la somme 44.265,40 euros.

La société Nokia a répondu qu'elle considérait cette réclamation non fondée.

 

LA PROCÉDURE

Par acte du 21 avril 2016, la société Riviera a assigné la société Nokia devant le juge des référés du tribunal de commerce d'Aix en Provence aux fins de voir désigner un expert.

Par ordonnance du 10 mai 2016 un expert a été désigné à la demande de la société RNI afin d'examiner les bons de commandes Nokia, les factures émises, rechercher si ces factures correspondent aux bons de commandes émis par la société Nokia et aux prestations réalisées par RNI sur l'ensemble de la période d'exécution du contrat et aux paiements faits par la société Nokia.

L'expert a achevé son rapport le 7 janvier 2019.

Par acte du 13 juin 2016, la société RNI a assigné la société Nokia devant le tribunal de commerce d'Aix en Provence pour obtenir le paiement de prestations fournies et non réglées, outre divers dommages-intérêts.

Par jugement du 25 juillet 2019 le tribunal de commerce d'Aix en Provence s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Marseille, en application des dispositions des articles D. 442-3 et L. 442-6 du code de commerce.

Par jugement du 22 février 2021 le tribunal de commerce de Marseille a :

 - Déclaré irrecevables les demandes de la société Riviera Networks pour la période s'étalant du 1er janvier 2009 au 21 avril 2011 ;

- Déclaré recevables comme non prescrites les demandes de la société Riviera Networks pour la période s'étalant du 22 avril 2011 au 31 aout 2012 ;

- Débouté la société Riviera Networks de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamné la société Riviera Networks aux dépens ;

- Rejeté pour le surplus, toutes autres demandes, fins et conclusions des parties contraires aux dispositions du présent jugement.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 31 mars 2021 la société RNI a interjeté appel de ce jugement.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 28 décembre 2021, la société Riviera Networks Inc demande à la Cour de :

Vu les articles L. 442-6 ancien du code de commerce dans sa version applicable à l'époque des faits, et 1134 et 1147 anciens du code civil.

Déclarer recevable et fondé l'Appel formé par la société Riviera Networks INC SAS à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Marseille le 22 février 2021,

Infirmer ledit jugement des chefs critiqués suivants :

- Déclare irrecevables les demandes de la Société Riviera Networks pour la période s'étalant du 1er janvier 2009 au 21 avril 2011.

- Déboute la Société Riviera Networks INC SAS de toutes ses demandes fins et conclusions.

- Conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile, condamne la Société Riviera Networks INC SAS aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance, tel qu'énoncé par l'article 695 du Code de procédure civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le Secrétariat Greffe de la présente juridiction, sont liquidés à la somme de 86,30 € (quatre-vingt-six euros et trente cents).

- Rejette pour le surplus toutes autres demandes fins et conclusions des parties contraires aux dispositions du présent jugement.

- Rejet des demandes suivantes de la Société Riviera Networks INC SAS ;

Dire et juger que les demandes de la société Riviera Networks INC sont recevables, qu'elles ne sont pas prescrites et sont recevables sur la période du 1er janvier 2019 au 30 novembre 2012,

Condamner la société Nokia Solutions And Networks France à payer à la société Riviera Networks INC la somme de : 44.265, 40 € HT soit 53.118, 48 € TTC (cinquante-trois mille cent dix-huit euros et quarante-huit cents) au titre des prestations fournies et non réglées, augmentées des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 avril 2014,

A défaut,

- Condamner la société Nokia Solutions And Networks France à payer à la société Riviera Networks INC le montant des sommes déterminées par l'Expert dans son rapport d'étape au titre des prestations fournies et non réglées soit la somme de : 34.645,53 € (trente-quatre mille six cent quarante-cinq euros et cinquante-trois cents) augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 avril 2014 jusqu'à parfait paiement.

Subsidiairement

Au cas où par extraordinaire le Tribunal ne tirerait pas les conséquences de la rétention d'informations et du défaut de production de documents justificatifs par la société Nokia Solutions And Networks France

- Condamner la société Nokia Solutions And Networks France à payer à la société Riviera Networks INC la somme de : 8.184,78 € HT soit la somme de 9.821,73 € TTC (neuf mille huit cent vingt et un euros et soixante-treize cents) TTC,

- Déclarer la société Nokia Solutions And Networks France responsable du préjudice commercial et financier causé à la société Riviera Networks Inc,

- Condamner la société Nokia Solutions And Networks France à payer au titre du préjudice commercial et financier à la société Riviera Networks INC la somme de 10.000 € (Dix mille euros).

