CA COLMAR (1re ch. sect. A - Cme), 30 octobre 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10487
CA COLMAR (1re ch. sect. A - Cme), 30 octobre 2023 : RG n° 21/04626 ; ord. n° 471/23
Publication : Judilibre
Extrait : « Sur le fond de ces fins de non-recevoir, la Cour de cassation a jugé, par arrêt rendu le 12 juillet 2023, que le point de départ du délai de prescription de l'action en restitution des sommes versées, sur le fondement de clauses abusives relatives au remboursement d'un prêt en francs suisses et au risque de change supporté par l'emprunteur, doit être fixé à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses.
L'emprunteur peut donc soulever, à tout moment, le caractère abusif d'une clause contractuelle, non seulement en tant que moyen de défense, mais également aux fins de faire déclarer par le juge, le caractère abusif d'une clause contractuelle, de sorte qu'une demande introduite par le consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause, figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, ne saurait être soumise à un quelconque délai de prescription.
L'action qui tend à réputer ces clauses non-écrites est donc imprescriptible et l'action restitutoire qui en découle, doit être intentée dans le délai de cinq années après la décision judiciaire.
Dans ces conditions, la fin de non-recevoir soutenue par la banque - selon laquelle il conviendrait de fixer le point de départ de la prescription à l'année 2014, date à laquelle sa cliente aurait pu et dû, vu les circonstances, constater la difficulté découlant de l'indexation de son prêt à l'évolution du franc suisse - portant sur l'action menée par cette dernière sur le fondement des clauses abusives, sera rejetée.
D'autre part, le sort de la demande formée par l'appelante, fondée sur un défaut d'information, est nécessairement lié à la problématique des clauses contractuelles pouvant être déclarées abusives et donc non opposables. Le délai de prescription portant sur l'action en défaut de conseil, ne saurait alors être considéré comme ayant débuté, que la question du caractère abusif - ou non - des clauses litigieuses n'a pas été réglée. La seconde fin de non-recevoir soutenue par la banque sera dès lors écartée elle aussi. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION A
ORDONNANCE DU 30 OCTOBRE 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/04626. Ordonnance n° 471/23. N° Portalis DBVW-V-B7F-HWOU
ORDONNANCE du 30 octobre 2023 dans l'affaire entre :
REQUÉRANTE et INTIMÉE :
CAISSE DE CRÉDIT AGRICOLE FRANCHE-COMTÉ
prise en la personne de son représentant légal [Adresse 1], [Localité 3], représentée par Maître Laurence FRICK, avocat à la cour
REQUISE et APPELANTE :
Madame X.
[Adresse 2], [Localité 4], représentée par Maître Raphaël REINS, avocat à la cour, (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro XXX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)
Franck WALGENWITZ, Président de chambre à la cour d'appel de Colmar, chargé de la mise en état, assisté lors de l'audience du 22 septembre 2023 de Mme VELLAINE, greffière, après avoir entendu les conseils des parties en leurs explications, statue comme suit par ordonnance contradictoire :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
A la suite de la disjonction de l'instance, la Cour est saisie uniquement des demandes relatives au prêt immobilier n° 560XX66 accordé à Madame X. suivant contrat en date du 19 mars 2008.
Dans le cadre de la procédure au fond, Madame X. fait valoir trois types d'arguments devant la Cour, à savoir :
- que la créance de la CAISSE DE CRÉDIT AGRICOLE FRANCHE-COMTÉ serait prescrite,
- que le contrat contient des clauses abusives et veut en tirer les conséquences
- que la Banque aurait manqué à son obligation d'information et de mise en garde.
La CAISSE DE CRÉDIT AGRICOLE FRANCHE-COMTÉ oppose à Madame X. une fin de non-recevoir non soumise au premier juge, relative à la mise en cause de la responsabilité de la Banque et à la clause abusive.
Madame X. reprend, pour sa part, son argumentation déjà soutenue en première instance, tendant à voir prescrite la demande en paiement de la CAISSE DE CRÉDIT AGRICOLE FRANCHE-COMTÉ.