- Débouter la société Nokia Solutions And Networks France de ses demandes fins et conclusions reconventionnelles,

- Condamner la société Nokia Solutions And Networks France à payer à la société Riviera Networks INC la somme de 10.000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.,

- Condamner enfin la société Nokia Solutions And Networks France aux entiers dépens y compris les frais d'expertise judiciaire qui se sont élevés à la somme de 12.714,40 € T.T.C (Douze mille sept cent quatorze euros et 40 cts ) (pièce n°12).

- Statuer à nouveau des chefs infirmés,

- Juger que les demandes de la société Riviera Networks INC sont recevables, qu'elles ne sont pas prescrites et sont recevables sur la période du 1er janvier 2019 au 30 novembre 2012,

- Condamner la société Nokia Solutions And Networks France à payer à la société Riviera Networks INC la somme de : 44.265,40 € HT soit 53.118,48 € TTC (cinquante-trois mille cent dix-huit euros et quarante-huit cents) au titre des prestations fournies et non réglées, augmentées des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 avril 2014,

A défaut,

- Condamner la société Nokia Solutions And Networks France à payer à la société Riviera Networks INC le montant des sommes déterminées par l'Expert dans son rapport d'étape au titre des prestations fournies et non réglées soit la somme de : 34.645,53 € (trente-quatre mille six cent quarante-cinq euros et cinquante-trois cents) augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 avril 2014 jusqu'à parfait paiement.

Subsidiairement

- Au cas où par extraordinaire la Cour ne tirerait pas les conséquences de la rétention d'informations et du défaut de production de documents justificatifs par la société Nokia Solutions And Networks France,

- Condamner la société Nokia Solutions And Networks France à payer à la société Riviera Networks INC la somme de : 8.184,78 € HT soit la somme de 9.821,73 € TTC (neuf mille huit cent vingt et un euros et soixante-treize cents) T.T.C.

- Déclarer la société Nokia Solutions And Networks France responsable du préjudice commercial et financier causé à la société Riviera Networks INC,

- Condamner la société Nokia Solutions And Networks France à payer au titre du préjudice commercial et financier à la société Riviera Networks INC la somme de 10.000 € (Dix mille euros).

- Débouter la société Nokia Solutions And Networks France de ses demandes fins et conclusions reconventionnelles et incidentes,

- Condamner la société Nokia Solutions And Networks France à payer à la société Riviera Networks INC la somme de 10 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamner enfin la société Nokia Solutions And Networks France aux entiers dépens de 1ère instance et d'Appel y compris les frais d'expertise judiciaire qui se sont élevés à la somme de 12.714,40 € T.T.C (Douze mille sept cent quatorze euros et 40 cts) (pièce n°12).

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 23 septembre 2021, la société Alcatel-Lucent International (Alcatel) agissant aux droits de la société Nokia Solutions and Networks France demande à la Cour de :

- Prendre acte de l'intervention volontaire de la société Alcatel Lucent International venant aux droits de la société Nokia Solutions and Networks France

- Dire l'appel de la société Riviera Networks Inc recevable mais mal fondé, l'en débouter ainsi que de toutes ses demandes fins et conclusions

- Dire l'appel incident de la société Alcatel Lucent International aux droits de Nokia Solutions and Networks France recevable et bien fondé.

Y faisant droit

En conséquence :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il a jugé les demandes de la société Riviera Networks Inc relatives à la période antérieure au 21 avril 2011 prescrites par application de l'article L. 110-4 du code de commerce et mal fondées ses demandes postérieures à cette date.

- l'infirmer en ce qu'il a débouté la société Alcatel Lucent International de sa demande reconventionnelle, et, statuant à nouveau :

- condamner la société Riviera Networks Inc à payer à la société Alcatel Lucent International la somme de 1 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 15.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner la société Riviera Networks Inc aux entiers dépens lesquels comprendront les frais d'expertise.

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 mai 2023.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

Sur la prescription :

La société RNI soutient :

- que la prescription a été suspendue pour cause de force majeure (article 2234 du code civil) dès lors que sa situation de dépendance la mettait dans l'impossibilité d'agir à l'encontre de la société Nokia, celle-ci représentant 90 % de son chiffre d'affaires sur la période considérée de 2009 à 2012,

- qu'elle ne pouvait agir à l'encontre de la société Nokia qu'au moment où les relations commerciales ont été définitivement rompues le 21 mars 2014, date à laquelle elle a adressé sa première réclamation officielle et mis en demeure la société Nokia,

- à défaut, que le délai de prescription ne peut s'appliquer qu'à compter du jour où elle a pu connaitre les faits lui permettant d'exercer son action,

- que le rapport de l'expert souligne « une certaine opacité dans la formulation des commandes émises par la société Nokia » et « une difficulté d'exploitation des données consignées » pour appuyer les difficultés rencontrées pour établir le décalage entre les prestations et les factures,

- que la difficulté provient du fait que c'était Nokia qui émettait les bons de commande sous-évalués sur le fondement desquels elle émettait les factures,

- qu'elle n'a pu connaitre les préjudices qu'au début de l'année 2014, en sorte que la prescription ne peut se décompter qu'à partir du mois de mars 2014, incluant les années 2009 à 2012.

La société Alcatel rétorque :

- que conformément à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, les demandes portant sur la période antérieure au 22 avril 2011 sont prescrites, l'assignation ayant été délivrée le 21 avril 2016, de sorte que seule la période allant du 22 avril 2011 au 31 aout 2012 (date de résiliation du contrat) doit être prise en compte,

- que la société RNI disposait dès la réception des notes d'honoraires de ses intervenants des éléments nécessaires pour contester les commandes de la société Nokia, de sorte que les demandes pour la période du 1er janvier 2009 au 21 avril 2011 sont irrecevables.

Réponse de la Cour,

C'est par des motifs justes et pertinents adoptés que le tribunal a retenu, sur le fondement des articles 2224 du code civil et L 110-4 du code de commerce que la société RNI avait connaissance des faits lui permettant d'exercer son action dès l'établissement des factures, la preuve contraire n'étant pas rapportée, que seule l'assignation en référé qu'elle a fait délivrer à la société Nokia le 21 avril 2016 devant le tribunal d'Aix-en-Provence a interrompu le délai de prescription de 5 ans, de sorte que les demandes de la société RNI pour la période antérieure au 21 avril 2011 sont irrecevables comme prescrites.

Il sera ajouté que la société NCI ne justifie pas d'un cas de force majeure pour prétendre que le délai de prescription a été suspendu puisqu'en effet, elle invoque une situation de dépendance à l'égard de son principal client représentant 90 % de son chiffre d'affaires, disant qu'il existait un déséquilibre significatif l'empêchant d'agir alors qu'un évènement de force majeure est un évènement qui doit être notamment extérieur à celui qui l'invoque et imprévisible, conditions non remplies en l'espèce.

 

Sur la demande de réparation du préjudice invoqué par RNI :

La société RNI dit avoir subi un préjudice indemnisable puisqu'elle n'était pas libre d'émettre ses factures et de contester les bons de commande du fait de sa situation d'infériorité et de soumission à la société Nokia.

L'appelante s'appuie sur le rapport d'expertise soulignant l'opacité de la société Nokia dans l'émission des bons de commande et fait valoir que cette société n'a pas mis l'expert en mesure d'effectuer des comptes précis, Selon elle, dans la mesure où la société Nokia a refusé volontairement de participer de manière loyale à l'expertise, elle doit être condamnée à régler à la société RNI le montant des sommes qu'elle réclame fondées sur ses propres calculs d'évaluation du préjudice. Elle sollicite ainsi le paiement de la somme de 44 264,40 € HT au titre des prestations qu'elle a réellement effectuées et non payées par Nokia.

A défaut, elle demande de retenir la somme de 28 871,28 € HT retenue par l'expert dans son rapport d'étape.

Elle sollicite également la réparation de son préjudice financier à hauteur de 10 000 € consécutif à la résistance manifestement abusive de la société Nokia à respecter ses engagements et à l'abus de supériorité de sa situation financière.

La société Nokia rétorque que la société RNI ne démontre aucune situation de soumission et ne justifie pas de son préjudice, que les notes d'honoraires produites n'ont aucune force probante faute d'être datée et signée par leur auteur et lui sont en tout état de cause inopposables, que la proportion du chiffre d'affaires effectué par RNI avec la société Nokia ne suffit pas à démontrer une dépendance économique, que la preuve n'est rapportée ni de la réalité ni du montant des écarts, ni davantage du paiement des "relevés d'honoraires" des "intervenants".