L'affaire a été appelée à l'audience d'incident du 22 septembre 2023.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1) Sur les fins de non-recevoir soutenues par la banque :
Le conseiller de la mise en état est saisi par la CAISSE DE CRÉDIT AGRICOLE FRANCHE-COMTÉ au titre d'une fin de non-recevoir. Cette fin de non-recevoir relève de la compétence du Conseiller de la mise en état, conformément aux dispositions de l'article 789, 6° du Code de procédure civile.
Le fait que ces fins de non-recevoir n'aient pas été soumises, et donc examinées, au et par le Tribunal de première instance n'a pas pour effet de modifier le périmètre du jugement de première instance - en ce que la banque avait déjà conclu au débouté en première instance - si elle est accueillie et ne constitue pas un fait nouveau. Elle est dès lors recevable.
Sur le fond de ces fins de non-recevoir, la Cour de cassation a jugé, par arrêt rendu le 12 juillet 2023, que le point de départ du délai de prescription de l'action en restitution des sommes versées, sur le fondement de clauses abusives relatives au remboursement d'un prêt en francs suisses et au risque de change supporté par l'emprunteur, doit être fixé à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses.
L'emprunteur peut donc soulever, à tout moment, le caractère abusif d'une clause contractuelle, non seulement en tant que moyen de défense, mais également aux fins de faire déclarer par le juge, le caractère abusif d'une clause contractuelle, de sorte qu'une demande introduite par le consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause, figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, ne saurait être soumise à un quelconque délai de prescription.
L'action qui tend à réputer ces clauses non-écrites est donc imprescriptible et l'action restitutoire qui en découle, doit être intentée dans le délai de cinq années après la décision judiciaire.
Dans ces conditions, la fin de non-recevoir soutenue par la banque - selon laquelle il conviendrait de fixer le point de départ de la prescription à l'année 2014, date à laquelle sa cliente aurait pu et dû, vu les circonstances, constater la difficulté découlant de l'indexation de son prêt à l'évolution du franc suisse - portant sur l'action menée par cette dernière sur le fondement des clauses abusives, sera rejetée.
D'autre part, le sort de la demande formée par l'appelante, fondée sur un défaut d'information, est nécessairement lié à la problématique des clauses contractuelles pouvant être déclarées abusives et donc non opposables. Le délai de prescription portant sur l'action en défaut de conseil, ne saurait alors être considéré comme ayant débuté, que la question du caractère abusif - ou non - des clauses litigieuses n'a pas été réglée. La seconde fin de non-recevoir soutenue par la banque sera dès lors écartée elle aussi.
2) Sur la fin de non-recevoir soutenue par Madame X. :
Madame X. soutient, qu'à défaut pour la banque de justifier de l'historique complet « du compte courant et des règlements réalisés », le conseiller de la mise en état devrait constater la prescription de la demande de la banque, en application des dispositions des articles 218-2 du code de la consommation.
Ce pan de la procédure ne peut relever de la compétence du Conseiller de la Mise en Etat, dans la mesure où cette question a déjà été examinée au fond par le Tribunal de première instance.
Or, conformément à l'avis de la Cour de Cassation du 3 juin 2021 (avis n°21-70.006), les fins de non-recevoir qui ont été examinées par le Tribunal, ne relèvent pas de la compétence du Conseiller de la Mise en Etat.
Il y a par conséquent lieu de se déclarer incompétent, la fin de non-recevoir invoquée par Madame X. relevant de la compétence de la Cour.
Les frais de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance principale.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARE recevables les demandes de fins de non-recevoir soutenues par la CAISSE DE CRÉDIT AGRICOLE FRANCHE-COMTÉ,
- au fond, REJETTE ces fins de non-recevoir pour cause de prescription soutenues par la CAISSE DE CRÉDIT AGRICOLE FRANCHE-COMTÉ,
- SE DÉCLARE incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir soutenue par Madame X., en vue de voir constater la prescription de l'action de la CAISSE DE CRÉDIT AGRICOLE FRANCHE-COMTÉ, cette question ayant déjà été évoquée en première instance,
- RENVOIE le dossier à la mise en état du :
VENDREDI 10 NOVEMBRE 2023, SALLE 31 à 9 HEURES
- DIT que les frais de l'incident suivront ceux de l'instance principale.
LA GREFFIÈRE : LE PRÉSIDENT :