Réponse de la Cour

La société RNI ne démontre pas l'existence d'un déséquilibre significatif qu'elle invoque. En effet, elle ne justifie d'aucune soumission ou tentative de soumission à son égard émanant de la société Nokia.

L'appelante soutient que son préjudice financier résulte des écarts entre les temps d'intervention des sous-traitants figurant sur les bons de commande de la société Nokia et les temps réellement passés établis par les notes d'honoraires de ses sous-traitants.

Selon le rapport d'expertise produit, achevé le 7 janvier 2019, M L. I. considère que ses travaux ont mis en exergue bon nombre d'anomalies et suscitent maintes questions provenant d'erreurs commises par la société Riviera dans le collationnement des données mais aussi d'une certaine opacité dans la formulation des commandes émises par Nokia, lesquelles commandes ne mentionnaient pas systématiquement le tarif convenu entre les parties, ni le détail des prestations décomptées en unité de temps, qu'il en résulte une difficulté d'exploitation des données consignées sur les commandes qui font obstacle au rapprochement avec les données telles qu'elles figurent sur les notes d'honoraires des sous-traitants.

En outre, au terme de son rapport d'étape, l'expert avait appelé la société Nokia à l'éclairer sur le contenu de ses commandes au regard des dispositions contractuelles et à la société Riviera à produire les documents contractuels avalisant les tarifs de facturation, à examiner ses commentaires en marge de tableaux de contrôle et de synthèse établis par ses soins, à reprendre l'analyse des prestations effectuées en 2010 et 2011, à répondre aux différentes questions soulevées et à fournir les explications requises.

L'expert indique à cet égard qu'aucune de ces requêtes n'a été réellement suivi d'effet et que les documents contractuels versés aux débats, non datés et non signés, n'ont aucune valeur probante.

Il précise avoir apprécié le préjudice financier subi par la société Riviera en l'état d'une base documentaire incomplète et des incertitudes qui demeurent, rappelant que les moyens de preuve pour établir ledit préjudice sont les quantités renseignées par les sous-traitants dans leurs notes d'honoraires dont la valeur probante est contestée. Il retient sous ces réserves un préjudice sur la période du 22 avril 2011 au 31 août 2012, à la somme de 2.2716,03 € HT.

Ainsi que le soutient justement l'intimée, les notes d'honoraires produites établies par les sous-traitants de RNI, sont inopposables à la société Nokia, en l'absence de lien de droit entre cette dernière et les « intervenants » de RNI, étant ajouté que ces notes ne constituent pas des factures et que leur paiement n'est pas établi.

Par conséquent, RNI qui supporte la charge de la preuve ne justifie pas de la réalité et du montant des écarts qu'elle invoque entre les factures qu'elle a émises envers Nokia que cette dernière a réglées à partir des bons de commande qu'elle a elle-même établis et les services prestés à Nokia.

La société RNI sera en conséquence déboutée de sa demande d'indemnisation du préjudice financier dont elle se prévaut et le jugement confirmé de ce chef.

 

Sur la demande reconventionnelle de la société Nokia pour procédure abusive :

La société Nokia prétend que la société RNI a engagé une procédure abusive et sollicite 1 euro de dommages-intérêts, cette dernière étant consciente de la « fragilité » de son dossier au vu des pièces produites et de son attitude dilatoire au cours de l'expertise.

La société RNI s'y oppose, soutenant que selon l'expert la société Nokia reste débitrice à son égard.

Réponse de la Cour

L'intention malicieuse ou la légèreté blâmable ayant fait dégénérer en abus, le droit de la société RNI d'ester en justice n'est pas établie au soutien de la demande de dommages-intérêts de la société Alcatel venant aux droits de Nokia.

Cette demande sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La société RNI qui succombe est condamnée aux dépens d'appel qui comprendront les frais d'expertise, le jugement étant confirmé en ce qu'il a fait supporter les dépens de première instance par la société RNI.

En revanche, le jugement est infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société Nokia au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La somme de 9.000 € est allouée à la société Alcatel venant aux droits de Nokia sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

CONFIRME le jugement en ses dispositions qui lui sont soumises sauf en ce qu'il a débouté la société Nokia Solutions And Networks France SA de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau de ce chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la société Riviera Networks Inc aux dépens d'appel qui comprendront les frais d'expertise et à payer à la société Alcatel-Lucent International agissant aux droits de la société Nokia Solutions And Networks France la somme de 9.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER                                LA PRÉSIDENTE